Nice : les quartiers populaires restent sous le régime de la punition collective, en attendant le « paradis sanitaire »

Nice, le 2 mai 2020

Section de Nice de la LDH – Communiqué

Nice : les quartiers populaires restent sous le régime de la punition collective, en attendant le « paradis sanitaire »

Le quotidien Nice-Matin, dans son édition du 2 mai 2020, interviewe Michel Tubiana – président d’honneur de notre association – à propos de certaines mesures de durcissement du confinement, prises sur tout le territoire national par quelques collectivités locales.

Concernant le cas de Nice, ville dans laquelle a été pris un arrêté municipal aggravant le couvre-feu préfectoral dans certains quartiers, Me Tubiana observe : « nous avons contesté le couvre-feu de Nice, mais le tribunal administratif a considéré qu’il était valable au motif qu’il concerne une petite partie du territoire, en fait, cela vise les quartiers populaires. »

Nous voudrions apporter les précisions suivantes : dans son mémoire en défense, la commune de Nice argumente que les quartiers concernés par le confinement – tous des quartiers populaires – ne représentent que 1,3% de la surface totale de la commune, suggérant ainsi au juge administratif que peu de nos concitoyens sont concernées par l’arrêté. Par un grossier tour de passe-passe, la commune compare ainsi devant le juge sa superficie totale, incluant, par exemple, la superficie de l’aéroport de Nice qui est de 37 ha, celles des parcs et jardins 300 ha, La promenade des Anglais déroule sur 7 k une large chaussée piétons-vélos, etc. avec les superficies urbanisées. Pour notre part, peu impressionnés par ce pourcentage biaisé, nous avons simplement consulté la grande enquête démographique INSEE de 2012 qui fournit des statistiques d’habitants pour les 146 quartiers de la ville de Nice : les neuf quartiers concernés par l’arrêté ont 43.531 habitants, lesquels représentent 12,6 % de la population totale.

Nous avions aussi soulevé devant le juge administratif le fait que la publication de l’arrêté du 15 avril 2020 n’était pas opposable aux administrés concernés car sa publication n’était pas conforme à la règlementation : d’une part, à l’affichage public, seule la première page de l’arrêté figure et, d’autre part, sur le site internet de la ville, l’arrêté n’était pas publié. Ce constat a été établi à notre demande, par huissier, le 16 avril 2020. Pour mémoire, l’arrêté précédent, daté du 7 avril, n’était toujours pas publié sur internet le 16 avril, alors qu’il était caduc ! Au moment où nous écrivons ces lignes, le dernier arrêté publié sur internet date du 30/03/2020 (fermeture au public trottoir sud promenade des Anglais).

Chacun comprendra qu’il est difficile d’agir dans l’urgence d’un référé sans pouvoir disposer de l’arrêté dont toute la presse parle, mais que la commune rend inaccessible à ses administrés.  Le maire de Nice nous promet rien de moins qu’un « un paradis sanitaire » (Nice-Matin 25/04/2020) ; il pourrait déjà commencer par se préoccuper du bon fonctionnement démocratique de la commune.

Le covid-19 ne justifie aucune discrimination !

Communiqué :

Le covid-19 ne justifie aucune discrimination !

Un arrêté spécifique a été pris par le maire de Nice le 7 avril 2020, renouvelé le 15 avril 2020, qui se concentre sur quelques quartiers défavorisés du centre-ville, lesquels ont déjà fait l’objet, dans le passé, d’arrêtés municipaux très ciblés et discriminatoires : Trachel, Jean Vigo, Notre-Dame, St Charles, Bon Voyage, Maurice Maccario, Pasteur, Las Planas, Les Moulins.

Chacun comprend bien qu’il est plus aisé de supporter le confinement dans une superbe résidence agrémentée d’un beau parc que dans ces quartiers aux immeubles parfois dégradés, occupés par des familles ayant peu de ressources.

Les décisionnaires nationaux ou locaux, par leur impéritie, imprévoyance ou inaptitude à prendre des décisions rapides sont les principaux responsables de la diffusion du COVID-19, pas les habitants des quartiers populaires.

Dans ce contexte exceptionnel d’urgence sanitaire, notre association appuie toute initiative tendant à maitriser la propagation du virus et susceptible de repousser cette terrible menace sanitaire.

Mais les arrêtés mentionnés ne nous semblent pas poursuivre ce but. Au contraire, ils aggravent sans motif les restrictions d’aller et de venir déjà édictées par arrêté préfectoral ; dans une manœuvre politicienne, ils visent à stigmatiser et à faire montre d’autoritarisme envers les populations des quartiers populaires, ainsi collectivement punies.

