Mort de Tyre Nichols : aux Etats-Unis, la police tue trois personnes par jour

Quelle est cette démocratie américaine où la police tue trois américains par jour, de préférence des personnes de « couleur » ?

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Publié sur lexpress.fr le 28 janvier 2023

Malgré les promesses de réformes de la police faites après la mobilisation historique qui a suivi la mort de George Floyd en 2020, le nombre de personnes tuées par des officiers en service continue d’augmenter.

Choqués par la mort de Tyre Nichols, les Etats-Unis ouvrent une nouvelle fois le débat sur les violences policières. Agé de 29 ans, cet Afro-Américain, un employé sans histoires de FedEx dans le Tennessee et père d’un enfant de 4 ans, est décédé à l’hôpital trois jours après avoir été battu à mort par des agents noirs de la police de Memphis, qui ont depuis été inculpés pour meurtre. « C’est triste qu’on en soit encore là en Amérique, je n’arrive pas à y croire », a confié sur CNN Lora King, la fille de Rodney King, dont le passage à tabac par des policiers en 1991 avait enflammé Los Angeles.

Le meurtre de l’Afro-Américain George Floyd, étouffé sous le genou d’un policier blanc, avait pourtant suscité une mobilisation historique au printemps 2020. Et, sous la pression de la rue, les promesses de réformes avaient fleuri dans tous les Etats-Unis sans pour autant modifié un système policier fondé sur la brutalité.

Deux ans plus tard, le nombre de personnes mortes lors d’interactions avec la police a ainsi battu un triste record, avec 1 096 morts pour l’année 2022, selon le décompte annuel du Washington Post. Ce chiffre est chaque année en légère augmentation depuis 2015, date du premier du recensement établi par le quotidien américain, qui avait entrepris ce décompte après le décès de Michael Brown, un Afro-Américain de 18 ans atteint de six balles, à Ferguson (Missouri). Le jeune homme, soupçonné de vol, était désarmé, et sa mort, le 9 août 2014, avait provoqué des manifestations aboutissant à la propagation du mouvement Black Lives Matter.

Les Afro-Américains 2,5 fois plus tués que les Blancs

En 2022, trois personnes par jour sont ainsi décédées aux Etats-Unis de la main de policiers en service – les chiffres du journal diffèrent de ceux des autorités. En 2021, seul un tiers des fusillades mortelles des départements figurait ainsi dans la base de données du FBI, souligne le Washington Post. Pour le quotidien américain, cela s’explique « en grande partie par le fait que les services de police locaux ne sont pas tenus de signaler ces incidents au gouvernement fédéral ». Autre facteur aggravant : « la mise à jour du système de notification des données du FBI et la confusion qui règne au sein des services de police locaux quant aux responsabilités en matière de notification ».

Au total, depuis le début du décompte du Washington Post, 8 079 personnes sont mortes. Les Afro-Américains (1 905 morts pour 40 millions d’habitants) sont proportionnellement tués 2,5 fois plus que les Blancs non hispaniques (3 593 morts depuis 2015 pour 192 millions d’habitants). Près de six personnes noires par million d’habitants sont ainsi tuées chaque année par les forces de l’ordre, contre un peu plus de deux personnes blanches. Les Latino-Américains (1 286 morts depuis 2015 pour 62 millions d’habitants) ont 10 % de risque de plus que les Blancs d’être visés par la police. Plus de la moitié des morts ont entre 20 et 40 ans, et 95 % d’entre eux sont des hommes.

Prolifération d’armes

Les experts attribuent cette violence à la prolifération d’armes dans un pays qui enregistre environ 25 000 homicides par an (contre 1 050 environ en France). D’après des données recueillies auprès de la presse et d’organismes indépendants ou gouvernementaux, ce phénomène est beaucoup plus important aux Etats-Unis que dans les autres pays occidentaux. En 2021, la police française a ainsi tuée 6 fois moins sur son sol (37 morts) que la police américaine (1 048 morts), proportionnellement à la population des deux pays. L’écart est encore plus important avec l’Allemagne (8 victimes), dont les officiers ont tué 45 fois moins que leurs homologues américains.

