Manifester pour garantir le droit de manifester

Manifester pour garantir le droit de manifester ?

L’article 18 de la déclaration des Droits de l’Homme, adoptée à Paris en 1948 par 58 pays dont la France, déclare : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites. »
Manifester ses convictions, seul ou en commun, est donc une liberté fondamentale.

D’autant que ce texte est repris intégralement dans l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne adoptée en 2010, qui s’est vu confier la même force juridique obligatoire que les traités.
Et cette même Charte précise dans l’article 12 – Liberté de réunion et d’association « 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association à tous les niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique, ce qui implique le droit de toute personne de fonder avec d’autres des syndicats et de s’y affilier pour la défense de ses intérêts. »

Manifester collectivement est donc une liberté reconnue depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
Pourtant, dans la constitution de la Vème république, cette liberté n’est pas clairement énoncée à l’opposé du droit de grève.
Le code pénal lui, reconnaît à la manifestation, sans conteste depuis 1994, le caractère d’une liberté. Dans son article 431-1, il dispose que « le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
Ce texte n’a pas le caractère d’une affirmation solennelle. Mais en réprimant les entraves mises à son exercice, il confère de l’importance au droit de manifester.

De nos jours, ce droit fondamental semble être remis en cause :
Le Courrier des Maires de France a ainsi publié en juin dernier un article titré
La liberté de manifester, une liberté conditionnée… et menacée
http://www.courrierdesmaires.fr/75331/la-liberte-de-manifester-une-liberte-conditionnee-et-menacee/

Participer à une manifestation en France ne doit pas signifier le risque pour chacun et chacune d’entre nous d’être poursuivi, fiché et condamné pénalement ni financièrement.

C’est pourquoi 46 organisations dont la Ligue des Droits de l’Homme appellent
samedi 13 avril 2019 à :

Manifester pour garantir le droit de manifester !

Intimidation des Gilets Jaunes de Pertuis

La section Ligue des Droits de l’Homme de Pertuis condamne les mesures d’intimidation des autorités  à l’encontre des « Gilets Jaunes » de Pertuis.

Nous observons avec attention depuis plusieurs mois les manifestations de « Gilets Jaunes » à Pertuis ou aux alentours, et partout en France.

Il s’agit à l’origine de manifestations plus ou moins spontanées ou plus ou moins organisées de citoyens qui se sont rassemblés avec l’intention d’attirer l’attention sur les conditions de vie difficiles d’une partie importante de la population. Le mouvement a évolué; il permet de susciter des débats dans la population et de faire émerger des propositions politiques quelquefois novatrices.

Même si ce mouvement et les manifestations qu’il génère ne suivent pas les formes habituelles des manifestations populaires ou les prescriptions légales, nul ne peut contester l’ambition majoritaire des participants à contribuer à l’intérêt général.

Localement, chacun a pu remarquer lors des manifestations des « Gilets Jaunes » du Sud Lubéron, l’absence de violence et le respect apporté aux biens et aux personnes.

La section de la Ligue des Droits de l’Homme de Pertuis, sans être partie prenante du mouvement des « Gilets Jaunes », constate son apport au débat démocratique, même si c’est dans des formes nouvelles.

Nous condamnons donc toute tentative de restreindre la liberté d’expression.

Nous rappelons quelques articles extraits de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 :

Article 19 : Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.

Article 20 -1 : Toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques.

Article 21 -1 : Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis.

Dans ce contexte, la convocation par la gendarmerie de Pertuis d’une figure émergente des « Gilets Jaunes » au motif qu’il aurait appelé à participer à une manifestation sans en faire la déclaration préalable en préfecture, nous paraît être une manœuvre d’intimidation visant directement à empêcher cette expression populaire et à empêcher ce mouvement de continuer à faire des propositions qui n’ont pas l’agrément du gouvernement.