Victime de violences conjugales : que faire

URGENCE :

Si votre conjoint ou compagnon vous fait subir des actes de violences conjugales ou menace de le faire, vous pouvez alerter la police ou la gendarmerie en composant le 17

Pour des soins d’urgences, les pompiers en composant le 18.

Pour une urgence, si vous avez des difficultés à entendre ou parler, vous pouvez aussi envoyer un SMS au 114. Vous communiquerez alors par écrit avec votre correspondant.

Si ce n’est pas une urgence : vous pouvez appeler directement  les gendarmeries de  Pertuis au 04 90 77 98 00, de Cadenet au 04 90 68 00 17,  de Beaumont de Pertuis au 04 90 08 00 17, de Peyrolles au 04 42 57 80 09, ou de Venelles  au 04 42 54 25 70.

Se faire aider – NE RESTEZ PAS ISOLEE

Le numéro national Violences Femmes Info : 39 19  est gratuit, ouvert du lundi au vendredi de 9h00 à 19h00. L’appel est anonyme et ne figure pas sur les factures de téléphone.

Localement, vous pouvez contacter :

Quitter son domicile

L’auteur de violences conjugales peut être contraint, par les autorités, de quitter le domicile. La loi permet en effet l’éviction du conjoint ou concubin violent.

Mais la victime peut aussi, si elle le souhaite, quitter le domicile. Pour éviter que ce départ ne vous soit reproché, vous pouvez déposer une main courante au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie. Le fait de subir des violences conjugales peut justifier le départ du domicile.

Faire constater ses blessures

Si vous êtes victime de violence conjugale, vous pouvez vous rendre à l’hôpital, chez un médecin ou une sage-femme. Les constatations médicales seront utiles lorsqu’il s’agira de juger l’auteur des violences. Le professionnel de santé est soumis au secret médical.

Porter plainte

Pour que l’auteur des violences conjugales que vous avez subies soit poursuivi en justice, et qu’il soit condamné pour son acte, vous devez porter plainte dans un délai de 6 ANS.

Par courrier, écrire directement au procureur de la République et envoyer la lettre au tribunal du lieu de l’infraction ou du domicile de l’auteur de l’infraction. La lettre doit préciser les éléments suivants

  • État civil et coordonnées complètes (adresse et numéro de téléphone) du plaignant
  • Récit détaillé des faits, la date et le lieu
  • Nom de l’auteur  et noms et adresses des éventuels témoins,
  • Documents de preuve : certificats médicaux constatant les blessures, arrêts de travail, etc..

Vous pouvez également si vous le préférer vous adresser à une brigade de gendarmerie de votre choix. La réception de la plainte ne peut pas vous être refusée. La plainte est ensuite transmise au procureur de la République par la gendarmerie.

Tribunal d’Instance de PERTUIS Place du 4 Septembre, 84120 Pertuis04 90 79 21 16
Tribunal de Grande Instance d’Avignon : 2 Boulevard Limbert, 84078 Avignon – 04 32 74 74 00
Tribunal de Grande Instance d’Aix en Provence : 40 Boulevard Carnot, 13100 Aix-en-Provence04 42 33 83 00

Éloignement du conjoint violent

Si vous êtes victime de violences au sein de votre couple, vous pouvez déposer auprès du juge aux affaires familiales une requête en vue de la délivrance d’une ordonnance de protection. Vous pouvez faire cette démarche même si vous ne vivez pas en cohabitation avec l’auteur des violences.

En cas de danger pour vous ou vos enfants, ce juge peut en effet vous délivrer en urgence une ordonnance de protection, même si vous n’avez pas encore déposé plainte devant la justice pénale. Il doit statuer dans un délai maximum de 6 jours à compter de la fixation de la date d’audience, après avoir recueilli les observations de chaque partie.

Le juge aux affaires familiales compétent est celui de votre domicile. Vous pouvez lui présenter toutes les preuves de violence : certificats médicaux, photo des blessures, témoignages…

  • Avignon : 2 Boulevard Limbert, 84078 Avignon – 04 32 74 74 00
  • Aix en Provence : Impasse des Frères Pratesi, 13090 Aix-en-Provence04 42 33 83 00

 

 

Violences Intra Familiales

Pourquoi publier http://site.ldh-france.org/pertuis/2020/03/08/droit-dans-les-yeux/

La section LDH de Pertuis travaille sur les Violences Intra Familiales depuis plusieurs années.

L’article « Droit dans les yeux » est paru récemment dans le journal Fakir (février 2020).

https://www.fakirpresse.info/

Nous avons décidé de le publier sur notre site, avec l’autorisation de l’auteur, parce que c’est un article emblématique sur les violences conjugales. Il permet avec une lecture accessible, de situer le problème, et de comprendre qu’il y a de multiples facettes souvent complexes.

Vous y verrez la difficulté pour une femme victime de violence conjugale, de porter plainte ou même simplement être entendue par la police, alors que les autorités assurent que tout est mis en place pour les accueillir.

Vous entendrez l’angoisse de la victime ainsi que son inquiétude pour ses enfants.

Vous entreverrez la spirale complexe qui est mise en place pour que la victime se sente responsable puis coupable des agressions qu’elle subit.

Vous vous étonnerez peut-être que l’agresseur n’a pas toujours conscience de la gravité de ce qu’il fait, et que trop souvent, il répond uniquement par la violence à des problèmes conjugaux.

Cet article illustre bien la complexité de ces dossiers, la difficulté pour une victime qui en réchappe de se reconstruire, mais aussi la difficulté pour la Justice à gérer au mieux ces affaires, à défaut de les prévenir.

Il n’y a pas de solution simple et unique à ces cas toujours particuliers, même si des comportements schématiques sont souvent reconnaissables. Souvent, la prévention progresse quand localement, un acteur institutionnel majeur (Commandant de gendarmerie, Procureur de la République,…) s’empare personnellement de ce sujet. Mais également, la prévention balbutie même avec des acteurs sociaux et des associations engagées, quand le sujet des violences intra familiales est traité avec un vieux relent de machisme et un soupçon de « elle l’a un peu cherché ».

C’est pourquoi, ce sujet terrible (plus d’une centaine de femmes assassinées par an et des dizaines ou centaine de milliers de cas moins dramatiques) ne doit plus être tabou, et qu’il faut ici aussi libérer la parole des victimes, en les écoutant et en les entendant.

DROIT DANS LES YEUX

DROIT DANS LES YEUX

149 femmes mortes sous les coups de leur conjoint en 2019.

