Cannes fausse tentative d’enlèvement – La presse, le simple d’esprit et les crétins

Tragi-comédie en trois actes

Les faits se sont déroulés le jeudi 18 septembre 2014 aux abords d’un lycée privé de Cannes. Le site internet de Nice Matin en rend compte le jour même et les éditions papier le lendemain.

Acte I

Le 18/09/2014 Nice Matin publie (internet) :

« Un enfant de neuf ans a été approché par un individu qui lui a proposé de le raccompagner chez lui, ce jeudi après-midi à la sortie des cours, devant l’institut Stanislas de Cannes.

L’homme, souffrant visiblement de troubles mentaux, a affirmé à l’enfant que son père lui avait demandé de le ramener chez lui. Mais le père du garçonnet, qui se trouvait à quelques mètres de là, s’est alors interposé.

Il a ensuite alerté la police municipale qui a interpellé l’individu et l’a amené au commissariat. Le père de famille n’a pourtant pas pu porter plainte. On lui a expliqué que l’homme n’ayant pas touché l’enfant, on ne pouvait considérer ces faits comme une tentative d’enlèvement.

Il a donc dû se contenter de déposer une main courante et l’homme qui avait abordé son fils est sorti libre et sans poursuites du commissariat.

Le papa cannois a le soir-même adressé un mail au Garde des Sceaux pour s’indigner de cette situation. « Faudra-t-il qu’un enfant soit tué ou violé pour que quelque chose soit fait? » s’indigne-t-il. »

Acte II

L’angoisse du père directement concerné est compréhensible ; mais, à partir de là, comme à chaque fois, un tombereau de commentaires haineux se déverse sur le site internet, au milieu de quelques rares considérations un peu plus sensées ; et encore ! On imagine que le modérateur de Nice Matin a dû faire chauffer la touche « suppr » de son clavier, pour épargner au lecteur les commentaires les plus gratinés. Au 28/09/2014, 44 commentaires accompagnaient cet article ; les deux copies d’écran ci-dessous ne sont qu’un bref échantillon de cette prose répugnante :

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« l’homme n’ayant pas touché l’enfant, on ne pouvait considérer ces faits comme une tentative d’enlèvement », cette formulation que l’on qualifiera, par euphémisme, de maladroite, à l’emporte pièce, bien entendu, déchaîne les passions, sur l’air de «  c’est la faute à la justice laxiste ».

Acte III

Une semaine plus tard, Nice Matin met en ligne, le 25 septembre, un rectificatif très complet :

« Il semble en fait qu’il y ait eu méprise. Selon le Procureur de la république de Grasse, Georges Guttierez, «la personne mise en cause qui est un déficient mental est entrée en contact avec l’enfant par erreur : il était venu récupérer un autre enfant pour lequel il croyait de bonne foi avoir l’autorisation parentale de le ramener à son domicile. Il s’est non seulement trompé d’élève mais aussi d’établissement.

L’ensemble des auditions effectuées ont corroboré la version donnée dès le départ par le jeune adulte handicapé qui n’avait aucune intention malveillante. Celui-ci est inconnu des services de police et n’est pas considéré comme dangereux». »

On appréciera le « il semble » par lequel commence l’article. Au 28/09/2014 un seul commentaire, piteux, est enregistré !

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On peut donc regretter que, dans le premier article daté du 18 septembre, le journaliste se soit contenté de faire une relation purement factuelle, sans l’ombre du début du commencement d’une enquête, sauf à l’évidence, un contact avec la police. La personne incriminée étant affectée « de troubles mentaux » cela aurait dû l’inciter à pousser un peu plus loin ses investigations ou au, minimum, à employer le conditionnel. Comment le pourrait-il, puisque les faits se sont déroulés, le jour même, seulement quelques heures avant ? A trop vouloir faire dans l’instantané, on finit par faire dans le bâclé.

Tout cela serait sans conséquences, si l’on se fie à la règle selon laquelle, sur internet, « une information chasse l’autre ». Sauf que le père de l’enfant diffuse illico la photographie de la personne suspectée sur les réseaux sociaux ; que se serait-il passé si elle avait été reconnue dans la rue, importunée, agressée ?

