Délocalisation des audiences & visio-conférence : une justice dégradée pour les étrangers

Réunion publique de l’Observatoire de l’Enfermement des Etrangers

Quatre ans après l’ouverture de la salle d’audience délocalisée du tribunal de grande instance (TGI) de Meaux à la porte du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, la délocalisation de la salle d’audience du TGI de Bobigny dans l’enceinte de la zone d’attente de Roissy a finalement été mise en œuvre en 2017 avec l’ouverture officielle de l’annexe le 26 octobre dernier.

L’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) s’est opposé à ces projets depuis le début. L’expérience confirme que les atteintes au droit à un procès équitable, en particulier aux droits de la défense, ainsi qu’aux principes de publicité des débats et d’indépendance de la justice, font de la délocalisation une « justice d’exception ».

Parallèlement, la visio-conférence est un outil qui tend à se répandre dans les audiences : d’abord à la CNDA (Cour nationale du droit d’asile), ou pour les entretiens OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) à la frontière et pour les audiences du tribunal administratif de Mayotte, pour les personnes enfermées en rétention, placées en zone d’attente ou détenues. Les tribunaux administratifs de Melun et de Montreuil, entendent étendre cette pratique au contentieux du CRA du Mesnil-Amelot.

S’inscrivant dans cette tendance, le projet de loi « asile, immigration » prévoit de généraliser ce dispositif à toutes les audiences administratives et judiciaires pour les personnes en rétention et en zone d’attente.

L’OEE propose une rencontre pour cerner les conséquences de ces dispositifs et souligner les différentes formes d’affaiblissement des droits au moyen de cette justice dégradée.

Intervenants : Anafé, La Cimade, ADDE, Syndicat de la magistrature, Barbed Wire Britain (Royaume-Uni), Défenseur des droits (sous réserve)

Modération : Gisti

Accueillir les migrant.e.s : Changeons notre regard

dans le cadre des États des Migrations, le Collectif Paris 5/13 « Immigration/Asile », dont fait partie la section Paris 5/13 de la Ligue des droits de l’Homme, organise un débat avec la participation de Claire Rodier, juriste au Gisti, ainsi que des témoignages de migrants et de bénévoles.

Un jour, ça ira

Ce film documentaire d’Edouard et Stan Zambeaux (France, 2017, 1h30) sera présenté dans le cadre des Ciné-droits de l’Homme de la Fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme ; le débat portera sur l’accueil des exilés. (gratuité possible cf. paris.10.11@ldh-france.org)

Non, le centre « humanitaire » pour migrants de la porte de la Chapelle à Paris n’est pas un modèle

action collective

En écho à la demande adressée au gouvernement par Anne Hidalgo, maire de Paris, de réfléchir à « un plan général d’accueil des migrants en France » avec l’ouverture de camps de premier accueil dans les métropoles régionales – à l’image de celui qu’elle a installé en octobre 2016 porte de La Chapelle, au nord de la capitale –, le ministre de l’intérieur a annoncé mardi 20 juin la possible « ouverture de centres d’accueil » pour migrants sur le territoire français. Le même jour, plusieurs élu.e.s, qui se sont rendu.e.s dans le camp humanitaire de La Chapelle, se sont relayé.e.s pour alerter sur la situation d’engorgement que connaît ce centre, avec «  des tensions à l’entrée » et des rixes qui « se multiplient », et la reconstitution de « campements » rassemblant plus d’un millier de personnes dans le nord de Paris. « Depuis un certain temps », a expliqué Pascal Julien, conseiller de Paris (EELV), « il n’y a plus de sorties, donc plus d’entrées. Ce centre est saturé en permanence ».

Dès l’annonce de la création du centre de la porte de La Chapelle, il était clair que le dispositif n’était susceptible de fonctionner que pour autant qu’à l’issue des quelques nuitées de « mise à l’abri » offertes à Paris aux personnes migrantes ces dernières se voient proposer des places dans des lieux d’hébergement plus pérennes. Ces lieux relevant de dispositifs nationaux, le camp parisien ne peut « se vider » pour accueillir de nouveaux venus que si l’État s’engage dans l’opération, collaborant avec la Ville de Paris. Or les places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) continuent de manquer cruellement, et si de nouvelles structures d’accueil de migrants ont été créées récemment, elles ne parviennent pas à pallier l’incapacité de l’État à abriter, constante depuis deux décennies. Ces nouvelles structures ne sont d’ailleurs, tout comme le camp de La Chapelle, que des sas, conçus pour accueillir pour de courtes durées des personnes n’ayant pas encore décidé si elles allaient demander l’asile en France. Faire se succéder des sas à un sas n’a qu’un intérêt pratique : répartir la charge d’un premier accueil sommaire. Mais aussi, ce faisant, disperser, isoler et rendre moins visible.