Nous ne pouvons pas croire que, en plus des effectifs de la police nationale, dans la ville aux 2600 caméras de vidéosurveillance et à la police municipale la plus nombreuse de France, il y ait besoin d’arrêtés supplémentaires pour surveiller l’ensemble de sa population en période de confinement.

Cette façon de procéder par le biais d’arrêtés visant des sous-catégories de niçoises et niçois est discriminatoire et nous ne saurions l’accepter. C’est pourquoi la Ligue des droits de l’Homme a pris la décision de saisir le tribunal administratif d’un référé liberté contre l’arrêté municipal 2020-01135.

Nice, le 18 avril 2020

 

 

 

 

 

 

Le virus, la crécelle et le smartphone

Il fallait s’y attendre, un peu partout dans le monde, les petits malins ont vite reniflé la possibilité de se faire de la com, ou de juteux profits (ou les deux à la fois) en proposant des applications d’identification et de pistage des personnes ayant contracté le COVID 19.  Il en tombe comme à Gravelotte et venant de tous les pays et d’abord des pays « leaders » de la surveillance de masse : Chine, USA, Israël, etc.

Dans notre pays, on retiendra particulièrement la proposition d’une entreprise qui propose l’application dénommé CoronApp « développé en 78h » ! Autant dire que, malgré la présentation flatteuse qui en est faite, elle utilise une technologie éculée, aussi innovante que l’utilisation de la roue pour déplacer une grosse pierre.

« Le principe : l’application suit les mouvements des utilisateurs pendant 14 jours. Si un porteur du virus se déclare comme infecté par le Covid-19, l’algorithme va retracer son parcours pour vérifier les personnes qu’il/elle a croisées et les informera via une notification [sur smartphone] alors de l’heure et de la date à laquelle ils ont été en contact avec cette personne. » (in : Strategies)

Sans préjuger des intentions des concepteurs de cette application – présenté par Stratégies comme « une démarche citoyenne » – plusieurs observateurs font remarquer que la précision de la géolocalisation est en moyenne de l’ordre de dix mètres, donc incompatible avec le but que se propose CoronApp. Il n’est donc même pas nécessaire d’aborder des questions aussi cruciales que : qui collecte les données ? qui les stocke ? et surtout qui peut garantir que ces données et ce type d’applications ne seront pas ultérieurement utilisées à d’autres fins ? Cette application participe de la très dangereuse banalisation de la géolocalisation de masse sous prétexte d’urgence médicale, alors que le porteur du virus, pour protéger autrui d’une contagion, dispose de solutions qui sont d’une banalité rassurante : un masque et une paire de gants en latex.

Finalement, cette débauche de technologie nous démontre que l’humanité fait du surplace depuis le haut moyen âge, époque pendant laquelle les lépreux étaient contraints de se déplacer dans la cité en actionnant une crécelle, de sorte que les biens portants puissent passer au large. C’était déjà de la géolocalisation !

Certes, CoronApp n’oblige pas le lépreux du XXIème siècle à se déclarer comme tel, mais des dispositions individuelles de mise en quarantaine de personnes susceptibles d’être malades adoptées il y a peu dans le cadre de l’« état d’urgence sanitaire » pourraient les y contraindre. (1)

A y regarder de près, on peut se poser la question de savoir si « la servitude volontaire » à laquelle invite cette application n’est pas plus terrible que l’obligation qui jadis était faite aux lépreux.

(1) L’expérience de la législature précédente montre que les dispositions d’urgence et à caractère provisoire ont une fâcheuse tendance en France à se convertir en dispositions permanentes, définitivement inscrites dans le marbre de la loi.

Observation des audiences du JLD de Nice – février 2019/février 2020 –

La ligue des droits de l’Homme (Nice), la CIMADE 06 et le syndicat des avocats de France (Nice) ont organisé entre février 2019 et février 2020 une observation systématique des audiences du juge des libertés et de la détention (JLD) de Nice, contentieux de la rétention.

292 fiches individuelles anonymisées ont été établies entre février 2019 et février 2020.

Nous employons volontairement la terminologie de « retenus » à propos des étrangers qui se trouvent privés de liberté dans les centres de retenue administrative (CRA), les locaux de retenue administrative (LRA) ou les zones d’attente (ZA – Aéroport de Nice Cote d’Azur) afin de bien rendre compte que le fait, pour un étranger, de se trouver sur le territoire national sans titre de séjour valide n’est pas un délit ; c’est pour cette raison qu’ils ne sont pas enfermés dans une prison, mais dans un centre ou local de rétention.

