PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE

16 avril 2019 : le Parlement européen adopte la directive sur la protection des lanceurs d’alerte dans toute l’Europe !

« Reconnaître le rôle essentiel que jouent les lanceurs d’alerte dans nos démocraties, placer nos exigences de transparence et de bonne gouvernance au-dessus des pouvoirs économiques et financiers et, surtout, assurer, comme un juste retour des choses, la protection de ceux qui ont le courage de protéger notre intérêt général, de ceux qui ont le courage de parler pour nous protéger »[i].

Faire passer les lanceurs d’alerte du statut de délinquant à celui de citoyens exemplaires : un beau chemin parcouru.

L’absence de protection efficace des lanceurs d’alerte a des effets négatifs sur la liberté d’expression et la liberté des médias. Elle peut également nuire à l’application du droit de l’Union.

La directive s’inspire de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur le droit à la liberté d’expression consacré par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

Un lanceur d’alerte, c’est quelqu’un qui dénonce des actes contraires à l’intérêt général. La directive définit les domaines concernés par l’alerte sous la dénomination « champ matériel ».

Pour obtenir une protection comme lanceur d’alerte, il faut être de bonne foi et respecter les procédures de signalement.

La bonne foi : les informateurs doivent des motifs raisonnables de croire que l’information signalée est vraie au moment du signalement.

La procédure de signalement : elle se fait en interne ou en externe. Les canaux de signalement doivent garantir la confidentialité de l’identité de l’informateur. Le service compétent pour recevoir le signalement doit apporter un suivi diligent et informer l’informateur des suites données.

Si l’alerte interne ou externe est demeurée vaine la révélation publique est autorisée. Elle l’est aussi si le lanceur d’alerte a des motifs raisonnables de croire que : le manquement à la loi peut constituer un danger imminent et manifeste.

La directive préconise des mesures de protections contre les représailles. Elle prévoit une irresponsabilité civile et pénale en cas de rupture de toute restriction à divulgation ou de tout secret protégé (y compris le secret des affaires). Si le lanceur d’alerte présente des éléments de fait indiquant qu’il a lancé une alerte et subi des représailles, il est présumé que les représailles sont la conséquence du signalement ou de la révélation.

Cette directive doit être transcrite dans le droit national d’ici deux ans. La France, lors de ces débats s’est plutôt opposée à la mise en place de cette directive. Il faudra donc être très vigilants lors de sa transposition en droit français.

En France, la loi dite Sapin II procure une certaine protection aux lanceurs d’alerte.

Le vote de cette directive coïncide avec la première décision devant un tribunal concernant un lanceur d’alerte, en application de la loi Sapin. (voir l’article de Juliette Alibert et Jean-Philippe Foegle dans la revue des droits de l’homme).

 

Transparency international : https://transparency-france.org/wp-content/uploads/2019/04/Analyse-directive-EU-protection-lanceurs-dalerte.pdf

Revue des droits de l’Homme : https://journals.openedition.org/revdh/6313

Le texte de la directive (en anglais) : http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/plmrep/COMMITTEES/JURI/DV/2019/03-18/whistle-blowers_annex_EN.pdf

[i] Virginie Rozière – Rapporteure du projet de Directive.

LOI « ANTICASSEURS »

La République en danger ! Mais qui met la république en danger ?

Photo Bernard Bonin

Depuis fin novembre la France a connu des manifestations avec des débordements et de la casse de mobiliers urbain, de vitrines ainsi que des détériorations de lieux symboliques.

Suite à cela, des interpellations, des condamnations devant les tribunaux. Qu’est-il besoin de faire une nouvelle loi puisque l’état dispose des outils pour réprimer les débordements lors des manifestations?

Alors, pourquoi vouloir un nouveau projet de loi RETAILLEAU / PHILIPPE ? Qu’est qu’elle change ?

Notre droit repose sur les condamnations pour des faits commis. C’est la justice pénale qui intervient.

Avec ce projet de loi, on permet de poser des interdictions en amont des manifestations. Il permettrait de réprimer sur la base du soupçon qu’un débordement pourrait être commis.

Ce projet, s’il était adopté, permettrait  des interdictions administratives individuelles de manifester, le fichage des manifestants, la mise en place d’obligation de pointage. Comme dans l’état d’urgence, c’est le soupçon qui devient le pilote et le soupçon n’est pas connu pour son objectivité et est porteur de nombreuses dérives possibles.

Alors qui met en danger notre République ? Quelques débordements (condamnables) lors des manifestations récentes ou un projet de loi porteur d’atteintes graves aux libertés et au droit de manifester ?

Bernard LECLERC

Le communiqué signé par la LDH

Projet de réforme de la justice

Cet article concernant le projet de réforme de la Justice est le compte rendu d’une réunion de section du 15 novembre 2018 animée par Grâce FAVREL

La justice a peu de moyens :  il manque 500 juges, environ 1000 greffiers. Elle n’est pas à même de remplir ses missions correctement. En 2016 déjà, Jean Claude URVOAS parlait de « clochardisation de la justice ». La commission européenne pour l’efficacité de la justice a pointé du doigt la justice française. La France dépense 65,9 € par habitant pour la justice ; l’Allemagne 121.9€ et la Suisse 215€. C’est en France qu’il y a le moins de procureurs et c’est le pays ou ils ont le plus grand nombre de fonctions à remplir. L’aide juridictionnelle est l’une des plus faible.