Pour Mily, ce n’est pas passé loin : le pistolet sur la tempe …

un article de Cyril Pocréaux, avec son aimable autorisation

Paru dans le journal Fakir n°92 en février 2020

https://fakirpresse.info/droit-dans-les-yeux

pour commander le n°92 : http://bit.ly/fakir-en-kiosque

ou l’acheter chez votre kiosquier : http://bit.ly/fakir-kiosques

L’impression d’être une merde

Jeudi 10 octobre 2019, Assemblée Nationale

« Vous avez affirmé, Madame la Garde des Sceaux, que les policiers d’un commissariat ne pouvaient pas refuser une plainte. C’est sans doute vrai en théorie, mais en pratique, nous le déplorons chaque jour… »

C’était  mi-octobre, à l’Assemblée. La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, ressassait que, pour les femmes battues, dans les commissariats, tout se passait bien. Circulez, y a pas grand-chose à voir, ni à dire, ni à changer, finalement.

Le matin même, Mily, une copine fakirienne de Montélimar, avait passé un coup de fil au rédac’chef – député, en urgence. Il était sorti de l’Hémicycle pour l’écouter. Elle chialait au bout du fil. Mily, notre exploitée du n°89. Mily, notre préfète fakirienne, qui se démène, mère célibataire avec trois enfants. Mily qui a toujours un sourire d’avance. Et là, en pleurs. C’est avec ce drame qu’il tentait de secouer le « Tout va très bien, Madame la Ministre » :

« Il m’avait fait promettre de ne pas porter plainte. Ça m’a ralentie dans le processus. Les faits se sont produits fin août; je n’ai déposé plainte qu’en avril. C’est une décision tellement difficile à prendre… On a besoin de soutien mais on est isolée, physiquement isolée, dans ces cas-là. Je suis allé dans un groupe de soutien, c’est là que j’ai trouvé la force d’aller au commissariat. Quand j’arrive là-bas, la porte est fermée et la sonnette cassée. Il fallait taper à la fenêtre pour qu’on vous voie. Un policier, derrière le guichet, me demande pourquoi je viens. ‘Violences conjugales par arme’. Et là, il se moque de moi. Il se marre. ‘Vous êtes sûre qu’elle était pas en plastique, l’arme ?’ Et il me fait répéter plus fort, devant tout le monde. ‘ Et pourquoi vous ne portez plainte que maintenant ?’ Ça m’énervait tellement… Là, j‘ai compris que ça serait très dur de porter plainte, alors que ma situation était déjà insupportable. Puis j’ai été reçue par une femme policier qui m’a dit qu’il fallait des preuves, des certificats, que sinon ça ne servait à rien, et elle m’a renvoyée. Je suis sortie en pleurant. Heureusement, je suis tout de suite allée voir le médecin, la psy, des personnes qui pouvaient témoigner.

Une heure après, j’étais de retour au commissariat. Et là, le dépôt de plainte, ça été l’horreur : ça l’a gonflée, que je revienne déterminée. Je suis reçue dans un bureau où une autre plainte est déposée en même temps. Pour une dégradation de portail. Pour ça, on répondait au plaignant : ’ah oui, c’est pas normal, vous en faites pas, on va regarder les caméras de vidéosurveillance.’ Avec moi, la policière levait les yeux au ciel, soufflait, c’était le pire, sans qu’on fasse une pause, sans un verre d’eau.’ Mais pourquoi vous avez accepté ça ?’, elle me disait.

Vous auriez dû partir avant… Mais non, ça s’est pas vrai, c’est pas possible.’ J’avais l’impression d’être une merde. D’avoir une double peine. J’ai vécu ça très violemment, aussi violemment que tout le reste. Je suis rentrée chez moi et j’ai pleuré pendant trois jours.’

Finalement, sa plainte fut bien enregistrée. Et le procureur ne l’a pas classée. Et l’affaire est passée au tribunal, après des années d’errance.

Le droit de vivre

Mardi 29 octobre. Tribunal de Carpentras. 11h00

« Au moins, je vais avoir le droit de parler publiquement, dire ce qu’il s’est passé. Pour l’instant, ça n’a pas été possible. »  Mily est nerveuse, ça se sent, entourée de ses deux parents, de ses soutiens et amis. Je le comprends vite : une affaire comme ça, ça vous embarque toute une famille. Le gars se pointe. Une masse, 1m85 peut-être, cent kilos, facile, barbe et crâne rasé. Face à Mily, toute menue, pas grande. Les yeux se croisent. ‘J’ai tenu son regard. Il m’a regardé, j’ai pas baissé les yeux’ se redresse-t-elle. Une peur se fait jour : qu’il ne soit pas condamné. Qu’il s’en sorte sans rien, ou avec une gentille tape sur les mains. Mily, ses gosses, ses proches auraient du mal à s’en remettre, je crois.

A la barre défile le catalogue de la misère et des coups tordus, l’un qui frappe son frère avec un couteau, un autre qui essaie d’échapper à la police pour la sixième fois, un troisième, un monsieur handicapé qui dit ne rien comprendre de ce qu’il fait ici. Au plafond, sur les fresques, Hercule se bat contre les monstres.

Mily trépigne sur son banc, en attendant. Ca approche, et elle part en sanglots. ‘Je faisais encore des cauchemars, y a pas longtemps, tu sais, des crises d’angoisse. Là, je sais que le dénouement est proche, et qu’après, j’aurais le droit de vivre. Et ça fait peur.’

Son affaire est appelée.

L’ancien conjoint s’approche, décline son identité, « Remy Canuti », sa fonction, « directeur général des services à la mairie d’Orange », tendance Front National. La magistrate, lisant le dossier : « Vous aviez une relation sentimentale depuis 2013… isolée de sa famille et de ses amis… giflée sur la joue gauche … vous lui sautez dessus et l’étranglez quand elle ne veut pas changer de vêtements… Un soir, suite à un désaccord sur une mutation, le ton monte. Vous la jetez par terre, la giflez, vous lui mettez un revolver sur la tempe, vous armez le chien, le doigt sur la détente… depuis, elle a été suivie pour choc post-traumatique, dans un contexte dépressif. »

Le colosse fait profil bas. Très bas, même. « Je suis choqué par ma propre violence… J’ai rendu mon revolver. Je reconnais l’intégralité des faits, et il n’y a pas d’explication à mon geste. Ca fait quatre ans que j’attends ce jugement, car je ne pourrais pas vivre sans être jugé et sanctionné pour ce que j’ai fait. »

Il ne peut pas vivre, mais juste assez quand même, pour continuer les avances et pressions sur les femmes qui passent dans ses services, à la mairie, sous ses ordres. Les témoignages, depuis la plainte de Mily, se multiplient.

