Attentat de Nice : faire émerger la vérité

Communiqué de presse commun : Ligue des Droits de l’Homme section Nice – Syndicat des Avocats de France – Collectif citoyen 06 – Tous citoyens

Les auditions de François Hollande et Bernard Cazeneuve par la Cour d’Assises spéciale de Paris lundi 10 octobre n’ont pas permis de faire émerger la vérité sur le dispositif de sécurité mis en place à Nice le 14 juillet 2016.
François Hollande a renvoyé, pour les détails du dispositif, sur Bernard Cazeneuve. Ce dernier a, à son tour, renvoyé à la responsabilité du maire de Nice et du Préfet alors en fonction. Or, et alors que c’est lui qui a validé le dispositif de sécurité, le Préfet Adolphe Colrat n’est pas cité comme témoin dans ce procès.

Jeudi 20 octobre ce sera au tour de Christian Estrosi, alors en charge de la sécurité, et de Philippe Pradal, alors maire de Nice, d’être entendus mais sans qu’aucune suite ne puisse être donnée à ces témoignages dans le présent procès, puisque son objet est uniquement la responsabilité des personnes de l’entourage de l’auteur de l’attentat.

Or les auditions de François Hollande et de Bernard Cazeneuve le 10 octobre laissent en suspens nombre d’interrogations sur la sécurité du 14 juillet :
– Avions-nous le niveau de sécurisation suffisant compte tenu que « le niveau d’alerte terroriste était à son paroxysme et que la menace terroriste était extrêmement élevée à l’été 2016, et notamment à Nice » ? « A-t-on raté quelque chose en termes de prévention des risques ? » a demandé d’emblée Laurent Raviot, le Président de la Cour d’Assises.

– Quel a été le dispositif de sécurisation réel coordonné par l’Etat et par la Ville : nombre et répartition des forces de l’ordre présentes, absence de plots en béton, barrage trop léger à l’angle Gambetta – Promenade, etc. ? « Beaucoup de Niçois disent qu’il y avait un déficit de policiers le 14 juillet, en comparaison de la fête de la musique le 21 juin », a indiqué le Président de la cour d’Assises.

– Comment l’auteur de l’attentat a-t-il pu faire ses repérages en camion à 10 reprises sur la Promenade des anglais, dans la ville la plus vidéosurveillée de France ? « Qui s’occupe de visionner ? Quelle articulation entre la police nationale et la police municipale ? » demande le Président Laurent Raviot.

– Quel a été le niveau d’implication des représentants de l’Etat et de la Ville de Nice dans les réunions de préparation de la sécurisation de Nice ?
En l’état des questionnements posés, nous réitérons notre demande d’un procès spécifique sur la sécurisation de Nice le 14 juillet 2016, pour que toute la lumière soit faite, pour savoir ce qui a été réellement fait et ce qui n’a pas été fait pour nous protéger ce soir là et pour ne plus jamais connaître les mêmes failles de sécurité.

Enfin, le Président de la Cour d’Assises spéciale a déclaré en audience « Il y a bien une instruction en cours sur la sécurité du 14 juillet à Nice, mais nous n’avons aucune info ». Xavier Bonhomme, Procureur de Nice, a confirmé à la presse que « cette enquête est dans les mains de deux magistrats instructeurs ». Afin d’éviter toute pression locale nous demandons le dépaysement de l’information judiciaire en cours pouvant aboutir à la tenue de ce second procès et que ce dossier ne soit plus instruit à Nice.

Nice, le 19 octobre 2022

Ligue des Droits de l’Homme section Nice – Syndicat des Avocats de France – Collectif citoyen 06 – Tous citoyens

Centrale nucléaire du Tricastin : la justice enquête sur des soupçons de dissimulation d’incidents

Publié sur radiofrance.fr avec AFP le jeudi 9 juin 2022

Après la plainte déposée en octobre par un ancien cadre de la centrale drômoise, une information judiciaire a été ouverte pour « non-déclaration d’incident ou d’accident », « mise en danger d’autrui » et « faux et usage de faux ». Elle porte sur une douzaine d’infractions potentielles.

