Mobilisation massive en Pologne pour dénoncer la loi anti-IVG

Près de 100 000 personnes ont manifesté le 30 octobre à Varsovie pour le droit à l’avortement face à la délégalisation de ce droit décidée par le Tribunal Constitutionnel.

Manifestations sans précédent en Pologne pour dénoncer la loi anti-IVG

Publié sur franceculture.fr 31/10/2020 Par Nathalie Hernandez

Depuis le 22 octobre, le Tribunal constitutionnel polonais a durci radicalement l’accès à l’avortement. Seules les femmes en danger de mort ou victimes de viol ou d’inceste pourront désormais avoir recours à l’IVG. Depuis, des dizaines de milliers de Polonais manifestent leur colère.

Manifestation contre la loi anti IVG à Varsovie en Pologne le 26 octobre 2020
Manifestation contre la loi anti IVG à Varsovie en Pologne le 26 octobre 2020• Crédits : Wojtek RADWANSKI – AFP

Une jeune femme torse nu s’est hissée sur une voiture. Masque noir sur le visage, elle brandit dans chaque main un fumigène jaune dans un ciel bleu cobalt. Autour d’elle, des voitures à l’arrêt et des dizaines de manifestants bloqués sur une avenue du centre de Varsovie, la capitale polonaise, le 26 octobre dernier.

Comme des dizaines de milliers de Polonais, elle manifeste contre une décision du Tribunal Constitutionnel. Celui-ci estime que la malformation grave d’un fœtus ne peut plus constituer un motif légal d’avortement, cela étant « incompatible » avec la Constitution polonaise. Une disposition qui réduit à peau de chagrin le droit à l’IVG en Pologne, dont la législation en matière d’avortement est déjà l’une des plus restrictives d’Europe. Jusque-là, les femmes ne pouvaient avorter que dans trois cas : celui de malformation du fœtus (désormais interdit), celui de danger de mort pour la mère et en cas de grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste.

Un cliché spontané

Spontanéité, c’est le premier mot qui vient au photographe de presse Patrick Gherdoussi en regardant ce cliché pris par son confrère Wojtek Radwanski pour l’Agence France Presse. 

« Cette jeune femme est certainement montée sur cette voiture sur un coup de colère. Elle a d’ailleurs laissé ses vêtements sur le toit du véhicule. Les gens autour semblent assez calmes, note aussi Patrick Gherdoussi. C’est un grand angle, je pense que Wojtek Radwanski a peut-être pris ce cliché à bout de bras. Il a dû être attiré par ce fumigène. C’est toujours très esthétique un fumigène dans une foule, puis il y a une lumière très intéressante, ajoute le photographe de presse. On est entre chien et loup, le ciel devient très dense. Derrière, les lumières de la ville commencent à s’allumer, ce qui fait que toutes les conditions sont réunies« , pour que le sujet du photographe ressorte sur l’image, estime Patrick Gherdoussi. 

« Cela me rappelle bien sûr les Femen, poursuit le photographe, ce mouvement de militantes féministes né en Ukraine (ndlr: l’une d’entre elles s’est d’ailleurs dénudée le 26 octobre dernier devant l’ambassade de Pologne à Kiev pour protester contre cette interdiction quasi-totale de l’avortement dans ce pays voisin de l’Ukraine). Mais ici cette jeune femme n’a pas de message, il n’y a pas de slogan inscrit sur sa poitrine, comme le font les Femen, ajoute Patrick Gherdoussi. » 

"La Liberté guidant le peuple" d'Eugène Delacroix
« La Liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix • Crédits : Alfredo Dagli Orti / Photo12 – AFP

Pour moi, en tant que Français, ça me renvoie aussi au tableau d’Eugène Delacroix « La Liberté guidant le peuple » : c’est un symbole républicain.

Patrick Gherdoussi y voit une double référence. 

« D’une part, aux photos de Femen prises par mes confrères au cours des dix dernières années, mais aussi à l’histoire de l’art avec la peinture de Delacroix.« 

Ôter un vêtement : un symbole de protestation 

« C‘est réellement redevenu aujourd’hui un symbole de contestation que d’avoir les seins nus, estime le photographe Patrick Gherdoussi, pour protester contre toutes les lois liberticides, notamment envers les femmes. On le constate sur les réseaux sociaux, si une femme affiche un peu trop son décolleté, c’est aussitôt censuré. Alors qu’un homme torse nu ne serait pas inquiété ! Est-ce à dire que la poitrine des femmes est presque devenue une image subversive ? C’est en tout cas à mes yeux comme ici sur cette photo un message de liberté.« 

_ »C’est peut-être un marqueur de notre époque, de voir des femmes qui, pour revendiquer leur liberté, enlève un vêtemen_t, conclut Patrick Gherdoussi. Comme en 1968, elles jetaient leur soutien-gorge, ici en Pologne cette jeune femme a retiré son haut et est torse nu ou encore en Iran, où des femmes ont ôté leur voile en signe de protestation pour affirmer leur liberté.« 

L’avortement, éternelle cible des conservateurs polonais

Depuis 2015, et l’arrivée au pouvoir en Pologne du parti conservateur Droit et Justice (PIS) réputé proche de l’Église catholique, la réforme du droit à l’avortement avait dû être repoussée en raison de la forte mobilisation de ses opposants. Mais cette fois le Tribunal constitutionnel polonais, saisi en 2019 par un groupe de 119 députés du parti PIS et deux groupes de l’opposition, juge que « le législateur a le devoir d’assurer la protection de chaque vie humaine« .