Une réforme est nécessaire. La réforme proposée pourrait se résumer en trois mots : numérisation, efficacité, simplicité. On ne parle pas de la justice, mais de rendre la justice de façon plus rapide avec les mêmes moyens. Pour cela, le projet fait en sorte qu’il y ait moins d’affaires qui arrivent devant le juge.

ATTEINTE À L’ACCÈS À LA JUSTICE

 Supprimer le tribunal d’instance et transférer l’ensemble du contentieux relevant du tribunal d’instance au Tribunal de Grande Instance.

L’Argument : Améliorer la lisibilité de la justice.  Il n’y aura plus qu’une juridiction compétente en matière civile en 1ère instance

Cela ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes.  le Tribunal d’Instance traite des litiges du quotidien et des petits litiges: surendettement, problèmes de baux ruraux ou d’habitation, tutelles… Il existe 304 Tribunaux d’Instance et 164 Tribunaux de Grande Instance.

Tribunal d’instance de Sarrebourg

C’est l’accès à la justice des personnes qui ont le moins de moyens qui est remis en cause par de nombreuses mesures.

  • La suppression du juge d’instance signifie la perte d’un champ de compétence spécifique dans des litiges complexes. Cette perte de compétences se fera bien évidemment au détriment du justiciable.
  • Remplacer le Tribunal d’Instance par le Tribunal de Grande Instance c’est imposer la représentation par avocat. Celle-ci n’est pas obligatoire au tribunal d’instance. Ça pose le problème de l’accessibilité de la justice aux personnes à faible revenu. Beaucoup de personnes seront dissuadées de recourir à la justice et c’est le but.
  • Le transfert du contentieux au Tribunal de Grande Instance entrainera un allongement des délais pour ces litiges. Dans un contentieux comme les baux locatifs où on connait les difficultés des propriétaires à faire partir des locataires qui ne paient pas leur loyer, le rallongement des délais posera des problèmes certains.
  • La suppression du Tribunal d’Instance signifie pour le justiciable un risque de disparition de juridiction de proximité Physiquement les tribunaux ne disparaitront pas, ils deviendront des chambres détachées du Tribunal de Grande Instance. Leurs compétences dépendront des besoins identifiés par le président du Tribunal de Grande Instance.

Création d’une juridiction nationale dématérialisée de l’injonction de payer

La procédure d’injonction de payer permet à un créancier (le plus souvent une banque, un organisme de crédit, une assurance…) de saisir une juridiction afin d’obtenir une décision de justice qui enjoint le débiteur de verser les sommes dues. Cette procédure se déroule sans audience, mais un juge examine le dossier du créancier et apprécie le bienfondé de sa demande. Si le débiteur conteste la décision dans le mois suivant la signification de l’ordonnance par un huissier de justice, les parties sont convoquées devant le juge pour un débat contradictoire.

Ce dispositif serait remplacé par une plateforme dématérialisée. La dématérialisation pose des soucis d’accès aux droits dans un pays où on sait que 20 à 25 % des français ont des difficultés avec internet. Cette plateforme semble avoir pour but de traiter les dossiers à la chaine. On peut se demander si les documents seront aussi méticuleusement analysés. Si oui, que gagne-t- on avec cette plateforme ? Et que se passe-t-il s’il y a une contestation de la créance et une demande de délai de paiement ? Les oppositions portant sur une demande de délais de paiement devront aussi être dématérialisée. Les autres doivent être portées devant le Tribunal de Grande Instance.

Création de procédures sans audience

Un jugement sur dossier : il est certain que cela fait gagner du temps, mais c’est sans doute le droit qui y perd.

« Art. L. 212-5-1. – Devant le tribunal de grande instance, la procédure peut, à l’initiative des parties lorsqu’elles en sont expressément d’accord, se dérouler sans audience. En ce cas, elle est exclusivement écrite. Toutefois, le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande.

Création d’une procédure dématérialisée de règlement des litiges inférieurs à un montant défini par décret

En introduisant une procédure sans audience, c’est sûr, on gagne du temps et c’est moins cher.

Cette procédure sans audience est dématérialisée. Il est difficile pour les personnes n’ayant aucune connaissance juridique de remplir seul les formulaires. Avec la dématérialisation, on retrouve cette difficulté, avec en plus les difficultés de saisie.

La Commission des lois avait réintégré la possibilité de tenir une audience. Et le gouvernement a déposé un amendement pour le supprimer (Art. L. 212-5-2).

Développement des domaines de tentative préalable de résolution amiable des conflits

La loi 18 novembre 2016 favorisait règlement amiable des litiges. Le projet de loi prévoit l’extension de la tentative de résolution amiable préalable obligatoire aux litiges portés devant le Tribunal de Grande Instance lorsque la demande n’excède pas un montant défini par décret en Conseil d’Etat ou lorsqu’elle a trait à un conflit de voisinage.

Le problème est celle de l’offre de résolution amiable des litiges. Il y a de plus en plus de plateforme qui se développe sur internet. Elles utilisent parfois l’intelligence artificielle pour parvenir à une solution. Se pose la question des algorithmes utilisés et de l’indépendance de la justice.

