Glorification de la colonisation de l’Algérie et révisionnisme historique : le scandale continue… à Perpignan !

Publié le 27 juin 2022 par Olivier Le Cour Grandmaison sur son blog

Louis Aliot, dirigeant bien connu du Rassemblement national et maire de Perpignan, a décidé de soutenir politiquement et financièrement, à hauteur de 100 000 euros, la 43ème réunion hexagonale du Cercle algérianiste [1], et d’accueillir ses membres et les participants au Palais des congrès de cette ville, du 24 au 26 juin 2022. Il se confirme que la loi scélérate du 23 février 2005, jamais abrogée faut-il le rappeler, qui établit une interprétation officielle et apologétique de la colonisation française en Algérie et dans le reste de l’empire, n’était pas l’épilogue d’une entreprise de réhabilitation de ce passé mais le prologue bien plutôt. Le discours du candidat Nicolas Sarkozy affirmant, à la veille des élections présidentielles de 2007, que le « rêve de la colonisation » n’était pas un « rêve de conquête » mais « un rêve de civilisation », celui de François Fillon quelques années plus tard et, plus généralement, les positions de la direction des Républicains en témoignent. Fustigeant une prétendue « repentance » et vantant les aspects supposément « positifs » de la colonisation de l’Algérie, les responsabilités de ces derniers sont majeures, établies et accablantes [2]. De même celles de certains intellectuels, chroniqueurs et bateleurs médiatiques qui, au nom de la lutte contre « la pensée unique » hier, contre le « décolonialisme » aujourd’hui, redécouvrent les « beautés » de la colonisation aux couleurs de la France.

N’oublions pas l’un des pionniers de cette réhabilitation, A. Finkielkraut, qui déclarait doctement que l’entreprise coloniale « avait aussi pour but d’éduquer » et « d’apporter la civilisation aux sauvages. » (Haaretz, 18 novembre 2005). Indigne philosophe et vrai idéologue qui, sur ce sujet entre autres, débite des opinions rebattues en les prenant pour de fortes pensées. A l’instar des personnalités politiques précitées, il ressasse les trivialités mensongères de Malet et Isaac, ces historiens officiels qui, de l’entre-deux-guerres au début des années soixante, n’ont cessé de contribuer à l’élaboration et à la diffusion de la mythologie impériale-républicaine ; celle-là même qui, depuis plus d’une décennie, est désormais reprise par les différentes forces que l’on sait à des fins partisanes et électoralistes. En ces matières, les uns et les autres ne sont que les piteux ventriloques de discours élaborés par les élites politiques – mention spéciale à Jules Ferry, cet ardent promoteur de l’empire et du racisme élitaire de saison – et académiques de la Troisième République pour légitimer « la course à l’Afrique » et les guerres de conquête menées en Cochinchine et à Madagascar.

Sur ces sujets en particulier, il y a longtemps que le prétendu « front républicain » a disparu au profit de convergences et de compromissions toujours plus graves et toujours plus assumées avec l’extrême-droite, les partisans de l’Algérie française et les soutiens des généraux putschistes. Dans ce contexte, auquel s’ajoute la spectaculaire progression politique du Rassemblement national, sinistrement confirmée par les résultats des élections présidentielles et législatives qui viennent d’avoir lieu, la tenue du Congrès du Cercle algérianiste dans la ville de Perpignan ne saurait surprendre. Le soutien apporté par le maire à cette initiative est parfaitement conforme aux orientations défendues depuis toujours par le Front national et le Rassemblement qui lui a succédé. Apologie de la colonisation, révisionnisme historique, mensonges par omission, minorisation et dénégation des massacres, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par les armées françaises entre 1830 et le 19 mars 1962, tels sont quelques-uns des piliers idéologiques de cette extrême-droite qui demeure fidèle à ses traditions.

