Rachats d’actions : comment les multinationales confisquent les richesses

Publié le 18 avril 2024 dans l’Humanité.fr

Ils font jaser, les rachats d’actions, qui battent de nouveaux records chaque année en France comme dans le monde. Les entreprises du CAC 40 ont dépensé en 2023 30 milliards d’euros pour racheter et détruire leurs propres titres, pour faire monter leur cours. Si bien que Gabriel Attal a avoué au Monde fin mars envisager de taxer « ces opérations type rachats d’actions (que mènent) des grands groupes plutôt que d’investir et de mieux rémunérer leurs salariés ».

Les nouvelles mesures d’économies – les 10 milliards annoncés – vont imposer la rédaction d’un projet de loi de finances rectificative, et ce nouvel impôt sur les rémunérations des actionnaires pourrait y trouver sa place, même s’il commence à prendre des airs d’Arlésienne : Emmanuel Macron avait promis de sévir contre la pratique, il y a déjà un an. « Dans la loi sur le partage de la valeur, il y a inscrit qu’en cas de bénéfices extraordinaires dans une entreprise, s’il y a rachat d’actions, la direction doit ouvrir une négociation sur l’intéressement. Mais personne ne s’est accordé sur la définition de bénéfice extraordinaire », soupire Laurent Perin, de la CGT finances.

Jusqu’à ce qu’elle se banalise, la pratique avait vraiment mauvaise presse. « Racheter ses propres actions pour les détruire envoie le signal qu’on n’a pas de projet, de vision, de perspective, qu’on arrive au bout d’un processus, qu’on profite d’une situation de rente », résume de son côté Vincent Drezet, fiscaliste et membre du conseil scientifique d’Attac. La doxa libérale défend plutôt les dividendes, qui permettraient, selon elle, de faire circuler et de réinvestir l’argent.

Les banques françaises en première ligne du financement des nouveaux projets fossiles, dénoncent des ONG

Les grandes banques françaises sont les principaux soutiens européens à la croissance des énergies fossiles. Que fait le gouvernement pour intervenir et que fait l’Europe ? Rien. Dans le contexte actuel de réchauffement climatique accéléré, il s’agit d’une politique criminelle qui devrait immédiatement être sanctionnée par les pouvoirs publics. Mais le néolibéralisme dominant au gouvernement priorise l’inaction : « laisser faire, laisser aller »…

Par Luc Chemla, AFP

Publié le jeudi 13 avril 2023 

Cheminées et tours de refroidissement d’une centrale électrique au charbon libérant de la fumée et de la vapeur en Allemagne. © Getty – Schroptschop

Un rapport publié ce jeudi épingle les banques françaises. « Banking on Climate Chaos », auquel ont participé sept ONG dont Reclaim Finance et les Amis de la Terre, fait le constat qu’en 2022 les banques françaises ont été « les principaux soutiens européens à l’expansion des énergies fossiles »

Révéler « la vérité sur les engagements des banques en faveur du climat en examinant leur financement de l’industrie des énergies fossiles. » Voilà l’objectif du rapport annuel « Banking on Climate Chaos », publié ce jeudi et auquel ont participé sept ONG dont Urgewald, ReCommon, Banktrack, les Amis de la Terre France et Reclaim Finance. Ce rapport, le quatorzième du nom, est présenté comme « l’analyse mondiale la plus complète sur les activités bancaires liées aux énergies fossiles ». Les différentes ONG en profitent pour appeler « les banques européennes à cesser de soutenir l’expansion des énergies fossiles afin de préserver une chance de maintenir le réchauffement en dessous de 1,5˚C. »

Les banques françaises, mauvaises élèves en Europe

De ce rapport, il en ressort qu’en 2022 les banques françaises ont été l’an dernier « les principaux soutiens européens à l’expansion des énergies fossiles » via le financement des grandes majors du pétrole et du gaz. Selon le rapport, les neuf premières entreprises pétrolières et gazières américaines et européennes, dont TotalEnergies, BP et Eni, ont reçu collectivement l’an dernier 11,9 milliards de dollars de financement de la part des banques françaises, principalement Crédit Agricole, BNP Paribas et Société Générale.

