Les défenseur.e.s des droits humains sont en danger

En vue des anniversaires de la Déclaration des défenseurs des droits de l’homme (le 9 décembre) et de la Déclaration universelle des droits de l’homme (le 10 décembre), Mediapart publie une tribune du rapporteur spécial de l’Onu sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, Michel Forst, qui dresse le bilan de vingt ans de la Déclaration de l’ONU.

Publié sur le Blog de Les invités de Mediapart

Il s’appelle Julian Carrillo. Il luttait pour la protection des terres ancestrales des Raramuri dans l’État du Chihuahua au Mexique. Il a été assassiné en octobre dernier, il était le cinquième membre de sa famille à être tué depuis 2016 pour avoir défendu les droits de sa communauté.

Elle s’appelle Helena Maleno et elle est espagnole. Tout comme Cédric Herrou et d’autres, en France, en Hongrie, en Australie, elle est poursuivie en justice pour avoir porté secours à des personnes migrantes.

Elles s’appellent Israa Al-Ghomgham, Samar Badawi, Nassima Al-Sadah, Nouf Abdulaziz, Mayya Al-Zahrani, et Hatoon Al-Fassi. Elles sont aujourd’hui en prison pour avoir participé à des manifestations pro-démocratie en Arabie Saoudite et pour avoir milité pour les droits des femmes, notamment pour obtenir le droit de conduire une voiture.

Au-delà de cette diversité d’origines et d’engagements, une chose unit toutes ces personnes: elles agissent pour la défense et la promotion des droits humains. Ce sont elles qui font vivre au quotidien la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. On les appelle des défenseur.e.s des droits humains. Aux grandes figures que nous connaissons toutes et tous comme Nelson Mandela, Gandhi ou Malala, s’ajoutent des centaines de milliers de personnes dont l’action est moins visible, moins connue mais qui est pourtant déterminante pour la construction d’un monde plus juste, plus digne et tolérant. Ce sont des avocats, des journalistes, des étudiants, des familles de victimes, des communautés autochtones… Des citoyens ordinaires qui se mobilisent pour l’accès à la santé, à l’éducation, qui luttent contre la corruption ou contre la destruction de notre planète. Des personnes qui nous ressemblent et que nous côtoyons au quotidien.

Les défenseur.e.s affrontent avec courage et ténacité une multitude de menaces et d’attaques en raison de leur action en faveur des droits humains. Des attaques qui brisent parfois leur vie et celle de leurs familles. Qu’il s’agisse de menaces physiques, de harcèlement, de campagnes de diffamation, ou même de poursuites judiciaires, ces attaques se déroulent souvent en toute impunité, bénéficiant du soutien – tacite ou déclaré – des gouvernements.

La situation n’a jamais été aussi grave. Entre 2015 et 2017 au moins 1 019 défenseur.e.s des droits humain ont été tué.e.s dans le monde. Les tendances observées pendant ces dernières années et les rencontres effectuées dans le cadre de mon mandat de Rapporteur Spécial ne me permettent que de dresser un bilan amer de la situation.

A l’heure actuelle, de nombreux États s’enfoncent dans l’autoritarisme sous couvert de combattre le terrorisme, de vouloir répondre aux enjeux migratoires ou dans une lutte sans merci contre le narcotrafic. Partout dans le monde, les défenseur.e.s sont taxé.e.s de « terroristes », de « fauteurs de trouble », « d’agents de l’étranger », alors qu’ils effectuent un travail pacifique pour garantir les droits et libertés de toutes et tous. Les militants de la diversité sexuelle, les défenseur.e.s des droits des femmes subissent de violentes campagnes de diffamation car on les accuse de mettre en péril les « valeurs traditionnelles » des sociétés dans lesquelles ils vivent.

Les États ne sont pas les seuls à mettre en danger les défenseur.e.s. Des entreprises, des groupes armés, des leaders religieux peuvent s’attaquer à ces derniers, notamment quand ils s’opposent à leurs intérêts. Lors de mes récentes visites officielles au Mexique, au Honduras ou la semaine dernière en Colombie, j’ai entendu de nombreux témoignages de défenseur.e.s que de puissants intérêts économiques cherchent à réduire au silence. Et ce sont autant de combats de David contre Goliath qui se jouent et se rejouent au quotidien dans une indifférence, hélas, presque générale.