Il faut y ajouter la glorification des généraux qui, pour défendre l’Algérie française, ont pris les armes contre la République, le 21 avril 1961. En élevant « au rang de citoyens d’honneur de la ville des représentants des familles d’Hélie Denoix de Saint-Marc, des généraux Edmond Jouhaux et André Zeller… [3] », Louis Aliot persévère dans cette voie, ce qui jette une lumière pour le moins singulière sur la conversion des dirigeants du RN aux « valeurs républicaines ». Commandant par intérim du 1er régiment étranger de parachutistes, Denoix de Saint-Marc a joué un rôle de premier plan lors de la tentative de coup d’Etat à Alger, ce qui lui a valu d’être condamné à dix ans de réclusion criminelle par le Haut tribunal militaire. Ayant réussi à s’échapper, Jouhaud a poursuivi son combat au sein de l’organisation terroriste, OAS, laquelle est responsable de l’assassinat de 2 360 personnes, auxquelles s’ajoutent 5 419 blessés, majoritairement algériens [4]. Arrêté le 24 mars 1962, Jouhaud est condamné à mort puis gracié par le général de Gaulle, et sa peine commuée en détention à perpétuité. Zeller, qui a rejoint le « quarteron de généraux » putschistes, écope lui de quinze ans d’emprisonnement. Signalons enfin que le programme officiel des journées perpignanaises du Cercle algérianiste prévoit que l’ancien membre d’un commando de l’OAS à Oran, Gérard Rosenzweig, impliqué dans plusieurs attentats, remette le « Prix universitaire algérianiste » en tant que président du jury. Tels sont quelques-uns des multiples honneurs qui seront rendus à des hommes, anciens criminels lourdement condamnés par la justice, décédés ou vivants, dont le point commun est d’avoir défendu l’Algérie française, par tous les moyens, y compris les pires.

Un scandale, assurément. Nonobstant l’initiative locale et courageuse du « Collectif 66 pour une histoire franco-algérienne non falsifiée », ce scandale ne semble pas, à l’heure où ces lignes sont écrites, susciter l’indignation et la mobilisation nationales que l’on serait en droit d’attendre des gauches partisanes, syndicales et associatives pour s’opposer à cette nouvelle offensive de l’extrême-droite. Non seulement, cette dernière ne désarme pas mais, plus grave encore, elle se sent pousser des ailes en raison de la conjoncture politique que l’on sait. Une telle situation devrait obliger celles et ceux qui ne se résignent pas à cette progression, jusqu’à présent irrésistible, et à ses conséquences depuis longtemps désastreuses sur tous les plans. Eu égard à l’importance politique et stratégique que le RN accorde à ce 43ème Congrès du Cercle algérianiste, une riposte d’ampleur s’impose. Organisons-là lors des prochaines commémorations des massacres du 17 octobre 1961 en en faisant une initiative unitaire, anticoloniale et antiraciste, pour la vérité historique, la justice et la reconnaissance des crimes de guerres et des crimes contre l’humanité commis par la France en Algérie et dans les autres territoires de l’empire.

Olivier Le Cour Grandmaison

[1] Créé le 1er novembre 1973 pour réhabiliter les combats des partisans de l’Algérie française et la colonisation de ce territoire, ce Cercle, qui se présente comme une « association culturelle des Français d’Afrique du Nord », n’a cessé de rendre hommage aux anciens terroristes de l’OAS et aux généraux putschistes, entre autres.
[2] Avec la finesse qui le caractérise, L. Wauquiez livre aux Français ébahis cette analyse dont la profondeur et la rigueur laissent pantois : « Ajoutez (…) une repentance systématique et vous comprendrez pourquoi des jeunes issus de [ l’] école en viennent à prendre les armes contre leur propre pays. » Le Figaro, 14 février 2016. 
[3] Cf., le programme : 43ÈME CONGRES NATIONAL DU CERCLE …
[4] Y. Benot, « La décolonisation de l’Afrique française (1943-1962) », in Le Livre noir du colonialisme, XVIe-XXIe siècle. De l’extermination à la repentance, sous la dir. de L Ferro, Paris, R. Laffont, 2003, pp. 517-556.

Propos sur l’Algérie française : la Nupes s’indigne, le RN au secours de José Gonzalez

Publié sur Ouest-France le 29 juin 2022

Les propos du doyen de l’Assemblée nationale, le RN José Gonzalez, ce mardi 28 juin, lors de l’ouverture de la XVIe législature ont choqué une partie des députés, notamment dans les rangs de la Nupes. Du côté du RN, ce discours a, au contraire, été salué et les élus d’extrême droite tentent d’éteindre la polémique.

Mardi 28 juin, le député des Bouches-du-Rhône du Rassemblement national José Gonzalez a ouvert la première séance de la nouvelle Assemblée nationale en tant que doyen. Né en Algérie avant l’indépendance, il est revenu sur son histoire personnelle : « J’ai laissé là-bas une partie de ma France et beaucoup d’amis. Je suis un homme qui a vu son âme à jamais meurtrie », a-t-il déclaré, avant de s’interrompre, ému.