Des incidents survenus à la centrale nucléaire entre 2017 et 2021 de Tricastin ont-ils été étouffés ? Une juge d’instruction va se pencher sur la question. Le parquet de Marseille a confirmé ce jeudi l’ouverture d’une information judiciaire contre X pour « obstacle au contrôle des enquêteurs« , « non-déclaration d’incident ou d’accident », « mise en danger d’autrui » , « faux et usage de faux », après la plainte déposée en octobre 2021 contre EDF par un cadre de la centrale.

Une douzaine d’infraction potentielles

Cette information judiciaire porte au total sur une douzaine d’infractions potentielles au Code pénal et au Code de l’environnement, dont le « déversement dans l’eau par violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence d’une substance entraînant des effets nuisibles », et des faits de « harcèlement moral ».

« Cette décision, qui intervient à l’initiative du procureur de la République, traduit l’extrême gravité des faits dénoncés par notre client qui avait alerté en vain son employeur et averti le ministère de l’Écologie« , selon les avocats du cadre d’EDF, Vincent Brengarth et William Bourdon. Leur client, Hugo (prénom d’emprunt), a déposé une plainte simple en octobre 2021 contre EDF et sa hiérarchie, les accusant de l’avoir placardisé pour avoir dénoncé une « politique de dissimulation » d’incidents de sûreté ces dernières années. Il demande depuis le statut de lanceur d’alerte.

Des anomalies non déclarées à l’Autorité de sûreté nucléaire ?

Entré à EDF en 2004, Hugo est devenu chef de service à Tricastin en septembre 2016. D’après l’ingénieur, diverses anomalies, comme une surpuissance du réacteur n°1 en juin 2017, ou encore une inondation interne le 29 août 2018 sur la tranche n°3, n’auraient pas été déclarées à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Ou l’auraient été de façon à « minimiser les événements ».

Cette information judiciaire « ouvre la voie à une reconnaissance par la justice des faits dénoncés et ayant valu à notre client, lanceur d’alerte, de traverser un véritable calvaire depuis plusieurs années », ont ajouté Mes Brengarth et Bourdon. « Ce qu’il dénonce, c’est une culture du secret qui s’épaissit à mesure que les incidents se multiplient » ajoute William Bourdon, interviewé sur franceinfo. « Et en plus, on l’engueule, on l’insulte, on lui demande de se taire. C’est ça qui est absolument insupportable. »

En février 2021, l’ASN a ouvert la voie à la poursuite de l’exploitation des plus vieux réacteurs, dont ceux de Tricastin, au-delà de quarante ans, enjoignant à EDF de réaliser des travaux pour améliorer leur sûreté.

Durée de vie des centrales nucléaires en France: prolongation de leur vie de 40 à 50 ans!

L’Agence de Sécurité Nucléaire décide de prolonger la vie des centrales de 900 mw (avec 4 réacteurs). Au prix de la sécurité des citoyens, dont c’est pourtant la vocation, l’ASN montre ouvertement son allégeance envers EDF et le gouvernement. La LDH soutient la lutte des associations anti-nucléaires et de riverains des centrales face aux risques considérables que cette prolongation de vieilles centrales fait courir à la population.

Prolongation du fonctionnement des réacteurs de 900 MW au-delà de 40 ans : l’ASN revoit ses exigences à la baisse pour satisfaire celles d’EDF et du gouvernement

Communiqué de Sortir du nucléaire du 25 février 2021

Le 25 février 2021, l’Autorité de sûreté nucléaire a publié sa décision sur les conditions de la poursuite du fonctionnement des réacteurs de 900 MW au-delà de 40 ans. Sans surprise, celle-ci entérine un recul de la sûreté et ouvre la porte à toutes les dérives de fait accompli d’EDF.

Un nombre croissant de réacteurs du parc nucléaire français se rapproche ou a déjà dépassé les 40 ans de fonctionnement, échéance critique à partir de laquelle les risques de rupture de la cuve s’accroissent dangereusement. Une prolongation du fonctionnement des réacteurs au-delà de cette échéance augmenterait dangereusement les risques pour les populations. Rappelons qu’ EDF – dans une situation financière difficile – ne parvient déjà pas à assurer une maintenance correcte de ses installations, comme en témoigne la découverte régulière d’incidents de « non-tenue au séisme » [1].