Il reprend : « J’ai obtenu des justifications, en faisant un travail psychologique ; je suis d’une famille où tout le monde est allé en prison, avec un grand-père voyou. C’est une mauvaise image de l’homme. La scène du revolver, mon père l’avait vu sur sa propre mère. Ça ne justifie rien mais c’est une sorte d’héritage… »

La magistrate : « Donc c’est bien vrai ce qu’elle dit ? »

Canuti : « Oui, enfin, non, pas la tentative de noyade de son fils. »

Car il y a ça, aussi : le petit a été jeté dans une piscine, alors qu’il ne savait pas nager.

L’avocat de Mily : « Qu’est ce qui fait qu’à un moment, on va prendre une arme dans un coffre pour lui mettre sur la tempe ? Elle a peur. Il n’y a rien qui justifie ça… C’est pour l’impressionner, la punir ? »

Canuti : « Je voulais qu’on arrête de se disputer. »

L’avocat de Mily embraye : « C’est le genre de relation qu’on retrouve systématiquement dans ces affaires : on laisse penser que tout est de sa faute, à elle, puis il y a les petites humiliations quotidiennes, les violences, pas anodines, et une jeune femme qui entre dans une relation de dominant – dominée, coupée de son environnement. En termes de violences physiques et psychologiques, c’est abominable. Elle se sent coupable : qu’est ce qui va provoquer son courroux, sa colère ? Et peu à peu, ça vous ramollit. On ne se construit plus que dans le regard de l’autre. L’estime de soi passe par lui »

Mily, juste devant moi, ne pleure plus. Parce qu’elle a trop pleuré.

« Elle vit cette scène depuis cinq ans. Elle a pensé qu’elle allait mourir. Ses enfants étaient à côté. ‘Si moi j’y passe, pour mes enfants, qu’est ce qui va se passer ? Eux aussi ?’ Elle doit suivre une psychothérapie, 60, 80 euros la séance, mais elle n’a pas les moyens. Ça devrait être remboursé. Vous, vous les avez les moyens. On n’a pas à vous remercier de formuler des excuses. »

« Vous avez beaucoup de chance, monsieur »

Salle d’audience. 13h00

Le procureur Raffin (j’ai dû me faire répéter le nom) s’avance, un grand gars, droit : « C’est le dossier du jour pour moi. Malgré le poids de l’expérience, il me fait froid dans le dos. Mais une première remarque, d’abord. N’y a-t-il pas dans l’organisation de la justice un problème ? Les faits datent du 28 août 2014… On a des effectifs nettement sous-dimensionnés dans ce tribunal. Il y a eu des boulettes, par les gendarmes. Un jugement d’incompétence du tribunal de Valence ! De Valence ! »

Le procès aurait dû se tenir trois ans plus tôt à Valence, mais le dossier était sur la mauvaise pile. Mily me racontera : « Ils te font attendre deux heures, tu passes à la barre et là, ils te disent qu’ils sont incompétents, et renvoient ailleurs.» Et c’est reparti pour un tour.

Le procureur : « Vous attendiez ce moment, monsieur ? Moi aussi, je l’attendais… Maintenant, on va s’expliquer. Sachez que vous avez beaucoup de chance. Parce que sous d’autre cieux, vous ne comparaîtriez pas devant ce tribunal. Les circonstances sont aggravantes. J’ai requis aux Assises pour un monsieur, il avait commis un car-jacking, avec pistolet sur la tempe. Il a fait pareil que vous, monsieur. J’ai requis 18 ans. Il en a eu 23, 23 ans ! »

Il se tourne vers les juges, appuie bien les mots.

« Cette relation perverse, elle est ex-clu-si-ve-ment de son fait. Et ban, la gifle ! Et ban, le pistolet ! Et allez, on se rend au coffre, on sort le 357 Magnum. La pression de l’arme l’a balancée à terre, jetée sur le sol. Elle appelle au secours, deux fois. ‘Tu vas te taire !’ Il faut imaginer ses yeux exorbités, et au même moment, le bruit du chien sur le pistolet. Je comprends, qu’elle ait cru voir la mort dans une immédiateté… Une arme sur la tête ! »

Il reprend à peine son souffle.

« Il y a eu un étranglement complet ! Vous savez ce que c’est, la perte de connaissance initiale ? Parce qu’elle avait mis un short trop court ? Il humilie, avec intelligence, la met à genoux, insultes, chantage, quand vous balancez un enfant de quatre ans qui ne sait pas nager dans une piscine. Eh ! C’est cet homme-là que vous allez juger ! »

Mily se retourne vers moi, sourit doucement, souffle. Elle a compris.

« Il nous faudra encore beaucoup d’efforts pour trouver la faille en vous, poursuit le proc. Pour comprendre pourquoi vous êtes un pervers qui cherche la domination. Je demande deux ans avec un sursis simple, et cinq ans de période probatoire. Je demande une peine d’amende de 10 000 euros. Je pourrais demander la fin de l’autorité parentale, et du coup, il perdrait son emploi de fonctionnaire. Je pourrais requérir une interdiction de séjour. Il perdrait tout. Je ne vais pas requérir ça. J’espère ne pas me tromper. C’est de la justice intelligente que je demande. Pas pour les 124 meurtres de femmes et les 200 000 victimes depuis le début de l’année, mais pour la prévention de ce cas-là. »

Détourner le regard

Devant le tribunal. 14h00

« Pas de déclaration. Et vous ne parlez qu’à moi, pas à lui. »

L’avocat de Canuti fait barrage.

Il faudra se contenter des déclarations de son avocat, un peu plus tôt, dans la grande salle.

« Vous avez entendu sa voix ? Ce que vous devez juger, c’est l’homme de maintenant. Un homme sage. Quand il dit ‘je ne me reconnais pas’, c’est vrai. C’est l’histoire d’un couple passionnel, violent. Il y a eu une rencontre, et cette rencontre a été explosive ! »

Le juge a eu un regard sévère.

« 124 femmes sont mortes cette année sous les coups de leur conjoint. Il faut prévenir. Pas question que ça ne figure pas à votre casier. »

Verdict : deux ans avec sursis, quinze ans d’interdiction de port d’armes, inscription au casier judiciaire, 4000 euros d’amende.

Au-delà des attentes, finalement. Mais un étonnement tout de même : pour évoquer tout cela, Mily n’a pas pu parler, au fil de l’audience. Elle a été dite, interprétée, représentée, mais jamais elle n’aura pu s’exprimer directement, dire sa douleur et ses angoisses. D’autres l’ont fait à sa place, comme une nouvelle négation.

