Retour sur la journée mondiale du refus de la misère

Depuis plusieurs années, notre section LDH participe au Collectif 17 octobre, autour notamment d’ATD quart-monde. Pour 2025, c’est le thème de la maltraitance institutionnelle qui était mis en lumière. Lors du rassemblement du 18 octobre à Dijon, place Notre Dame, la LDH a lu un texte de la Fédération des Acteurs de la Solidarité BFC qui évoque une action commune : 

« A Nevers l’espace public n’est plus pour tout le monde

A Nevers, depuis 2024, un arrêté municipal interdit, chaque période de fête et chaque été, la mendicité et la présence prolongée des personnes sans domicile dans une grande partie du centre ville, comprenant des parcs. Sous couvert d’ordre public, il conduit en réalité à exclure les plus pauvres de l’espace public, à les rendre invisibles, à les repousser d’un trottoir à l’autre, parfois en plein soleil et alors que la canicule se fait sentir, lorsque la police municipale leur intime de quitter les zones d’ombre.

Pour la Fédération des Acteurs de la Solidarité, pour ATD-Quart monde, pour la Ligue des Droits de l’Homme, et leurs partenaires, c’est une forme criante de maltraitance institutionnelle quand des politiques publiques censées protéger deviennent des instruments d’exclusion, d’humiliation, de fragilisation. Le message est clair : les pauvres ne sont pas les bienvenu·es dans l’espace public, alors même qu’ils n’ont d’autre patrimoine. 

Notre action a consisté à agir sur plusieurs fronts :
– un recours en justice contre l’arrêté, déposé avec la LDH
– une lettre ouverte aux élu·es pour dénoncer la stigmatisation des plus précaires
– une mobilisation citoyenne pour rappeler que la pauvreté n’est pas une infraction et que nul·le ne devrait être puni·e pour sa misère.

Cette démarche, nous la menons au nom d’un principe simple : le respect de la dignité humaine.
Car la maltraitance institutionnelle ne réside pas seulement dans les actes, mais aussi dans le renoncement collectif à regarder la pauvreté en face. Nous croyons qu’une société juste ne se mesure pas au silence et à l’invisibilisation qu’elle impose à ses pauvres, mais à la place qu’elle leur accorde pour vivre, s’exprimer et être considéré·es comme des citoyen·nes à part entière. »

Fête des Lentillères : prise de parole de la LDH

Nous saluons ce qui se passe dans le quartier, qui a un vrai rôle social, culturel et solidaire, et nous exprimons notre soutien avec ces actions.

Le quartier des Lentillères est un lieu de vie, et un lieu d’accueil et d’hébergement, notamment pour des personnes exilées sans autre solution.

Pour comprendre son utilité particulière, faisons un détour par le constat du mal logement en France : selon la fondation pour le logement des défavorisés, il y a chaque nuit 5000 à 8000 personnes qui dorment dans la rue, dont 1000 à 3000 enfants.

L’actualité dijonnaise a été marquée par ces questions ces derniers mois, en particulier avec la situation de personnes étrangères vulnérables mises délibérément à la rue par des services de l’État ou par le département :

– familles avec enfants expulsées de leur hébergement par décision de la préfecture parce que sans titre de séjour, au mépris de la convention internationale des droits de l’enfant censée engager la France. La mobilisation de parents d’élèves solidaires, d’associations militantes dont la LDH, d’élu·es a permis de trouver des solutions provisoires dans plusieurs cas.

– jeunes isolé·es se présentant comme mineur·es que le président du Conseil Départemental a donné pour consigne de laisser à la rue tant que la justice n’a pas statué sur leur situation. Pourtant, il a l’obligation légale de les mettre à l’abri ! Là aussi, l’engagement associatif, le travail d’avocat·es engagé·es ont permis de faire valoir les droits de certain·es. Mais combien sont plongé·es dans la clandestinité et la misère totale ?

Nous pensons qu’il faut mobiliser toutes les forces possibles pour défendre le droit au logement, qui fait partie des droits humains élémentaires, en ciblant les vrais responsables, État en général et conseil départemental pour les mineurs isolé·es.

L’incendie de deux logements aux Lentillères en février dernier a encore remis ces questions sur la place publique. La LDH Dijon et agglomération avait alors participé à une conférence de presse pour affirmer le rôle utile des Lentillères dans le dispositif d’aide.

Celles et ceux d’entre nous engagé·es au quotidien dans la défense des droits des sans abri et des personnes les plus précaires constatent que les Lentillères sont un lieu utile permettant notamment des solutions d’urgence quand les portes de tous les lieux institutionnels se ferment ou quand des gens ne rentrent dans aucune bonne case administrative. Ainsi, une mère sortant de la maternité avec son nouveau-né n’a trouvé que les Lentillères comme abri en attendant que soit obtenue pour elle une place en CADA. Son « crime », celui du bébé ? elle était en procédure Dublin, étant passée par un autre pays européen avant de demander l’asile en France. Ces personnes doivent attendre 18 mois dans la clandestinité avant de déposer leur demande, mais sont quand même ensuite privées de toute aide matérielle.

Et comme l’exprime une militante (je cite) « SOS Refoulement peut largement confirmer à quel point l’accueil solidaire pratiqué au quartier des Lentillères est précieux pour tellement de personnes qui trouvent là-bas un toit mais pas seulement : aussi de l’humain et un sens à la survie ».

Car effectivement, il se passe plein de choses aux Lentillères : on co-jardine, on chante, on danse, on s’exprime et on réfléchit, on joue, on s’informe, on co-bricole dans différents chantiers, on participe à des ateliers, on se retrouve pour un concert ou un spectacle théâtral à la Grange rose, on mange à la Chouchou, la cantine solidaire, on va au marché à prix libres, et on peut même apprendre à conduire ou cuire du pain ! En bref, on trouve du partage, de l’écoute et de l’entraide.

Et pour que ces activités continuent, il faut que les différents espaces qui les accueillent puissent perdurer. Nous réaffirmons notre attachement à l’existence de ce lieu unique, et nous souhaitons évidemment qu’un accord soit trouvé avec la mairie dans ce sens.

Un lieu unique, oui, connu dans bien des villes et des régions en France et plus largement en Europe. Un lieu qui intéresse vivement bon nombre d’étudiant·es, de chercheur·euses, de journalistes.

Et puis ce qui lie les Lentillères et la LDH, c’est aussi la solidarité face à la répression, comme lors de la découverte des caméras espionnant le quartier et les Tanneries, ou pour répondre aux amendes suite aux casserolades du printemps 2023. Pour défendre les droits et libertés, pour lutter contre la surveillance et le fichage généralisé, contre la répression des actions militantes, nous devons continuer à nous serrer les coudes, à être vigilant·es ensemble.

Alors, bon anniversaire, et longue vie aux Lentillères !