Qui détient les médias privés en France

Comment obtenir une information libre et fiable ?

 

Le 2 Février 2016, en fin de matinée, nous apprenons que 64 % des français ne font pas confiance aux médias (radio, journaux et télévision) en raison de leur absence d’indépendance. Il est vrai qu’une longue tradition a appris à rester sur ses gardes. Le pouvoir en place s’est toujours méfié des publications qui le contestaient ou qui pouvaient donner à réfléchir au peuple qu’il avait sous sa coupe.

Au 18ème siècle, on a largement utilisé la censure et l’on pouvait aller jusqu’à l’emprisonnement. Diderot en a fait l’expérience à Vincennes. Aux 19ème et 20ème siècles, les journalistes ont été aussi largement censurés. Proudhon a écrit là-dessus en 1863 une critique sans indulgence et particulièrement exigente (voir annexe). Lors de l’affaire Dreyfus que tout le monde connaît, Zola, après son « J’accuse » et un procès en diffamation, a dû s’exiler un certain temps à Londres. Plus près de nous un dit « suicide par noyade » dans très peu d’eau n’a jamais été éclairci…

Mais l’on découvre aujourd’hui qu’il ne s’agit pas seulement d’intérêts politiques dans la main mise sur les grands moyens d’information, même si une autocratie interdit la parution de certains journaux et conduit en prison les journalistes qui lui ont déplu. S’ils ne sont pas exécutés, ils passent de longues années en prison (Turquie, Russie …). Actuellement, et en France, les représentants de grands intérêts économiques et financiers se retrouvent à la tête des médias, et pensent ainsi imposer aux rédactions une ligne qui leur convient. Ces rachats se sont accélérés ces deux dernières années. Les 10 milliardaires (liste non exhaustive) sont :

  • Vincent Bolloré : Canal+, i Télé, Direct 8, Direct matin..
  • Patrick Drahi (patron de SFR) : Libération, L’ Express, L’ Expansion, L’Étudiant, BFM TV .
  • Pierre Bergé : Têtu.
  • Xavier Niel (PDG de Free) : Huffington Post.
  • Matthieu Pigasse, (banquier d’affaires proche de Bercy, a travaillé pour Fabius et Strauss Kahn) : Les Inrockuptibles.
  • Le trio Bergé, Niel et Pigasse possède ensemble Le Monde, Le Nouvel Observateur, Télérama, Courrier International.
  • Serge Dassault : Le Figaro, et 10 titres de presse régionale + les hebdomadaires.
  • Bernard Arnault (1re fortune de France) : Le Parisien, Aujourd’hui en France, Les Échos.
  • Martin Bouygues : TF1, Lci.
  • François Pinault : Le Point.
  • Arnaud Lagardère : Elle, Paris Match, Le JDD, radios Europe 1 et Virgin, (plus hégémonie dans l’édition avec Hachette).

    Une telle concentration, jamais vue jusqu’alors, est inquiétante.

    Une gestion bien différente

    A l’image du système économique général, une gestion actionnariale souvent brutale (ex. récents Canal + et i Télé), basée sur la réduction des coûts et sur une recherche de rentabilité à court terme, est partout mise en place.

    Extrait d’un dossier du Monde Diplomatique (Décembre 2014): « …On repère une séquence presque toujours identique. Un journal, ou un groupe de presse, frappé par la baisse des ventes ou l’amenuisement de ses ressources publicitaires cherche des capitaux ; l’arrivée d’un investisseur s’accompagne d’un plan social et de la réduction des moyens rédactionnels ; le titre redémarre avec une dépendance accrue vis-à-vis du pôle économique. […]

    « Nous connaissons assez le capitalisme pour savoir qu’il n’y a pas de séparation entre le contrôle et la propriété », expliquaient les rédacteurs du Wall Street Journal (1er août 2007) après la reprise du quotidien d’affaires par le magnat de la presse Rupert Murdoch ». Et la routine reprend, jusqu’à la prochaine crise…».

  • Les bénéfices ne sont pas financiers, les médias reçoivent même de confortables aides publiques. Mais posséder des médias permet une mise en lumière des autres activités, marchandes ou industrielles, de ces grands groupes ; c’est bon pour l’image de marque et cela facilite le lobbying (Ex. Bolloré pour les commandes en Afrique, Dassault etc..). Cela permet aussi de décourager les investigations journalistiques trop gênantes (fiscalité, obtention de commandes publiques…).

    Propos de Xavier Niel : « Quand les journaux m’emmerdent, je prends une participation dans leur canard et ensuite ils me foutent le paix ». Médiacritique(s).

    L’Influence politique est indirecte mais bien réelle, il s’agit surtout d’obtenir que l’État ne mette pas trop en œuvre son pouvoir de régulation.