Mais depuis, au moins, Mily reçoit pleins de témoignages. La parole s’est libérée. Un gardien de la paix, ému : « Vous êtes une lumière pour les autres femmes. » Des femmes victimes, aussi, parfois directement concernées par l’affaire, qui se raccrochent à son cas comme à une bouée. Jacques Bompard, le maire d’Orange, a lui choisi de conserver son directeur général.

« Tu as vu… Quand il est sorti du tribunal, il a évité mon regard 

 – Tu te sens comment

Soulagée, fatiguée. D’un coup, au moment du verdict, j’avais plus peur. Je le sentais tout petit. C’est le début de ma vie à moi. La pause dans mon existence est finie. »

C’est marrant, presque : c’était son anniversaire, à Mily, ce 29 octobre.

Cyril Pocréaux

La Malédiction d’être fille

 

Les créateurs en France imaginaient être à l’abri des poursuites pour pédophilie sur les « filles » au nom de leur statut d’artiste , mais ce n’ est plus le cas, grâce au courage de leurs victimes qui désormais témoignent : Après Flavie Flament qui dénonce son viol à 13 ans par David Hamilton , dans son récit  « La consolation » ,  celui de Vanessa Springora, devenue à 13 ans égérie sexuelle de Gabriel Matzneff, ce qu’elle décrit dans « Le Consentement »,  voici qu’ Adèle Haenel vient aussi fracasser l’image de deux cinéastes accusés de viols sur mineurs : Christophe Ruggia dont elle est la victime directe et Roman Polanski que l’on vient de couronner aux César.

Les petites filles ont grandi et se rebiffent !

Mais hors du monde de l’art et des médias, ce n’est hélas pas facile de dénoncer la condition des  » filles » victimes de violence sexuelle en France comme l’enquête suivante nous le montre.

Contribution à la réflexion sur la condition féminine

MP Tournier (LDH Pertuis Sud Luberon) présente
de larges extraits de l’essai « La Malédiction d’être fille »
de Dominique Sigaud. Édition Albin Michel, 2019.

En publiant « La Malédiction d’être une fille », éditions Albin Michel, en 2019, Dominique Sigaud, femme grand reporteur et essayiste primée pour son travail sur le Rwanda en 1996 et l’ensemble de son œuvre par la Société des Gens de Lettres en 2018, ajoute une pierre à l’édifice de la dénonciation de crimes contre l’humanité en s’intéressant au sort des « filles » dans le monde et plus particulièrement en France. En effet nous sommes conscients des violences faites aux femmes, mais n’oublions pas qu’avant de devenir femmes, de nombreuses petites filles subissent des violences parfois extrêmes et ce depuis leur conception. Les récentes dénonciations de violences exercées sur des mineures dans la société française, et plus spécifiquement dans le monde intellectuel et artistique, à travers les affaires récemment médiatisées, nous y renvoient cruellement.

Je vous présente deux volets de l’enquête de Dominique Sigaud afin qu’on ne puisse plus dire « qu’on ne savait pas ». Que ce soit un encouragement à la lire et à  lutter contre cette criminalité qui touche les plus vulnérables d’entre nous .

Dans son long préambule expliquant sa démarche Dominique Sigaud présente un terrible constat constat sous le titre :

VIOLENCES FAITES AUX FILLES DANS LE MONDE

Elle rappelle, p 24, que « la violence faite aux filles est un invariant de l’histoire humaine et une réalité terriblement contemporaine. Ce sont des faits. Des actes. Tous les continents sont touchés, toutes les civilisations, cultures, religions, classes sociales. D’autant plus terribles qu’ils s’accompagnent de discours les justifiant. Qu’ils sont le fait d’adultes ayant autorité sur ces mineures et sont l’objet de dénis puissants. » (p 25)

Dans son préambule, Dominique Sigaud fait un rappel glaçant, en vrac, de la violence mondiale exercée contre les filles qu’annonce le sous-titre programmatique (p.15) :

« Foeticide, filiacide, inceste. Mutilation sexuelle. Mariage d’enfants. Viol. Traite. Esclavage domestique. Esclavage sexuel. Prostitution. Meurtre dit « d’honneur ».

« 1 Fille sur 5 dans le monde subit des violences sexuelles avant 18 ans, en Occident comme ailleurs.

Dans certains pays la proportion est de 1 sur 3, voire 1 sur 2.

Tous les ans, 1 fille sur 10 est victime de viol ou d’autres actes sexuels forcés.

En France, 40% des viols et tentatives de viol déclarés concerneraient des mineurs de moins de 15 ans.

Au Royaume-Uni, 21% des filles de moins de 16 ans (1 sur 5) ont été victimes d’abus sexuels.

Personne ne sait combien de filles dans le monde sont soumises à l’inceste, on sait juste que jusqu’à 21% des femmes dans certains pays ont signalé avoir été victimes d’abus sexuels avant 15 ans, 1 sur 5 ; une grande partie de ces abus sont incestueux.

A force de foeticide (supprimer le fœtus) et de filiacide (tuer sa propre fille), 160 millions de filles manquent en Asie, ce qui en fait le continent le plus masculin du monde.

Pour la première fois en 2016, le Centre asiatique pour les droits de l’homme a évalué à environ 1,5 million les fœtus féminins éliminés chaque année en raison de leur genre.

Personne ne sait combien de mères sont forcées chaque année de tuer leur fille de leurs propres mains, personne n’a encore cherché à le savoir ; elles sont des centaines de milliers.

Il meurt chaque année de malnutrition et mauvais traitements plus de 1 million de bébés filles qui auraient survécu s’ils avaient été des garçons.

Plus de 200 millions de filles dans le monde sont victimes de mutilations sexuelles (clitoris et lèvres coupées), 66% des 12 millions de Soudanaises sont infibulées (vagin cousu).

60 millions de filles sont victimes de violences sexuelles à l’école et sur le chemin de l’école, 12% des filles (1 sur 9) sont mariées avant l’âge de 15 ans.

100 000 enfants sont victimes de traite sexuelle aux Etats-Unis.