On pense immanquablement à l’ouvrage de Jean Teulé « Mangez le si vous voulez » basé sur un fait véridique survenu en 1870 pendant la guerre contre la Prusse et dans laquelle un simple quiproquo tourne mal, vraiment très mal.

« Prussien ! Coquin ! Coquin ! » Et ces gens autour d’Alain rient, se vantent, jouent au plus ignoble pour épater le voisin, faire voir combien ils sont pour Napoléon III et ne s’en laissent pas conter par un Prussien sauf que… de Monéys n’est pas prussien. Mais il ne les dément plus. Las des choses tentées, fatigué d’appels superflus, usé d’avoir splendi sur tant d’ombres, il les laisse le traîner sans opposer la moindre résistance. Certains de ses bourreaux sont fatigués aussi. On en voit déambuler, hagards, avec leur bâton sanglant à la main : « Deux heures passées à cogner sur un type, ça crève. » […]

 Mais monsieur le maire, plutôt que de faire l’important en remuant vos pompons, aidez-nous à le sauver ! C’est une abomination ce qui se passe dans votre bourg !

 De quoi vous mêlez-vous, vous ?

 Je me mêle qu’on massacre quelqu’un et que vous ne faites rien !

Le premier magistrat de la commune s’avance d’un pas vers de Monéys et s’adresse à ceux qui le tirent par les chevilles :

 Ôtez cet homme de là. Il gêne la circulation. Emmenez-le plus loin.

Antony, effondré, soupire. Buisson et Mazière demandent à Bernard Mathieu :

 Pour en faire quoi, plus loin ?…

 Ce que vous voudrez ! répond le maire totalement dépassé par les événements. Mangez-le si vous voulez. »

Et en effet, ils le mangèrent !

Ville de Nice : et un ! et deux ! et trois arrêtés retoqués … mais il y en aura d’autres

Après l’annulation de l’arrêté dit « anti épiceries », puis celle de l’arrêté « anti bivouac », voici donc, en l’espace de quelques mois, qu’un troisième arrêté municipal, celui dit « anti drapeaux » est suspendu, avant, n’en doutons pas, d’être annulé.

A ce jour, l’arrêté « anti drapeaux » a été suspendu par le tribunal administratif de Nice, ce qui veut dire que personne ne peut s’en prévaloir et, encore moins, le mettre en application ; celui qui le ferait, commettrait une très grave atteinte aux libertés publiques.

Les associations de défense des droits de l’Homme de la métropole niçoise souhaitent, une fois de plus, que M. le préfet des Alpes Maritimes , représentant de l’Etat, exerce enfin à l’égard des arrêtés de la ville de Nice, le contrôle de légalité qui lui incombe.

Si certains pensent que M. le maire de Nice va se le tenir pour dit, ils se trompent. Il y aura d’autres arrêtés de même facture. En effet, ce qui est recherché à travers ce type d’arrêtés, ce n’est pas le maintien de l’ordre ou la tranquillité des Niçois et, encore moins, la légalité républicaine, mais le « buzz médiatique ».

Il s’agit en l’occurrence d’un « buzz » spécifique, qui s’adresse à un public parfaitement ciblé : celui que convoite aussi le F.N, supposé proliférer dans notre département : le Tea Party à la sauce niçoise. L’analyse des trois arrêtés en cause le montre amplement : le fil conducteur, le message subliminal qu’ils comportent tous les trois est un message de détestation envers l’étranger, le pauvre, le déclassé, l’Autre.

