par Rémy Dufaut
Nos bénévoles ont reçu la semaine dernière M. Y. Il est de nationalité somalienne, nationalité reconnue officiellement par l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Il a quitté son pays en 2015 et a rejoint la France en 2018. Il a vu en juillet 2019 sa demande d’asile rejetée, ainsi qu’une reconnaissance de sa qualité de réfugié, de même que le bénéfice de la protection subsidiaire.
Faisant partie d’un clan minoritaire, il a été persécuté par des miliciens du groupe Al Shabaab en raison de son refus de collaborer avec eux. Lorsqu’on lui a proposé un emploi en mai 2015 dans son pays, il a accepté. Il a été conduit à un camp de la milice Al Shabaab où il a été séquestré dans une pièce où se trouvaient déjà trois autres individus. Le deuxième jour, il a tenté de fuir. Il a été surpris par un gardien qui l’a arrêté et battu. Au bout de vingt jours, il a été désigné pour commettre un attentat suicide. Lors de la prière préalable au passage à l’acte, il est parvenu à s’enfuir. Il a quitté son pays puis rejoint la France en mars 2018, après avoir transité par l’Ethiopie, le Soudan, la Libye, l’Italie, la Suisse et l’Allemagne.
Sa première demande d’asile en France ayant été rejetée, un recours auprès de la CNDA (Commission nationale du droit d’asile) a été étudié en audience le 2 novembre dernier et a été également rejeté sous des motifs que même l’esprit le plus tortueux aurait du mal à imaginer. Ses paroles sont mises en doute au prétexte qu’il ne peut situer le moment de sa fuite précisément au début ou bien à la fin de la prière. Aux yeux du juge, il est sans doute indéniable que l’on a l’esprit parfaitement lucide lorsqu’on sait qu’on va se faire exploser à 18 ans; on est donc évidemment très concentré sur la prière à ce moment précis.
Et de se lancer dans une étude statistique détaillée de la situation prévalant actuellement en Somalie, arguant que « même si le nombre d’incidents de violence à distance est demeuré constant et a même fait plus de victimes en 2019 que lors des deux années précédentes, dans l’ensemble, Yarmed Conflict Location and Event Data Project (ACLED) recense une baisse d’environ 30 % du nombre d’incidents entre 2017 et 2019 et de 14 % du nombre de décès. »
Et d’ajouter : « On compte une baisse plus importante du nombre de victimes civiles, de l’ordre de 45 % par rapport à 2017 et 2018. Dans l’ensemble de l’Etat du Hir-Shabelle, qui compte environ un million d’habitants, en 2019, ACLED a rapporté 443 incidents ayant entraîné la mort de 866 personnes, dont au moins 198 civils. Si selon les Nations unies (UN Doc S/2019/799), la persistance du conflit armé et de l’insécurité continue de provoquer des déplacements importants de population dans plusieurs régions somaliennes notamment dans le Hir-Shabelle qui connaît d’importantes migrations internes, avec 354 930 départs et 345 630 arrivées, la plupart de ces déplacements ne sont cependant pas liés à la situation sécuritaire dans la région, mais sont la conséquence des inondations qui ont particulièrement touché cet État, surtout le district de Beledweyne, en automne. »
Comment mieux noyer le poisson, c’est le cas de le dire, que d’évoquer les inondations de 2019 alors que ce que redoute M. Y. n’est pas l’humidité ambiante du district de Beledweyne en automne, mais bien la menace de mort qui pèse sur sa tête et l’empêche de dormir depuis 5 ans ? Il a aujourd’hui 23 ans et n’attend plus rien de l’avenir…