Il n’y a pas jusque maintenant pas de système d’homologation.

Expérimentation d’une déjudiciarisation de la révision de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants par application des barèmes

Un autre moyen de décharger la justice, confier ses tâches à d’autres instances. Le projet de loi confiait à titre expérimental la délivrance des titres exécutoires portant sur la révision du montant de cette pension alimentaire « aux organismes débiteurs des prestations familiales », sur la base d’un barème qui serait appliqué au niveau national. Les organismes de prestations familiales ne sont pas nécessairement impartiaux car ils ont un intérêt dans la fixation du montant des prestations. L’application du barème peut nuire à la prise en compte des circonstances particulières.

Obstacle à la constitution de partie civile auprès du juge d’instruction

Actuellement, une victime dépose une plainte simple, attend trois mois pour savoir si le procureur prend la plainte et si ce n’est pas le cas, peut déposer une plainte avec constitution de partie civile »

Le projet de loi prévoit des délais passant de 3 à 6 mois pour que le procureur réponde à une plainte simple avant que la victime ne puisse saisir le juge. Le procureur a une plus grande maîtrise des dossiers et peut limiter davantage l’instruction avec constitution de parie civile.

L’affaire du sang contaminé, l’affaire des biens mal acquis, les génocides rwandais ont été poursuivi en grâce à des constitutions de partie civile.

ATTEINTE AUX DROITS ET AUX LIBERTÉS

Il existe 3 sortes d’enquête : la flagrance, l’enquête préliminaire et l’enquête menée par un juge d’instruction. Les enquêtes préliminaires représentent environ 95% des affaires.

Le projet de loi étend la période d’enquête de flagrance à 16 jours

Il y a flagrance lorsqu’un crime ou un délit est constaté dans un temps très voisin de l’action. Le régime de l’enquête de flagrance donne aux enquêteurs un pouvoir étendu dans un cadre juridique beaucoup moins contrôlé (arrestation sans autorisation judiciaire préalable, possibilité de perquisition sans autorisation judiciaire préalable et sans assentiment de la personne concernée…), Dans cette hypothèse, il est généralement considéré que cette extension temporaire des pouvoirs des enquêteurs est justifiée par l’urgence et par l’évidence de la situation.

La durée actuelle de ces conditions exceptionnelles d’enquête est de 8 jours. Elle passerait à 16 jours.

Les pouvoirs des enquêteurs sont augmentés au détriment des juges

 – Le procureur de la République, dans le cadre de l’enquête préliminaire, pourra autoriser – sans intervention du juge – les enquêteurs à pénétrer par la force dans un domicile privé pour interpeller une personne contre qui il y a des raisons plausibles de soupçonner la commission d’un crime ou d’un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement.

– L’élargissement considérable des écoutes téléphoniques en enquête préliminaire, désormais possibles pour tous les crimes et délits à partir de trois ans d’emprisonnement encourus, avec la possibilité pour le les ordonner pour vingt-quatre heures sous réserve de ratification a posteriori par le juge des libertés et de la détention (JLD).

– L’extension de la géolocalisation, des perquisitions sans assentiment en enquête à tous les délits à partir de trois ans d’emprisonnement encourus.

– L’élargissement de l’enquête sous pseudonyme (avec possibilité notamment d’acquérir ou transmettre des contenus, produits ou services illicites) à toutes les crimes et délits punis d’emprisonnement commis par voie de communication électronique.

– L’extension à tous les crimes des accès distants aux correspondances électroniques, captations de données informatiques, avec la possibilité pour le parquet d’ordonner, seul, ces mesures pendant 24 heures, sous réserve d’une ratification a posteriori par le juge des libertés et de la détention.

Abaisser la limite de mise en œuvre de ces mesures à partir d’une peine encourue de 3 ans fait que ces mesures concernent quasiment tous les crimes et délit à l’exception des délits routiers.

Toutes ces mesures posent la question du contrôle du juge parce que le Juge des Libertés et de la Détention ne peut pas suivre les enquêtes, ce n’est pas son rôle.

Cela pose la question de la proportionnalité

On allège le contrôle du juge sur les enquêteurs

L’habilitation des Officiers de Police Judiciaire serait définitive. Elle serait accordée par le Président du Tribunal de Grande Instance. Actuellement il faut la renouveler régulièrement. Les pouvoirs de l’Assistant de Police Judiciaire seraient augmentés de façon à ce qu’il puisse procéder à constations et examens techniques ou scientifiques.

Le projet de loi ouvre la possibilité de requérir de l’administration tout document sur une personne sans que puisse lui être opposé un quelconque secret.  « L’autorisation du procureur de la République n’est pas nécessaire si la réquisition est adressée à un organisme public ou si son exécution donne lieu à des frais de justice d’un montant inférieur à un seuil fixé par voie réglementaire. »

Le contrôle du procureur sur l’enquête porte ainsi sur les couts engendrés par la réquisition et non son bien fondé.

Problème de l’indépendance du parquet

« Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice. À l’audience, leur parole est libre ».

