GUIDE DU MANIFESTANT -Mars 2023

MISE À JOUR : 28 mars 2023

Ligue des droits de l’Homme (LDH) 138 rue Marcadet, 75018 PARIS Téléphone : 01 56 55 51 00 E-mail :juridique@ldh-france.orgObservatoire parisien des libertés publiques E-mail : contact@obs-paris.org Twitter : @ObsParisien Facebook.com: @obsparisien

Pour les manifestants d’autres villes : règles identiques sauf ce qui est indiqué spécifiquement pour Paris (ex : compétence du préfet de police / préfet de département ; adresses…)

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GUIDE DU MANIFESTANT et des personnes blessées

MISE À JOUR : 28 MARS 2023 

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Recommandations
Attention danger


RECOMMANDATIONS VITALES :

Danger. Surtout, ne pas ramasser ou repousser une grenade qui a été lancée vers vous : il peut s’agir d’une grenade de désencerclement ou d’une grenade lacrymogène et assourdissante GM2L (ou ASSL)…, qui peuvent provoquer des mutilations. Rentrez votre capuche (si vous en avez une) pour éviter qu’une grenade ne se coince dedans.

Les forces de l’ordre peuvent faire usage de la force directement, sans sommation, si elles sont elles-mêmes attaquées ou encerclées (art. L. 211-9 CSI). 
Soyez vigilants dès que vous voyez qu’il y a des violences commises contre des forces de l’ordre !

Et si des policiers de la BAC (en civil avec brassard) ou des policiers/gendarmes de la BRAV-M (en noir avec un casque blanc ou noir) poursuivent des manifestants et que vous êtes sur le chemin, évitez de vous réfugier à l’intérieur de halls d’immeubles : personne ne pourra vous prêter secours.

Sommations. Lorsque les sommations sont restées sans effet, la force publique pourra disperser ce qui est alors considéré comme un « attroupement » (article L. 211-9 CSI).
Et si la dernière sommation (« Dernière sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux ») est répétée, attention, cela signifie qu’il va être fait usage d’une arme (tonfa, LBD, grenade…) ! (art. R. 211-16 CSI)

Il y a d’abord l’annonce de l’ordre de dispersion : « Attention ! Attention ! Vous participez à un attroupement. Obéissance à la loi. Vous devez vous disperser et quitter les lieux »),
puis deux sommations : 1ère : « Première sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux » ; 2ème sommation : « Dernière sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux »). (article R.211-11 CSI, texte des sommations modifié par le décret n°2021-556 du 5 mai 2021).
Le fait de continuer à participer à la manifestation après ces sommations est un délit permettant une interpellation et un placement en garde à vue (participation à un attroupement, cf. ci-dessous, la liste des infractions) et les forces de l’ordre peuvent ensuite, en cas d’absolue nécessité, faire usage de la force (qui doit, par principe, rester strictement proportionnée au but recherché, mais en pratique… cf. art. L. 435-1 CSI). Voir la note sur l’usage des armes par les forces de l’ordre et la demande de la LDH d’abrogation de l’article L.435-1 CSI.

Voir le Point droit sur l’attroupement et la dispersion.

Il arrive souvent que les forces de l’ordre appellent à se disperser sans prononcer les sommations. Enregistrez car il ne peut pas y avoir de délit de participation à un attroupement de commis si les sommations réglementaires n’ont pas été prononcées.

L’Etat est responsable des dégradations des biens en cas d’attroupement (article L.211-10 CSI).
QUELQUES REPERES

Notion de manifestation. Selon la Cour de Cassation, « constitue une manifestation, au sens et pour l’application des articles L. 211-1 du code de la sécurité intérieure et 431-9 du code pénal, tout rassemblement, statique ou mobile, sur la voie publique d’un groupe organisé de personnes aux fins d’exprimer collectivement et publiquement une opinion ou une volonté commune » (Crim. 9 février 2016, n° 14-82.234, Bull. crim. n° 35). Le seul fait de distribuer des tracts ensemble a été considéré comme une manifestation sur la voie publique.
Filmer les forces de l’ordre.
Faites filmer tout acte des forces de l’ordre vous concernant (+ envoi de ces images par mail).
Hormis quelques unités, la plupart des forces de l’ordre peuvent être filmées dans l’espace public (évitez la diffusion d’images permettant de les reconnaître ; diffusion avec visages floutés) (circulaire du 23 décembre 2008, n° 2008.8433.D et rappel en annexe du Schéma national du maintien de l’ordre -SNMO- de décembre 2021). (Point droit de l’Observatoire).
(Le Conseil constitutionnel a annulé l’article de la loi Sécurité globale qui créait une infraction spécifique qui aurait permis aux policiers d’empêcher de filmer : Décision n°2021-817 DC du 20 mai 2021. Voir la liste des infractions : article 223-1-1 CP).
Evitez de diffuser les images des manifestants : le fichage est à craindre depuis les décrets de décembre 2020 (pour les conditions, voir communiqué de presse), régularisant des pratiques antérieures.
Absence de discrimination.
Les opérations de contrôle de l’accès et de la circulation, les palpations, l’inspection, la fouille des bagages et la visite de véhicules : lorsque des réquisitions sont prises par le procureur de la République, celui-ci ne précise pas sur quel critère s’opère le choix des personnes contrôlées. A propos d’autres dispositions, le Conseil constitutionnel a précisé qu’en toute hypothèse, ce choix ne peut pas être effectué « en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes » (CC 2017-695 QPC 29 mars 2018 §34). Mais sans garde-fou, cela reste un vœu pieux : Soyez attentifs aux personnes qui font l’objet de ces mesures.
Périmètres interdits de toute manifestation.
Certaines rues, ou quartiers peuvent avoir été interdits de manifestation par un arrêté du préfet de police. https://www.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/actualites-et-presse/arretes/accueil-arretes
ou : https://www.prefectures-regions.gouv.fr/ile-de-france/Documents-publications/Recueil-des-actes-administratifs/RAA-de-la-region-Ile-de-France-2023