En réalité, le camp de la Chapelle souffre de bien d’autres défauts que le manque de « fluidité » et la saturation dénoncée par les élus qui soutiennent la maire de Paris. En effet, les personnes qui parviennent, après des jours d’attente, à être accueillies dans la « bulle » parisienne, non seulement ne se voient pas assistées correctement dans leurs démarches en vue d’obtenir la protection internationale dont elles ont besoin, mais sont même empêchées de faire ces démarches. Contraintes de faire enregistrer leurs empreintes digitales à un guichet spécialement ouvert pour elles en préfecture, elles peuvent ainsi être menacées de renvoi – voire renvoyées sans délai – vers des pays par lesquels elles ont transité ou vers leur pays d’origine sans que soit examinée leur potentielle qualité de réfugié. Le camp parisien, loin d’être un lieu d’accueil et de manifester l’hospitalité de la Ville, fonctionne de fait comme un centre de tri, auxiliaire (ou otage ?) de l’administration préfectorale.

La maltraitance administrative qui règne à l’intérieur du centre de la Chapelle, tout comme la maltraitance physique imposée aux personnes qui, jour après jour, essaient d’en franchir les portes et sont, en attendant, contraintes de dormir dans la rue dans un contexte de harcèlement policier maintes fois documenté, ne sont en rien le produit d’un « afflux » insupportable d’exilé.e.s que la France, sixième puissance mondiale, ne pourrait gérer. Conséquences du sous-dimensionnement structurel du dispositif d’accueil des migrant.e.s, elle s’inscrivent dans une stratégie de dissuasion que la France, comme plus généralement l’Europe, opposent aux personnes en besoin de protection.

Oui, des lieux de premier accueil doivent être ouverts, afin que les exilé.e.s cessent d’être réduits à la vie dans la rue, à Paris comme à Calais, à Vintimille ou ailleurs. Mais ces lieux doivent être réellement hospitaliers, conçus de telle sorte que les personnes y soient informées des possibilités qui s’offrent à elles, aidées et accompagnées dans leurs premiers pas en Europe. Accueillies, vraiment. Ensuite seulement, une répartition sur l’ensemble du territoire pourrait être organisée selon la situation de chacun, ses souhaits, les possibilités existantes dans les collectivités. Si un « plan général d’accueil des migrants en France » est mis en place, c’est dans cet esprit qu’il doit être conçu, et non sur le modèle du centre de la Chapelle.

26 juin 2017
Liste des organisations signataires sur le site du Gisti

Paris – Accueil des migrants : là où le bât blesse

Communiqué de presse de la Ligue des droits de l’Homme de Paris

Paris, le 21 mars 2017

En novembre 2016, la Mairie de Paris a ouvert un centre d’accueil humanitaire ou CPA dans le 18e  arrondissement, à la porte de La Chapelle, boulevard Ney, pour accueillir les migrants primo-arrivants. Quatre cents personnes y sont hébergées, initialement pour une durée de 10 jours maximum, une bonne gestion du flux migratoire devant permettre un « turn over ». Ce dispositif est complété par un second centre humanitaire sur Ivry réservé aux femmes et aux familles. Les mineurs étrangers isolés sont quant à eux dirigés vers le Dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers (DEMIE). Selon Emmaüs Solidarité et la Ville de Paris, plus de 90% des personnes accueillies sont des demandeurs d’asile dits « dublinés », c’est-à-dire dont la situation relève des accords de Dublin. Concrètement, le Centre d’examen de situation administrative ou CESA, service de l’Etat au sein du CPA et créé pour ce centre, est chargé d’évaluer l’ensemble des situations des personnes passant par le centre d’accueil. Le CESA prend les empreintes des personnes et vérifie, à l’aide du fichier Eurodac, si elles ont été enregistrées dans un autre pays de l’Union Européenne à leur arrivée en Europe. Si tel est le cas, l’Etat peut renvoyer la personne « dublinée » dans le pays d’arrivée et ne pas lui accorder l’asile en France. C’est ce qui est fait jusqu’à ce jour de manière quasi systématique.