Cette tendance doit toutefois être envisagée avec précaution du fait de l’épidémie de Covid-19 qui, avec les confinements et couvre-feu, a réduit les activités humaines en 2020 et 2021. Dans son dernier rapport, la direction générale de la police nationale (IGPN), souligne en effet que « le retour à une situation normale, délivrée des contraintes et des mesures restrictives des libertés individuelles, peut faire craindre en 2022 une tendance à la hausse des saisines judiciaires telle qu’amorcée avant la crise sanitaire ».

Violences au Stade de France : Adrien Quatennens dénonce « la responsabilité du duo Didier Lallement et Gérald Darmanin »

Publié sur publicsenat.fr le 31 mai 2022 par Romain David

Réagissant aux échauffourées qui ont perturbé la finale de la Ligue des Champions au Stade de France, dimanche soir, Adrien Quatennens a pointé du doigt « la doctrine du maintien de l’ordre » mise en place par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et le préfet de police de Paris, Didier Lallement. Le député LFI, invité de notre matinale, cible également « de graves carences » du côté des services de renseignement.

Le Sénat pourrait ouvrir une commission d’enquête parlementaire sur les violences qui ont émaillé la finale Liverpool-Real Madrid de la Ligue des Champions, dimanche soir au Stade de France. D’ici là, la nouvelle ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra et le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, seront déjà auditionnés mercredi à 17 heures par la commission des lois et la commission de la culture de la Haute assemblée. Devant les sénateurs, le locataire de la place Beauvau devrait continuer de dérouler la ligne de défense qu’il a esquissée dimanche soir et qu’il a reprise lors d’un point presse lundi : « Une fraude massive, industrielle et organisée de faux billets » du côté des supporters britanniques, ce qui a conduit à des bousculades et de nombreuses tentatives d’invasion. Une explication qui est loin de convaincre. « Je pointe la responsabilité du duo Didier Lallement [le préfet de police de Paris, ndlr] et Gérald Darmanin, dont on voit depuis des années maintenant qu’ils sont incapables de gérer en région parisienne de grands évènements », a dénoncé mardi le député LFI Adrien Quatennens.

« C’est toujours le chaos avec eux, il y a une responsabilité politique. Nous disons depuis longtemps que Monsieur Lallement n’est plus à la hauteur. C‘est bien la chaîne de commandement, la doctrine d’utilisation des forces de l’ordre qui est en cause », estime ce proche de Jean-Luc Mélenchon, qui était invité mardi de « Bonjour chez vous », la matinale de Public Sénat. « Pour ce qui est de Monsieur Darmanin, il y a une élection bientôt, peut-être que les électeurs pourraient s’en occuper », ajoute-t-il, en référence à la candidature du ministre de l’Intérieur aux législatives, dans la 10e circonscription du Nord.

« On n’emploie pas ce genre de méthode »

« Il y a un objectif précis qui est donné à la police : garantir la tranquillité, faire en sorte que les grands évènements se tiennent dans la sûreté », poursuit Adrien Quatennens. « Du point de vue de la doctrine employée pour le maintien de l’ordre, nous avons un grave problème. Il y a des endroits, y compris face aux manifestations et aux risques de débordements, où l’on n’emploie pas ce genre de méthode, et on arrive à contenir les évènements par l’emploi d’une autre doctrine », martèle notre invité, alors que les images des forces de l’ordre usant de gaz lacrymogène contre la foule ont fait le tour des réseaux sociaux et des médias.

« Dans une manifestation revendicative, la police n’a pas à se vivre et à agir comme adversaire de la manifestation, elle a à garantir que la manifestation puisse se tenir. Et s’il y a des éléments qui viennent perturber, comme on l’a vu à l’occasion de certains 1er-Mai, c’est à la police de ne pas faire de confusion, et de garantir que ceux qui viennent pour manifester puissent manifester », développe encore Adrien Quatennens. « Par ailleurs, il y a un problème avec nos services de renseignements. Il leur faut beaucoup plus de moyens humains. Quand vous voyez la quantité annoncée de faux billets qui auraient été vendus, pourquoi cela n’a-t-il pas été anticipé ? Il y a de graves carences aussi de ce côté-là. »

À deux ans des JO de Paris, « nous sommes la risée du monde »