Attention, parfois, l’arrêté est seulement affiché lorsque la manifestation n’a pas été déclarée, car alors il n’est pas possible de le notifier aux organisateurs. Cet affichage n’est parfois effectué que sur les portes de l’autorité compétente pour interdire de manifester (à Paris, les portes de la préfecture de police, sinon, portes de la mairie ou portes de la préfecture du département). Et il arrive que, pris en urgence, il soit rendu applicable dès l’affichage et non, comme normalement, le lendemain de la publication ou de l’affichage. Voir le Point droit sur ce cas, avec aide à la contestation.

Manifester dans ces zones revient à une participation à une manifestation interdite (contravention, voir ci-dessous, les infractions qui peuvent être retenues contre vous).  Ce n’est qu’en cas de risque de trouble à l’ordre public que le rassemblement pourra être considéré comme un attroupement et les forces de l’ordre pourront alors ordonner sa dispersion. Après les sommations, demeurer dans le rassemblement/cortège devient un délit.

Récapitulatif : participer à une manifestation non déclarée n’est pas une infraction (Crim. 8 juin 2022, n°21-82.451 ; Crim. 14 juin 2022, n°21-81.054). C’est l’exercice d’une liberté ! Voir le Point droit https://site.ldh-france.org/paris/files/2023/03/Manifestation-spontanee-pas-dinfraction-mars-2023-1.pdf Mais si elle a été interdite par un arrêté préfectoral, c’est une contravention.

Se rassembler pour manifester dans une rue interdite de manifestation par l’autorité compétente (à Paris, préfet de police), ou sur une manifestation (même non déclarée), interdite par arrêté est une contravention de la 4ème classe (750€ maximum et en cas d’amende forfaitaire : 135€). Il a parfois été écrit sur certains sites que la contravention ne s’appliquait qu’en cas d’interdiction de manifestation déclarée : c’est une erreur juridique, elle est bien applicable à une interdiction de manifestation non déclarée (Crim. 16 mars 2021, n°20-85.603, au Bull.).

On peut évidemment contester cette verbalisation en apportant la preuve qu’on ne participait pas à la manifestation mais, s’agissant d’une contravention, il faut apporter une preuve par écrit ou par témoin (article 537 CPP).

⦁ Il est possible d’attaquer en référé-liberté l’arrêté d’interdiction de manifestation devant le juge des référés du tribunal administratif. Si l’arrêté est suspendu, cela équivaudra à une absence d’interdiction, donc il n’y aura plus de contravention.

⦁ Mais même si l’arrêté n’a pas été suspendu, et qu’une verbalisation a été dressée, il est encore possible de demander le classement sans suite de son affaire (en cas d’avis d’amende forfaitaire) ou sa relaxe (devant un tribunal) en démontrant que l’arrêté était illégal.
Il faut alors soit sur ANTAI (https://www.antai.gouv.fr/ en cas d’amende forfaitaire), soit devant le tribunal de police, avant les réquisitions de l’officier du ministère public, déposer des conclusions soulevant l’illégalité ou l’inconventionnalité de l’arrêté d’interdiction (procédure devant le tribunal de police, voir le Guide ; sur un exemple de contestation, voir le Point droit et notamment la partie sur la liberté d’expression https://site.ldh-france.org/paris/nos-outils/).
Fermeture de commerces ou enlèvement de véhicules.
Le préfet de police (à Paris, le maire ailleurs) peut exiger la fermeture temporaire de commerces, des enlèvements de véhicules (interdiction de stationnement…)… (art. L. 2512-13 et L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales).

