Nouveau Oxfam rapport sur les inégalités dans le monde et en France

Publié sur Oxfamfrance le 14 janvier 2024

Multinationales et inégalités multiples : nouveau rapport

Depuis 2020, les cinq hommes les plus riches du monde ont doublé leur fortune tandis que, dans le même temps, la richesse cumulée de 5 milliards de personnes a baissé. C’est ce que révèle le nouveau rapport d’Oxfam sur les inégalités mondiales.

Si cette tendance se poursuit, nous pourrions voir dans près de 10 ans la fortune d’un multimilliardaire franchir pour la première fois le cap de 1000 milliards de dollars alors qu’il faudra encore 230 ans pour éradiquer la pauvreté.

Malgré les crises successives, les milliardaires prospèrent. Pourquoi ? Car ils achètent le pouvoir politique et économique.

Inégalités mondiales : les chiffres-clés

Monde

  • La fortune des 5 hommes les plus riches a grimpé de 114 % depuis 2020.
  • La fortune des milliardaires a augmenté de 3 300 milliards de dollars depuis 2020, à une vitesse 3 fois plus rapide que celle de l’inflation.
  • Les 1 % les plus riches possèdent 48 % de tous les actifs financiers mondiaux.
  • Les pays riches du Nord détiennent 69 % des richesses mondiales et accueillent 74 % des richesses des milliardaires alors qu’ils n’abritent que 21 % de la population mondiale.
  • Au rythme actuel, il faudrait plus de deux siècles pour mettre fin à la pauvreté, mais dans à peine 10 ans nous pourrions voir pour la première fois la fortune d’un multimilliardaire franchir le cap des 1 000 milliards de dollars. Avoir 1 000 milliards, c’est comme gagner plus d’un million d’euros par jour depuis la naissance de Jésus-Christ.
  • Sept des dix plus grandes entreprises mondiales sont dirigées par un·e milliardaire.
  • 148 grandes entreprises ont réalisé 1800 milliards de dollars de bénéfices cumulés – soit 52 % de plus en moyenne sur les 3 dernières années – et distribué d’énormes dividendes à de riches actionnaires tandis que des centaines de millions de personnes ont été confrontées à des réductions de salaires réels.

France

  • Les quatre milliardaires français les plus riches et leurs familles – la famille Arnault, la famille Bettencourt Meyers, Gérard et Alain Wertheimer – ont vu leur fortune augmenter de 87 % depuis 2020. Dans le même temps, la richesse cumulée de 90% des Français a baissé.
  • Sur cette même période, les 42 milliardaires français ont gagné 230 milliards d’euros, autant que pour faire un chèque de 3 400 euros pour chaque Français-e.
  • Les 1 % les plus riches détiennent 36 % du patrimoine financier total en France alors que plus de 80% des Français ne déclarent posséder ni assurance-vie, ni actions directement.
  • 11 des plus grandes entreprises françaises ont réalisé 101 milliards de dollars de bénéfices entre juin 2022 et juin 2023, soit une augmentation de 57% par rapport à la période 2018-2021.
  • L’héritière Françoise Bettencourt est devenue la première femme milliardaire à voir sa fortune atteindre les 100 milliards d’euros.

Grandes entreprises, médias : comment les milliardaires achètent le pouvoir

Depuis 2020, l’accroissement de la fortune des milliardaires et l’accumulation de profits des multinationales sont intrinsèquement liés.

A l’heure où l’élite économique se réunit à Davos, le rapport « Multinationales et inégalités multiples » révèle notamment que sept des dix plus grandes entreprises mondiales ont un·e PDG milliardaire ou un·e milliardaire comme actionnaire principal·e.

Les grandes entreprises ont un pouvoir démesuré et sont une machine à fabriquer des inégalités. Salaires qui augmentent moins que la rémunération des PDG, bénéfices majoritairement utilisés pour rémunérer les actionnaires, optimisation fiscale : les milliardaires veillent avant tout à ce que les multinationales contribuent à leur propre enrichissement, au détriment du reste de la population.