Ordonnance de suspension  du tribunal administratif  de Nice :  http://http://goo.gl/14IZcP

Comprendre la contrainte pénale

Comprendre la contrainte pénale – par Jacques Le Bohec pour le magazine « Golias-Hébdo » (n° 342)
via le blog de Laurent Mucchielli : www.laurent-mucchielli.org

Le président de la République craignait manifestement la discussion d’un projet de loi qui conduirait à diminuer le recours à une peine de prison. Ce texte a été présenté le 10 juin à l’Assemblée nationale et vient d’être adopté en première lecture ; il vient d’être examiné par le Sénat, qui en adopté une version légèrement modifiée (faisant de la contrainte pénale la peine par défaut pour plusieurs types de délits), entraînant la formation prochaine d’une commission mixte paritaire. Ce sera peut-être la seule réforme vraiment de gauche de la législature. Ce n’est pas un hasard si toutes les forces qui se revendiquent de la gauche soutiennent ce texte, malgré les dissensions internes actuelles au parti socialiste et la césure de la majorité avec les écologistes et le Front de gauche. Il n’empêche que la discussion est surveillée de près par l’Elysée et Matignon, représentés par Jean-Marie Le Guen (ministre). Il n’est pas question à leurs yeux de déroger à l’arbitrage présidentiel d’août 2013 entre Christiane Taubira, la garde des sceaux, et Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur.
La crainte était et est toujours de prêter le flanc à l’accusation de laxisme. Ce terme renvoie à l’idée que l’on préférerait les délinquants aux victimes, que l’on ferait de l’angélisme humaniste alors qu’il faut punir crimes et délits avec la plus grande sévérité. La morale implicite de cette accusation est celle de la répression alors que celle du texte en discussion est celle de la prévention (de la récidive délictuelle). La dichotomie est classique et convenue, mais souvent éloignée de la réalité des choses et de l’efficacité : c’est en effet sous Nicolas Sarkozy qu’ont été adoptées en 2009 des mesures d’évitement de la prison ; ainsi l’article 723-15 du code de procédure pénale dispose que, pour toutes les peines inférieures à 2 ans sans récidive, le juge d’application des peines est saisi pour aménagement. Il y a actuellement déjà 21% des condamnés qui bénéficient d’un aménagement et qui ne sont donc pas écroués.
Pour désamorcer une controverse virulente et démagogique, potentiellement attisée par le désir de se venger de C. Taubira, qui avait défendu le mariage homosexuel, un ensemble tactique a été mis en place : (1) renvoyer la discussion après les scrutins municipaux et européen du printemps ; (2) faciliter pédagogiquement la prise de conscience par un travail préparatoire par une conférence de consensus et en commission des lois ; (3) imaginer une diversion, à savoir la provocation de la réforme territoriale, os à ronger pour les partis d’oppositions et les médias ; (4) décider d’une procédure accélérée limitant la discussion à 30 heures afin d’éviter l’obstruction à la chambre ; associer les associations de victimes (rencontre avec C. Taubira le 4 septembre 2013) ; (5) associer des parlementaires de droite à la préparation, ; (6) le fait que la loi ne traite que des délits et pas des crimes, ce qui offrait moins de possibilités d’en faire des tonnes, comme nous l’a indiqué Dominique Raimbourg dans un interview téléphonique exclusive (voir infra).
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C’est plutôt bien vu. Mais si les choses se passent plutôt bien, c’est aussi grâce (1) à l’affaire « Bigmillion » qui démobilise, fragilise l’UMP affaiblit sa rhétorique anti laxiste habituelle (Ciotti, Estrosi, Jacob, Hortefeux, etc.), (2) aux commémorations du débarquement en Normandie et à la reine d’Angleterre, qui ont occupé les médias, (3) aux meurtres perpétrés au musée juif de Bruxelles par un jeune Français (Mehdi Nemmouche) qui s’est radicalisé religieusement en prison, (4) au rabibochage ponctuel des forces de gauche qui sert de « gage » à l’ancrage à gauche des gouvernants : « Il faut arrêter de désespérer la gauche », lança le député Matthias Felk et… (5) aux menaces de condamnation pénale qui pèsent sur certains politiques. Durant l’examen du texte, il y a cependant eu un clash, C. Taubira (négligente ? malicieuse ?) ayant laissé passer un amendement étendant la contrainte pénale à tous les délits (jusqu’à 10 ans encourus) alors que l’arbitrage Taubira/Valls la limitait à 5 ans…