Le Président a cependant annoncé que les magistrats du parquet devraient être nommés après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) : tel est le cas, en pratique, depuis plusieurs années (afin d’éviter que ces nominations soient suspectées de reposer sur des considérations politiques) mais la Constitution et l’ordonnance du 22 décembre 1958 ne l’imposent pas puisqu’elles ne prévoient actuellement qu’un avis simple du CSM. Dans le même esprit, concernant les sanctions disciplinaires, le traitement des magistrats du parquet devrait être aligné sur celui des magistrats du siège : le CSM statuerait donc comme instance de discipline et ne se contenterait plus de transmettre un avis simple au garde des sceaux.

Tout le problème est de parvenir à délimiter les différents rôles, d’enquêteur, de juge, et d’autorité de poursuite attribués au Procureur.

Le recours imposé à la visioconférence pour les débats sur la détention provisoire (art 35)

Le projet de loi supprime la faculté offerte de refuser la visioconférence. Cela pose la question :

  • de la place de l’avocat. Ou sera-t-il ? Est-ce que le client aura un échange confidentiel avec son avocat.
  • de la publicité des débats
  • du contradictoire. Le mis en examen doit pouvoir donner les pièces nécessaire à l’étude de son dossier.

Régression du débat judiciaire

  • Création d’une amende forfaitaire délictuelle, pour certains délits, dont l’usage de stupéfiants ;
  • recours à un juge unique pour toutes les infractions relevant de la nouvelle compétence correctionnelle, à l’exception des atteintes à l’intégrité de la personne ;
  • possibilité de prononcer des peines de travail d’intérêt général, de jours-amende, de stage et des peines complémentaires par ordonnance pénale donc hors la présence du justiciable;
  • suppression des principales garanties protectrices de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité : fin de l’avocat obligatoire, suppression de la limite de la peine d’un an d’emprisonnement, possibilité de prévoir des révocations de sursis, suppression de la possibilité pour la personne mise en examen de refuser le recours à la visio-conférence pour les débats devant le juge des libertés et de la détention ;
  • limitation du principe d’oralité des débats en matière criminelle, possibilité pour le président d’interrompre la déposition spontanée des témoins, copie de la procédure mise à disposition des assesseurs.

 

LA QUESTION DE LA PEINE

On modifie l’échelle de peine en créant de nouvelles peines et en mettant l’accent sur le sursis.

  • La création de la détention à domicile sous surveillance électronique comme peine autonome. La surveillance électronique va se diffuser. La possibilité de la prononcer pour quinze jours montre la méconnaissance de la réalité de la mesure (et de son suivi) tandis que le caractère facultatif de l’accompagnement social révèle sa nature : du pur pistage sans effet en matière d’insertion et de réinsertion. Seul élément intéressant : la faculté, en cours d’exécution, de « dispenser » de l’exécution de la peine à compter de la mi-peine, si le reclassement paraît acquis et aucun suivi nécessaire.
  • La modification du régime du travail d’intérêt général : le texte renverse la logique en matière de TIG (la question posée à l’audience est celle du refus) et surtout, rend possible son prononcé en l’absence des personnes. Le texte prévoit que les personnes pourront refuser après coup devant le juge d’application des peines : fausse liberté quand l’alternative est la mise à exécution de l’emprisonnement ou l’amende… Le projet ouvre la voie à des TIG mis en œuvre par le secteur privé, du travail précaire gratuit en somme, au prétexte de faciliter l’exécution de cette mesure.
  • La fausse bonne idée de l’interdiction des peines d’un mois de prison ferme : prise isolément et fixée à un seuil très bas (un mois), cette mesure ne sera pas de nature à tarir ces peines, mais risque d’augmenter le recours aux peines de deux mois d’emprisonnement. Le gouvernement se refuse à prendre des mesures indispensables : dépénalisation de certains délits et fixation, pour d’autres, d’une peine encourue non carcérale (amende, contrainte pénale, TIG
  • L’impossibilité d’aménager des peines supérieures ou égales à un an.
  • Le mandat de dépôt différé.

Pour en savoir plus, une note courte de la LDH nationale

Videosurveillance

« JE N’AI RIEN À CACHER ! »

POURQUOI FAUT-IL LIMITER LA VIDÉOPROTECTION MUNICIPALE ?

David Gonzalez, LDH Metz

 

Dans son récent essai sur la vidéosurveillance1, le sociologue Laurent Mucchielli, que nous accueillerons à Metz cet automne, rend compte de l’expansion fulgurante de la vidéosurveillance municipale en France depuis la présidence de Nicolas Sarkozy. Ce sont plus de 100 000 caméras qui surveillent la voie publique en France aujourd’hui2. Cette explosion de la vidéosurveillance de l’espace public n’a pas suscité une réponse massive de la société. La contestation a été animée par des associations telles que la LDH, qui a agi à travers son groupe de travail national sur les technologies de l’information et ses sections locales comme celles de Nice, Toulon ou Dijon, très actives face à la vidéosurveillance3. Le sujet préoccupe également la LDH Metz, qui vient de lancer un groupe de travail local sur les libertés et le numérique4. La contestation contre la vidéo­surveillance par le monde associatif est un garde-fou nécessaire, au vu des faibles moyens octroyés aux organismes chargés de veiller au respect des droits dans ce domaine (commissions départementales de vidéoprotection, CNIL)1.