  • La fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme rappelle que l’État n’est pas obligé, dans le cadre des accords de Dublin, de renvoyer les personnes « dublinées » dans le pays d’origine et peut leur accorder le droit d’asile en France. Nous considérons que notre pays se doit d‘accueillir en tant que réfugiés les demandeurs d’asile qui présentent les conditions minimales leur permettant d’accéder à ce statut.
  • La fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme juge qu’il est inadmissible qu’aucune assistance juridique n’ait été instaurée dans le CPA qui n’est pas uniquement un centre humanitaire mais sert aussi à orienter les migrants vers les filières administratives. De ce fait, il convient logiquement de le doter d’un système d’assistance juridique simple d’accès, permettant aux migrants de connaître leurs droits, de remplir les papiers administratifs de façon rigoureuse et de faire les recours éventuels.

Les 21 et 22 février, aux abords du CPA, a eu lieu une interpellation massive de migrants. Le 22 février, 42 personnes ont été déférées devant le Juge des libertés et de la détention (JLD) ou le Tribunal administratif (TA) de Paris. Des décisions de transfert au titre de Dublin, ou d’Ordre de quitter le territoire français (OQTF), ou de mise en centre de rétention ont été ordonnées, soit directement au commissariat, soit lors du passage devant la Justice. Dans le courant du même mois de février, la police est intervenue à plusieurs reprises pour empêcher des associations citoyennes de quartier d’apporter une aide humanitaire aux migrants non pris en charge dans le CPA et dormant à la rue. C’est ainsi que le Collectif Wilson, collectif de quartier constitué spontanément de volontaires, s’est vu refuser le droit de distribuer une aide alimentaire aux migrants aux abords du CPA et que leur véhicule a été sanctionné de plusieurs amendes de 135 euros pour stationnement. Dans le même temps, la Ville de Paris faisait poser des pierres sur les lieux où dorment les migrants à la rue pour les en dissuader.

  • La fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme demande à nouveau avec insistance que cesse la chasse aux migrants et les menaces d’OQTF, que cesse l’intimidation des associations et collectifs de citoyens qui viennent en aide aux migrants, y compris aux abords immédiats du CPA. Ces méthodes sont antagoniques avec les intentions humanitaires annoncées et engagées par ailleurs par les autorités.

La fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme a pris bonne note des déclarations de Madame Dominique Versini, adjointe à Madame Anne Hidalgo, affirmant lors de la Réunion « Plateforme de mobilisation pour l’accueil des réfugiés à Paris », le 10 mars, que le CESA n’avait pas été une volonté de la Ville de Paris mais de la Préfecture, qu’elle connait les problèmes posés par l’absence de permanence juridique dans le cadre du CPA et qu’elle est prête à envisager une plate-forme juridique avec les associations compétentes. Lors de la même réunion, la Ville de Paris et la Préfecture ont salué à de nombreuses reprises les initiatives citoyennes spontanées d’aide aux migrants. La fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme espère que ces déclarations seront suivies d’effets positifs et se déclare prête à examiner avec intérêt toute proposition en ce sens.

Les migrants ne savent pas nager

Les sections EHESS et Paris 10/11 de la LDH organisent, avec le Collectif de soutien de l’EHESS aux sans papiers et aux migrant-es, et la Société Louise Michel la projection du film de Jean Paul Mari, puis débat animé par Claude Calame (EHESS, LDH).

Avec les interventions de Manon Maison et Pascale Pessey-Martineau (SOS Méditerranée) et d’Amadou Diallo (Guinée Konakry, rescapé)

« Assis sur un quai du port de Lampedusa, j’attends l’Aquarius, le navire de l’opération SOS MÉDITERRANÉE  sur lequel je dois embarquer pour vingt et un jours. Petit pincement à l’estomac. Pas par peur du mal de mer. Plutôt face à l’ampleur de la tâche ».

Sur l’Aquarius, le journaliste Jean Paul Mari est parti comme volontaire pour secourir les naufragés qui se noient par milliers au large des côtes libyennes. Il a rejoint SOS Méditerranée, une association de bénévoles qui n’ont qu’un objectif : sauver le plus possible de vies dans cette portion de mer où les réfugiés se noient par milliers.
Les migrants ne savent pas nager… Quand ils grimpent sur l’Aquarius en abandonnant leurs embarcations de fortune sur le point de couler, ils sont à bout, exténués après des mois de marche à pied dans le désert, de rétention dans des camps où ils ont été détenus en otages et parfois réduits à l’esclavage. A ce moment précis, ils n’ont plus rien d’humain. Durant cet instant suspendu à bord de l’Aquarius, ils recouvrent enfin une parcelle d’humanité.  C’est cet instant que Jean Paul Mari a saisi, celui de la rencontre entre ces miraculés revenus de l’enfer et une poignée de bénévoles qui ont mis leur vie entre parenthèses pour sauver celle des autres.

Contact : claude.calame@unil.ch