Or depuis 2016, EDF considère comme acquis que les réacteurs du parc nucléaire français fonctionneront jusqu’à 50 ans, voire même jusqu’à 60 ans. Le gouvernement a entériné ce souhait dans la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie, qui prévoit que quasiment tous les réacteurs – y compris ceux destinés à être arrêtés d’ici à 2035 – iraient jusqu’aux 50 ans de fonctionnement. Plutôt que de se montrer intransigeante sur la sûreté, l’ASN a pris acte de cette décision, adoptée sans aucune consultation des populations. Pire : dans sa décision, elle a revu ses exigences à la baisse pour s’adapter aux difficultés industrielles que pourrait rencontrer EDF.

Ainsi, entre le projet de décision mis en consultation et la décision publiée ce jour, l’ASN a repoussé de plusieurs années la date butoir pour la réalisation de certaines prescriptions. Par exemple, la mise en oeuvre de dispositions jugées nécessaires pour la sécurité des piscines d’entreposage du combustible a été repoussée de 5 ans [2]. L’ASN justifie les délais par la prise en compte de « la capacité du tissu industriel à les réaliser avec le niveau de qualité attendu, ainsi que de la nécessaire formation associée des opérateurs ». Mais si EDF n’est actuellement pas en capacité de réaliser ces travaux correctement, qui dit qu’elle le sera plus tard, au vu de sa situation financière très dégradée ?

La lettre adressée par l’ASN à EDF est également éloquente. Alors qu’il était initialement question d’appliquer aux centrales nucléaires de plus de 40 ans les mêmes exigences qu’à la dernière génération de réacteurs, il n’est plus question que de les « rapprocher » de ce niveau de sûreté. L’ASN parle de « réduire le risque d’accident avec fusion du coeur » et d’en « limiter les conséquences », actant qu’une telle éventualité est possible.

Surtout, l’ASN entérine pour de bon le fait que les travaux requis pour le passage de cette échéance seraient réalisés en deux phases. La deuxième, qui comprend un certain nombre de mesures post-Fukushima, pourra être réalisée jusqu’à 5 ans après la visite décennale elle-même (voire 6 pour certains réacteurs) ! Sachant que les réacteurs abordent leur 4ème visite décennale à 42 ans en moyenne, ils verraient donc la fin des travaux à près de 47 ans de fonctionnement…

Avec un processus autorisant des travaux aussi tardifs, tout laisse à croire que certains pourraient ne jamais être réalisés. Le retard déjà pris dans la réalisation des mesures post-Fukushima l’illustre bien [3] . EDF engagerait-elle des transformations longues et coûteuses pour des réacteurs promis à la fermeture quelques années après ? Entre difficultés industrielles, volonté de réduire les coûts et pratique du fait accompli, ne risque-t-elle pas plutôt d’effectuer des travaux au rabais, voire de les repousser pour finalement demander à en être dispensée, comme elle l’a déjà fait par le passé [4] ? Ou encore, si ces travaux sont effectivement réalisés, ne risque-t-elle pas de tirer prétexte de leur amortissement pour imposer la prolongation de réacteurs à bout de souffle ?

Il est inacceptable que l’ASN s’ajuste ainsi aux conditions d’EDF et permette une prolongation de la durée de fonctionnement des réacteurs assortie d’une dégradation de la sûreté. Son devoir est normalement de protéger les populations, pas de ménager l’industrie nucléaire.

Nous appelons chacune et chacun à s’opposer à la poursuite du fonctionnement de ces vieux réacteurs, qui génèrerait par ailleurs la production de déchets ingérables supplémentaires. Pour préserver les générations futures, l’urgence doit être de changer de système énergétique de façon pérenne, pas de gaspiller des dizaines de milliards d’euros dans le rafistolage illusoire de vieux réacteurs pour tenter de les faire tenir une ou deux décennies de plus.


Notes

[1Voir un aperçu ici

[2] Par exemple, pour la centrale de Chinon, la date butoir pour ces travaux a été repoussée de 2024-2031 à 2029-2036.

[3] Voir la note de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire sur l’état d’avancement des normes post-Fukushima, qui confirme que leur mise en application sur l’ensemble du parc ne sera pas effective avant 2034 !

[4] En 2012, l’ASN avait imposé à EDF la mise en place de diesels d’ultime secours sur tout le parc. EDF a finalement obtenu que Fessenheim en soit dispensée, alors même que ce dispositif reste nécessaire plusieurs années après sa fermeture. Nous avions déposé plainte à ce sujet.