Durée de vie des centrales nucléaires en France: prolongation de leur vie de 40 à 50 ans!

L’Agence de Sécurité Nucléaire décide de prolonger la vie des centrales de 900 mw (avec 4 réacteurs). Au prix de la sécurité des citoyens, dont c’est pourtant la vocation, l’ASN montre ouvertement son allégeance envers EDF et le gouvernement. La LDH soutient la lutte des associations anti-nucléaires et de riverains des centrales face aux risques considérables que cette prolongation de vieilles centrales fait courir à la population.

Prolongation du fonctionnement des réacteurs de 900 MW au-delà de 40 ans : l’ASN revoit ses exigences à la baisse pour satisfaire celles d’EDF et du gouvernement

Communiqué de Sortir du nucléaire du 25 février 2021

Le 25 février 2021, l’Autorité de sûreté nucléaire a publié sa décision sur les conditions de la poursuite du fonctionnement des réacteurs de 900 MW au-delà de 40 ans. Sans surprise, celle-ci entérine un recul de la sûreté et ouvre la porte à toutes les dérives de fait accompli d’EDF.

Un nombre croissant de réacteurs du parc nucléaire français se rapproche ou a déjà dépassé les 40 ans de fonctionnement, échéance critique à partir de laquelle les risques de rupture de la cuve s’accroissent dangereusement. Une prolongation du fonctionnement des réacteurs au-delà de cette échéance augmenterait dangereusement les risques pour les populations. Rappelons qu’ EDF – dans une situation financière difficile – ne parvient déjà pas à assurer une maintenance correcte de ses installations, comme en témoigne la découverte régulière d’incidents de « non-tenue au séisme » [1].

Or depuis 2016, EDF considère comme acquis que les réacteurs du parc nucléaire français fonctionneront jusqu’à 50 ans, voire même jusqu’à 60 ans. Le gouvernement a entériné ce souhait dans la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie, qui prévoit que quasiment tous les réacteurs – y compris ceux destinés à être arrêtés d’ici à 2035 – iraient jusqu’aux 50 ans de fonctionnement. Plutôt que de se montrer intransigeante sur la sûreté, l’ASN a pris acte de cette décision, adoptée sans aucune consultation des populations. Pire : dans sa décision, elle a revu ses exigences à la baisse pour s’adapter aux difficultés industrielles que pourrait rencontrer EDF.

Ainsi, entre le projet de décision mis en consultation et la décision publiée ce jour, l’ASN a repoussé de plusieurs années la date butoir pour la réalisation de certaines prescriptions. Par exemple, la mise en oeuvre de dispositions jugées nécessaires pour la sécurité des piscines d’entreposage du combustible a été repoussée de 5 ans [2]. L’ASN justifie les délais par la prise en compte de « la capacité du tissu industriel à les réaliser avec le niveau de qualité attendu, ainsi que de la nécessaire formation associée des opérateurs ». Mais si EDF n’est actuellement pas en capacité de réaliser ces travaux correctement, qui dit qu’elle le sera plus tard, au vu de sa situation financière très dégradée ?

La lettre adressée par l’ASN à EDF est également éloquente. Alors qu’il était initialement question d’appliquer aux centrales nucléaires de plus de 40 ans les mêmes exigences qu’à la dernière génération de réacteurs, il n’est plus question que de les « rapprocher » de ce niveau de sûreté. L’ASN parle de « réduire le risque d’accident avec fusion du coeur » et d’en « limiter les conséquences », actant qu’une telle éventualité est possible.

Surtout, l’ASN entérine pour de bon le fait que les travaux requis pour le passage de cette échéance seraient réalisés en deux phases. La deuxième, qui comprend un certain nombre de mesures post-Fukushima, pourra être réalisée jusqu’à 5 ans après la visite décennale elle-même (voire 6 pour certains réacteurs) ! Sachant que les réacteurs abordent leur 4ème visite décennale à 42 ans en moyenne, ils verraient donc la fin des travaux à près de 47 ans de fonctionnement…

Avec un processus autorisant des travaux aussi tardifs, tout laisse à croire que certains pourraient ne jamais être réalisés. Le retard déjà pris dans la réalisation des mesures post-Fukushima l’illustre bien [3] . EDF engagerait-elle des transformations longues et coûteuses pour des réacteurs promis à la fermeture quelques années après ? Entre difficultés industrielles, volonté de réduire les coûts et pratique du fait accompli, ne risque-t-elle pas plutôt d’effectuer des travaux au rabais, voire de les repousser pour finalement demander à en être dispensée, comme elle l’a déjà fait par le passé [4] ? Ou encore, si ces travaux sont effectivement réalisés, ne risque-t-elle pas de tirer prétexte de leur amortissement pour imposer la prolongation de réacteurs à bout de souffle ?