Les mineures représentent plus de 20% des victimes d’exploitation sexuelle forcée. »

Dominique Sigaud commente plus loin, p.25, cet insupportable état des lieux : « Il faut parfois mettre bout à bout pour voir. Etre capable de tout regarder. Quand on met bout à bout les violences faites aux filles alors que naît le XXIe siècle et non le IIe, quand on les regarde sur tous les continents, dans les campagnes et les villes, chez les très pauvres et les riches, les noirs, jaunes, blanches, rouges, et toutes les autres, chrétiennes, musulmanes, bouddhistes, athées, on comprend qu’il se passe quelque chose. Qu’à la surface de la terre court une espèce de peste obligeant les filles à la prostitution, à l’humiliation, à la dépendance extrême, à l’impossibilité de se doter d’un corps, d’une voix, d’une existence à soi, pour soi, en son nom propre. C’est maintenant à Bombay et à Paris, au Texas et au Mexique, en Chine et en Arabie Saoudite, en Egypte et tout au long de l’Afrique. Ça empire dans certains pays, même si d’autres font leur possible pour que ça s’amenuise. Ça se compte en centaines de milliers de morts, de sexes brutalisés, de viols. C’est quotidien.

C’est tabou encore le plus souvent. Sous le manteau. Dans le secret. » (p.25)

 

Puis l’essai de Dominique Sigaud se divise en deux parties : la première est consacrée aux « violences le long de l’enfance » où elle passe en revue dans le monde les multiples manières d’exercer les violences sur les filles ; la seconde partie propose une présentation géographique : « Une géographie des violences » dans laquelle elle décrit les violences contre les filles dans certains pays : France, Etats-Unis, Inde, Egypte.

La situation en France est catastrophique :

« En France 40% des viols et tentatives de viols déclarés concerneraient des filles de moins de 15 ans. En France, il y aurait chaque année presque 150 000 viols et tentatives de viol sur mineures soit 300 à 400 par jour. Plus que sur des majeurs. En fait, on ne sait pas. » (p.169)

« La France est, après les Etats-Unis, et avec le Royaume- Uni, selon le dernier classement de l’UNICEF sur « les violences sexuelles subies avant 15 ans », le pays occidental le plus touché par les violences sexuelles sur mineures. La France, et non pas l’Italie ou la Grèce méridionales. Mais le pays des grands idéaux, trop idéal peut-être pour lancer des études qui permettraient d’en avoir le cœur net, n’a toujours pas mis en place , sur les questions de l’inceste, des viols, de la prostitution et des mutilations, les outils  des outils qui permettraient de savoir, d’établir des statistiques, et de là de former les réponses publiques utiles.(…)

En novembre 2018 la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), organisme indépendant, finit par s’en inquiéter publiquement : « Lutte contre les violences sexuelles : une urgence sociale et de santé publique, un enjeu pour les droits fondamentaux » ; «  il est à noter que les différentes enquêtes sous-estiment le nombre total de viols par an (…). La plupart des victimes de violences sexuelles déclarent ne pas avoir été protégée et ne pas non plus avoir  bénéficié d’une prise en charge adaptée, malgré le devoir de l’Etat d’agir avec la diligence nécessaire. »

Dominique Sigaud rappelle que la seule étude nationale fût lancée en 2011 suite à une préconisation insistante de l’Europe, or elle est incomplète. « Pourtant cette enquête « Violences et rapport de genre : contextes et conséquences des violences subies par les femmes et les hommes« , établit pourtant que 40% des viols et tentatives de viol subis par des femmes l’ont été avant leurs 15 ans et 16% d’entre eux entre 15 et 18 ans. Pire encore, le taux de viols et tentatives de viols est de 27% avant leurs 10 ans et 23,3% pour les autres agressions sexuelles. » (p170)

 

Plus loin elle souligne que « l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales » (ONDRP) estime que moins de 4% des viols sur mineurs font l’objet de plaintes ; 96% n’en font donc pas l’objet. Or en 2017, 8788 plaintes ou signalements pour viols sur mineures ont été enregistrés. S’ils représentent 4% des faits, cela signifie qu’il en reste 90 000 non enregistrés, soit environ 240 par jour ! (p 171)

Dominique Sigaud produit des statistiques plus qu’alarmantes :

« Selon l’étude menée en 2015 par l’association « Mémoire traumatique et victimologie » avec l’appui de L’UNICEF France, « Si l’on croise les données de l’enquête CSF (Contexte de la sexualité et France) avec celles de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, on obtient les chiffres suivants : environ 123 756 filles de moins de 18 ans seraient victimes d’un viol ou d’une tentative de viol chaque année. »  Soit 340 par jour. Ces chiffres coïncident à peu près aussi avec d’autres, repris dans le rapport sur le viol remis à l’Assemblée Nationale en février 2018 : les forces de l’ordre ont enregistré en 2016, 19 700 plaintes de victimes mineures suite à des violences sexuelles, dont 7050 pour viol (et 12 650 pour harcèlement et agression sexuels). Or moins de 10% des faits font l’objet d’une plainte. Le chiffre noir, c’est-à-dire la part de faits criminels jamais passés par le crible de la justice, est de 90%, confirmé le CNCDH.

On retombe donc bien en effet sur un chiffre d’environ 120 000 viols et tentatives de viol sur mineures chaque année, soit, si je calcule bien, 328 par jour. Pas de quoi lancer de vraies enquêtes en effet. Sachant cela, qui plus est, le gouvernement continue à ne publier que des chiffres sur les viols après 18 ans, comme c’est le cas de la MIPROF. C’est-à-dire qu’il laisse de côté 56% des viols et tentatives de viol. C’est-à-dire qu’il laisse de côté les abus sexuels sur les enfants. » (p 171- 172).

En sachant qu’en France, contrairement à la législation de nombreux pays et des préconisations européennes l’inceste n’est pas réprimé en tant que tel…

Je vous laisse découvrir ce document extrêmement important de Dominique Sigaud qui doit contribuer à une prise de conscience du statut de la fille dans le monde et dans notre pays. Le manque de considération, de respect et surtout d’humanité à l’égard des jeunes victimes est tel qu’on doit admettre une démission collective, une lâcheté devant notre acceptation et, pire, notre collaboration avec le système patriarcal qui impose cette cruauté à l’égard de la femme.

La Ligue des Droits de l’Homme engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes, n’oublie pas que cela doit aussi impliquer les « filles victimes de violences », encore plus fragiles et « invisibles »   dont le statut n’est pas reconnu dans notre pays comme dans le monde.

Merci au livre de Dominique Sigaud !

 

 

Merci au livre de Dominique Sigaud !

Un Oscar scandaleux et malsain

Vendredi 28 février 2020, lors de la cérémonie des Césars, l’industrie cinématographique française décernait à Roman Polanski l’ Oscar du meilleur réalisateur.

Ce réalisateur, est ou a été accusé de viol par plusieurs femmes, dont au moins une mineure au moment des faits.