Ces observations ont donné lieu à un rapport.

Vous pouvez télécharger ici : JLD Nice Rapport février 2020

Frontière italienne : les préfets changent, mais les illégalités demeurent et l’impunité aussi

Frontière italienne : les préfets changent, mais les illégalités demeurent et l’impunité aussi

Le 20 février 2020, deux mineurs étrangers étaient contrôlés en début de soirée par la police en gare de Menton Garavan et reconduits sans autre procédure à la frontière italienne le lendemain matin à 8h30, au mépris, une fois de plus, des lois de notre pays.

Sans la présence active de militants associatifs et l’action déterminante de Me Oloumi, ces deux mineurs auraient subi le même sort injuste que celui de tant d’autres qui n’ont pas eu la chance de croiser le chemin de militants des droits de l’Homme.

Tout se passe comme si une consigne implicite ou explicite était donnée aux forces de l’ordre de ne pas s’embarrasser de tout « ce fatras juridique » pour refouler les mineurs étrangers.

Ceux-là mêmes qui ont pour mission sacrée de faire respecter la loi, la violent impunément ; aucun préfet, aucun haut gradé de la police n’a jamais été limogé, suspendu ni même blâmé, malgré les condamnations répétées par les tribunaux, dans des affaires similaires à Nice comme ailleurs.

Tribunal administratif de Nice, ordonnance du 24 février 2020 (extraits concernant le mineur M) :

« Il n’est, en l’espèce, ni établi ni même allégué par le préfet des Alpes-Maritimes que le procureur de la République aurait été immédiatement avisé pour qu’il désigne un administrateur ad hoc, ni que le président du Conseil départemental aurait été immédiatement informé afin de lui permettre d’évaluer la situation du requérant. L’autorité administrative ne s’est pas davantage préoccupée des conditions dans lesquelles l’enfant mineur serait pris en charge en Italie. En agissant de la sorte, l’administration n’a pas accompli les diligences nécessaires pour réunir les informations qu’elle devait, dans le cas d’un mineur, s’efforcer, dans la mesure du possible, de collecter avant de procéder à son éloignement forcé. Il suit de là que la décision de refus d’entrée en France en litige est entachée d’une illégalité manifeste qui a porté et continue de porter gravement atteinte à l’intérêt de M. M. »

« Il y a lieu, en l’espèce, pour le juge des référés de suspendre la décision du 20 février 2020 refusant l’entrée sur le territoire français de M. M d’une part et d’enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de prendre attache avec les autorités italiennes pour que M. M se voit remettre un saufconduit lui permettant de se présenter au poste frontière de Menton »

« hiérarque de la police municipale et proche du maire »

Le quotidien « Nice Matin » relate, dans son édition du 20 février 2020, un incident survenu quelques jours plus tôt dans les rues de Nice ; il rapporte une algarade entre une personne qu’il qualifie d’ « histrion » et Mme Bertin, qualifiée, elle, de :

« hiérarque de la police municipale et proche du maire« 

Cette phrase d’apparence anodine devrait tous nous alerter sur les dangers potentiels d’un éventuel accroissement des compétences des maires en matière de police et de maintien de l’ordre, accroissement systématiquement réclamé par le maire de Nice, depuis des années, en particulier en tant que président de la  commission consultative des polices municipales.

Mme Bertin était la responsable du centre de supervision urbaine (CSU) de la ville de Nice ce funeste jour du 14 juillet 2016. C’est à cette occasion que nous avions appris, par la presse nationale, que la responsable du CSU était une « proche du maire »  cliquez ici :  nice-csu-1

On aurait pu penser que c’était une vieille affaire qui date de 2016 et que Mme Bertin avait été sagement éloignée du CSU de Nice après ces révélations ; mais il n’en est rien. Un article publié le 22/02/2020 par Courrier International, nous apprend que cette dame gravite toujours autour du dispositif de vidéosurveillance de la ville cliquez ici :  nice-csu-2

C’est le droit le plus absolu de Mme Bertin d’être « une proche du maire » mais vous trouveriez normal qu’une haute responsable de la police municipale aux pouvoirs renforcés, le cas échéant par de la reconnaissance faciale, soit une « proche du maire » ? Il n’est pas difficile d’imaginer les dérives possibles …

 

reconnaissance faciale Vs renseignement humain

Dans cette période de campagne électorale pour les municipales, attendons-nous à des propositions maximalistes de la part des élus dont la surveillance de masse et invisible est le principal (et souvent unique) cheval de bataille politique : reconnaissance faciale, des humeurs, des odeurs, des bruits et même dune démarche « anormale » voilà la panoplie qui sera proposé par ceux qui jouent à « plus high tech que moi, tu meurs ». L’argument massue, qui se voudrait définitif est : il faut stopper les djihadistes.
A ceux-là, voici ce qu’il faut répondre :
58 des 59 attentats déjoués depuis six ans l’ont été grâce au renseignement humain

Alors que la France a justifié la construction et le financement de puissants outils de surveillance et de collecte de données, c’est l’intervention d’une source humaine qui permet quasiment à chaque fois d’éviter le pire.