Il est inacceptable que l’ASN s’ajuste ainsi aux conditions d’EDF et permette une prolongation de la durée de fonctionnement des réacteurs assortie d’une dégradation de la sûreté. Son devoir est normalement de protéger les populations, pas de ménager l’industrie nucléaire.

Nous appelons chacune et chacun à s’opposer à la poursuite du fonctionnement de ces vieux réacteurs, qui génèrerait par ailleurs la production de déchets ingérables supplémentaires. Pour préserver les générations futures, l’urgence doit être de changer de système énergétique de façon pérenne, pas de gaspiller des dizaines de milliards d’euros dans le rafistolage illusoire de vieux réacteurs pour tenter de les faire tenir une ou deux décennies de plus.


Notes

[1Voir un aperçu ici

[2] Par exemple, pour la centrale de Chinon, la date butoir pour ces travaux a été repoussée de 2024-2031 à 2029-2036.

[3] Voir la note de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire sur l’état d’avancement des normes post-Fukushima, qui confirme que leur mise en application sur l’ensemble du parc ne sera pas effective avant 2034 !

[4] En 2012, l’ASN avait imposé à EDF la mise en place de diesels d’ultime secours sur tout le parc. EDF a finalement obtenu que Fessenheim en soit dispensée, alors même que ce dispositif reste nécessaire plusieurs années après sa fermeture. Nous avions déposé plainte à ce sujet.

Centrale nucléaire de Fessenheim: Des insuffisances «inacceptables» selon l’Agence de sûreté nucléaire

Publié sur francetvinfo.fr

Fessenheim : l’Autorité de sûreté nucléaire pointe des insuffisances face au risque d’incendie

Dans une lettre d’information de la centrale nucléaire diffusée le 11 juillet, EDF confirme que « l’ASN a demandé la mise en place de moyens complémentaires, ce qui a été aussitôt réalisé ».

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé au directeur de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) de prendre rapidement des mesures pour pallier des insuffisances jugées « inacceptables » face au risque d’incendie, selon un courrier révélé mardi 16 juillet par le quotidien L’Alsace.

Dans ce courrier daté du 4 juillet et rédigé à la suite d’une inspection inopinée dans la doyenne des centrales nucléaires françaises, l’ASN note que l’exploitant EDF « n’a pas été en mesure de déployer les moyens matériels suffisants » pour empêcher « la propagation potentielle d’un feu dans un réservoir de fuel ».

« Seule de l’eau et non de la mousse a pu être envoyée », alors que l’eau « est au contraire à proscrire pour éviter l’extension de ce type de feu d’hydrocarbures », critique l’autorité chargée de la sécurité des centrales nucléaires françaises. « Même si l’installation concernée se situe hors zone nucléaire et n’affecte pas directement la sûreté des réacteurs, cette situation n’est pas acceptable et nécessite une action rapide de votre part, au regard des enjeux liés à un incendie de ce type et à la proximité immédiate d’un des deux réservoirs de fuel des groupes électrogènes de secours », note encore l’ASN.

Des consignes « inappropriées »

L’Autorité demande que soient mises en œuvre des dispositions pour permettre de temporiser un incendie pendant une heure dans l’attente de l’intervention des pompiers, ainsi que la modification de fiches de consignes destinées au personnel car certaines prescrivent « des actions inappropriées »en cas de feu d’hydrocarbures.

Selon la lettre d’information de la centrale nucléaire diffusée le 11 juillet,« l’ASN a demandé la mise en place de moyens complémentaires [à l’eau], ce qui a été aussitôt réalisé ». « Ce constat de l’ASN, sans conséquence pour la sûreté, la sécurité des intervenants et l’environnement, a été déclaré le 9 juillet par la centrale au niveau 0 de l’échelle INES qui en compte 7 », précise la lettre d’EDF.