Nous tenons d’abord à exprimer notre compassion à l’égard de toutes les victimes de viols, ou agressions sexuelles, pour qui cette information est douloureuse voire intolérable.

Au moment où les droits des femmes sont partout remis en cause, où la parole commence à se libérer un peu dans nos sociétés pour dénoncer les viols, crimes sexuels ou abus d’enfants, il est particulièrement choquant de voir l’industrie du cinéma français prendre publiquement position en faveur de Roman Polanski. Aucune oeuvre, fut-elle « géniale » ne saurait faire oublier des comportements machistes, agressifs, abusifs au détriment de victimes en situation de faiblesse.

La Ligue des Droits de l’Homme combat pour toutes les libertés fondamentales et parmi celles-ci le droit des femmes et des enfants. Notre section s’implique depuis plusieurs années dans la lutte contre les Violences Faites aux Femmes.

Nous déplorons cette action en faveur de Mr Polanski au moment même où sont révélés ces derniers mois dans l’industrie cinématographique plusieurs accusions d’« attouchements » et de « harcèlement sexuel » voire de « relations sexuelles imposées » par des réalisateurs envers des actrices.

Nous ne comprenons pas que le cinéma français, pourtant capable d’oeuvre intelligente et sensible comme par exemple le film Les Chatouilles réalisé par Andréa Bescond et Eric Métayer, puisse en 2020, ignorer le passé de Mr Polanski et lui décerner une telle récompense sans comprendre ou anticiper tous les effets pervers d’une telle reconnaissance publique.

Violences intrafamiliales – L’engagement du ministère de l’intérieur

Violences intrafamiliales

L’engagement du ministère de l’intérieur

Dans le cadre de l’accueil et l’accompagnement des victimes, la police et la gendarmerie nationales ont mis en œuvre des dispositifs qui assurent une meilleure prise en charge de ces infractions.

Ainsi, ont été créées en 2009, au sein de la police nationale, les brigades de protection de la famille constituées de 1 532 policiers dédiés, lesquels ont en charge le traitement des procédures judiciaires liées à la protection de la famille et des personnes particulièrement vulnérables victimes de violences ou de maltraitance dans la sphère familiale ou le cadre de vie habituel. Dans le même temps, la gendarmerie nationale s’est dotée de brigades de protection des familles comptant 1 903 militaires, qui interviennent principalement en appui de l’action des communautés de brigades et des brigades territoriales autonomes.

Parallèlement, le rôle des brigades de protection est de faire bénéficier ces victimes du soutien et de l’assistance nécessaires, en les orientant vers les partenaires présents dans les commissariats de sécurité publique et les unités de gendarmerie.

Ces partenaires sont les 202 intervenants sociaux, les 57 psychologues et les professionnels des associations d’aide aux victimes chargés de 152 permanences au sein des commissariats et des unités de gendarmerie. Celles-ci sont tenues dans le cadre de conventions passées avec l’Institut National d’Aide aux Victimes Et de Médiation (INAVEM), le Centre National d’ Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CNIDFF), la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) et d’autres associations locales.

L’ensemble de ces acteurs est épaulé, pour la police nationale, par 144 correspondants départementaux « aide aux victimes », 442 correspondants locaux et 158 référents violences conjugales et, pour la gendarmerie nationale par 103 officiers « prévention, partenariats, aide aux victimes » assistés de 1 800 référents « aînés-violences intra-familiales ».

Il existe, par ailleurs, dans chaque circonscription de sécurité publique une boîte aux lettres électronique spécifiquement dédiée à l’aide aux victimes.

Enfin, dans le cadre du 4ème plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016), le ministère de l’intérieur a participé, dans son domaine de compétence, à la mise en œuvre des mesures suivantes :

– un protocole-cadre qui permet, dans le cadre des violences intra-familiales, une optimisation du traitement des mains courantes et des procès-verbaux de renseignement judiciaire, afin d’assurer de manière systématique leur transmission au Parquet et pour la victime, une réponse sociale adaptée ;

– un dispositif d’urgence « téléphone grave danger » octroyant un téléphone portable d’alerte à des femmes victimes de violences conjugales et/ou de viols ;

– une amélioration de la formation des personnels de la police et de la gendarmerie nationales par la création d’un kit pédagogique composé d’un court métrage «ANNA», d’un livret d’ accompagnement et d’une fiche réflexe « aide à l’audition des victimes de violences au sein du couple » pour permettre de mieux appréhender le repérage d’une situation à risque, l’évaluation du phénomène d’emprise et faciliter la rédaction d’une audition.

Pour que cessent les violences faites aux femmes…

POUR QUE CESSENT LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES…..

Une mauvaise et une bonne nouvelle…

La mauvaise nouvelle, c’est le fait de vivre dans des sociétés où les femmes
sont victimes de discriminations et harcèlements jusqu’aux crimes les plus
graves de meurtres et viols.

La bonne nouvelle, c’est que, ces dernières semaines, on en parle de
façon juste ou discutable, mais on en parle. Rompre le silence est une étape
indispensable pour faire cesser toutes les violences, y compris les plus
banalisées et qu’ainsi nous puissions vivre dans une société respectueuse
des droits et de la dignité de chaque personne.

Pour cela, clairement, « la honte doit changer de camp ». Il faut rompre
avec l’idéologie patriarcale et machiste qui sous-tend ces comportements
masculins. Il faut reconnaître la légitimité de l’expression des victimes,
fondée sur des faits et des ressentis. Cette prise en compte de la parole
des femmes a besoin de dispositifs de signalement, d’espaces d’écoute,
d’accompagnement des suites engagées.

À toutes les étapes de la formation de soi, toutes et tous doivent pouvoir
bénéficier des outils qu’offre l’éducation pour la compréhension et le respect
de l’égale dignité des hommes et des femmes, de l’égalité de toutes et tous
en humanité (ce que les ABCD de l’égalité devaient apporter et qu’une
campagne réactionnaire a fait retirer des cursus scolaires). C’est à cette fin
que la LDH intervient régulièrement dans les établissements scolaires et
produit des outils pour mieux cerner des questions comme celles du « genre ».

Il y a des propositions meilleures que d’autres…

Féminicides et viols sont des crimes. Tout témoignage, toute plainte,
toute constatation doit être traitée sérieusement, comme pour tout crime.
Les faits rapportés doivent être recueillis par la police et la justice avec
le respect dû aux personnes. Des actions de formation et de sensibilisation
des magistrats, des policiers et gendarmes sont notamment
à développer à la hauteur des besoins. Les règles juridiques doivent être
celles qui s’appliquent à tous les crimes (délais de prescription, niveau des
peines…), celles qui permettent que justice soit faite.