    Exemple la décote de TVA qui rapporte très gros aux maisons de luxe : tout visiteur étranger non européen peut se voir rembourser la TVA (19,6%) ou une partie de celle-ci pour tout achat supérieur à 175 €, l’achat étant alors assimilé à une exportation. Ex. Pour un sac Vuitton ou Chanel acheté 1000 €, le client se verra rembourser environ 120 €, l’intermédiaire 24 € et la marque de luxe 20 € de rétro commissions (ultra confidentielles) qui arrondissent encore les marges. Le grand perdant est l’État, le manque à gagner étant estimé à plus de 650 millions d’euros par an, auquel s’ajoutent les fraudes avérées par manque de moyens de contrôle.

    Malgré les remises en cause par des députés, cette décote est maintenue, notamment grâce au lobbying du puissant comité Colbert qui représente les maisons de luxe et a ses entrées à Bercy.

    Les connivences sont ouvertement assumées entre industriels financiers des médias, journalistes « dominants » et acteurs politiques (ex. Bolloré et B. Arnault proches de Sarkozy, François Pinault proche de Hollande, le bras droit de P. Drahi proche de Macron etc.)

    Les passerelles sont nombreuses à travers des clubs très fermés comme Le Siècle, qui réunit régulièrement le gratin des mondes politique, financier, industriel et aussi journalistique (liste trop longue mais édifiante !).

    Les médias ne créent pas les événements politiques ou sociétaux, mais ils ont le pouvoir de les amplifier ou les minimiser à souhait par les choix rédactionnels. Quelques exemples :

    * Ordre de ne pas parler du film de François Ruffin « Merci patron », donné par la direction de rédaction du Parisien, dont l’actionnaire principal est B.Arnault.

    * Discrétion généralisée sur le financement de partis politiques par la famille Bettencourt.

    * Annulation sur Canal + d’un documentaire sur le Crédit Mutuel (fin 2015) ; il a suffi d’un échange téléphonique entre le patron de la banque et son ami Bolloré.

    Et combien d’affaires seraient restées inconnues s’il n’y avait pas le travail d’investigation des journalistes du Canard Enchaîné ?

    Pluralisme des opinions éditoriales ou pluralisme oligarchique ?

    L’exigence de pluralisme est dans les textes, mais interprétée le plus souvent comme la recherche d’une certaine neutralité à travers l’équilibre des points de vue au sein d’une même rédaction. Or un véritable pluralisme d’idées et d’opinions devrait s’exprimer à travers une multiplicité de publications assumant chacune son orientation, afin d’animer un vrai débat public.

    À défaut se construit au contraire, sujet après sujet, un cadre de pensée raisonnable et acceptable par tout le monde, un récit de l’ordre mondial nous est ainsi dicté, dans lequel les thèses dites utopiques, pas sérieuses, sont souvent traitées à la marge ou caricaturées lors de faux débats. (cf. Noam Chomsky, « La fabrication du consentement »)

    Quelques exemples du « travail » sur l’opinion :

    — 2005 : référendum sur le traité constitutionnel européen : la quasi totalité des « grands» médias fait campagne pour le « oui », le « non » étant qualifié d’ « irrationnel » voire      « xénophobe ».

    — Les politiques d’austérité, malgré les conséquences sociales ravageuses, sont encore défendues par l’immense majorité d’entre eux, et le débat souvent balayé avec mépris.

    — Grèves et manifestations contre la loi travail : les sujets sur les galères dans les transports et sur les casseurs ont été infiniment plus nombreux que l’analyse de fond sur le projet de loi lui-même.

    — Réactions quasiment unanimes sur le Brexit par les mêmes commentateurs experts multicartes.

    Quelles que soient les opinions de chacun(e) d’entre nous sur tous ces sujets cruciaux et sur bien d’autres, on ne peut que constater que le travail d’investigation et d’analyse est la plupart du temps remplacé par un traitement en surface, orienté, faisant davantage appel à l’émotion qu’à la réflexion.

    Tentatives de résistances

    À chaque épisode de rachat, de nombreux journalistes s’indignent et s’inquiètent de l’indépendance éditoriale dans ces conditions. Mais ils ne font pas le poids face à des hiérarchies brutales et au pouvoir des actionnaires et se retrouvent sous contraintes et précarisés, notamment les jeunes.

    On peut citer :

    – Mobilisation des salariés de L’Express en 2015 avec le slogan « On est dans de beaux Drahi ».

    – Longue grève des salariés d’i Télé gérée très brutalement (mépris, harcèlement etc..). Sur la centaine de salariés ayant décidé de quitter i Télé, 54 ont annoncé, à la mi-janvier 2017, la création d’un collectif de journalistes présent sur les réseaux sociaux, «Explicite».

    – Tensions et limogeages à la reprise de Canal + par Bolloré.

