Gilets jaunes : bilan de la répression en Languedoc-Roussillon

Lire sur france3-regions.francetvinfo.fr le bilan des interpellations, condamnations, blessés

Par Carine Alazet et Ginette Sié

Publié le 07/01/2019 à 17:34 Mis à jour le 07/01/2019 à 18:24

Gilets Jaunes : interpellations, condamnations, blessés, le bilan en Languedoc-Roussillon

« Après 8 semaines de manifestations, notre service documentation a recensé les conséquences du mouvement : 87 interpellations, 14 condamnations, 22 blessés et 2 morts en marge des rassemblements. Des chiffres forcément partiels : les Gilets Jaunes par exemple ne fournissent pas de décompte. »

« Pas assez de sanctions pour les uns, une répression hors de proportion pour les autres. Les avis divergent sur le bilan judiciaire des incidents qui émaillent les manifestations des Gilets Jaunes depuis le 17 novembre.

Pour aller au-delà des impressions et des partis pris, notre service documentation a comptabilisé les données disponibles dans le Languedoc-Roussillon.

Bilan: 87 personnes interpellées en 2 mois.

Des arrestations qui peuvent donner lieu ou pas, à des gardes à vue et des condamnations.
La plupart sont traitées en comparution immédiate par les tribunaux, c’est-à-dire rapidement afin d’éviter les détentions préventives.

Des condamnations qui sont aussi diverses que les faits reprochés : jets de projectiles, coups, outrages, dégradation de biens publics.

Le tribunal de Béziers a prononcé la plus lourde peine à l’encontre d’un Gilet Jaune : 2 ans de prison ferme.

Nos documentalistes ont dénombré 14 condamnations, sachant que des enquêtes sont toujours en cours et que certains interpellés ont refusé la comparution immédiate afin de mieux préparer leur défense.

Encore une fois, ces chiffres ne prétendent pas à l’exhaustivité. Il s’agit de donner une image plus précise des conséquences judiciaires des manifestations.

Les condamnations vont du rappel à la loi à de la prison, avec sursis souvent, mais aussi des peines de prison ferme.

La plus lourde condamnation a été prononcée à Béziers, vendredi 4 janvier :
2 ans de prison ferme pour un Gilet Jaune, reconnu coupable d’avoir jeté des projectiles et dégradé des véhicules de la gendarmerie la nuit du 24 au 25 novembre 2018.

Deux morts et une vingtaine de blessés

Nos documentalistes ont dénombré 6 blessés parmi les Gilets Jaunes et 16 au sein des forces de l’ordre.

Des chiffres à prendre avec des pincettes : il y a des données officielles pour les forces de l’ordre. Mais il n’y a pas de recensement des blessés par les gilets jaunes.

Il y a donc très probablement plus de 6 blessés dans les rangs des manifestants.

On ne connaît que les plus graves : trois victimes de tirs de flash ball par exemple. Deux adultes à Montpellier lors de la manifestation du 29 décembre et un lycéen de Béziers, qui a perdu l’usage d’un œil. »

Deux décès en marge des rassemblements

Deux Gilets jaunes sont décédées en marge des rassemblements.

Un homme de 36 ans a perdu la vie dans un accident de la circulation: il a percuté un camion bloqué à un barrage filtrant au péage Sud de Perpignan le 21 décembre.

Un autre homme est lui mort d’une crise cardiaque alors qu’il participait à un barrage à Beaucaire dans le Gard.

« Un exemple concret : la manifestation des Gilets Jaunes du samedi 6 janvier à Perpignan »

« A la suite de la manifestation du samedi 5 janvier au centre-ville de Perpignan, des échauffourées ont éclaté en fin d’après-midi.

Cinq personnes ont été interpellées et placées en garde-à-vue.

Deux d’entre elles ont été présentées devant un juge le lendemain, dimanche 6 janvier :
Un mineur retrouvé avec des cailloux et un couteau dans ses poches à proximité du palais a été mis en examen par un juge des enfants et placé sous contrôle judiciaire
Un majeur identifié pour avoir jeté des projectiles en direction des forces de l’ordre a été présenté au Juge de la liberté et de la détention, placé sous contrôle judiciaire et renvoyé pour être jugé en mars 2019.

