La réforme de la justice des mineurs : réprimer plutôt qu’éduquer !
Le gouvernement veut créer un code pénal pour les mineurs
Fin 2018, la ministre a annoncé une réforme, par voie d’ordonnance du texte fondateur de la Justice des mineurs, l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance en danger et l’ enfance délinquante.
Tout inquiète dans cette annonce, le fond comme la forme, s’agissant d’un élément sensible, primordial et symbolique de l’arsenal législatif français.
Le gouvernement souhaite une nouvelle justice des mineurs, plus répressive, pour répondre aux attentes supposées de la société.
Actuellement, on observe une sur-pénalisation
L’ordonnance de 45 , très protectrice dans son esprit, a été retouchée 38 fois depuis 1945.
Toutes les modifications sont allées dans le sens d’une plus grande pénalisation, au détriment du travail éducatif :
– Au 1/ 7/ 2019 : 894 adolescents étaient incarcérés (en prison), auxquels s’ajoutent :
– -les jeunes placés en centres éducatifs fermés (54)
– Ceux placés en psychiatrie
– Les enfants étrangers enfermés en Centre de rétention administrative : en 2018, 208 en métropole, 1221 à Mayotte, auxquels s’ajoutent les 339 mineurs non accompagnés (MNA) enfermés pour un soupçon de majorité.
Le nombre de jeunes incarcérés est le plus élevé depuis une vingtaine d’années
Tout le monde reconnait la nécessité de réformer l’ordonnance de 45, mais en plaçant l’enfant au cœur des débats et en donnant le primat de l’éducatif sur le répressif.
Quels sont les principes du code pénal voulu par le gouvernement ?
Selon le ministère, les principes de cette réforme sont :
– Une simplification de la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants,
– L’accélération de leur jugement s’agissant de leur culpabilité
– Le renforcement de leur prise en charge par des mesures adaptées et efficaces
– l’amélioration de la prise en compte de leur victime
On ne peut que constater une accélération des procédures au détriment du travail éducatif : ne reste plus que le répressif !
La méthode utilisée
Comme nous le savons, c’est par ordonnance que la ministre de la justice compte procéder.
Or, toute modification concernant la justice des mineurs doit faire l’objet d’un débat de fond. C’est pourquoi nous ne pouvons qu’être en désaccord avec le choix du gouvernement de procéder par ordonnance.
Agissant par ordonnance, le gouvernement se prive d’un véritable débat parlementaire sur un sujet aussi important.
La méthode est toujours la même : passer en force avec un débat de façade !
Est-ce que les grands principes de la justice des mineurs sont respectés dans ce nouveau code pénal ?
- La prévention, qui devrait être une réflexion préalable à toute réforme, est absente de ce nouveau code
Mener une politique de prévention, c’est prendre en compte les facteurs qui accroissent le passage à l’acte délinquant, dont les précarités sociales et éducatives.
Mener une politique de prévention, c’est aussi prendre en compte la frontière floue entre enfance en danger et enfance délinquante, le facteur commun le plus fréquent étant le manque d’encadrement familial et d’adultes de référence.
Mener une politique de prévention, c’est donner les moyens à l’ASE et la PJJ de mener un travail de soutien aux familles.
L’enfant délinquant est d’abord un enfant en danger qu’il faut protéger.
- L’âge de responsabilité pénale n’est toujours pas clairement défini.
Actuellement, la détermination de la responsabilité pénale des enfants est fondée uniquement sur le critère de discernement du mineur, qui est apprécié par le juge, sans considération relative à l’âge.
Le projet gouvernemental introduit un seuil d’âge à 13 ans, en dessous duquel il ne pourrait y avoir de mesures pénales. Mais cela peut être écarté dans certains cas,
si le procureur ou le juge estime que cet enfant a agi avec discernement. L’enfant de 10 à 13 ans pourrait donc être responsable pénalement.
La France est le seul pays européen à ne pas avoir fixé clairement d’âge de responsabilité pénale.
- La responsabilité pénale est -elle atténuée pour les mineurs ?
Actuellement, les mineurs sont davantage poursuivis au pénal que les majeurs. (94 % contre 70 % )
Les mesures sont de plus en plus répressives, en témoigne la hausse de l’incarcération des mineurs.
Ce projet ne prévoit aucune mesure susceptible de diminuer le nombre de jeunes incarcérés.
Au contraire, on perçoit plutôt des mesures expéditives et punitives :
- Il faut gagner du temps en accélérant les procédures,
- L’excuse de minorité peut toujours être abandonnée pour les plus de 16 ans, ce qui est un abaissement insidieux de l’âge de la majorité pénale à 16 ans,
Il faut rappeler avec force que l’atténuation de la responsabilité est un principe constitutionnel, car les enfants sont des êtres en construction qui n’ont pas la maturité suffisante pour une sanction pénale.
- Quelle place pour l’éducatif ?
Le travail éducatif suppose de tisser des liens de confiance avec le jeune et sa famille. Pour cela, il faut du temps et des moyens.
Actuellement, les juges pour enfants ordonnent des mesures éducatives fictives, car la PJJ étant tellement sous- dotée, qu’il n’y a personne pour les mettre en œuvre.
Certaines mesures ne sont plus possibles, comme trouver des lieux de placement éducatif adaptés.
Enfin, on ne sait pas si « le relèvement éducatif du mineur » est l’objectif prioritaire du projet gouvernemental, dans la mesure où d’autres objectifs semblent primer, telle la défense des intérêts des victimes.
Cette réforme ne peut être pensée que de manière globale et transversale, car la délinquance est multifactorielle.
Il convient de toujours rappeler qu’un enfant qui passe à l’acte est un enfant en danger.
Pour assurer le primat de l’éducatif sur le répressif, la justice des enfants a besoin de temps et de moyens, tant financiers qu’humains.
Les parlementaires sont les derniers remparts pour apporter, par le biais d’amendements, des modifications à ce projet de code pénal.
Hélène Leclerc
Animatrice du GT Droits de l’enfant
Article paru dans le numéro 84 de la Lettre Mosellane
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