    – Le cas d’ Hervé Kempf journaliste spécialisé dans l’écologie politique, empêché en 2012 de continuer à couvrir le sujet de Notre-Dame des Landes par la nouvelle rédaction du journal Le Monde, après son rachat par le trio Bergé-Niel-Pigasse. Il a quitté Le Monde après 15 ans de présence, et a créé le site d’écologie politique « Reporterre ».

    Quid du pouvoir régulateur de l’État ?

    – Pas de soutien pour les résistants : les salariés d’i Télé ont appelé plusieurs fois les pouvoirs publics à l’aide pendant leur grève, mais l’État n’a pas bougé. Il a ainsi sans doute suivi l’ invitation pressante et régulièrement renouvelée des investisseurs à ne pas « gêner les évolutions » car il s’agit de sauver la presse (!). En 2011, François Hollande et le PS promettaient pourtant d’empêcher à l’avenir des industriels sous contrat avec l’État de posséder des médias.

    – Pas de soutien aux lanceurs d’alerte (Snowden refusé sur le sol français).

    – Affaiblissement du secteur public : logique de soumission croissante à l’audimat, mais aussi volonté de contrôle de la ligne (ex. limogeages et suppression d’émissions à France Inter).

    – Les organismes régulateurs comme le CSA n’assurent pas leur mission.

    Textes officiels

    Article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : Tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».

    Ordonnance du 26 Août 1944 pour sanctuariser la presse vis à vis des puissances de l’argent en interdisant la concentration d’organes de presse. « La concentration médiatique est une menace gravissime pour la démocratie ». Mais les textes d’application ne seront jamais pris.

    Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 Décembre 1948 : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».

    Article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme de 1950 : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations ».

    Ces textes n’empêchèrent pas le groupe Hersant de racheter dans les années 70 et 80 de nombreux titres, dont Le Figaro, l’Aurore et France Soir, pour finir par détenir la moitié de la presse de l’époque.

    Loi de Juillet 1881, dite « d’affranchissement et de liberté » : s’inspirant de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, elle abroge les lois qui prévoyaient contrôle et censure.

    11 Octobre 1984, décision importante du Conseil Constitutionnel : Reprenant aussi l’article 11, le Conseil veut garantir également les droits du public : « Le pluralisme des quotidiens d’information politique et générale […] est en lui-même un objectif à valeur constitutionnelle » ; il assure ainsi l’effectivité de la liberté affirmée dans l’article 11.

     – Loi du 23 Octobre 1984 : Dite loi « anti-Hersant », inspirée par les ordonnances d’Août 1944, elle visait à son tour à limiter la concentration en réduisant les parts de marché pour un même groupe. Elle n’avait pas d’effet rétroactif et le groupe Hersant, principalement visé, a pu continuer ses activités sans être inquiété. Elle n’a été que très peu appliquée.

    Loi du 1er Août 1986 : elle assouplit les règles sur la concentration et la transparence en interdisant à un acquéreur de détenir plus de 30 % de la diffusion totale sur l’ensemble du territoire national des quotidiens d’information politique et générale.

    Décembre 1998 : au sujet de la presse sur Internet, une étude du Conseil d’État, intitulée “Internet et les réseaux numériques”, confirme que “l’ensemble de la législation existante s’applique aux acteurs d’internet”.

    Loi du 1er Août 2000 : Une personne physique ou morale ne peut détenir plus de 49 % du capital ou des droits de vote d’une entreprise de presse.

    Septembre 2011 : recommandation du Conseil de l’Europe : après avoir souligné que : « Tous les contenus fournis par les médias ont un impact potentiel sur la société, quelle que soit la valeur qu’on leur attribue. Utilisé abusivement, le pouvoir des médias peut nuire au pluralisme et à la démocratie, notamment en cas de forte concentration des médias »

    Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe, recommande aux États membres « de rester attentifs et de remédier aux situations de forte concentration dans l’écosystème médiatique pouvant aboutir à un abus de la capacité d’un acteur médiatique à former ou à influencer l’opinion publique sur les choix personnels, avec des conséquences potentiellement néfastes sur la gouvernance, et plus particulièrement sur le pluralisme politique et les processus démocratiques ».

    Annexe à la Recommandation : « Les États membres devraient également prendre des mesures proactives pour promouvoir la liberté, l’indépendance, le pluralisme et la diversité des médias ».

    Mars 2016, adoption de la loi Bloche, dite loi « Liberté, indépendance et pluralisme des médias ». Article 1er : « Tout journaliste […] a le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources et de refuser de signer un article, une émission, une partie d’émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique de son entreprise ou de sa société éditrice ».

    Signature d’ une charte obligatoire à partir de Juillet 2017.