Une pause suivie d’applaudissements qui ont crispé une partie des députés, essentiellement dans les rangs de la Nupes. Après la séance, José Gonzalez a été interrogé sur son opinion concernant la guerre d’Algérie. « Franchement, je ne suis pas là pour juger si l’OAS a commis des crimes, je ne sais même pas ce qu’était l’OAS ou presque pas », a-t-il assuré.

Suivez ici notre direct du mercredi 29 juin consacré à la nouvelle législature et à l’actualité politique

Il a ensuite poursuivi ses propos devant des journalistes : « Si je vous emmène avec moi en Algérie, […] dans le Djebel, vous verrez beaucoup beaucoup beaucoup d’Algériens qui n’ont jamais connu la France, et qui nous disent : « Monsieur, quand est-ce que vous revenez. » » De quoi susciter de nombreuses réactions


Mardi 28 juin, le député des Bouches-du-Rhône du Rassemblement national José Gonzalez a ouvert la première séance de la nouvelle Assemblée nationale en tant que doyen. Né en Algérie avant l’indépendance, il est revenu sur son histoire personnelle : « J’ai laissé là-bas une partie de ma France et beaucoup d’amis. Je suis un homme qui a vu son âme à jamais meurtrie », a-t-il déclaré, avant de s’interrompre, ému.

Une pause suivie d’applaudissements qui ont crispé une partie des députés, essentiellement dans les rangs de la Nupes. Après la séance, José Gonzalez a été interrogé sur son opinion concernant la guerre d’Algérie. « Franchement, je ne suis pas là pour juger si l’OAS a commis des crimes, je ne sais même pas ce qu’était l’OAS ou presque pas », a-t-il assuré.

Suivez ici notre direct du mercredi 29 juin consacré à la nouvelle législature et à l’actualité politique

Il a ensuite poursuivi ses propos devant des journalistes : « Si je vous emmène avec moi en Algérie, […] dans le Djebel, vous verrez beaucoup beaucoup beaucoup d’Algériens qui n’ont jamais connu la France, et qui nous disent : « Monsieur, quand est-ce que vous revenez. » » De quoi susciter de nombreuses réactions.

« Un effondrement du front républicain »

Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a notamment déclaré au micro de BFMTV : « C’est curieux que quelqu’un soit venu plaider sa nostalgie pour l’Algérie française et qu’il y a une partie qui l’a applaudi », y voyant un signe supplémentaire de « l’effondrement du front républicain ».

Un constat partagé par Sandrine Rousseau, élue de la Nupes, s’est fendu d’un tweet où elle estime que « la dédiabolisation vole en éclats dès la première séance ». Pour elle, les discours nostalgiques de la colonisation n’ont pas leur place à l’Assemblée nationale.

À gauche, plusieurs députés sont tombés des nues devant les applaudissements d’une partie des députés. Comme Sandra Regol, élue dans le Bas-Rhin, qui se dit « abasourdie » par les applaudissements et qui parle de « déchéance ».

« Un discours émouvant » selon le RN

Du côté du RN, les élus ont tenté d’éteindre la polémique. Jordan Bardella, président du Rassemblement national, a envoyé sur les réseaux sociaux un message de félicitations à José Gonzalez : « Discours émouvant et rassembleur, élégance de tenue et d’âme de la part de José Gonzalez, député RN et doyen de l’Assemblée. Il nous a tous rendus fiers. »

Quant au député RN du Nord, Sébastien Chenu, il a estimé qu’il n’y avait dans les propos de José Gonzalez aucune volonté de polémique : « C’est un homme de sa génération, qui est meurtri, qui est blessé par ce qu’il s’est passé là-bas ».

Pour Louis Alliot, maire RN de Perpignan, il s’agissait uniquement d’une opinion personnelle de la part du député. « Le discours de monsieur Gonzalez faisait référence à sa vie en Algérie, qui était sa terre natale, et où il a enterré ses grands-parents », a-t-il assuré.

Interrogée ce mercredi 29 juin sur Franceinfo, Marine Le Pen, présidente des députés RN à l’Assemblée nationale, a estimé que José Gonzalez n’avait pas commis de dérapage : « Il a fait un discours très digne, très républicain. Il a tenu sa position de doyen avec beaucoup de dignité. La gauche dit tout et n’importe quoi. »