Avec l’aimable autorisation de Yacine

Les ligueurs et les sympathisants de la LDH (parmi lesquels se comptera probablement le lecteur) sont presque unanimement opposés à la vidéosurveillance, parfois de façon féroce. En effet, comme le dit Mucchielli, la critique associative de la vidéosurveillance est « souvent assez dogmatique à sa façon »1. À mon avis, cette opposition émane d’un sentiment d’outrance face à l’intrusion des caméras dans notre quotidien, et ce sans notre consentement préalable. Mon outrance a cependant été incomprise par mon ami Georges, qui ne fréquente pas les associations et que je soupçonne de ne pas voter toujours à gauche : « La vidéosurveillance ne me pose aucun problème, m’a répondu Georges, moi je n’ai rien à cacher »5. J’ai eu du mal à contrer la réplique de Georges : « Dis-donc, David, quand tu laisses ta voiture dans un parking, n’es-tu pas bien content qu’il y ait des caméras?»6. La vidéosurveillance semble donc utile et appropriée dans des cas bien encadrés. Mais quels arguments puis-je donner à Georges en faveur de la limitation de l’étendue de la vidéosurveillance ?

 

Le livre de Mucchielli enquête sur l’efficacité de la vidéosurveillance et conclut qu’elle est inefficace pour lutter contre la délinquance, et encore plus contre le terrorisme. Mucchielli dénonce des dépenses faramineuses pour des résultats très limités. Par exemple, la vidéosurveillance à Marseille a coûté environ 17 millions d’euros d’investissements entre 2012 et 2016 et plus de 1,5 million annuel en fonctionnement. Elle a fourni des images utiles pour la résolution d’environ 1% des enquêtes menées par la police nationale, soit une affaire élucidée par caméra installée et par an.1 Comme le remarque Mucchielli, les investissements en vidéosurveillance auraient été plus efficaces ailleurs, par exemple pour recruter des policiers, ou pour réduire les inégalités à l’origine de la délinquance que la vidéosurveillance tâche de réprimer. Pour Mucchielli, la vidéosurveillance est un « bluff technologique » qui peut être démonté par des arguments quantitatifs et d’efficacité.

L’argumentation de Mucchielli est percutante. Elle a d’ailleurs le mérite d’être quantitative, basée sur la rationalité des dépenses publiques, et donc exprimée avec les codes du discours politique actuel. Malgré la force de cette argumentation, il me semble que le fond de la contestation contre la vidéosurveillance est ailleurs. Si la dystopie décrite par Orwell dans « Big Brother » nous révolte, ce n’est pas en raison d’une utilisation inefficace de l’argent public. Par ailleurs, la pertinence des arguments quantitatifs basés sur l’efficacité peut évoluer. Par exemple, l’exploitation des enregistrements est aujourd’hui limitée par la disponibilité des ressources humaines pour visionner les vidéos, mais pourrait demain être automatisée grâce aux algorithmes de reconnaissance d’images. Cependant, même si la vidéosurveillance devenait plus efficace à l’avenir, notre sentiment de révolte s’appuierait toujours sur des fondements de la société de droit. J’en identifie deux : le respect à la vie privée et l’équilibre des pouvoirs essentiels à la démocratie.

« Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée »

article 12 illustré par Elpuentea

C’est l’article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Certes, la société dans son ensemble se soucie moins de la vie privée aujourd’hui qu’autrefois. Beaucoup sont ceux qui divulguent aisément des informations personnelles sur Internet, ce qui leur permet de construire leur identité numérique et de développer des relations sociales d’un nouveau type. Cette indifférence de beaucoup pour la confidentialité de leur vie privée n’empêche pas que l’État se doit de faire respecter le droit de ceux qui y tiennent. Le développement massif de la vidéosurveillance, où chacun est souvent filmé dans l’espace public, est incompatible avec le droit à la vie privée. Je souligne que l’atteinte à la vie privée peut en effet avoir lieu dans l’espace public, par exemple en traitant des images révélatrices de la vie ou familiale, ou des convictions politiques ou religieuses. Il est donc nécessaire de limiter la vidéosurveillance pour la réconcilier avec les droits de l’Homme.

Avec l’aimable autorisation de YACINE

Comment définir des limites à la vidéosurveillance pour la rendre compatible avec le droit à la vie privée ? Il me semble que la réponse doit suivre l’esprit du Règlement européen sur la protection des données (RGPD). En paraphrasant l’article 5 du RGPD, les images captées par les systèmes de vidéosurveillance devront servir à « des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d’une manière incompatible avec ces finalités ». Les images collectées devront être « adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (minimisation des données) ». A la lumière de ces principes, l’installation de caméras dans un parking avec un risque significatif de vols et dégradations serait en principe légitime. Par contre, la vidéosurveillance généralisée de la rue, que de nombreuses communes françaises développent aujourd’hui, est excessive et attentatoire aux droits de l’Homme.

Surveillance et démocratie.