Mauvaises élèves à l’échelle européenne, les banques françaises restent cependant loin derrière leurs homologues nord-américaines en matière de financement des énergies fossiles, selon ce rapport. Crédit Agricole et BNP Paribas, comme l’italienne Unicredit, ont même augmenté leurs financements auprès de cette industrie en 2022 par rapport à 2021, assurent ces ONG, montants à l’appui. Les calculs portent sur les prêts accordés, mais aussi les émissions d’actions et d’obligations des entreprises du pétrole, du gaz et du charbon.

Selon les conclusions du rapport, « en 2022, les trois premiers soutiens européens des principaux développeurs d’énergies fossiles étaient Crédit Agricole (US$ 6,1 milliards), BNP Paribas (US$ 5,5 milliards) et Société Générale (US$ 3,4 milliards). » « Au niveau global, BNP Paribas est le quatrième plus grand soutien à l’expansion fossile depuis 2016, avec US$ 64,2 milliards de financement aux entreprises développant les énergies fossiles. »

BNP Paribas et le Crédit Agricole épinglés

« BNP Paribas apparaît cette année encore comme un leader mondial de l’expansion pétrolière et gazière » pointe dans le rapport Lorette Philippot, chargée de campagne aux Amis de la Terre France. « Malgré des promesses creuses et de nouveaux engagements faibles, la banque ne montre aucune intention de changer de cap et a même augmenté en 2022 son financement des énergies fossiles. » Lorette Philippot ajoute que « BNP Paribas est même un concurrent sérieux des banques nord-américaines dans leurs activités douteuses. Parce que miser sur le chaos climatique est totalement incompatible avec le respect de son devoir de vigilance climatique, BNP Paribas devra désormais en répondre devant la justice. »

Dans une déclaration transmise à France Inter, BNP Paribas réfute ce constat « sur la base d’un rapport dans lequel nous avons constaté de nombreuses erreurs et biais méthodologiques, en particulier sur la comptabilisation des crédits » qui lui sont attribués. La banque ajoute : « sur la base de données précises publiées dans notre Document d’enregistrement universel, la baisse de notre exposition de crédits sur l’exploration-production de pétrole et de gaz est de 12% entre le 31 décembre 2020 et le 31 décembre 2022, et de 15% sur l’exploration-production de pétrole. »

Une autre banque est également épinglé par le rapport, le Crédit Agricole, « dont les principaux clients sont TotalEnergies, Saudi Aramco et Eni, est entré dans le top 10 des banques finançant l’expansion des énergies fossiles en 2022. TotalEnergies, dont les principaux financiers sont les banques françaises Crédit Agricole, BNP Paribas et Société Générale, a plusieurs obligations arrivant à échéance dans les prochains mois qu’elle pourrait renouveler.« 

Une étude aux chiffres « fantaisistes » critique la Fédération bancaire française

Au-delà des chiffres, cette étude annuelle « montre l’échec des politiques adoptées par les acteurs financiers français« , déplore auprès de l’AFP Lucie Pinson, directrice de l’association Reclaim finance. Une banque française fait cependant exception : la Banque postale. En 2021, elle se présentait comme « la première banque au monde » à s’engager pour une sortie totale des secteurs du pétrole et du gaz d’ici 2030. Les banques françaises ont toutes pris des engagements de neutralité carbone d’ici 2050.

« La lutte contre le changement climatique est une priorité pour les banques françaises, qui mettent en place des politiques ambitieuses pour accompagner une transition socialement responsable, globale et durable« , se défend la Fédération bancaire française (FBF), qui dénonce comme l’an dernier une étude aux chiffres « fantaisistes« . Le 23 février, trois ONG de défense de l’environnement avaient assigné en justice BNP Paribas, première banque européenne, au titre de sa « contribution significative » au réchauffement climatique, à cause de ses clients pétroliers et gaziers.