Au-delà de ces crimes, du côté du gouvernement, nous avons surtout
entendu la proposition d’une loi de verbalisation du harcèlement de rue,
dont l’application au quotidien risque de poser davantage de problèmes
que d’en résoudre. Pour la LDH, la réponse aux harcèlements dont les
femmes sont victimes doit d’abord être cohérente en étant globale,
c’est-à-dire les prendre TOUS en compte. Elle doit avoir l’objectif
de changer les comportements quotidiens.

La LDH demande par ailleurs le renforcement des moyens pour la
recherche qui par ses travaux, analyse et informe, comme elle exige un plein
soutien aux associations et organismes qui luttent contre le sexisme et pour
l’égalité entre les femmes et les hommes.

Pourquoi prendre tous les aspects simultanément ? Parce qu’il ne peut
être que contreproductif de laisser penser qu’un aspect doit davantage
retenir l’attention. Les harcèlements des femmes au travail, à l’université,
dans le sport, dans la rue, au sein de la famille, dans le couple, participent de
différentes façons, en différents lieux, dans une variété de milieux sociaux,
d’une seule et même idéologie profondément réactionnaire, de mêmes mœurs
traduisant le mépris et le refus de l’égalité. A ce titre, la loi d’aout 2012
sur le harcèlement sexuel doit être pleinement appliquée.

Comme pour tous les autres délits, il s’agit de penser et de mettre en
œuvre les politiques d’information, d’éducation, de réparation, de répression
qui, ensemble, font sens et sont cohérentes. C’est-à-dire qui permettent
d’atteindre l’objectif recherché : que ces violences cessent !
Que vivent pour toutes et tous, dans les rapports quotidiens et en tout lieu,
égalité, justice, dignité, ces idéaux qui sont les nôtres.

VIOLENCES INTRAFAMILIALES ET PROTOCOLES

PRISE EN CHARGE DES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES INTRA-FAMILIALES :

LES PROTOCOLES

En mars 2014, la Ministre des droits des femmes a commandé l’étude d’un protocole national sur la prévention, la prise en charge et le suivi des femmes victimes de violences intrafamiliales. Elle a demandé à plusieurs interlocuteurs de préparer un projet de protocole national, destiné à être décliné sur le plan régional à travers des conventions santé/police/justice dont l’élaboration et la mise en œuvre seraient coordonnées par les agences régionales de santé.

Principal objectif des protocoles

Les protocoles définissent les acteurs et les modalités de leurs actions sur un territoire donné. Pour préciser le rôle de chacun, il convient de réaffirmer le principe de coresponsabilité et de coopération des institutions sanitaires, judiciaires, sociales, associatives qui vont accompagner la femme victime de violences : ce n’est pas à la femme de coordonner les acteurs de sa prise en charge, mais aux professionnels sanitaires, judiciaires, dont c’est le métier, de se coordonner et de garantir à la femme victime un accompagnement adapté.

Contenu des protocoles

Les protocoles identifient les ressources des territoires afin d’orienter une femme victime de violences, en distinguant les prises en charge en situation aiguë ou en situation chronique. Ils prévoient la formation des personnes qui accueillent les femmes victimes de violences, mettent en place les outils d’aide au repérage et la prise en charge des victimes. Ils simplifient cette prise en charge des femmes et leur garantissent un suivi systématique.

Coordination de l’élaboration des protocoles

Afin d’assurer une continuité du service, il est souhaitable que les services de l’État soient conjointement investis de la mission d’organiser la prise en charge des femmes victimes de violences.

Les protocoles, ou les conventions, ne seront réellement efficaces que si les partenaires de la santé, de la justice et de la police acceptent de travailler en réseau.

VIOLENCES INTRAFAMILIALES ET LE DROIT

ASSEMBLEE GENERALE DE L’ONU

Résolution 48/1041 du 20 décembre 1993

Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes 

Cette déclaration rappelle et incarne les mêmes droits et principes de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, soulignant « le besoin urgent d’application à toutes les femmes des droits et principes d’égalité, de sécurité, de liberté, d’intégrité et de dignité ».

Article premier

Aux fins de la présente Déclaration, les termes « violence à l’égard des femmes » désignent tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée.

Article 2

La violence à l’égard des femmes s’entend comme englobant, sans y être limitée, les formes de violence énumérées ci après :

a) La violence physique, sexuelle et psychologique exercée au sein de la famille, y compris les coups, les sévices sexuels infligés aux enfants de sexe féminin au foyer, les violences liées à la dot, le viol conjugal, les mutilations génitales et autres pratiques traditionnelles préjudiciables à la femme, la violence non conjugale, et la violence liée à l’exploitation.

………

Article 4

Les Etats devraient condamner la violence à l’égard des femmes et ne pas invoquer de considérations de coutume, de tradition ou de religion pour se soustraire à l’obligation de l’éliminer. Les Etats devraient mettre en œuvre sans retard, par tous les moyens appropriés, une politique visant à éliminer la violence à l’égard des femmes.

LOIS FRANCAISES

Loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs.

Loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce

Loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales

Loi n°2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs

Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance

Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance

Loi n°2007-1198 du 10 août 2007 instaurant en particulier une injonction de soins pour toutes les personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire

Loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007, étendant le droit de séjour des victimes de violences conjugales aux étrangères conjointes de Français mais également aux conjointes d’étrangers qui séjournent en France au titre du regroupement familial

Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants qui instaure l’ordonnance de protection

Loi 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel

Loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France

Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes

CIRCULAIRES MINISTERIELLES

Circulaire interministérielle n°2008-260 du 4 août 2008 relative à l’hébergement et au logement des femmes victimes de violences

Circulaire ministérielle 2013-197 du 12 avril 2013 relative aux relations entre les services intégrés d’accueil et d’orientation et les associations spécialisées dans la prise en charge des femmes victimes de violences, en particulier conjugales

PLANS NATIONAUX

PROTOCOLES

Plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes 2010-2012

3e plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes 2011-2013 « PROTECTION, PREVENTION, SOLIDARITE »

Protocole cadre relatif au traitement des mains courantes et des procès-verbaux de renseignement judiciaire en matière de violences conjugales établi entre la Garde des sceaux, le Ministre de l’Intérieur et la Ministre du droit des femmes, signé le 18 novembre 2013

4e Plan Interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes 2014-2016

Stratégie nationale de prévention de la délinquance 2013-2017

Protocole-cadre relatif au traitement des mains courantes et des procès-verbaux de renseignement judiciaire en matière de violences conjugales du 13 novembre 2013