Ils utilisent par ailleurs leur richesse pour asseoir et conforter leur influence politique, en particulier via leur emprise sur les médias et leurs relations avec les hautes sphères de l’Etat.

En France aussi, les milliardaires s’enrichissent et la pauvreté s’intensifie

Les 4 milliardaires français les plus riches (Bernard Arnault et sa famille, Françoise Bettencourt Meyers et sa famille ainsi que Gérard Wertheimer et Alain Wertheimer) ont vu leur fortune augmenter de 87% depuis 2020.

Sur la même période, les 42 milliardaires français ont gagné 230 milliards d’euros, soit l’équivalent d’un chèque de 3 400 euros pour chaque Français·e. Alors que les Français et Françaises subissent l’inflation de plein fouet et sont confronté·e·s à une véritable crise du pouvoir d’achat, l’enrichissement continu des ultra-riches fracture la société.

Comme dans le reste du monde, l’omniprésence des milliardaires dans les mondes économique, politique et médiatique, est indéniable. En tête de proue : Bernard Arnault, à la tête de l’empire du luxe LVMH et de certains des plus grands médias français comme Les Échos ou Le Parisien, mais aussi le milliardaire Vincent Bolloré, qui fait des médias dont il est actionnaire principal une arme au service de l’extrême droite.

Les recommandations d’Oxfam

Oxfam appelle les États à réduire rapidement et radicalement le fossé entre les ultra-riches et le reste de la société grâce notamment aux mesures suivantes :

Augmenter les impôts sur les ultra-riches

Oxfam estime qu’un impôt sur la fortune pour les multimillionnaires et les milliardaires du monde entier pourrait rapporter 1 800 milliards de dollars par an.

Plus précisément, Oxfam France formule une série de recommandations fiscales qui permettraient de dégager 88 milliards d’euros par an, tout en préservant le pouvoir d’achat de 70% des Français, dont :

  • Un impôt sur la fortune climatique pour les multimillionnaires et les milliardaires : Il s’agit de taxer, d’une part, le niveau de patrimoine (la taille de la fortune), et d’autre part, la quantité de CO2 qu’il contient (son impact sur le climat).

Réguler les multinationales

  • Encadrer la part des bénéfices versés aux actionnaires
  • Conditionner les aides publiques aux entreprises aux investissements dans la transition
  • Imposer un écart de rémunération de 1 à 20 entre le salaire du dirigeant et le salaire médian de l’entreprise.

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Réautorisation du glyphosate : «L’Europe ferme les yeux sur la perte de biodiversité»

Publié le 16/11/2023 sur Reporterre le media de l’écologie – La LDH 66 soutient Reporterre

Le glyphosate va être réautorisé pour dix ans à la suite d’un vote de l’UE le 16 novembre. Martin Dermine, de PAN Europe, alerte sur le fait que le pesticide a aussi des conséquences pour les plantes et les animaux.

Actualisation : le 16/11/23. Le glyphosate va être réautorisé pour dix ans par l’Union européenne.


Place au deuxième round. Le 16 novembre, les États membres de l’Union européenne s’apprêtent à voter une nouvelle fois sur la question du glyphosate. Objectif : approuver, ou non, la proposition de la Commission visant à autoriser la substance active pendant les dix prochaines années.

Le 13 octobre, le premier vote s’était soldé par l’absence de majorité qualifiée en faveur de l’adoption du texte. La France et l’Allemagne avaient d’ailleurs décidé de s’abstenir : « Sauf grande surprise, on s’attend au même résultat aujourd’hui », confie Martin Dermine, directeur de PAN Europe, un réseau d’ONG luttant contre les pesticides.