On ajoutera que, depuis plusieurs années, de nombreux livres, reportages, documentaires et films de fiction (tel que Le prophète) ont fait évoluer la perception de la prison comme punition dissuasive et vindicative. On est loin de la marginalité d’une chanson comme « Le Mitard » du groupe de hard rock Trust. Il est désormais plus facile de dire que la prison est l’école du crime. Ô surprise !, même Christine Boutin, qui avait été touchée par les conditions de vie des détenus, a soutenu le texte : « L’enfermement systématique n’est pas la solution ». Les interventions de Pierre Botton, incarcéré dans l’affaire d’abus de biens sociaux dite Noir-Botton, vont également dans cette direction. Avec la force de son expérience, qui embarrassa tant un des orateurs de l’UMP, Frédéric Lefebvre, il asséna plusieurs fois certaines vérités de ce genre, à savoir qu’à la sortie de prison, il « bénéficiait » de connaissances favorisant la récidive dont il ne disposait pas en entrant (malgré sa cellule « VIP », à l’écart).
On sait aussi que le passage par la prison est une étape dans une carrière délinquante, que cela octroie au condamné une fois sorti un brevet de « dur », voire un statut de « caïd ». Lors de son intervention très ironique dans l’hémicycle, C. Taubira rappela une évidence à faire frémir… : « Ces personnes reviennent dans le corps social ! ». Les détenus sont en effet voués à sortir alors que le caractère dissuasif de l’incarcération est infinitésimal. Cependant, elle-même et le député un peu à l’origine de ce texte présenté en Conseil des Ministres à l’époque de Jean-Marc Ayrault (9 octobre 2013), D. Raimbourg (Loire-Atlantique) son ancien adjoint à la tranquillité publique pour Nantes, ont essayé de nier l’objectif de « vider les prisons ». Plutôt que d’annoncer une telle intention, ils ont préféré une rhétorique technique basée sur les formulations du texte. Le député nous indique que la loi devrait diminuer le nombre de jours de prison à hauteur de 4000 détenus en moins d’ici 2017. Avec quelques milliers de places déjà programmées, c’est seulement un ajustement entre places et détenus qui se profile à l’horizon.
L’évolution des idées n’est donc pas complète au contraire de ce qui se passe en Suède ou aux Pays-bas. Surtout, une évolution statistique (souhaitée ?) fut fort utile pour résister à cette accusation : les effectifs ont augmenté de 1017 et battu tous les records de février 2013 à février 2014 (blog de Pierre-Victor Tournier). Cela a permis à la ministre d’ironiser en séance en disant qu’elle serait bien incompétente si elle avait
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cherché à vider les prisons… On est actuellement à environ 116% de surpopulation carcérale (67075 pour 57516 places). La solution de l’UMP sarkozyste était de construire de nouvelles prisons et d’encourager les PPP (partenariats public-privé), ce qui enchantait les entreprises de BTP et autres firmes privées. C. Taubira et D. Raimbourg s’affirment opposés à cette privatisation de la gestion des prisons au nom de leur fonction régalienne, même si pas mal de choses sont déjà externalisées (blanchisserie, restauration, etc.).
Or, quand on examine les choses en détails, plein de choses ne vont pas, que le texte de loi ne réglera que très partiellement : 25% des détenus sont en détention provisoire et sont donc présumés innocents ; 20-25% des détenus sont des malades psychiatriques et placés là faute de lits (20000 en moins dans les asiles en 15 ans) ; de nombreuses peines ne sont pas exécutées tout de suite faute de place et interviennent à un moment où elles n’ont plus de sens ; une grande partie des délits sont liés au trafic de drogues douces illicites (cannabis) alors que des drogues plus nocives sont licites pour des raisons de lobbies (tabac, alcool) ; l’institution judiciaire ne sait que faire des mineurs condamnés (n=737), les centres éducatifs fermés étant un échec ; le travail en prison s’assimile à de l’esclavage parce qu’il n’est pas rémunéré normalement et suffit toute juste à cantiner ; les toxicomanes ne sont ni traités ni sevrés en prison et ressortent dans le même état (34%) ; l’administration pénitentiaire tolère des produits divers (psychotropes, somnifères, cannabis, substitution), l’essentiel pour eux étant l’absence de mutinerie et un niveau de violences et de suicides « acceptable » (d’où son soutien aux parloirs familiaux et aux remises de peine) ; dans les cellules, les prisonniers sont mélangés dans les cellules à 4-5 quelle que soit la nature de leur délit ou crime ou leur âge ; dans les grandes prisons (autre tabou), les prisonniers sont rassemblés par origine pour diminuer les violences ; les prisons sont un lieu d’intense et d’efficace activité prosélyte pour des prédicateurs musulmans fanatiques ; les peines prononcées après une détention provisoire tendent à se calquer sur celle-ci pour éviter des indemnités futures et un désaveu des juges… ; les brutalités et les humiliations perpétrées par les gardiens sont occultées ; les nouvelles prisons (Corbas à Lyon, par exemple) sont considérées comme inhumaines car isolant excessivement les résidents (détenus et matons).
