Les réflexes pavloviens de M. Estrosi

Dans le cadre des traditionnelles opérations médiatiques liées à la rentrée des classes, un élu local s’est particulièrement distingué cette année : M. Estrosi. En effet, dans la semaine de la rentrée, le maire de Nice a trouvé un nouveau sujet pour « faire le buzz » : l’ouverture du collège Avicenne à Nice, collège confessionnel musulman.

Engagé dans un combat électoral quasi fratricide avec le Front National, dans une région PACA mar­quée par l’histoire de la décolonisation, une démographie et un profil socio-économique de sa po­pulation qui déterminent un vote particulièrement conservateur, M. Estrosi se livre à une surenchère autour du triptyque idéologique qui était il y a quelques années encore le pré carré du FN : immigra­tion, islam, sécurité.

Un twitt, une page Facebook et c’est parti ! Ajoutons un article dans la presse locale, plutôt équilibré, mais présentant un maire à l’offensive, qui « menace », « part en campagne » et qui « attaque », sans souffler mot du contexte lié aux élections régionales (Nice Matin 04/09/2015). Pour accéder à l’article, cliquez ici :   Article de NM   ( pour lire, utilisez la fonction « rotation horaire » ) :

Nous le savons, l’évocation du substantif « musulman » provoque depuis quelques années chez le maire de Nice un réflexe pavlovien d’exigence de garanties, de contrôles en tout genre, demandes jamais formulées lors de l’ouverture des nombreux établissements privés locaux. M. Estrosi in­voque de « potentielles dérives » qui guetteraient, à priori, ce collège musulman, instillant l’idée particulièrement pernicieuse que musulman serait égal à danger.

Toute aussi grave est la demande formulée par le maire de Nice qui exige à présent qu’on lui pré­sente les « éléments attestant le respect des bonnes mœurs » de la part du personnel du collège, comme si, malgré la mise en œuvre de la  procédure de contrôle prévue par la loi, le personnel musulman était particulièrement susceptible d’être de mauvaises mœurs.

En effet et le maire de Nice le sait, l’ouverture d’un établissement privé d’enseignement est soumise à une longue procédure administrative déterminée par la loi (1) et dans laquelle interviennent successivement, le Recteur de l’académie, le Conseil aca­démique de l’Education Nationale, le Procureur de la République et, enfin le Prefet, lesquels, en ver­tu de l’article L 441-7 du Code de l’Education « peuvent s’opposer à l’ouverture de l’établisse­ment, dans l’intérêt des bonnes mœurs ou de l’hygiène ». (2)

Il semblerait que les garanties fournies par le travail des trois plus hauts fonctionnaires de l’Etat du Département ne soient pas suffisantes aux yeux du maire de Nice, pas plus que le dispositif légal prévu pour le contrôle du fonctionnement des établissements (3). Il prétend déposer une proposi­tion de loi pour que soit établi « un contrat d’association avec l’Etat » sans expliquer le moins du monde ce que le dit contrat apporterait de plus comme garanties que lourd dispositif législatif actuellement en vigueur.

M. Estrosi ne s’est jamais autant intéressé à l’ouverture d’un établissement privé d’enseignement que dans un contexte où il cherche à séduire l’électorat d’extrême droite, affirmant une nouvelle fois que l’islamophobie n’est plus la propriété du seul FN.

(1) Code de l’Education, pour l’essentiel : Livre IV, Titre IV, chapitre Ier : ouverture des établissements d’enseignement privés (article L441-5 et suivants ).  cliquez ici  : Article L441-5

(2) On observera que le maire peut aussi s’opposer à l’ouverture d’un établissent privé d’enseignement ; en effet, l’article L441-1 du Code de l’Education dispose que « Si le maire juge que les locaux ne sont pas convenables, pour des raisons tirées de l’intérêt des bonnes mœurs ou de l’hygiène, il forme, dans les huit jours, opposition à l’ouverture de l’école, et en informe le demandeur. »

(3)  Cliquez ici : Contrôle de l’Etat sur les établissements privés d’enseignement