Ici, article du Monde (octobre 2019) : attentats déjoués renseignement humain

 

Quand la police municipale fait les Shadocks

En ces temps préélectoraux, la presse locale dument convoquée (Nice-Matin et Radio France Bleu), le maire de Nice montre ses muscles sécuritaires.

Nice-Matin (9/01/2020), citant un policier : « la police municipale sait qu’elle ne fera pas de grosse saisie de stupéfiants. Ce n’est pas le but. ». On essaie régulièrement de casser le marché en venant faire des opérations de ce type » assure le chef du dispositif alors que ces hommes fouillent les « jeunes » qui squattaient en bas de la tour. C’est un point de deal connu, le vendeur est à l’intérieur, il a eu le temps de s’échapper. »

Au moins, c’est clair ! saisir la drogue « ce n’est pas le but » et arrêter un dealer non plus ; alors le but, c’est quoi ? c’est « casser le marché » Ah bon ? Mais ça fait combien de dizaines d’années qu’on essaie de « casser le marché » ?

Le maire de Nice remue beaucoup d’air et fait beaucoup de com, stigmatise les habitants « des quartiers » ; mais, benoitement, ses propres policiers municipaux le disent : dans ce domaine précis de la drogue, leur travail est inutile, ce sont les Shadocks qui remplissent le tonneau des danaïdes.

L’impact de la vidéosurveillance sur les crimes et délits dans la ville de Nice.

Dans le site Data-Gouv  – Ministère de l’Intérieur – on trouve les statistiques, commune par commune, de l’ensemble des crimes et délits recensés par la police nationale et la gendarmerie depuis 2012 et jusqu’à 2018 ; pendant la même période, le nombre de caméras de vidéosurveillance abusivement dénommées de « vidéoprotection » installées dans la ville de Nice a presque triplé, passant de moins de 900 à plus de 2600 caméras.
 
Nous avons analysé l’évolution entre 2012 et 2018 de deux items recensés par le commissariat central de la ville de Nice , sachant qu’un des arguments mis en avant par les promoteurs de la vidéosurveillance généralisée et systématique est est le fameux « ça vous protège ».
 
Parmi les crimes et délits répertoriés, nous en avons retenu deux qui nous semblent particulièrement significatifs, d’une part parce qu’ils portent sur un nombre  d’actes suffisamment important pour être statistiquement significatifs et d’autre part parce qu’ils relèvent d’un type de criminalité qui attire particulièrement l’attention des citoyens.
  • « autres coups et blessures volontaires criminels ou correctionnels »
  • cambriolages »
 
Que constate-on ?
 
Concernant le nombre de  « autres coups et blessures volontaires » , il a augmenté à Nice, si on compare 2012 à 2018, de + 13% !
Autres coups et blessures volontaires – criminels ou correctionnels
Variation par rapport à l’année 2012.
année nombre variation
2012 1 955
2013 2 064 +5,5%
2014 2 121 +8,4%
2015 2 270 +16,1%
2016 2 273 +16,2%
2017 2 180 +11,5%
2018 2 217 +13,4%
Concernant le nombre de cambriolages, malgré le triplement du nombre de caméras, il est resté pratiquement identique si on compare 2012 avec 2018 : diminution de -1,4% avec une pointe d’augmentation en 2017 de + 10,4 %
Cambriolages
Variation par rapport à l’année 2012
année nombre variation
2012 2 321
2013 2 185 -5,8%
2014 2 635 +13,5%
2015 2 283 – 1,6%
2016 2 171 – 6,4%
2017 2 563 + 10,4%
2018 2 287 – 1,4%
Nous savons que de nombreux biais, structurels ou conjoncturels, peuvent influer sur les statistiques de crimes et délits et affecter les comparaisons des communes entre elles  ; toutefois, l’analyse des évolutions la seule ville de Nice sur une période relativement longue de sept ans, met en évidence que l’impact de la vidéosurveillance sur des crimes ou délits importants comme le sont les coups et blessures volontaires et les cambriolages est quasiment nul.

 

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