Israël/Palestine : le harcèlement contre l’avocat des droits humains Salah Hammouri doit cesser

Nous soussigné-e-s, organisations, syndicats et associations, condamnons et rejetons les mesures coercitives des forces israéliennes d’occupation que subit le défenseur des droits humains et avocat au sein de l’association palestinienne Addameer, Salah Hammouri.

Celles-ci constituent une violation des obligations de l’occupant définies conformément au droit international humanitaire et aux droits humains.

Depuis de longues années, Salah Hammouri fait l’objet d’une campagne d’intimidation continue exercée par les forces d’occupation israélienne en raison de son rôle actif dans la défense des droits humains. Il a passé neuf ans dans les prisons israéliennes, répartis en six détentions dont la plus longue a duré sept années consécutives entre 2005 et 2011. Face à l’obligation de choisir entre l’expulsion en France pendant 15 ans ou l’emprisonnement en Israël pendant sept ans, Salah Hammouri a choisi la prison plutôt que la déportation. Depuis le début du mois de mars 2022, il se retrouve à nouveau dans les geôles israéliennes, en détention administrative sans inculpation ni procès, sur la seule base d’un dossier déclaré secret que même son avocat ne peut consulter, ce qui rend sa détention coercitive et illégale.

Par ailleurs, les forces de l’occupation ont pris de nombreuses mesures à l’encontre de Salah Hammouri dans le but de l’expulser de Jérusalem. La dernière a eu lieu en octobre 2021 en approuvant une décision de lui retirer sa carte d’identité jérusalémite, sous prétexte de déloyauté envers l’Etat d’Israël et sur la base de preuves déclarées secrètes. Des tentatives sont actuellement en cours pour l’expulser vers la France dont il détient la nationalité et où résident sa femme et ses enfants, après les avoir empêché·es de rentrer dans les territoires occupés, le privant ainsi de ses droits familiaux. Lorsqu’il sera mis en liberté, Salah Hammouri sera contraint de quitter la ville de Jérusalem. Il est prévu que la Cour suprême israélienne statue sur le retrait de la carte d’identité de Salah Hammouri en février 2023.

Les mesures prises contre Salah Hammouri revêtent à la fois une importance et un danger.

D’une part, le retrait de son titre d’identité pour cause de déloyauté envers l’Etat occupant, fondé sur des preuves confidentielles, constitue une mesure sans précédent dans le cadre de la guerre contre l’existence arabe et palestinienne à Jérusalem. Bien que la ville soit un territoire occupé selon le droit international, les Palestinien-ne-s y souffrent de mesures de colonisation et de judaïsation de plus en plus accrues, dont l’objectif est de supprimer leur existence de la capitale. Cette décision contre Salah Hammouri ouvre alors la porte aux forces d’occupation israéliennes leur permettant d’expulser tout·e citoyen·ne palestinien·ne de Jérusalem et de lui retirer, tout simplement, sa carte d’identité sur la base de documents classés secrets. Cela signifie donc une possibilité supplémentaire de réduire le nombre des Palestinien-ne-s de Jérusalem sans aucune justification légale.

D’autre part, Salah Hammouri est ciblé par les forces de l’occupation israélienne en tant que défenseur des droits humains et avocat auprès des prisonnier-e-s palestinien-ne-s. Israël déclare en effet une véritable guerre contre les défenseur-e-s des droits humains à titre individuel ou collectif, en accusant systématiquement de terrorisme les associations palestiniennes des droits humains, dont l’association Addameer au sein de laquelle Salah Hammouri travaille. Ce dernier a notamment été l’objet d’un piratage de son téléphone portable au moyen du logiciel d’espionnage Pegasus développé par l’entreprise israélienne de sécurité informatique NSO Group Technologies. L’objectif de l’État israélien, à travers ces mesures, est de transmettre un message à tou-te-s les activistes et défenseur-e-s pacifiques des droits humains : ils-elles ne disposent d’aucune impunité et peuvent subir à tout moment la restriction de leur mobilité, la dispersion de leurs familles, des détentions arbitraires et l’expulsion de leur pays.

En outre, bien que Salah Hammouri soit détenteur de la nationalité française, 

le gouvernement français n’a joué aucun rôle actif pour exercer des pressions 

en vue de sa libération, en dépit de sa détention coercitive. Le gouvernement 

israélien a d’ailleurs pris récemment une mesure punitive à l’encontre de 

Salah Hammouri en le plaçant en isolement, après qu’il a adressé une lettre au

 président français Emmanuel Macron lui demandant d’exiger sa mise en liberté.

 En effet, le gouvernement français n’a fait aucune déclaration publique, ni 

dénoncé sa détention arbitraire ou appelé les autorités d’occupation israélienne 

à le libérer. Il s’est contenté de lui rendre visite et d’inviter le gouvernement

israélien à « respecter ses droits ».

Ces mesures sont visiblement insuffisantes et incompatibles avec la réaction habituelle des autorités françaises dans les cas de détention arbitraire des citoyen-ne-s français, et ne font pas preuve d’une volonté politique suffisamment forte pour tenir les autorités israéliennes responsables.

