Le projet de loi confortant les principes républicains est un texte pernicieux, exclusivement répressif, dépourvu de toute mesure pour légitimer concrètement l’idéal républicain d’égalité. Loin de garantir les libertés comme annoncé, il ne pose que des interdits touchant les collectivités, les entreprises, les cultes et tous les citoyens. Il porte en lui un risque énorme de divisions, d’arbitraire et de discriminations.
Devant d’abord s’appeler « Loi contre les séparatismes », elle est devenue une « Loi confortant les principes républicains » car pour le Président et son gouvernement, il ne s’agissait soi-disant pas d’une lutte contre l’Islam. Pour autant, la philosophie du Président de la République se situe bien dans une rhétorique stigmatisante. Les attentats existent mais en surfant sur une narration de la « France assiégée » dont l’ennemi infiltrerait les quartiers populaires, dont la dynamique serait l’instrumentalisation de l’Islam, le pouvoir cherche à construire un imaginaire de la nation en danger face à un ennemi de l’intérieur. Les musulmans seraient enfermés dans une religion insuffisamment française qu’il faudrait transformer en un hypothétique Islam des Lumières. Le propos présidentiel autour de la nation menacée renvoie aux précédents sur l’identité nationale ou sur la déchéance de nationalité.
Pourtant, à l’agitation sur le séparatisme, à la caricature du communautarisme, il faut préférer la défense de la laïcité et d’une démocratie pacifiée.
Les carences de la République dans les quartiers ont aussi laissé prospérer des ségrégations. Pour bon nombre de familles y vivant, à la peur du devenir pour leurs enfants, peur qu’ils tournent mal, peur du piège du chômage de classe, peur du racisme, des violences policières ; il y a depuis deux décennies celle de la peur de l’Islam radical.
Cette insécurité s’est développée sur des situations concrètes : les violences quotidiennes, les ségrégations spatiales, les immeubles délaissés, la malpropreté, la solitude, l’absence d’intervention des services publics, la dégradation de l’espace public, le trafic de drogue incessant à la vue de tous, les tensions intergénérationnelles.
A la section nazairienne de la LDH, face à ce modèle de la « République assiégée et unie derrière ses valeurs uniques », nous préférons une culture de la laïcité cherchant à prendre appui sur les « croyants raisonnables ». Il faut conforter les initiatives des quartiers et de ses habitants, soutenir les associations d’éducation populaire, se référer à la plasticité des identités et à la combinaison des valeurs et leur fédération à un projet politique plutôt que courir derrière un soi-disant choc des civilisations.
La section tient aussi à préciser que ce combat républicain ne doit aucunement entretenir des ambiguïtés avec toutes celles et ceux qui, se réclamant de l’Islam, sèment la terreur et assassinent.
Mais ce n’est pas par de nouveaux textes qui viendront encore plus museler la liberté associative, la liberté de conscience et de culte et la laïcité que nous arriverons à une démocratie pacifiée.
La LDH s’interroge sur les raisons motivant le nouveau contrat d’engagement républicain pour les associations recevant des subventions tel que prévu dans le projet de loi. C’est donc la loi Waldeck-Rousseau de 1901 qui est mise à mal et c’est aussi le risque d’imputer aux associations les agissements de certains de leurs membres.
C’est une philosophie concordataire de la laïcité avec la labellisation du caractère cultuel qui est inscrite dans ce projet. L’Etat renforce le contrôle des cultes car il pourra juger ce qui est cultuel de ce qui ne l’est pas, le risque étant une surenchère. Lutter contre l’Islamisme radical pouvait prendre des directions beaucoup plus efficientes en distinguant soigneusement ce qui est illégal de ce qui relève simplement du débat public. Renforcer les services de renseignements, lutter contre la radicalisation, faire appliquer les lois existantes, renforcer la lutte contre la désinformation et les Fake News, accroitre les moyens contre les mouvements sectaires, renforcer les moyens pédagogiques de l’Observatoire de la laïcité, mettre en place un Islam de France s’appuyant sur les « croyants raisonnables » et arrêter toute complaisance avec des régimes wahhabites ou finançant le terrorisme aurait certainement fédéré beaucoup plus les mouvements laïques et progressistes.
Ce projet de loi est aussi une remise en question de la liberté d’instruction au regard des dispositions sur l’instruction à domicile. Bien évidemment, lutter contre l’instruction sectaire et les écoles coraniques doit être renforcé, mais rappelons au gouvernement que la loi existe déjà et qu’il suffit de l’appliquer, malheureusement les contrôles sont insuffisants.
Pour la section de St-Nazaire, ce projet de loi expose à une surenchère parlementaire, comme l’amendement d’Aurore Bergé.
Il sème la division et ne répond malheureusement pas aux questions des carences des services publics, de l’égalité d’accès, de la déshérence des quartiers, de l’avenir de la jeunesse, du racisme et des discriminations qui ne sont même pas évoquées.
Notre section ne se limitera pas à la dénonciation de ce projet de loi liberticide, elle combattra avec la même force tous ceux qui par leurs discours et actes se réclamant de l’Islam s’en prennent ou s’en prendront à nos valeurs démocratiques et aux droits de l’Homme.
Saint-Nazaire, le 27 janvier 2021