Or, s’il y a deux votes successifs sans majorité qualifiée, c’est ensuite à la Commission de décider : « Habituellement, elle reste cohérente en adoptant sa propre proposition. » Autrement dit, d’ici début décembre, l’approbation du glyphosate pour dix années supplémentaires pourrait être inscrite au Journal officiel.

Un hypothétique dénouement jugé dramatique par Martin Dermine, qui détaille dans cet entretien les dangers du glyphosate sur la biodiversité.

Reporterre — Peut-on affirmer avec certitude que le glyphosate est dangereux pour la biodiversité ?

Martin Dermine — Non. Le glyphosate, en tant que substance active, n’est pas très toxique pour l’environnement. En revanche, dès lors qu’il est associé à des coformulants pour créer des herbicides comme le Roundup, il devient tout de suite extrêmement nocif.

Des expériences sur les grenouilles l’ont démontré. En pulvérisant sur des spécimens les doses autorisées dans les champs, comme un tracteur pourrait le faire, un très haut taux de mortalité était observé. Non pas à cause du simple glyphosate, mais de tous les coformulants auxquels il est mélangé.

Cette problématique est parfaitement documentée, d’un point de vue scientifique. Pourtant, les agences réglementaires européennes et nationales continuent de fermer les yeux. Elles savent pertinemment que le jour où ces mélanges dans leur ensemble seront pris en compte, cela ouvrira la boîte de Pandore et mènera à une interdiction massive des pesticides.

Quels sont les êtres vivants les plus affectés par l’herbicide ?

Dans les milieux aquatiques, il perturbe la reproduction des amphibiens, s’attaque aux poissons, au phytoplancton et aux plantes hydrophytes. Et puis, il y a l’impact sur les fleurs. Les personnes âgées de plus 60 ans nous racontent leurs souvenirs d’enfance, avec des champs de céréales remplis de coquelicots et de bleuets. Désormais, nos générations en sont privées, excepté dans certaines cultures biologiques.

« Le glyphosate tue toutes les plantes sans discrimination »

La faute au glyphosate, notamment, qui est un herbicide total et tue donc toutes les plantes sans discrimination. Utilisé massivement, il a mené à la disparition de ces plantes sur les terres agricoles, et en périphérie. Car les pesticides ne restent jamais sur la seule bande de terre où ils ont été épandus. Ils se dissipent jusque dans les zones limitrophes, appauvrissant la diversité des plantes sauvages.

Cela réduit ainsi la disponibilité en hectares et en pollen pour les pollinisateurs et pour les autres insectes. Et par effet ricochet, pour les animaux se nourrissant d’insectes, comme les oiseaux et les amphibiens. Il n’y a pas d’étude en tant que telle disant que le glyphosate entraîne un appauvrissement de la biodiversité. Toutefois, une récente étude du CNRS met en évidence la décimation des populations d’oiseaux dans les zones d’agriculture intensive, au cours des dernières décennies.

Par quels mécanismes le glyphosate nuit-il aux plantes ?

Le glyphosate est enregistré en tant qu’herbicide, mais aussi en tant qu’antibiotique. C’est-à-dire qu’il est capable d’empêcher la croissance de certains microorganismes. Et les sols en pâtissent : la toxicité a été clairement établie sur le microbiote des sols. Or, celui-ci est fondamental pour la fertilité des sols, et interagit également avec les plantes par les racines pour augmenter la résistance et la santé de celles-ci.

Cela ne s’arrête pas là : le glyphosate est aussi enregistré en tant que chélateur de métaux. Cela signifie que la molécule se lie aux éléments minéraux métalliques, comme le cuivre ou le manganèse, et les rend indisponibles biologiquement. Elle empêche les plantes de les prélever dans le sol.

Alors certes, le cuivre est toxique pour les mammifères à haute dose, mais on en a quand même besoin en très faible quantité. Et les plantes, également, pour leur immunité. Sa présence en tant que résidus dans les sols va ainsi mener à un appauvrissement des plantes, et un affaiblissement de leur système immunitaire. Sans parler de la perte de valeur nutritive des aliments, puisque les fruits et les légumes sont privés des micronutriments.