Plan de lutte contre la traite des êtres humains 2014-2016

Plan Régional Stratégique en Faveur de l’Egalité entre les Femmes et les Hommes (PRSEFH) 2013-2018

AUTRES TEXTES

Résolution 48/104 du 20 décembre 1993 de l’Assemblée générale des Nations unies relative à la « Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes » et résolution 58/47 du 19 février 2004 sur l’élimination de la violence familiale à l’égard des femmes

Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite « Convention d’Istanbul »), adoptée le 7 avril 2011, ouverte à la signature à Istanbul le 11 mai 2011, ratifiée par la France le 4 juillet 2014 et entrée en vigueur le 1er août 2014

Résumé de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique

12 Avril 2011 – Ratifiée par la France le 4 juillet 2014, entrée en vigueur le 1er novembre 2014

Les États signataires prendront les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale les faits suivants lorsqu’ils sont commis intentionnellement : la pénétration vaginale, anale ou orale non consentie, à caractère sexuel, du corps d’autrui avec toute partie du corps ou avec un objet ; les autres actes à caractère sexuel non consentis sur autrui ; le fait de contraindre autrui à se livrer à des actes à caractère sexuel non consentis avec un tiers1.

Le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes.

En ce qui concerne les mariages forcés2, les États prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, de forcer un adulte ou un enfant à contracter un mariage.

Les États prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, de tromper un adulte ou un enfant afin de l’emmener sur le territoire d’une Partie ou d’un Etat autre que celui où il réside avec l’intention de le forcer à contracter un mariage.

Pour les mutilations génitales féminines3, les États prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infractions pénales, lorsqu’ils sont commis intentionnellement : l’excision, l’infibulation ou toute autre mutilation de la totalité ou partie des labia majora, labia minora ou clitoris d’une femme ; le fait de contraindre une femme à subir tout acte énuméré au point a ou de lui fournir les moyens à cette fin ; le fait d’inciter ou de contraindre une fille à subir tout acte énuméré au point a ou de lui fournir les moyens à cette fin.

En matière d’avortement et de stérilisation forcés4, les États prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infractions pénales, lorsqu’ils sont commis intentionnellement : le fait de pratiquer un avortement chez une femme sans son accord préalable et éclairé ; le fait de pratiquer une intervention chirurgicale qui a pour objet ou pour effet de mettre fin à la capacité d’une femme de se reproduire naturellement sans son accord préalable et éclairé ou sans sa compréhension de la procédure.

En ce qui concerne le harcèlement sexuel5, Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que toute forme de comportement non désiré, verbal, nonverbal ou physique, à caractère sexuel, ayant pour objet ou pour effet de violer la dignité d’une personne, en particulier lorsque ce comportement crée un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, soit soumise à des sanctions pénales ou autres sanctions légales.

Les États prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour s’assurer que, dans les procédures pénales diligentées à la suite de la commission de l’un des actes de violence couverts par le champ d’application de la présente Convention, la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu « honneur » ne soient pas considérés comme justifiant de tels actes. Cela couvre, en particulier, les allégations selon lesquelles la victime aurait transgressé des normes ou coutumes culturelles, religieuses, sociales ou traditionnelles relatives à un comportement approprié6.

Les États prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que l’incitation faite par toute personne à un enfant de commettre tout acte mentionné ci-dessus ne diminue pas la responsabilité pénale de cette personne pour les actes commis.

En ce qui concerne les sanctions7, les États prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les infractions établies conformément à la présente Convention soient passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, au regard de leur gravité. Cellesci incluent, le cas échéant, des peines privatives de liberté pouvant donner lieu à l’extradition.

Les États peuvent adopter d’autres mesures à l’égard des auteurs d’infractions, telles que le suivi ou la surveillance de la personne condamnée ; la déchéance des droits parentaux si l’intérêt supérieur de l’enfant, qui peut inclure la sécurité de la victime, ne peut être garanti d’aucune autre façon.

La Convention énumère ce que peuvent être les circonstances aggravantes8 et dispose que les États devront prendre les mesures législatives ou autres nécessaires afin que les circonstances suivantes, pour autant qu’elles ne relèvent pas déjà des éléments constitutifs de l’infraction, puissent, conformément aux dispositions pertinentes de leur droit interne, être prises en compte en tant que circonstances aggravantes lors de la détermination des peines relatives aux infractions établies conformément à la présente Convention : l’infraction a été commise à l’encontre d’un ancien ou actuel conjoint ou partenaire, par un membre de la famille, une personne cohabitant avec la victime, ou une personne ayant abusé de son autorité ; elle a été commises de manière répétée ou à l’encontre d’une personne rendue vulnérable du fait de circonstances particulières ; elle a été commise à l’encontre ou en présence d’un enfant ; par deux ou plusieurs personnes agissant ensemble ; elle a été précédée ou accompagnée d’une violence d’une extrême gravité ; elle a été commise avec l’utilisation ou la menace d’une arme ; elle a entraîné de graves dommages physiques ou psychologiques pour la victime.

En matière de sanctions, les États prendront les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les services répressifs responsables répondent rapidement et de manière appropriée à toutes les formes de violence en offrant une protection adéquate et immédiate aux victimes9.

Ils prendront les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les autorités compétentes se voient reconnaître le pouvoir d’ordonner, dans des situations de danger immédiat, à l’auteur de violence domestique de quitter la résidence de la victime ou de la personne en danger pour une période de temps suffisante et d’interdire à l’auteur d’entrer dans le domicile de la victime ou de la personne en danger ou de la contacter. Les mesures doivent donner la priorité à la sécurité des victimes ou des personnes en danger10.

En ce qui concerne les mesures de protection11, les États prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour protéger les droits et les intérêts des victimes, y compris leurs besoins spécifiques en tant que témoins, à tous les stades des enquêtes et des procédures judiciaires.

Un enfant victime et témoin de violence à l’égard des femmes et de violence domestique doit, le cas échéant, se voir accorder des mesures de protection spécifiques prenant en compte l’intérêt supérieur de l’enfant.

1 L’article 36 du chapitre V s’attache aux violences sexuelles, y compris le viol.

2 Article 37.

3 Article 38.

4 Article 39.

5 Article 40.

6 Article 42 – Justification inacceptable des infractions pénales, y compris les crimes commis au nom du prétendu « honneur ».

7 Article 45.

8 Article 46.

9 Chapitre VI, article 50.

10Article 52.

11Article 56.