Dans ce pays de 38 millions d’habitants, un peu plus d’un millier d’IVG ont été pratiquées l’an dernier selon les données du gouvernement. La plus grande majorité de ces opérations avaient été autorisées en raison de malformation irréversible du fœtus. Selon des ONG, chaque année,  près de 200 000 femmes avorteraient, soit à l’étranger soit clandestinement, avec tous les risques que cela implique.

► ALLER PLUS LOIN | 

– Le site d’Amnesty International sur l’avortement en Pologne

Article de Libération : « 32 Etats se liguent contre le droit à l’avortement dans le monde »

L’avortement pratiquement supprimé en Pologne

Depuis 5 ans un gouvernement de droite extrême détruit tous les acquis sociaux et démocratiques : augmentation du pouvoir exécutif au détriment du législatif, mainmise sur les médias, encadrement de la justice, durcissement de la loi anti-avortement, refus du mariage homosexuel comme de l’euthanasie, promesse d’un référendum sur la peine de mort. Là encore on constate une attaque progressive des droits humains comme en Hongrie, en République tchèque ou en Slovaquie.

Le droit à l’IVG pratiquement supprimé en Pologne

Publié le 23/10/2020 sur http www.courrierinternational.com

Déjà très limité, l’accès à l’interruption volontaire de grossesse ne sera plus possible en cas de malformation grave du fœtus, a décidé la Cour constitutionnelle polonaise. Pour ce journal libéral, le parti au pouvoir utilise ce sujet pour détourner l’attention d’une situation sanitaire déplorable.

“La guerre aux femmes”, titre le quotidien libéral polonais Gazeta Wyborcza dans son édition du vendredi 23 octobre, au lendemain de la décision de la Cour constitutionnelle de limiter encore davantage l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Soumise à l’influence d’une puissante Église catholique, la Pologne disposait déjà, depuis 1993, d’une législation très restrictive puisque l’IVG y était par principe interdite en dehors de trois situations : grossesses résultant d’un viol ou d’un inceste, grossesses présentant un risque pour la vie ou la santé de la femme, et malformations graves du fœtus.

C’est cette dernière exception, à l’origine de 98 % des IVG légalement pratiquées dans le pays mais qualifiée par ses détracteurs d’“avortement eugénique”, qui a été délégalisée par les juges constitutionnels au motif qu’elle porterait atteinte à la “dignité humaine des enfants non encore nés”. La validité de la décision est cependant contestée par l’opposition en raison du manque d’indépendance de la juridiction.

“Au milieu de la crise la plus grave des dernières années, le parti au pouvoir [le PiS, national-conservateur] utilise le sujet de l’avortement pour embraser l’opinion publique et détourner l’attention de la situation catastrophique du système de santé et de l’incapacité de l’État à maîtriser l’épidémie, estime Gazeta WyborczaCe geste n’est pas seulement indigne des dirigeants du cinquième plus grand pays de l’Union européenne, il est aussi impardonnable et répugnant.”

Municipalité Aliot : Communiqué de l’association Prix Européen Walter Benjamin

Alors que la nouvelle municipalité de Perpignan vient d’être élue, sera inaugurée ce samedi 11 juillet une exposition consacrée au peintre Michel Bertrand dans les locaux du Centre d’art Walter Benjamin ; l’association Prix Européen Walter Benjamin rappelle qu’une lettre ouverte parue dans le Monde daté du 30 juin 2020 demande à ce que le nom de Walter Benjamin ne figure plus au fronton de cet établissement municipal, après la victoire électorale d’un candidat qui a été depuis le début des années 90 l’un des principaux leaders du Front national, dont Walter Benjamin eut à coup sûr totalement désapprouvé l’idéologie. Et qui, aujourd’hui, en tant que migrant persécuté par la guerre, n’aurait sans doute pas grâce à ses yeux.

L’association Prix Européen Walter Benjamin vient de recevoir un courrier des deux petites filles et héritières de Walter Benjamin, Mona et Kim Benjamin, qui conforte absolument cette position. Elles écrivent notamment :

“La pensée que le nom de notre grand-père puisse être utilisé pour promouvoir l’idéologie de l’extrême-droite nous remplit d’horreur. Monsieur Aliot et le Rassemblement national représentent tout ce contre quoi notre grand-père, ainsi que notre grand-mère Dora Benjamin, et notre père Stefan, se sont opposés émotionnellement, politiquement et intellectuellement. Le simple fait que le nom de Walter Benjamin puisse être utilisé pour célébrer ou propager les convictions de l’extrême-droite est un affront à l’histoire de notre famille, et à l’histoire collective de toutes celles et tous ceux qui ont combattu et qui continuent de se battre pour un monde meilleur, pour l’équité et les droits de tous.”

L’association Prix Européen Walter Benjamin s’associe tout naturellement à la vive émotion de Mona et Kim Benjamin et entend les accompagner dans leur combat.