Ma pensée revient à mon ami Georges, qui n’a toujours rien à cacher. Je l’entends déjà répondre que mon argument sur le droit à la vie privée manque de pragmatisme, et que tant mieux si l’État se donne les moyens d’arrêter tout malfaiteur et de punir toute « incivilité »7. Cependant, même Georges tient à la démocratie. Or la démocratie n’est pas un système acquis ; au contraire, elle dépend d’un équilibre de pouvoirs et de contre-pouvoirs qu’il faut préserver. Ainsi, l’État contrôle les citoyens, mais les citoyens doivent aussi pouvoir contrôler l’État. Mais quel contrôle avons-nous sur la bonne utilisation de ces réseaux de caméras ? Comment pourrions-nous nous assurer qu’ils ne sont pas et ne seront pas utilisés à des fins illégitimes, telles que la surveillance illégale des opposants politiques, des journalistes ou des syndicalistes ? Comment empêcher que, une fois mis en place, ces moyens de surveillance de masse puissent être détournés par un futur gouvernement à tendance encore plus autoritaire ?

Richard Stallman, célèbre informaticien américain et pionnier du logiciel libre, nous prévient que «l’information, une fois collectée, sera utilisée abusivement »8. Pour Stallman, « le niveau actuel de surveillance dans la société est incompatible avec les droits humains »8. Il appelle à réduire le niveau de surveillance en dessous d’un « niveau maximal tolérable ». Il faut donc maîtriser les réseaux de vidéosurveillance, qui sont aujourd’hui démesurés, et limiter leur utilisation à des cas justifiés par le risque identifié. Pour Stallman, la surveillance devient intolérable quand elle « interfère avec le fonctionnement de la démocratie : là où les lanceurs d’alerte (comme Snowden) vont probablement être arrêtés »8. En effet, l’existence d’opposants politiques et de dissidents est nécessaire à la démocratie. Eux, ils ont parfois des choses à cacher, et ce dans l’intérêt de tous.


1             Laurent Mucchielli, « Vous êtes filmés ! Enquête sur le bluff de la vidéosurveillance ». Armand Colin, 2018.

2             Auxquelles s’ajoutent plus d’un million de caméras des établissements privés ouverts au public, tels que les banques et les commerces (voir L. Mucchielli, op. cit.).

3             Voir par exemple l’excellente étude sur la vidéosur­veillance dans leur ville faite par la section de Nice de la LDH : https://goo.gl/gY8eq3

4             Si ce groupe vous intéresse, vous pouvez prendre contact avec l’auteur de cet article : dgonzalez@gougon.fr

5             Je fais ici référence au film documentaire « Nothing to hide » de Marc Meillassoux (2017), publié sous licence libre et accessible sur Internet, qui illustre comment nous avons tous des choses à cacher.

6             En fait j’ai réussi à contrer cet argument de Georges, puisque je n’ai pas de voiture.

7             La dénonciation des « incivilités » peut parfois avoir son origine dans l’intolérance croissante de la population, comme le discute Mucchielli dans le chapitre 6 de son livre (op. cit.).

8             « Stallman : How much surveillance can democracy withstand? » Publié sur wired.com le 14 octobre 2013.

LUXLEAXS

LUXLEAKS

Un procès à Metz, un jugement prononcé à Luxembourg.

L’affaire LUXLEAKS, une affaire d’évasion-optimisation fiscale permise de façon légale par le Luxembourg. Cette évasion se faisait sous forme de rescrits fiscaux conclus entre de grandes entreprises et l’état luxembourgeois. PWC, Pricewaterhouse Cooper avait la charge de rédiger ces réductions fiscales. Cette pratique a été portée à la connaissance du public par deux lanceurs d’alerte : Antoine DELTOUR et Raphael HALET et le journaliste Edouard PERRIN de Cash Investigation.

A Metz, Edouard Perrin et Raphael HALET ont engagé une procédure judiciaire pour mettre en lumière les méthodes de PWC et la grande célérité de la justice française qui a permis à une société luxembourgeoise de connaître le nom d’un journaliste qui ne faisait que son travail. En moins de 24h, la justice française, sur demande expresse d’une entreprise luxembourgeoise, a autorisé la saisie de matériel informatique lors d’une saisie d’un huissier de justice qui ressemblait à s’y méprendre à une véritable perquisition. La rapidité de la procédure, le déroulement de la saisie ont de quoi étonner les justiciables.

Un jugement qui touche à la liberté de la presse, à la protection des sources, au statut de lanceur d’alerte. Ces différents éléments ont constitué la plaidoirie des avocats d’Edouard PERRIN et de Raphael HALET. La défense de PWC s’est appuyée sur le secret des affaires et un argumentaire concernant le vol de données. L’avocat de PWC a même été jusqu’à invoquer, à propos de ce procès, une recherche d’optimisation judiciaire de la part de Raphael HALET. Le jugement sera rendu le 6 février.

A Luxembourg, la cour de cassation a prononcé son jugement concernant Antoine DELTOUR et Raphael HALET. La cour a cassé le jugement concernant Antoine DELTOUR, mais pas celui concernant Raphael HALET. Le Prix du Citoyen Européen attribué en 2015 à Antoine DELTOUR par le parlement européen a peut-être été protecteur.