La finale de l’édition 2021-2022 de la Ligue des champions devait initialement se dérouler à Saint-Pétersbourg, en Russie. Mais l’invasion de l’Ukraine a poussé l’UEFA à choisir une autre ville. Paris a eu moins de trois mois pour préparer cet événement. Néanmoins, alors que la France doit prochainement accueillir deux manifestations sportives d’envergure, la Coupe du monde de Rugby en 2023 et les Jeux olympiques en 2024, le fiasco de dimanche soir interroge sur notre degré de préparation. « Nous n’étions pas prêts à accueillir cette finale. Il ne fallait pas se porter candidat. Cela a un retentissement bien au-delà de nos frontières. Nous sommes la risée du monde », s’agace Adrien Quatennens. « Quand vous voyez la presse étrangère parler de ‘stade de farce’… La France est humiliée dans cette affaire », pointe-t-il. « Dans quelque temps, nous allons avoir la Coupe du monde de Rugby et les JO, très franchement, il y a de quoi s’inquiéter. »

Appels à manifestations de policiers du 2 mai : l’État de droit encore pris pour cible

 Communiqué du Syndicat de la Magistrature

Police administrative, législation anti-terroriste et d’exception  

2 mai 2022

Fidèle à sa doctrine selon laquelle « le problème de la police, c’est la justice », ainsi que l’avait déclaré son secrétaire général l’année dernière au cours d’une manifestation de policiers, le syndicat Alliance police, rejoint par l’UNSA Police et Synergie Officiers, appelle de nouveau à manifester contre une décision de justice qu’il qualifie d’inadmissible, estimant que le policier qui a mortellement tiré sur deux personnes est « victime du système judiciaire qui continue à rester l’ombre de lui-même ».

La critique, même acerbe, du système judiciaire n’est pas en soi un problème. Mais force est de constater que cette réaction des syndicats de police devient quasi- systématique à chaque décision de justice perçue – même à tort – comme défavorable aux policiers, et sous-tend une vision de l’action de la police incompatible avec l’État de droit et la confiance que les citoyens doivent avoir dans leurs forces de l’ordre.

Ainsi, alors qu’aucun jugement n’a encore été rendu et que seule une mise en examen a été prononcée dans le cadre d’une procédure d’instruction, des syndicats de policiers trouvent scandaleux – au point d’appeler à descendre dans la rue – qu’une enquête soit menée sur les circonstances dans lesquelles un jeune gardien de la paix, seul porteur d’une arme létale dans un équipage de trois policiers, s’est retrouvé à faire feu à de nombreuses reprises sur un véhicule contrôlé par ses collègues, causant la mort de deux personnes et en blessant une troisième.

Un rappel de quelques fondamentaux s’impose : une décision de mise en examen n’est pas une condamnation ; la personne mise en examen n’est jamais présumée coupable mais toujours présumée innocente ; ce statut lui ouvre des droits nécessaires à sa défense dans le cadre d’une instruction qui est la meilleure garantie d’investigations menées en toute indépendance sur le déroulement de faits qui ont entraîné la mort de deux personnes à l’issue d’une opération de police. Ces investigations permettront de réunir des preuves sur ce qu’il s’est passé et de retenir, le cas échéant, l’état de légitime défense si les critères légaux sont remplis.

Qu’induit la « présomption de légitime défense » revendiquée par certains syndicats de police ? Dans quel régime politique des policiers peuvent-ils blesser ou tuer et jouir d’une présomption qui les dispense de s’en expliquer ? Et qui aurait envie de vivre sous un tel régime d’impunité d’une police armée ?

Les citoyens ne doivent pas avoir peur de leur police. C’est au prix d’une soumission au droit de l’usage de la force, d’une nécessité et d’une proportionnalité qui doivent pouvoir être vérifiées, que les forces de l’ordre sont perçues comme des agents de la paix publique et s’assurent de la confiance des citoyens. Dans un État de droit, l’usage de la force se fait sous le contrôle du juge. Comment ce principe cardinal, garant de notre sûreté à tous, est-il devenu si insupportable à des syndicats de policiers ?

Essayer de dresser les policiers contre les juges est en tout cas un jeu dangereux pour l’État de droit, tant il conduit, en définitive, à attiser la défiance de toute une population contre sa police et sa justice.

Communiqué de presse du 2 mai 2022

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