Un autre majeur doit comparaître à l’audience de comparution immédiate ce lundi après-midi où il répondra de provocation à la rébellion, outrages et menaces de mort à dépositaire de l’autorité publique, selon le procureur de la République de Perpignan, Jean-Jacques Fagni.

Par ailleurs, 10 policiers ont été blessés « 

Répression des Gilets Jaunes : 4570 personnes placées en garde à vue en un mois

Un des objectifs essentiels de la LDH est de dénoncer toute répression et toute atteinte aux Droits de l’Homme. Nous constatons aujourd’hui une  répression disproportionnée du  mouvement des Gilets Jaunes de par l’ampleur des effectifs des forces de l’ordre mobilisés et des moyens depuis deux mois (89 000 policiers et gendarmes). Les armes dont disposent les forces de l’ordre peuvent être très dangereuses: grenades GLI-F4 a effet de souffle (lacrymogènes et déflagrantes dites de « désencerclement » qui contiennent 25 grammes de TNT). Le nombre de personnes placées en garde à vue est un triste record (4770 personnes), celui des blessés est encore imprécis (autour de 1500).

fleche2 Voici un premier bilan de la répression publié  bastamag.net le 4 janvier 2019

« Gilets jaunes : 4570 personnes placées en garde à vue en un mois, un triste record

Le mouvement des gilets jaunes bat tous les records en nombre d’interpellations, de personnes déférées en justice et de peines de prison ferme. Si l’arrestation et le placement en garde à vue le 2 janvier d’Eric Drouet, l’un des leaders du mouvement, ont été très médiatisés, loin des caméras, détentions et sanctions pleuvent. En un mois, du 17 novembre au 17 décembre 2018, 4570 personnes ont été placées en garde à vue (1567 à Paris et 3003 en région), selon les chiffres du ministère de la Justice révélés le 3 décembre par RTL. 697 comparutions immédiates ont déjà eu lieu, pendant que 825 dossiers ont été classés sans suite [1].

A Paris, sur 214 comparutions immédiates, vingt-six peines de prison ferme ont été prononcées avec mandat de dépôt, ce qui signifie que les personnes condamnées ont été directement incarcérées. Dans les autres régions, 483 comparutions immédiates avec 190 mandats de dépôt ont été recensées [2]. Des centaines d’audiences sont encore prévues dans les prochaines semaines.

A Valence, des peines de prison ferme « pour l’exemple » ?

Parmi les personnes condamnés à de la prison ferme, figure le vidéaste Stéphane Trouille. Il a été interpellé, avec trois autres personnes lors de la mobilisation des gilets jaunes à Valence le 8 décembre, accusés de « violences en réunion sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Tous les quatre assurent ne pas se connaître et ont un casier judiciaire vierge. Avant le procès, Basta ! avait relayé le témoignage de leurs familles. Le 26 décembre, le verdict est tombé : Stéphane Trouille est condamné à dix-huit mois de prison dont six avec sursis. Les trois autres sont respectivement condamnés à douze mois dont six avec sursis pour Tom, dix mois dont six avec sursis pour Dylan, et neuf mois dont six avec sursis pour Maria. Tous les quatre sont frappés d’une interdiction de manifester pendant trois ans.

Que reproche t-on aux prévenus ? Comme le rapporte le Canard Enchainé dans son édition du 2 janvier, « alors qu’un homme ceinture un manifestant au sol, des gilets jaunes s’attroupent. Un individu s’interpose. Ils interviennent, échangent quelques coups avec les deux sans gilet. Pas de chance, c’étaient deux policiers en civil ! Celui qui est à terre est le directeur départemental et l’autre est son chauffeur. Leurs brassards « police » étaient-ils visibles ? Sur la vidéo projetée à l’audience, ça ne saute guère aux yeux. »