Des décisions juridiques qui vont s’appuyer sur le droit relatif à la liberté de la presse (loi de 1881 et article 10 de la convention européenne des droits de l’homme), au secret des affaires ( directive 2016/943 du 8 juin 2016 sur « la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites » (« secrets d’affaires ») et des lois concernant les lanceurs d’alerte (loi européenne de 2008 et , la loi Sapin 2 relative à la transparence et à la lutte contre la corruption de décembre 2016).

En 2016, lors du débat au parlement européen sur la loi concernant le secret des affaires, la LDH avec d’autres associations avait souligné l’importance de traiter simultanément secret des affaires et protection des lanceurs d’alertes. La loi concernant la protection des lanceurs d’alerte devait venir par la suite…et nous l’attendons toujours.

Et en attendant, le droit se construit, avec des procès, portés par les lanceurs d’alerte. Ils en payent un prix élevé et méritent tout notre soutien.

Le communiqué de presse du comité de soutien à Antoine DELTOUR

A toutes fins utiles Transparency France a publié un guide des lanceurs d’alerte qui s’appuie sur la loi sapin 2 :

https ://transparency-France.org/wp-content/uploads/2017/12/Guide-lanceur-dalerte2-2017.pdf

BIG DATA ET LIBERTÉS DU NUMÉRIQUE

Chaque mois, la section LdH de Metz vous invite à explorer et à débattre sur un sujet de droit. En attendant la prochaine session en janvier sur le thème de la santé, nous vous proposons une réflexion sur un point clé de notre discussion de novembre « Big data et libertés du numérique ».

Le terme big data désigne un volume de données tel qu’il devient impossible pour l’esprit humain de l’appréhender. Dans le cadre de la réflexion sur les droits de l’Homme, nous nous sommes intéressés aux données numériques sur les individus.

Ces données proviennent de sources variées : sé­quence et durée de visite des pages web, applications des smartphones, réseaux sociaux, objets connectés, etc. Elles sont traitées par des algorithmes dans l’idée générale de déduire une probabilité de comportement de l’individu à partir des données et comportements connus sur les autres individus.

La récolte de données massives sur nos habitudes met sur le devant de la scène le droit à la vie privée.

Des expériences montrent que lorsqu’un individu se pense observé, surveillé, il s’autocensure. Le droit à la vie privée est donc fonda­mental pour maintenir une sphère de liberté réelle1.

Mais dans quelle mesure la récolte et le traitement de don­nées, réalisés par des algo­rithmes et non par des indivi­dus, provoque-t-elle un senti­ment de sur­veillance ? Entre ceux qui les ressentent viscéra­lement comme une intrusion et ceux qui les considèrent inof­fensifs, le clivage rend le débat difficile.

Nous en déduisons trois enjeux principaux.

Le premier enjeu est de traitement des données. Ce manque d’information amène à sous-estimer la portée des données récoltées. Le documentaire Nothing to Hide2 montre ainsi com­ment un individu qui considé­rait « ne rien avoir à ca­cher » change de position après que des inconnus ac­quièrent une connaissance intime de ses habitudes et de ses pensées à partir de données apparemment mi­neures.

Au-delà du malaise occasionné par l’intrusion d’un inconnu dans nos pensées, la potentialité de consé­quences concrètes telles que des restrictions de liberté ou des augmentations de coût d’assurance3 amènerait chacun à censurer son comportement. Ceux qui ne ressentent pas d’atteinte à leur vie privée sont proba­blement ceux pour qui les récoltes de données ne re­présentent pas de risque aujourd’hui.

Auront-ils toujours la même position lorsque leur assurance augmentera sur la base de critères connus par les algorithmes seuls ?

Étant donné l’évolution de la place des données dans la société, une réflexion et un encadrement ap­propriés s’imposent dès aujourd’hui.

Qu’il s’agisse du jugement de nos pensées ou des risques encourus, ce sont les individus des courants minoritaires – minorités reli­gieuses, lanceurs d’alertes, ac­tivistes, qui sont les premiers à pâtir des atteintes au droit à la vie privée1. Déjà, l’utilisation des données numériques dans le cadre de la sur­veillance im­pacte une partie discriminée de la popula­tion. Le droit doit res­ter le droit de tous et pas d’une partie de la population.

En conclusion, une conscience individuelle des implications de nos pratiques numériques4 et une lé­gislation respectueuse des libertés5 sont indispen­sables pour préserver un droit à la vie privée pérenne et universel. Les législations sont en cours de construction et chacun peut les influer en s’informant et en participant aux initiatives citoyennes telles que celle menée par la Quadrature du Net dans le cadre de la loi e-privacy5.

Cécile Gouget- LDH Metz

Conseils de lecture

  1. Intervention en anglais sous-titré français de Glenn Greenwald, journaliste qui a participé à la publication des révélations d’Edward Snowden : https://www.ted.com/talks/glenn_greenwald_why_privacy_matters
  2. Documentaire « Nothing to Hide », par Marc Meillassoux et Mihaela Gladovic
  3. Séminaire LdH « Big data, algorithmes et risques de discriminations, l’exemple de l’assurance » : https://www.ldh-france.org/big-data-algorithmes-risques-discriminations-lexemple-lassurance/
  4. www.lececil.org: fiches pratiques analysant les outils numériques et leurs alternatives

5 Analyse des lois passées et à venir : https://www.laquadrature.net/fr/eprivacy_bilan_pe ;

 

Pour la liberté – François SUREAU

Pour la Liberté, répondre au terrorisme sans perdre raison

François Sureau (Tallandier)

Plaidoyer pour la liberté : interview de François Sureau sur France Culture

Le 31 août 2017 la Grande Table deuxième partie

Notre système de droits n’a pas été fait seulement pour les temps calmes mais pour tous les temps. Nous dispo­sons depuis longtemps d’un système pénal qui permet de punir très lourde­ment les auteurs d’attentats abjects. Mais jusqu’à aujourd’hui l’autorité judiciaire était la gardienne des liber­tés publiques.

