Nice – Adresse aux élus de l’opposition républicaine –

 

 

GABARIT-LDH-SECTIONS

Adresse aux élus de l’opposition républicaine du conseil municipal de la commune de Nice

« La démocratie pure peut engendrer la démagogie. Le remède à cette pente dangereuse c’est notre république #colloquejihad » – M. Christian Estrosi – Twitter 24/01/2015

Nous venons de vivre des événements d’une grande violence, lesquels vont sans doute influencer, pour une longue période, la vie politique de notre pays et notre ville, gérée depuis des lustres par la droite la plus réactionnaire, en ces moments de grande inquiétude, a su montrer à la hauteur de sa réputation. Nous en voulons pour preuve la grand messe médiatique organisée dans la précipitation, sous couvert d’un conseil municipal extraordinaire, par notre maire, lequel, à l’évidence, se contenterait d’un république, certes démocratique, ma non troppo.

Dans un élan d’une unité républicaine bien factice, vous avez voté, à notre grand étonnement, quatorze délibérations, certaines insignifiantes, d’autres sans doute utiles et plusieurs potentiellement dangereuses pour les libertés publiques.

Vous avez voté, comme un seul homme, la délibération n°1-3 « Commerces de proximité, politique en matière de fermetures tardives » alors que saviez parfaitement que cette délibération vise de façon à peine voilée les petits commerces maghrébins du centre ville. Vous avez voté cette délibération « Considérant les attentats perpétrés en France les 7, 8 et 9 janvier 2015 » suscitant la suspicion et jetant l’opprobre sur une population harcelée en permanence et de longue date, par des arrêtés municipaux, sans qu’il y ait eu à cette époque l’ombre d’une menace terroriste. Vous avez prêté votre concours à cette basse manœuvre.

Vous avez voté la délibération n° 0.4 «Décision de principe d’autoriser la transmission d’images de caméras privées au centre de supervision urbain.» alors que vous saviez parfaitement que ce sont principalement les immeubles gérés par l’office HLM qui sont visés par cette délibération, que l’objectif réel est d’intensifier le contrôle policier qui s »exerce sur les populations « des quartiers », que malheureusement, ce ne sont pas les caméras vidéo qui vont arrêter les terroristes déterminés et aguerris.

Bien que cette mesure ne soit envisageable que « lors de circonstances faisant redouter la commission imminente d’une atteinte grave aux biens ou aux personnes », une fois ces circonstances disparues, il sera, dans la pratique, impossible d’en contrôler leur stricte application. Si vous avez eu connaissance d’un quelconque rapport ou observation de la fantomatique « Commission départementale de la vidéoprotection » des Alpes Maritimes, nous vous serions reconnaissants de nous en communiquer une copie. En tout état de cause, la Cour des Comptes, dans son rapport sur « L’organisation et la gestion des forces de sécurité publique » (7/7/2011), indiquait : « Le taux d’élucidation des faits de délinquance de proximité n’a pas davantage progressé dans les circonscriptions de sécurité publique (CSP) équipées de caméras de vidéosurveillance de la voie publique que dans celles qui ne le sont pas. ». Ne pensez-vous pas que les 400.000€ consacrés à ces caméras supplémentaires auraient pu être investis plus efficacement pour favoriser l’insertion sociale de jeunes désœuvrés, potentiellement victimes des leaders jihadistes qui nous menacent ? La menace est réelle, nous le savons tous ; mais, favoriser la mise en place des dispositifs liberticides est une très mauvaise réponse à cette menace.

Vous avez voté la délibération n° 8.1 « Mesures complémentaires de sécurité pour les moyens informatiques d’accès à internet mis à disposition du public.» enjoignant aux fournisseurs d’accès à internet (F.A.I) de bien vouloir respecter la loi, comme si ces grandes entreprises internationales avaient attendu les rodomontades médiatiques de M. le maire de Nice pour appliquer la loi ; moins comique, mais plus grave : vous avez autorisé notre maire d’opérer sur les moyens mis à disposition du public, sans plus de précisions, « une surveillance particulière de l’utilisation de ces moyens par le public. ». Ainsi donc, la surveillance des communications internet déjà exercée par les services compétents de l’Etat serait dédoublée, en parallèle, par une surveillance exercée sous les ordres du maire.

Nous savons parfaitement que la menace terroriste plane toujours sur notre ville, notre région, notre pays. L’Etat et c’est son rôle, a pris toute une série de mesures pour garantir la sécurité des citoyens, même si certaines sont, à nos yeux, contestables ; pour autant, nous n’avons pas connaissance que d’autres collectivités territoriales aient pris, dans la précipitation et le battage médiatique, comme cela a été fait à Nice, certaines mesures dont l’objectif réel est le contrôle purement policier de la population par des élus locaux.

Nous sommes atterrés : vous avez prêté votre concours zélé à cette triste comédie.

« il y a d’autres façons de porter atteinte à l’Etat de droit que par la guerre ou l’état d’exception. Au nom de la prévention du terrorisme », la législation de ce pays « utilise » déjà « des pratiques dérogatoires d’évitement du juge judiciaire au profit de pouvoirs de plus en plus larges confiés à l’administration ou à la police, constituant un véritable régime de police qui ne dit pas son nom ».

Mireille Delmas-Marty, professeure honoraire au Collège de France, citée par O. Le Cour Grandmaison politologue.