Dans une lettre rendue publique au lendemain du jugement, Stéphane Trouille écrit : « Durant toute cette scène, qui dure environ 22 secondes, je n’ai à aucun moment entendu les policiers s’identifier et je n’ai à aucun moment vu leur brassard, pour le moins discret et difficilement décelable. Alors OUI, j’ai bien exercé une violence sur un individu, pour protéger des Gilets jaunes, pour faire fuir des personnes que j’avais identifiées comme des agresseurs. Non, je n’ai pas, nous n’avons pas « cassé du flic », « bouffé du flic », « foutu en l’air du flic », comme les mass-médias le martèlent depuis le rendu du jugement, reprenant largement les termes dramatiques du procureur. »

Stéphane Trouille, l’un des condamnés, fait appel de sa décision

Quant à Maria, militante communiste de la Drôme, il lui est reproché de s’être emparée du bonnet du commissaire. Selon l’Humanité, elle l’a fait, s’est-elle défendue, dans le but de « détourner son attention pour qu’il ne sorte pas son arme »« Je n’ai jamais donné de coup à qui que ce soit. » Selon son avocat, le « contexte national » a « joué » dans ces lourdes condamnations. Comme le note le Canard enchainé, le procureur a d’ailleurs commis des rapprochements avec des scènes de violences vues à Paris.

Pour rappel, la ministre de la Justice a fait parvenir aux procureurs une circulaire, en date du 22 novembre, « relative au traitement judiciaire des infractions commises en lien avec le mouvement de contestation « dit des Gilets jaunes » ». Il est notamment proposé d’alourdir les peines prononcées en y ajoutant l’« interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique […] pour une durée ne pouvant excéder 3 ans ». Des consignes de grande fermeté qui semblent avoir été suivies à la lettre par le Tribunal de Grande Instance de la Drôme.

Stéphane Trouille a pour sa part décidé de faire appel de la décision qui lui paraît « complètement démesurée par rapport aux faits réels, ne prenant aucunement en compte la plaidoirie de la défense malgré quatre heures d’audience. Il est difficile de ne pas la considérer comme une sanction pour l’exemple, pour étouffer l’ardeur et les contestations actuelles contre l’État et les politiques menées par le gouvernement », déplore t-il [3]. Dans l’attente de ce procès, un festival en soutien aux quatre inculpés de Valence est prévu du 11 au 13 janvier à Saillans (plus d’informations ici). Quant à Eric Drouet, il sera jugé le 15 février pour « organisation d’une manifestation sans déclaration ». Il risque une peine pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 7500 euros d’amende. »

- A lire également : 3300 arrestations, 1052 blessés, un coma, un décès : l’engrenage d’une répression toujours plus brutale

fleche2 Lire aussi au sujet des armes dangereuses l’article publié déjà en 2016 sur le monde.fr

« Les grenades de désencerclement, arme controversée du maintien de l’ordre »

EDOUARD PHILIPPE : UNE FUITE EN AVANT CONTRE LES LIBERTÉS – Communiqué de la LDH

EDOUARD PHILIPPE : UNE FUITE EN AVANT CONTRE LES LIBERTÉS

Communiqué LDH

Le Premier ministre a ouvert, ce lundi 7 janvier une nouvelle surenchère sécuritaire face à des mouvements sociaux qui persistent. En visant les casseurs, les mesures envisagées portent de lourdes menaces sur la liberté de manifester et la liberté d’opinion de toutes et tous.

Le poison de l’état d’urgence poursuit ces effets liberticides et le Premier ministre annonce le retour de la responsabilité collective qu’avait instituée la loi « anticasseurs », de sinistre mémoire. Les mesures adoptées par le Sénat, et qui seraient portées et aggravées par le gouvernement, s’en inspirent grandement. Plus de pouvoir administratif, moins de justice, moins de libertés.

La Ligue des droits l’Homme (LDH) s’inquiète vivement de ce qui serait ainsi envisagé, avec notamment de nouveaux pouvoirs aux préfets qui pourraient décider qui peut, ou pas, manifester, et de faire d’un manifestant un délinquant, dès lors qu’un rassemblement auquel il participe par conviction politique ne serait pas déclaré.

Au lieu de réponses sociales et politiques de nature à apaiser les tensions, le choix de l’autoritarisme est dangereux pour notre démocratie et nos libertés, qui ont au contraire besoin de force et vigueur.

Paris, le 8 janvier 2019

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