Mayotte est l’une des quatre îles de l’archipel des Comores. L’ONU considère que les Comores constituent un état. En 1974, les COMORES ont voté majoritairement pour leur indépendance. L’indépendance est proclamée le 6 juillet 1975. Mayotte se distingue en exprimant le souhait de son rattachement à la France en 1974, puis 1976. L’Assemblée générale des Nations unies a condamné cette prise de position l’assimilant à une violation de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République indépendante des Comores. Pour l’ONU, les Mahorais sont des Comoriens. En 2011, Mayotte devient un département français.
La départementalisation, ça change quoi ?
Etat civil
Aux Comores si le grand-père Abou a un fils qui s’appelle Mohamed, Mohamed s’appellera Mohamed Abou. Si Mohamed-a un fils Omar, Omar s’appellera Omar Mohamed et Abou disparaîtra. Les femmes perdent leur nom à la naissance des enfants, ce qui marque leur état de mère. Depuis 2011, c’est l’état civil français qui s’impose.
Cadastre et propriété des terres
Le foncier était un foncier collectif. C’était un quartier, un village qui disposait de terres. Quand il y avait un mariage, une famille qui s’agrandissait, le village se réunissait pour accorder une terre à cette nouvelle famille. Un jardin pouvait s’agrandir en fonction de la taille de la famille, et ou se rétrécir s’il n’y avait plus lieu.
En 2011, on passe dans un foncier titrisé sur une personne. Chaque terre a un propriétaire. Aujourd’hui, un peu plus de 50% des terres sont cadastrées. Ces opérations d’enregistrement cadastral ont permis à certains de capter des terres et de s’enrichir. Le foncier est devenu un foncier d’investissement
Habitat et logement
Les maisons appartenaient aux femmes et se transmettaient de mère en fille. C’était des maisons modestes de deux pièces. Les constructions légères, en tôle représentent environ 40% des logements. La pauvreté, l’insuffisance de logements sociaux conduisent les foyers à se tourner vers ce type d’habitat. Il est fragile, mais il peut être facilement reconstruit. Les opérations de démantèlement de ces habitats précaires apparaissent bien vaines et inhumaines.
Economie
Selon un rapport de la Cour des comptes, en 2022, la dépense publique représente 80 % du produit intérieur brut (PIB) de l’île, la seule fonction publique étatique occupant 41 % des emplois salariés ! Le salaire médian à Mayotte est de 260€. Mais Mayotte est géographiquement un ilot de richesse : le PIB par habitant est 8 fois celui d’un comorien et 23 fois celui d’un malgache. Mayotte est à la fois le département le plus pauvre de France, mais aussi un eldorado dans son environnement.
Et les paradoxes sont nombreux. L’INSEE note qu’en 2000, le revenu disponible brut moyen d’un habitant (RDBH) mahorais représentait 19,6 % de celui de la moyenne des habitants du pays (DOM compris). Vingt ans plus tard, le chiffre grimpait à 35,4 %. Une belle progression, même si le décrochage reste très important. Mais par ailleurs, « la situation de Mayotte n’a cessé de se dégrader depuis la départementalisation : l’insécurité a augmenté, le cadre de vie se dégrade avec des logements qui ne répondent pas à la demande, un système scolaire débordé avec des enseignants souvent mal ou pas assez formés, etc. Cela génère même une vague d’émigration des Mahorais. Selon l’Insee, 25 900 d’entre eux ont quitté l’île entre 2012 et 2017 « [1]
Ce que met en évidence la catastrophe provoquée par le passage du cyclone
La violence de ce cyclone met d’abord en évidence les risques associés au changement climatique, risques qui vont devenir de plus en plus nombreux et de plus en plus violents. Mais cette catastrophe met aussi en évidence la fragilité de la situation géopolitique de Mayotte.
» En disloquant l’archipel des Comores, la France a créé une situation très compliquée, déjà flagrante depuis plusieurs années, mais qui éclate au grand jour avec le cyclone Chido. Avec cette frontière entre Mayotte et les autres îles de l’archipel, elle a séparé un peuple qui partage une histoire commune. Bien sûr, elle a répondu au choix de Mahoraises et des Mahorais, mais, ce faisant, elle a contribué à déstabiliser la région » [2].
Mayotte est isolée par la situation conflictuelle entre la France et l’Union des Comores. La France ne peut pas répondre à tous les besoins créés par le cyclone. Les solidarités locales sont indispensables. La situation de l’agriculture Mahoraise en est un exemple. Saïd Anthoumani[3] précise la situation et les besoins après le cyclone : « Il faut 6 mois à un plant de manioc et 11 à 12 mois à un bananier pour produire. Mayotte a besoin de plants, et on ne pourra pas compter sur ceux de la métropole, inadaptés à la situation locale « .
Quel avenir ?
Mayotte fait partie de l’ensemble des Comores, elle y est rattachée par sa culture. Les migrations entre les îles des Comores ont toujours été très importantes. Une même famille a des attaches sur les différentes îles. Vouloir transformer Mayotte en forteresse française est absurde. Faire de l’immigration le problème principal de l’ile, c’est vouloir consolider cette frontière créée en 1976.
« Rendre la vie impossible aux « étrangers » ainsi que le souhaitent les derniers ministres de l’intérieur ne rajoutera que de l’indignité à leur situation et attisera les discours de haine et les tensions qui les accompagnent. Les solutions restent à trouver, et la France ne les trouvera pas à elle seule.
Pour en savoir plus :
- Mayotte. Après Chido, le grand escamotage, par Rémi Carayol
- Mayotte : « le jour où Chido a ridiculisé Wuambushu », par Daniel Gros
- « Mayotte est un département colonie » : entretien avec Rémi Carayol
- Comores, Mayotte, un résultat du néo-colonialisme français, par Alain Ruscio
- Mayotte, le podcast de la LDH par Daniel GROS
- Restreindre le droit du sol à Mayotte : une proposition inefficace par Jules GAZEAUD
[1] Rémy CARAYOL « Mayotte est reliée de manière superficielle et superflue à l’Hexagone » in Alter Eco
[2] Rémy CARAYOL id
[3] Saïd Anthoumani est président de la chambre d’agriculture de Mayotte