Accueil des migrants : lettre ouverte aux préfets et aux élus

Région Ile de France de la LDH

Lettre ouverte aux préfets et aux élus

À Paris, à Ivry et ailleurs, les migrant.e.s doivent être accueilli.e.s dignement

Le  Comité  régional  Île  de  France  de  la  Ligue  des  droits  de  l’Homme  condamne  avec  fermeté  les campagnes xénophobes orchestrées contre les migrant.e.s par le Front National et les droites extrêmes qui manient l’amalgame et exploitent le manque d’information des citoyen.ne.s. La LDH apporte son soutien à tous  les  citoyen.ne.s  et  aux  maires  qui  manifestent  leur  solidarité  et  s’engagent  pour  accueillir  les migrant.e.s. Dans tous les cas elle réclame pour ces femmes, ces hommes et ces enfants un accueil digne, durable et respectueux des droits.
Les militant.e.s de la Ligue des droits de l’Homme, de Paris ou d’île de France, suivent depuis longtemps les questions d’hébergement et de suivi juridique des migrant.e.s. Les permanences d’accès aux droits ou nos actions de suivi et d’accompagnement des migrant.e.s dans leurs démarches nous mettent en première ligne pour juger des conditions d’accueil inacceptables de ces citoyen.ne.s du monde. Décidément, les personnes sont loin de demeurer égales en droit.
C’est dans ce contexte que vont s’ouvrir, dès maintenant à Paris, et plus tard à Ivry, deux sites  destinés à améliorer l’accueil des migrant.e.s. Celui de La Chapelle sera un centre de premier accueil pour une durée courte (très courte, trop courte) de 5 à 10 jours à l’intention de « primo-arrivants » en attente d’orientation.
Celui d’Ivry devrait être un Centre d’Hébergement d’Urgence (CHU) ouvert en janvier afin d’accueillir pour une durée plus longue des femmes et des familles.
Cette mise en place peut apparaître comme un progrès par rapport à la situation actuelle, marquée par une absence de prise en charge et la mise en œuvre d’une logique répressive à l’encontre des migrant.e.s.  Pour autant ce dispositif pourra-t-il répondre aux exigences d’un égal accès aux droits, permettant l’application rapide et effective des conventions internationales et des lois en vigueur en France sur les droits des migrant.e.s et le droit d’asile ?

Des questions qui attendent encore leurs réponses

Les autorités doivent mettre en œuvre les procédures qui assureront la réussite du projet. Concernant l’ arrivée au centre, il est nécessaire de savoir comment les migrant.e.s arriveront au centre et grâce à qui (maraude ? associations ? habitants ?). Le 115 est saturé et bien souvent ne répond pas au téléphone. De même, que se passera-t-il une fois atteint le plafond des places disponibles ?  Vers où seront orientés les migrant.e.s ? Quelle collaboration sera mise en place avec les structures d’accueil des autres départements d’Ile de France et de province ?
La prise en charge n’est pas sans poser problème. Certes la prise en compte de l’aspect médical du dossier est une avancée à saluer. Cependant, l’accompagnement juridique semble plus aléatoire. En effet, alors que la loi institue le dépôt d’une demande d’asile sous 3 à 10 jours, l’obligation à Paris de passer par l’actuelle plate-forme  unique  (PADA)  se  traduit  par  des  délais  d’attente  de  rendez  vous  de  plusieurs  mois.  Les migrant.e.s accueillis dans ce centre bénéficieront-ils d’un « passe-droit » ? Pourquoi l’État ne donne-t-il pas à  cette  plate-forme  les  moyens  d’appliquer  la loi ?  Tous  les  migrant.e.s  accueillis  dans  ce centre pourront-ils faire une demande d’asile ? Ceux et celles qui y parviendront pourront-ils bénéficier d’un hébergement dans un Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA) ? Que deviendront les personnes qui ne seraient plus considérées comme demandeurs d’asile ? Et quel sera le sort de celles qui ne seraient pas autorisés à faire leur demande en France en application du Règlement de Dublin ?

Agir pour le respect des droits fondamentaux

Trop  d’incertitudes  subsistent.  Une  telle  situation  résulte  de l’incohérence  d’une  politique gouvernementale qui ne se donne pas les moyens de mettre en œuvre sa propre législation au détriment des droits fondamentaux des personnes.
En tant qu’association dont les actions sont le fruit d’un travail militant, nous ne sommes pas hostiles à l‘intervention  de  bénévoles.  Chaque  jour,  ils  pallient  les  carences  de  la  prise  en  charge  publique. Cependant, l’action militante a ses limites. C’est le cas tout particulièrement concernant le suivi juridique : l’intervention  de  juristes  spécialisés  et  d’avocat.e.s,  avec  l’aide  de  traducteurs  professionnels,  est indispensable pour traiter des situations aussi complexes que celles ouvrant droit à la constitution d’un dossier de demande d’ asile ou d’accès à un titre de séjour.
La Ligue des droits de l’Homme réclame que les moyens nécessaires soient dégagés pour permettre l’accueil de tous, un accompagnement social efficace et un exercice effectif du droit d’asile dans les délais légaux. Cela suppose qu’on en revienne au plus tôt au droit commun, notamment pour permettre l’enregistrement rapide des demandes d’asile, ainsi que l’hébergement des demandeurs et qu’on rétablisse l’autorisation de travail leur permettant de vivre plus dignement. Enfin  le sort de ceux et celles qui n’auraient pas accès au statut de réfugié nécessite qu’on repose l’exigence de la régularisation des sans papiers.
C’est à cette condition que la République française sera en mesure d’assurer tous les droits à tous les migrant.e.s. Cette exigence d’accueil et de solidarité est d’ailleurs la nôtre pour l’ensemble des précaires qui se retrouvent aujourd’hui à la rue, sur l’ensemble du territoire et quelle que soit leur origine.

Paris le 18 octobre 2016