L’état d’urgence et la loi de sécuri­té intérieure et de lutte contre le terro­risme qui va bientôt être promulguée pour le rem­placer, sans rien apporter à la lutte contre le terro­risme vont à l’encontre de ce principe en offrant une gamme inquiétante de possibilités à l’imagina­tion administrative, sans contrôle à priori du juge judiciaire.

Le 13 février 2017 les parlemen­taires ont rétabli le délit de consulta­tion de sites djiha­distes que le conseil constitutionnel avait déclaré non constitutionnel. On ne peut pas être jugé pour un délit qui consiste à s’in­former. On pourra bien sur plaider sa bonne foi, mais on su­bodore que cela sera plus facile à plaider si l’on s’ap­pelle Sureau que si on s’appelle Mou­loud. Ce n’est pas en ôtant du cerveau du citoyen le trouble de pen­ser que l’on peut espérer triompher de tous ceux qui précisément veulent qu’on ne pense pas. Or, si vous avez autorisé une fois l’état à vous dire ce que vous devez lire, c’est fini. C’est un point de dégradation civique ja­mais atteint. C’est la fin de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

La rédaction d’autres ar­ticles de la loi en préparation parlent d’atteinte à l’ordre pu­blic sans plus de précision, de préparer la commission de l’infraction jointe à l’intention de passer à l’acte… Depuis mille ans il n’y a jamais eu de condamnation sur des inten­tions : avant tout acte criminel, il n’y avait rien. Derrière le vague des faits déclencheurs, l’impré­cision des critères l’impossibil­ité des contrôles effectifs c’est toute une so­ciété qui bascule sous la coupe de corps d’état qui avaient pour but de lui procurer la sé­curité et qui loin de lui servir se la su­bordonnent.

Article paru dans la Lettre Mosellane N°75

Projet de loi présenté comme visant à améliorer la sécurité intérieure et à lutter contre le terrorisme

Depuis 2015, l’état d’urgence est installé. Les lois de prorogation qui consolident et « modernisent » cet état d’urgence le durcissent.

La lettre en date du 22 septembre 2017 adressée au gouvernement français par la rapporteuse spéciale de l’ONU pour la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme.

 
Cette note constitue un véritable réquisitoire contre le projet de loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
 
A plusieurs reprises, tant l’assemblée générale que le conseil de sécurité de l’ONU ont, dans des résolutions, rappelé que la lutte contre le terrorisme doit être menée par les Etats membres de l’Organisation dans le respect des règles du droit international, en particulier le droit international des droits de l’Homme, du droit international humanitaire et du droit international des réfugiés.
 

L’assemblée nationale a validé le projet de loi « renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure ».

L’objectif est de sortir de l’état d’urgence et de revenir à « l’état de droit ».  Mais ce retour se ferait en modifiant de façon très importante l’état de nos droits.

Nous sommes très préoccupés quant aux risques de légalisation de pratiques arbitraires et d’introduction d’une logique de suspicion dans notre justice.

Le texte soumis à l’examen des député.e.s contient de nombreuses dispositions attentatoires aux libertés et droits fondamentaux : présomption d’innocence, procédure judiciaire équitable, droit d’aller et venir, de manifester, droit à la vie privée, liberté d’expression, droit à ne pas être discriminé.e…

La LDH, avec d’autres associations, s’oppose à cette « installation » de l’état d’urgence avec la loi de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme car

  • il met en danger la démocratie en donnant davantage de pouvoir à l’exécutif au détriment du législatif et du judiciaire,
  • il porte atteinte à la cohésion nationale en instaurant une culture du soupçon,
  • le judiciaire perd le contrôle des restrictions de liberté.

L’analyse juridique détaillée du projet par la LDH
L’état d’urgence imprime sa marque dans le droit commun

A lire aussi la Lettre mosellane des droits de l’homme n°74.

Ou si vous préférez écouter : Henri Leclerc sur France Culture.

Projet de loi présenté comme visant à améliorer la sécurité intérieure et à lutter contre le terrorisme

Demain, soupçonné de présenter un risque pour la sécurité du pays sans preuve concrète, on peut me demander de rendre mon passeport, d’identifier mes comptes internet, de restreindre mes déplacements. Et si je refuse, quand bien même je suis innocent des faits qui me sont reprochés, le juge judiciaire n’a d’autre choix que de sanctionner la violation d’une mesure basée sur le soupçon.

Nous avons adressé une lettre aux députés

Pour voir la lettre complète

Pour prendre connaissance de notre argumentaire

Et pour en savoir davantage…