AUX ABORDS DE LA MANIFESTATION
Inspection et fouille des bagages.
La loi du 10 avril 2019 (n°2019-290) permet au procureur de la République de donner le pouvoir aux officiers, agents de police judiciaire et APJ adjoints de procéder à l’inspection visuelle et à la  fouille des bagages  ainsi qu’à la fouille de véhicules aux abords d’une manifestation (art. 78-2-5 CPP) aux fins de recherche d’une arme.
Vous remarquerez que dans ce cas, il ne s’agit pas d’une fouille corporelle (de vos poches, de vos vêtements en général), qui ne peut pas faire l’objet d’une telle réquisition.
S’ils disposent de cette réquisition, la fouille effectuée sera régulière (les policiers ne sont pas tenus de vous présenter la réquisition du procureur) ; à défaut de cette réquisition, la fouille des bagages sans indice préalable d’infraction est interdite (Voir Point droit) et le contrôle est peut-être irrégulier (il existe d’autres cas de contrôles permis, cf 78-2-2 CPP). Vous ne pouvez pas en juger sur le moment, il faut donc juste obtenir témoignages et images si possible (photographie/film), pour avoir des preuves dont votre avocat pourra se servir pour vous défendre. Reportez-vous également au paragraphe ci-dessous sur les contrôles d’identité pour des conseils en ce cas.

Si on trouve sur vous une arme ou du liguide incendiaire, vous risquez une interpellation et un placement en garde à vue puisque la participation à la manifestation avec une arme est un délit passible de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende (art. 431-10 CP cf. ci-dessous la liste des infractions).
S’il s’agit d’un objet dangereux susceptible d’être utilisé comme arme, en pratique, vous pouvez être interpellé et placé en garde à vue en dépit de l’irrégularité de ces pratiques policières (voir le Point droit de l’Observatoire sur l’interpellation ayant pour motif le fait d’avoir avec soi un casque de vélo ou de moto).

L’autorité compétente (à Paris le préfet de police, sinon le maire) peut interdire par arrêté, (publié sur le site de la préfecture https://www.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/actualites-et-presse/arretes/accueil-arretes) d’avoir sur soi ces objets ou de les transporter aux abords et dans la manifestation : article L. 211-3 du code de la sécurité intérieure, « CSI »). Le non-respect de cet arrêté est une contravention. Ces arrêtés peuvent être attaqués devant le juge des référés du tribunal administratif (ou in limine litis, devant le tribunal de police, en cas de poursuites).
La confiscation des objets est irrégulière (sauf drogue ou arme par nature…) : mais attention à ne pas s’énerver et ayez des témoins en cas de réclamation, si possible au supérieur hiérarchique, pour ne pas être poursuivi pour outrage ou rébellion. Notez le matricule de l’agent, enregistrez votre conversation, ayez des témoins, pour pouvoir récupérer vos objets. Demandez éventuellement un récépissé (mais il est assez illusoire de l’obtenir) et à quel commissariat s’adresser ensuite. Avertissez l’Observatoire.

Palpations de sécurité.
Les palpations de sécurité (toucher par-dessus les vêtements ; parfois sur les sacs fermés, la condition du sexe de l’agent ne se pose pas alors) ne peuvent être effectuées en principe que par une personne du même sexe mais le texte ne le précise pas (la question se pose donc). (art. R 434-16 CSI ; contrairement à la précision pour les agents privés de sécurité, voir ci-dessous et art. L. 613-2 al.2 CSI). 

Essayez de repérer quel type d’« agent » la pratique : car la police municipale, les adjoints de sécurité ou même des agents de la RATP ou de la SNCF, ou des agents agréés exerçant une activité privée de sécurité (si le préfet autorise ces personnes dans son arrêté créant un périmètre de protection, ce qui n’est pas légal sur une manifestation) n’ont pas le droit de pratiquer une palpation sans être sous l’autorité directe d’un officier de police judiciaire et sans votre consentement exprès (CC 2017-695 QPC du 29 mars 2018 §27), Voir Nos droits face aux agents privés de sécurité.

Les agents ou officiers de police judiciaire, peuvent la pratiquer d’office, à l’occasion d’un contrôle d’identité, que vous soyez d’accord ou non (voir ci-dessous).
Essayez si vous pouvez, de repérer si l’agent de contrôle était seul ou avec qui (pour une éventuelle contestation, en cas de poursuites contre vous ou si vous voulez témoigner).
Si le policier touche vos parties génitales, il faudra des témoins (et mieux, des vidéos) pour protester de cette atteinte à votre dignité, disproportionnée par-rapport aux enjeux de sécurité. Evidemment, pas de « palpation » dans l’anus ou dans le vagin : dans le premier cas, c’est une agression sexuelle, dans le second un viol. Seul un médecin est habilité à procéder à des investigations corporelles, pendant la garde à vue.

AUX ABORDS ET DANS LA MANIFESTATION

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