Migrants à Paris, démantèlement, harcèlement, mais aucune réponse du Préfet

Communiqué Interassociatif en date du 25 juin 2018 

Migrants à Paris : après les démantèlements, le harcèlement

(Paris, le 25 juin 2018) – Après 3 opérations de démantèlement des campements parisiens au début de ce mois, une mécanique infernale se met en place, connue, celle du harcèlement policier à l’encontre des migrants, les poussant à se cacher et à vivre dans une rare précarité. Aujourd’hui, entre 300 et 500 exilés sont en errance dans le Nord de Paris et à Saint Denis.

En août 2017, suite au démantèlement du campement de la Porte de la Chapelle, les forces de l’ordre avaient renforcé leur présence afin de dissuader tout nouveau regroupement. Aujourd’hui, l’histoire se répète. En dépit des démantèlements et des mises à l’abri, rien n’est résolu.

Nous, associations et collectifs engagés sur le terrain, nous retrouvons encore une fois aux côtés de personnes perdues, épuisées, extrêmement fragilisées, qui font face jour et nuit à un harcèlement des forces de l’ordre, et que nous ne sommes plus en mesure d’informer et de rassurer. Parmi elle, nous rencontrons de plus en plus de primo arrivants, dont des femmes seules, des familles, des mineurs.

« Je dors dehors, dans le quartier de la Porte de La Chapelle. La police vient souvent nous réveiller la nuit et nous demande de partir tous les matins. Un ami qui ne bougeait pas assez vite a même été gazé… On est dans le sale toute la journée, il n’y a même pas de toilettes et de point d’eau, et ça fait 2 semaines que je n’ai pas pu me doucher…»

Seydou, 20 ans, passé par la Libye, naufragé en Méditerranée, aujourd’hui à la rue.

Pendant que les sénateurs et sénatrices s’ingénient à durcir le Projet de loi asile & immigration, à quelques kilomètres de là, les forces de l’ordre se livrent à une véritable chasse aux migrants.

A la dureté de la politique française et des pratiques violentes, viennent s’ajouter les effets d’un règlement Dublin qui maintient les personnes dans l’errance, augmente les craintes d’expulsion et pousse les personnes exilées vers une plus grande précarité.

  • Combien de temps encore l’Etat français se dérobera-t-il à ses obligations en se défaussant sur les citoyens, les collectifs, les associations pour porter assistance aux personnes vulnérables ?

  • Combien de fois encore se répètera le cycle : campement – inaction – démantèlement – retour des ‘invisibles’ – harcèlement policier ?

  • Jusqu’à quand l’Etat agira-t-il en violation de ses propres obligations de prise en charge des plus vulnérables et de ceux qui viennent demander protection à la France ?

Nous exhortons les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités. L’Etat doit :

  • Remplir ses obligations de prise en charge des personnes vulnérables en détresse, par une mise à l’abri réellement inconditionnelle ;

  • Suspendre l’application des expulsions liées au régime actuel de Dublin et initier une refonte des textes européens qui soient plus respectueux des droits et de la dignité des personnes ;

  • Porter une politique migratoire ambitieuse, empreinte d’humanité, et en cohérence avec les valeurs de notre pays, pour assurer un véritable accueil et une protection des personnes migrantes tout au long de leur parcours et un accompagnement de tous vers leurs droits.

 

Médecins du Monde,Utopia 56; La CIMADE ;Le Secours Catholique – CEDRE

Première Urgence Internationale ;Dom Asile ;Le Gisti ;Solidarité Migrants Wilson

La Chorba ; Les P’tits dej à Flandres ;La Gamelle de Jaurès ;  LDH – Fédération de Paris 

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Lettre ouverte  diffusée le vendredi 26 avril 2018

Si les adjoints de Madame Hidalgo, suite à la réception de cette lettre  ont reçu une délégation de la LDH Paris, aucun signe, aucun accusé de réception de la part de la Préfecture !

A

Madame la Maire de Paris,

Madame la Présidente du conseil Régional d’île de France

Monsieur le Préfet de Paris

Au voisinage du nouveau campement de la Villette à Paris, les sections parisiennes LDH des 18ème et 19ème arrondissement appellent à une action urgente des pouvoirs publics. L’existence de ce nouveau camp à Paris est une honte et traduit un déni des droits fondamentaux. Un tel dénuement de milliers de personnes signe une faillite de l’Etat, rentrant en violation de ses engagements internationaux, décrédibilisant les engagements des responsables politiques.

 
Les faits sont terribles : une dizaine de toilettes pour 2000 femmes, hommes et enfants, une maraude professionnelle de simplement 15 personnes déléguées par la Mairie de Paris. L’absence de douche entraîne des conditions sanitaires critiques (tuberculose, gâle). Le délaissement et l’absence de prise en charge ont motivé une personne à une tentative d’immolation. Des barrières et des cadenas ont été installés autour du camp rendant impossible des distributions de nourriture dignes. L’absence de soins a obligé une femme à accoucher au sein même du camp.

Ces conditions de vie imposées à des personnes déjà traumatisées par un exil violent ne sont pas en conformité aux droits accordés à chaque personne en application de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et de la législation française. Pourtant à l’heure actuelle, tant les mesures municipales que les dispositions nationales conduisent ces personnes à se méfier, se cacher et à survivre dans des conditions indignes d’un être humain.

Face à l’urgence de la situation, les services locaux et nationaux doivent cesser de se renvoyer la responsabilité de cette prise en charge. En tant que garantes du respect du principe constitutionnel de dignité humaine, les autorités dotées du pouvoir de police sont tenues d’agir pour que soit garanti le droit, pour toute personne, à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants. Devant une carence manifeste des services publics français, la responsabilité des institutions ne peut être que partagée.

 Nous soutenons l’appel du Défenseur des droits dont nous partageons les  inquiétudes et les recommandations :

  • Les personnes survivant dans ce camp sont en majorité en procédure Dublin et ces conditions de vie sont malheureusement les conséquences terribles d’une politique européenne d’asile inefficace et désordonnée. Nous demandons ainsi à l’Etat d’utiliser la clause 17 du règlement Dublin et d’user de son pouvoir discrétionnaire pour donner l’accès de ces personnes à la procédure d’asile et à un hébergement.

  • Le projet d’une plateforme téléphonique pour le premier rendez-vous des exilés primo-arrivants va accentuer le repli de ces personnes. Ce projet ne doit pas être mis à exécution, ou doit l’être en complément des possibilités d’inscription à un guichet d’accueil maintenues.

  • La bulle humanitaire de la Porte de la chapelle a été fermée sans qu’aucune structure ait pris le relais. Il est nécessaire que le gouvernement mette des moyens logistiques et budgétaires pour permettre dans la capitale et aux environs immédiats un accueil inconditionnel, un hébergement et un accompagnement professionnel dignes.

  • Ni la loi de finances 2018 ni la réforme actuelle du CESEDA ne prévoient un recrutement suffisant pour assurer correctement le pré-accueil associatif ou en préfecture. Le nombre de places en hébergement de personnes en procédure d’asile reste largement en deçà des nécessités (45 000 places de CADA pour 100 000 demandeurs d’asile en 2017).

Nous exhortons l’Etat Français à prendre en compte la situation internationale, à respecter ses engagements internationaux et à ouvrir dans les meilleurs délais un nombre suffisant d’hébergements appropriés.

Comité régional, Fédération de  Paris de la LDH 

Sections  LDH  Paris 18 et 19° .