Les 28 avril et 29 avril les députés puis les sénateurs seront appelés à un débat suivi d’un vote sur l’éventuelle mise en œuvre de l’application StopCovid, destinée à lutter contre la pandémie Covid-19 et présentée comme une application de déconfinement.
Une application simple, banale et utile ?
Installée sur les smartphones, cette application serait capable d’alerter son propriétaire s’il approche une personne atteinte de la maladie afin de prendre les précautions d’usage pour d’arrêter la propagation de la maladie. Un service d’attribution de pseudonymes permettrait à StopCovid de ne pas révéler l’identité de la personne infectée croisée, et le Bluetooth ne permettrait pas la géolocalisation.
Annoncée comme conforme aux principes du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), elle respecterait la vie privée dans la mesure où l’anonymat des alertes serait garanti, et où l’utilisation du Bluetooth ne permettrait pas de géolocaliser les personnes. Elle ne serait installée que sur la base du volontariat.
Des problèmes technologiques et éthiques
Présentée comme étant d’une grande simplicité, StopCovid comporte pourtant de nombreux paramètres qui posent problème, qu’ils soient d’ordre technologiques, médicaux, scientifiques ou éthiques.
Le Bluetooth ne permet pas de géolocaliser les personnes mais ne permet pas non plus d’évaluer avec précision la distance entre celles-ci. Comme il permet d’accéder aux données du téléphone, y compris contre la volonté de son propriétaire, son activation est généralement déconseillée et il peut être désactivé par certaines fonctions du téléphone, comme la lecture de sa messagerie ou autre, ce qui rendra StopCovid inopérant. Le secrétaire d’Etat au numérique a demandé à Apple de modifier la désactivation du Bluetooth par défaut, allant ainsi à l’encontre des principes du RGPD alors qu’il devrait en être l’un des garants.
Entre les deux principaux systèmes opérationnels sur les smartphones, (Ios d’Apple et Android de Google), les connexions Bluetooth passent mal, c’est pourquoi les deux entreprises proposent exceptionnellement un protocole de communication entre leurs deux systèmes, protocole dont on peut craindre qu’il permette aux deux « géants » d’avoir accès à quelques données du téléphone.
Par ailleurs quelles que soient les promesses d’anonymat, il n’est techniquement pas possible de le garantir, même si l’on nous affirme qu’un serveur central qui distribuerait des pseudonymes sera « honnête et sécurisé ».
Une efficacité douteuse et une application dangereuse
Se déclarer atteint du Covid-19 (ou être déclaré par une autorité non encore définie) nécessite d’avoir été testé, or les tests manquent et sont fort peu pratiqués. Les connaissances scientifiques sont encore incertaines sur les modes de transmission du virus, sur l’immunité acquise des personnes exposées et sur la non-contagion des personnes dites guéries. Il n’y a pas à notre connaissance de consensus sur la possibilité que le coronavirus reste tapi ou non dans l’organisme un peu comme celui de l’herpès ou le VIH.
Le choix d’utiliser les smartphones est un facteur de discrimination qui mettra toute une partie de la population à l’écart. En effet moins de la moitié des seniors possèdent un téléphone portable et nombre de citoyens ne sont pas à l’aise avec les manipulations comme l’activation du Bluetooth ou l’installation d’une application. Les problèmes techniques relevés pourraient, a contrario, mettre en danger les individus trop confiants dans l’application qui ne pourra pas signaler qu’une personne contagieuse asymptomatique qu’ils n’ont jamais croisé a touché la même poignée de porte qu’eux.
Une population sous constante surveillance
L’installation de StopCovid sur la base du volontariat traduirait le consentement des individus, mais le caractère libre et éclairé de celui-ci n’est pas avéré. En effet la pression sociale et patronale, l’éventuel refus d’accès à certains services, la stigmatisation des « réfractaires » risque d’obliger un grand nombre de personnes à l’installer.
Pire, la solution technologique que l’on vous propose de voter pour mettre fin à la pandémie porte en elle le risque d’une habituation à une surveillance généralisée, banalisée et pérenne. La fin de la pandémie étant tout à fait incertaine, la suppression de l’application, que l’on nous promet à la fin de la crise sanitaire, risque de ne jamais intervenir, d’autant plus qu’elle pourrait bien servir à d’autre fin.
Les risques d’atteinte au respect de la vie privée et au secret médical, les risques de surveillance généralisée au regard d’une efficacité totalement incertaine conduisent la Ligue des droits de l’Homme (LDH) à vous demander instamment de vous opposer au projet StopCovid.
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