Plainte contre TotalEnergies pour climaticide

Publié dans Libération le 2 octobre 2023

Justice climatique

TotalEnergies visé par une plainte au pénal pour son méga-projet pétrolier en Ouganda et en Tanzanie

Quatre associations portent plainte au pénal contre le pétrolier français pour «abstention de combattre un sinistre» et «homicide involontaire» en Afrique de l’Est, apprend-on ce lundi 2 octobre. Les ONG dénoncent «des faits s’apparentant à un climaticide».

C’est un procès inédit auquel pourrait faire face TotalEnergies. Quatre associations de défense de l’environnement ont déposé plainte au pénal contre le géant des hydrocarbures et son projet pétrolier EACOP en Tanzanie et en Ouganda pour «des faits s’apparentant à un climaticide», apprend-on ce lundi 2 octobre auprès de leurs avocats, confirmant une information du Monde.

La plainte vise plusieurs infractions : abstention de combattre un sinistre, atteintes involontaires à l’intégrité de la personne, destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui de nature à créer un danger pour les personnes, et homicide involontaire. Les ONG Darwin Climax Coalitions, Sea Shepherd France, Wild Legal et Stop EACOP-Stop Total en Ouganda ont déposé cette plainte le 22 septembre.

Effondrement climatique en cours

«Alors que l’ONU s’inquiète de l’effondrement climatique en cours, TotalEnergies ne doit plus continuer à alimenter sciemment, librement et impunément le dérèglement climatique», ont déclaré les avocats William Bourdon et Vincent Brengarth. «Il est temps que l’entreprise soit tenue responsable de ses activités», ont-ils ajouté dans un communiqué.

Cette plainte est «inédite» car elle assigne la société TotalEnergies «devant le juge pénal pour des faits s’apparentant à un climaticide, et qui, jusqu’ici, n’avaient leur place que devant des juridictions civiles». Selon William Bourdon, «les poursuites au civil n’intimident pas les grands patrons, a-t-il expliqué au MondeLa seule chose qui les embarrasse, c’est le risque d’une mise en examen, d’un procès public, d’une sanction pénale et, in fine, d’une atteinte à leur image.»

TotalEnergies «n’a pas connaissance de cette plainte et ne sait pas ce qu’elle vise», affirme-t-on du côté de l’entreprise. «La Compagnie mène ses opérations en conformité avec ses standards d’opération et avec les lois et règlements. Elle répondra aux demandes des autorités le cas échéant», a-t-elle ajouté.

TotalEnergies avait annoncé l’année dernière un accord d’investissement de 10 milliards de dollars avec l’Ouganda, la Tanzanie et la compagnie chinoise CNOOC, pour la construction d’un oléoduc chauffé (EACOP) de 1 443 kilomètres reliant les gisements du lac Albert, dans l’ouest de l’Ouganda, à la côte tanzanienne sur l’océan Indien. Le groupe prévoit également le forage de près de 400 puits de pétrole dans le parc naturel des Murchison Falls – les chutes du Nil Blanc, parmi les plus puissantes au monde –, une remarquable réserve de biodiversité et plus grand parc national d’Ouganda.

Un impact majeur sur la nature

Pour les avocats des associations, ce projet «serait à l’origine d’importants déplacements de populations» et «contribuerait à un appauvrissement majeur des populations locales». Il aura aussi un impact majeur sur «de nombreuses zones naturelles», soulignent-ils. Les plaignants accusent le groupe de ne mettre en place «aucune action permettant de lutter contre le sinistre qui frappe déjà la moitié de la population mondiale».

Les associations de protection de la nature dénoncent une stratégie de communication «visant à donner l’illusion d’une stratégie environnementale ambitieuse afin de dissimuler l’absence d’actions concrètes et adaptées» pour lutter contre le réchauffement climatique.