Autrement dit, une très grande partie des détenus ne devrait pas être incarcérée. Et l’on pourrait parler aussi des délits routiers et des non paiements de pension alimentaire. À travers la discussion de ce texte de loi, on voit bien comment la morale humaniste rejoint l’efficacité (lutte contre la récidive). La prison pose au moins autant de problèmes qu’elle n’en règle. Le bilan répressif des gouvernements de droite est clairement négatif (d’où l’intérêt d’avoir des idiots utiles qui estiment que M. Valls fut inefficace place Beauvau en tordant ses chiffres). La loi entend éviter les sorties « sèches », sans accompagnement, d’où l’importance renouvelée de la SPIP et du JAP : service pénitentiaire d’insertion et de probation (qui recrute en ce moment) ; juge d’application des peines (celui-ci aura un rôle éminent). Elle veut aussi supprimer les automatismes (fameuses peines plancher, révocations de sursis à la majorité) et individualiser les peines. Rappelons que c’est son incarcération suite à des sursis tombés à cause d’un défaut de permis de conduire qui a fait basculer Mohamed Merah (fort sentiment d’injustice). Néanmoins, M. Valls a réussi à maintenir une période d’essai
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pour la contrainte pénale, la rétention de sûreté et les tribunaux correctionnels pour mineurs. Pour Serge Portelli, magistrat de renom, la contrainte pénale est proche du sursis avec mise à l’épreuve (TIG, semi-liberté, bracelet électronique, etc.) et craint que les magistrats répressifs, dubitatifs, blasés ou perclus de routines ne l’adoptent pas.
Les différents personnels de justice, quant à eux, craignent qu’il ne s’agisse que d’une loi de plus, dont les décrets tarderont, avec une période de latence où ils ne sauront plus quelle loi s’applique, qui ne sera appliquée qu’avec parcimonie. D’après D. Raimbourg, les réticences de M. Valls ministre sont surtout celles des personnels de police et de gendarmerie, qui craignent qu’une partie du travail de suivi leur revienne à moyens constants. De fait, pour qu’il y ait une exécution immédiate de la contrainte pénale, les moyens financiers et humains mis à la disposition de la SPIP et du JAP risquent de ne pas suffire. Mais pour éviter la récidive, outre l’accompagnement institutionnel de délinquants jeunes souvent laissés à eux-mêmes, il faudrait leur proposer une insertion sociale et une stabilité par des emplois décents que personne n’est en mesure de leur offrir, les exposant à trouver des moyens de subsistance alternatifs ; le chômage ne cesse d’augmenter de mois en mois. C’est une quadrature du cercle génératrice de souffrances en interne (fort sentiment d’impuissance).
Il faut enfin préciser que ce texte a été en partie porté par D. Raimbourg au moins depuis 2010, date à laquelle il avait déposé une proposition, « provocatrice », dit-il, rejetée par le gouvernement Fillon. Ce député apparaît comme quelqu’un de sensible aux souffrances d’autrui. Il est l’auteur, avec le député UMP Sébastien Huygue, d’un rapport d’information (n° 652, 23 janvier 2013) sur les moyens de la lutte contre la surpopulation carcérale. Vice-président de la Commission des lois, avocat pénaliste, il fut vice-président d’un groupe d’études sur les conditions de vie en prison et milite pour un meilleur accueil des Roms en France. Auteur d’un rapport sur le droit pénal des mineurs pour la Fondation Jean Jaurès, il est logiquement le rapporteur du projet à l’Assemblée nationale. Son parcours politique est intéressant parce qu’il a d’abord milité à l’extrême gauche (Alliance marxiste révolutionnaire) puis au PCF (1976) avant d’adhérer au PS en 1981. Dans une des rares interviews où il s’exprime sur son père (dépêche AFP, 29 septembre 2012), André Raimbourg alias Bourvil, il effectue une lecture marxiste de films comme La Traversée de Paris et La Grande vadrouille (on ajouterait Le Corniaud), ces longs métrages défendant l’idée d’une égalité de valeur entre tous les hommes quels que soient leurs statuts sociaux respectifs.
Jacques Le Bohec
20 juin 2014