 

En conséquence, les organisations, syndicats, associations et commissions de défense 

des droits humains signataires de la présente déclaration, affirment ce qui suit.

 

  1. Rejeter les intimidations et les violations coercitives que Salah Hammouri subit comme une punition pour son travail de défenseur des droits humains, ceci dans l’objectif de le dissuader, ainsi que tou-te-s les autres défenseur·es, de continuer de soutenir les droits des Palestinien-ne-s ou à critiquer Israël, et particulièrement :
    – condamner et rejeter la détention administrative, contraire aux dispositions du droit international et exiger la libération immédiate des prisonnier·es administratif·ves dont celle de Salah Hammouri [1] ;
    – condamner et rejeter la décision israélienne de retirer son identité jérusalémite à Salah Hammouri, sur la base des documents confidentiels et d’une prétendue déloyauté vis-à-vis de l’Etat occupant. [2]

 

  1. Nous demandons au gouvernement français d’agir concrètement et rapidement pour la mise en liberté de son ressortissant Salah Hammouri, de dénoncer et d’empêcher la révocation de sa résidence et son expulsion forcée de Jérusalem, et de le dédommager des violations de ses droits.

 

  1. Demander à la Cour pénale internationale (CPI) de faire avancer au plus vite le dossier d’enquête sur les violations flagrantes du droit international humanitaire et du droit pénal international par l’Etat d’Israël, et assimilables à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

 

  1. Demander aux Nations unies, en particulier à l’Assemblée générale, au Conseil de sécurité et au Conseil des droits de l’Homme, de prendre des mesures effectives pour mettre fin aux pratiques israéliennes visant à supprimer leur identité aux Jérusalémites, à vider la ville de sa population arabe et à modifier sa composition démographique en violation du statu quo juridique à Jérusalem.

 

  1. Demander aux gouvernements du monde de mettre en œuvre la compétence universelle, conformément à l’article 147 de la quatrième Convention de Genève, afin d’affirmer la responsabilité de l’Etat d’Israël et de mettre fin à son impunité face aux violations graves qu’il commet à l’encontre des Palestinien-ne-s, dont notamment les arrestations arbitraires et les déplacements forcés.

 

  1. Demander aux Etats membres de la communauté internationale, aux Parlements du monde et aux organismes de la société civile d’exercer des pressions sur Israël, aux fins de respecter les actions relatives à la défense des droits humains et de protéger le peuple palestinien et en particulier ses défenseur·es, en garantissant leur liberté d’expression et de circulation, leur droit de documenter les violations de l’occupation et de poursuivre juridiquement ses pratiques au niveau international.

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Cette déclaration reste ouverte à la signature des organisations et

institutions intéressées ici. Lire la liste complète des signataires

Le 31 août 2022

Notes
[1] Tous les organismes confirment que la détention administrative exercée par Israël va à l’encontre des articles 42 et 78 de la quatrième Convention de Genève (1949) qui, selon le Comité international de la Croix rouge, n’autorise qu’exceptionnellement la détention administrative dans certaines circonstances impérieuses. Cependant, Israël utilise la détention administrative de façon systématique pour des raisons tenues secrètes, rendant ainsi la détention administrative arbitraire et contraire à l’article 75 du premier protocole joint aux Conventions de Genève (1977) qui fait lui-même partie du droit international coutumier

[2] Affirmer que la détention administrative est contraire aux dispositions du droit international, en particulier à l’article 43 de la Convention de la Haye relatif aux lois et aux coutumes de guerre sur terre (1907) et à l’article 64 de la quatrième Convention de Genève (1949) qui privent les forces d’occupation d’agir en tant qu’entité souveraine dans les territoires occupés. De plus, elle va l’encontre de l’article 45 de la Convention de la Haye et de l’article 69 (3) de la quatrième Convention de Genève qui n’autorisent pas aux forces de l’occupation d’exiger la loyauté à la population du territoire occupé, sans oublier l’expulsion de la population du territoire occupé qui est considéré comme un crime de guerre conformément à l’article 8 de la Charte de Rome. Au cas où ces pratiques font partie d’une politique systématiquement élargie contre les populations civiles, tel qu’Israël le fait, elles constituent un crime contre l’humanité en vertu de l’article 7 de la Charte de Rome. Par ailleurs, le retrait des titres d’identité des habitant·es de Jérusalem, en particulier les défenseurs des droits humains, constituent une violation des dispositions du droit international relatives aux droits humains, notamment le droit de vivre en famille et la liberté de circulation incluant le droit de partir et de rentrer dans son pays, la liberté d’expression et le droit de réunion pacifique conformément aux articles 19, 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

 

Enfin, la déportation des Jérusalémites s’oppose aux exigences du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale qui attribuent le caractère illégal à tout changement de situation démographique dans la ville de Jérusalem.

 

De plus, vider la ville de Jérusalem de sa population arabe constitue une application 

brutale du principe d’apartheid qui est internationalement condamné.