    –  Mais il est question de liberté individuelle du journaliste, rien de nouveau sur la dépendance économique et politique.

    –  Rien sur la concentration, ce n’est ni nécessaire ni l’objet de cette loi (Rapporteur Patrick Bloche).

    –  Rien sur la presse écrite, c’est la loi de 1881 qui prévaut (P.B.)

    Le syndicat national des journalistes craint que le statut du journaliste ne soit encore plus fragilisé au prétexte de le renforcer. Rien n’est dit en effet sur les moyens qu’auront les journalistes de se prévaloir de leurs droits. À l’inverse la charte risque d’être un outil efficace d’avertissement ou de licenciement pour un journaliste qui ne conviendrait plus.

    « Qu’adviendra-t-il du journaliste allant porter plainte contre son actionnaire » ?

    Quant au Conseil supérieur de l’audiovisuel qui doit contrôler le tout, le SNJ le dit non compétent en terme de déontologie journalistique car c’est une instance essentiellement technocratique, et non légitime en raison de ses liens directs avec le pouvoir.

    La profession avait demandé que soient prévus par la loi un statut juridique des rédactions ainsi qu’une charte déontologique jointe à la convention collective des journalistes : Refusés.

    L’observatoire Acrimed créé en 1995 dénonce depuis plusieurs années le décalage entre les autorités de régulation existantes et la transformation accélérée du paysage médiatique, mais aussi les liens étroits entre ces instances et le pouvoir :  CSA, Arpp (Autorité de régulation professionnelle de la publicité) et Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et postales).

    Acrimed propose de remplacer le CSA par une seule autorité publique coordonnant le tout, un Conseil National des Médias.

    Reprenant à notre compte ce constat du Monde Diplomatique « Le droit universel énoncé par l’article 19 de la DUDH s’est mué en un privilège : celui d’une poignée d’industriels suffisamment fortunés pour s’offrir les grands moyens d’information » (Décembre 2014), nous estimons très inquiétants les dénis politiques actuels. Patrick Bloche a récemment affirmé qu’ une nouvelle loi anti-concentration n’était pas nécessaire : « Il ne faut pas dissuader les groupes privés d’investir dans les médias ».

    Nous pensons que la LDH pourrait, en s’appuyant sur les textes existants et en apportant la preuve qu’ils ne sont pas appliqués, demander un changement conséquent d’orientation des choix politiques au plan réglementaire et législatif, afin que soit défini un véritable statut particulier pour les acteurs de la presse et des médias en général. Il conviendrait également de définir en détail le droit des rédacteurs à déterminer clairement le champ d’action possible des actionnaires.

    Nous inspirant des analyses de l’observatoire Acrimed, nous souhaiterions que la LDH soutienne sa demande depuis 2012 que le CSA soit supprimé et remplacé par un Conseil national des médias véritablement indépendant et efficient.

    Jacqueline Mouriès et Joëlle Heuzet

 

Décision importante du Conseil Constitutionnel du 11 Octobre 1984, en préalable à la promulgation de la loi du 23 Octobre 1984 (Extrait).

Alors que les auteurs de la Déclaration de 1789 ne se préoccupaient que des prérogatives de celui qui s’exprime en garantissant que « tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement », le Conseil, avec raison, veut garantir, également, les droits du public. Pour cela, il met en avant l’exigence de pluralisme.

Dans une importante décision rendue le 11 octobre 1984, le Conseil est saisi d’une loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse. Il explique : « Considérant que l e pluralisme des quotidiens d’information politique et générale auquel sont consacrées les dispositions du titre II de la loi est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; qu’en effet la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s’adressent ces quotidiens n’était pas à même de disposer d’un nombre suffisant de publications de tendances et de caractères différents ; qu’en définitive l’objectif à réaliser est que les lecteurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu’on puisse en faire l’objet d’un marché » .

Le pluralisme est, par conséquent, un objectif à valeur constitutionnelle assurant l’effectivité de la liberté affirmée ; il ne sert, en effet, à rien, dans un régime démocratique, d’assurer la liberté de s’exprimer s’il n’y a qu’un discours tenu au public. Mais alors que le nombre plus limité des moyens de communication audio visuel implique le respect en leur sein d’un pluralisme d’opinions, il n’en va pas de même de la presse écrite toujours gouvernée par l’idée selon laquelle il existe une presse d’opinion. Autrement dit, le pluralisme en matière de presse écrite est un pluralisme externe, garantit par l’existence de plusieurs journaux de tendance différente ; sans, cependant, ignorer que la situation économique a tout de même conduit à la disparition d’un certain nombre de titres de presse, retirant au pluralisme plusieurs des nuances qui faisaient sa richesse.

La liberté de choix des destinataires est donc aussi importante que celle de l’auteur du propos.

Référence article 11 de la DDHC de 1789 : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.