lettre ouverte : bidonvilles parisiens menacés de destruction imminente, 600 personnes concernées

Paris, le 16 janvier 2017

Madame Anne Hidalgo, maire de Paris
Monsieur Michel Cadot, préfet de Police
Monsieur Jean-François Carenco, préfet de la région Ile de France, préfet de Paris
Copie à:
Madame Hélène Bidard, adjointe au maire de Paris, lutte contre les
discriminations

Monsieur Gilles Clavreuil, préfet délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (DILCRA)
Monsieur Jacques Toubon, défenseur des droits

Objet: bidonvilles parisiens menacés de destruction imminente, 600 personnes concernées

Madame la Maire, Messieurs les Préfets,

Nous tenons à vous faire part de nos plus grandes inquiétudes face à la situation des trois bidonvilles parisiens menacés d’une expulsion imminente, qui concernent environ 600 personnes dont 150 enfants. Aujourd’hui les services de l’État et les municipalités se livrent au jeu inique et sans fin du déplacement du problème. Il est temps d’y mettre un terme.
Chaque expulsion sans solution durable est un drame humain pour les familles qui, pour éviter de dormir dans les rues, sont forcées de trouver, en urgence, d’autres abris de fortune sur un nouveau terrain. Les expulsions à répétition les fragilisent encore davantage, socialement et économiquement, empêchant également un accès pérenne à l’école pour les enfants.
Non seulement ces expulsions n’apportent aucune solution, mais de plus elles sont, à terme, plus onéreuses que des solutions de constructions innovantes.
Face à la réapparition des bidonvilles en France depuis 25 ans, qui concerneraient environ 20 000 personnes, la réponse des pouvoirs publics a été et reste inappropriée. Au lieu de construire afin de répondre à la demande de logements, les responsables politiques ont, dans un premier temps, préféré pratiquer le déni du problème. Dans un second temps ils ont lancé des campagnes ignobles à caractère raciste, ethnicisant le problème et faisant des Roms de trop faciles boucs émissaires, pour pratiquer une politique de destruction massive de leurs lieux de vie. Pas plus aujourd’hui qu’hier le problème des bidonvilles n’a fondamentalement un caractère ethnique.
La réapparition des bidonvilles n’est que la pointe émergée de l’iceberg du mal-logement en France. Selon l’INSEE, 141 500 personnes sont sans domicile, une majorité vivant en habitats de fortune. Le surpeuplement accentué touche 934 000 personnes. Près de 2 000 000 de demandes de logements sociaux, nombre en augmentation constante depuis de trop nombreuses années, sont en attente.
Une politique du logement qui n’oublie personne est nécessaire et possible. Des solutions immédiates, transitoires ou pérennes, existent. Architectes et coopératives de l’économie sociale et solidaire en proposent depuis plusieurs années.
Des terrains existent à Paris comme en Ile-de-France pour les mettre en œuvre. Les financements existent puisque les Parisiens, qui sont solidaires, ont mis le projet du budget participatif « Des abris pour les sans domicile » en tête de leurs choix. Des financements européens, gérés par la Région Ile-de-France, existent également. Il faut du courage politique pour que Paris et la Région participent à une véritable politique de résorption des bidonvilles qui doit être menée dans la transparence.
Dans l’immédiat, nous vous demandons de surseoir à toute expulsion et d’appliquer le délai de six mois figurant dans le jugement du Tribunal de grande instance de Nanterre du 4 janvier 2017  afin  de  réaliser  le  diagnostic  social  et  l’accompagnement  prévu  par  la  circulaire  du  26 août 2012. Une sécurisation (accès à l’eau, à l’électricité, ramassage des ordures, pose de sanitaires et d’extincteurs) est nécessaire durant cette période.
Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.
Nous  vous  prions  de  croire,  Madame  la  Maire,  Messieurs  les Préfets,  en  l’expression  de  notre haute considération.

Marie Montolieu, Présidente fédération MRAP Paris

Gilles Affaticati, Président fédération LDH Paris