 

Aide juridictionnelle : chronique d’une mort annocée

Syndicat des avocats de France (SAF) Juin 2014.

Monsieur le Premier ministre, Madame la ministre de la justice, Garde des sceaux, Monsieur le secrétaire d’Etat au budget,

lors de la discussion de la loi de finances en octobre 2013, la mobilisation des avocats avait permis la suspension d’une baisse sans précédent du budget de l’aide juridictionnelle. Constatant l’importance de « l’accès au juge et la reconnaissance des droits de ceux dont les revenus sont particulièrement bas », madame la garde des sceaux s’était alors engagée à proposer une réforme personne de l’aide juridictionnelle début mars 2014.

La suite ici : SAF AJ JUIN 2014 PETITION

Signez la pétition !

Nouvelle relaxe, il est temps d’abroger les circulaires Alliot-Marie et Mercier

Communiqué LDH

Paris, le 20 mai 2014

Nouvelle relaxe, il est temps d’abroger les circulaires Alliot-Marie et Mercier

La Ligue des droits de l’Homme se félicite de la relaxe prononcée par la cour d’appel de Montpellier à l’encontre des trois militants s’inscrivant dans la campagne dite « Boycott-Désinvestissement-Sanctions » (BDS) ayant fait l’objet de poursuites pour incitation à la haine raciale. Il leur était reproché d’avoir appelé au boycott des produits exportés par Israël dans le cadre d’une dénonciation de la colonisation, le 15 mai 2010, dans un magasin Carrefour.

 Comme pour d’autres affaires similaires, la Ligue des droits de l’Homme réaffirme que ces poursuites étaient non seulement injustifiées mais extrêmement choquantes, l’acte de ces militants ne pouvant une seule seconde être considéré sérieusement comme une incitation à la haine antisémite. Plus généralement, la LDH refuse que toute critique de la politique des gouvernants israéliens et tout acte d’opposition aux graves violations des droits de l’Homme, dont ces gouvernants se rendent coupables depuis des années, soient taxés d’antisémitisme : cet amalgame est non seulement insultant pour les citoyens qui émettent ces critiques mais extrêmement dangereux, y compris pour la lutte contre la haine antisémite que la LDH mène depuis son origine même.

 Appliquer le droit international, c’est bien sûr respecter les droits du peuple palestinien, aujourd’hui victime d’un déni d’existence par les autorités israéliennes et la communauté internationale. C’est, d’ores et déjà, appliquer à la lettre la loi de l’Union européenne et permettre à chacun de distinguer entre les produits fabriqués en Israël et ceux fabriqués dans les colonies qui peuvent légitimement faire l’objet d’un boycott.

  La cour d’appel de Montpellier confirme ainsi le refus de la justice d’être instrumentalisé. La LDH renouvelle sa demande qu’il soit retiré les circulaires dite Alliot-Marie du 12 février 2010 et Mercier du 15 mai 2012 enjoignant au Parquet d’engager systématiquement des poursuites.