Bien que nos sociétés aient connu de tous temps ces héros ordinaires, ce n’est que récemment que la notion de « défenseur.e des droits de l’Homme » a émergé officiellement. Nous fêtons d’ailleurs le 9 décembre 2018, les 20 ans de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme. Texte fondateur essentiel qui garantit des droits et des protections aux défenseur.e.s. A l’occasion de cet anniversaire, un deuxième Sommet mondial des défenseur.e.s des droits humains s’est tenu à Paris en octobre dernier, réunissant 150 défenseur.e.s afin de définir un plan d’action pour les 20 années à venir.

Ces célébrations sont aussi l’occasion de s’interroger sur le bilan pouvant être dressé 20 ans après l’adoption de la Déclaration. A-t-elle réellement permis de protéger et garantir un environnement sûr aux défenseur.e.s pour qu’ils mènent leurs actions ?

J’ai pu constater depuis le début de mon mandat de réelles avancées. La solidarité entre les défenseur.e.s, notamment au travers de réseaux thématiques ou géographiques continue de se développer; des projets tels que les “villes-refuges” permettent à des défenseur.e.s d’être accueilli.e.s de manière temporaire par des municipalités afin de se mettre à l’abri d’attaques imminentes, certains pays ont créé des mécanismes nationaux de protection, etc. Toutes ces initiatives permettent de sauver des vies mais elles sont loin d’être suffisantes et de changer la situation à long terme.

Pour ce 20ème anniversaire de la Déclaration, je souhaite ainsi rappeler aux États les engagements internationaux qu’ils ont pris pour la protection des défenseur.e.s. Ils ont la responsabilité de garantir un environnement sûr et propice pour que les défenseur.e.s mènent leurs actions. Je publierai prochainement un rapport mondial sur la situation des défenseur.e.s des droits humains dans 140 pays et j’espère qu’il permettra de mesurer l’urgence de la situation.

Le contexte n’a jamais été aussi difficile pour les droits humains et pour les défenseur.e.s. Pourtant, malgré la colère que je peux parfois ressentir, je ne souhaite pas laisser place au pessimisme. Je garde espoir, à l’image de ces défenseur.e.s que j’ai la chance de côtoyer au quotidien, car ces derniers ont choisi l’indignation plutôt que la complaisance, l’action plutôt que le fatalisme, le sursaut plutôt que l’indifférence. N’oublions jamais qu’ils sont les derniers remparts aux violations de nos droits fondamentaux. Il n’est donc pas question de baisser les bras, car c’est bien l’espoir qui constitue l’essence même du combat pour les droits humains.

Michel Forst, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme

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Fournir un soutien aux défenseurs des droits Humains

L’impasse de l’état d’urgence : communiqué de la LDH

L’impasse de l’état d’urgence

Communiqué LDH

A la suite des violences qui se sont déroulées le 1er décembre 2018, plusieurs syndicats de police réclament l’instauration de l’état d’urgence et le gouvernement n’écarte pas cette hypothèse.

Rien ne justifierait le recours à une telle mesure. On ne répond pas à une crise sociale en limitant les libertés publiques alors que le gouvernement dispose déjà de moyens légaux considérables grâce à l’intégration récente dans le droit commun de pouvoirs exceptionnels.

On ne rétablit pas le dialogue démocratique en usant de méthodes qui porteront nécessairement atteinte au droit de manifester et qui ne pourront qu’être ressenties que comme une volonté de criminaliser le mouvement social.

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) appelle le gouvernement à répondre d’une autre manière aux revendications qui lui sont adressées.

Paris, le 2 décembre 2018

 

 

 

 

Paris, le 2 décembre 2018

32 ASSOCIATIONS ET SYNDICATS SE MOBILISENT POUR LA PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE

L’EUROPE À L’HEURE DU CHOIX : 32 ASSOCIATIONS ET SYNDICATS SE MOBILISENT POUR LA PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE

Communiqué commun dont la LDH est signataire

L’Europe décide actuellement de la manière dont seront protégés, à l’avenir, nos lanceurs d’alerte. En l’état, le projet de directive européenne comporte des failles préoccupantes et pourrait faire revenir la France en arrière, ou au contraire améliorer notre législation. A la veille du vote du texte au Parlement européen, 32 associations et syndicats se mobilisent pour convaincre parlementaires et chefs d’États d’adopter une directive ambitieuse en faveur de ceux qui prennent des risques pour protéger l’intérêt général et nos démocraties.

Cette directive offre enfin l’opportunité de mettre en place une protection harmonisée aux lanceurs d’alerte, dans tous nos pays. Seuls 10 pays en Europe, dont la France, se sont dotés de lois qui les protègent. Sans une législation européenne ambitieuse, les lanceurs d’alerte s’exposeront toujours à une protection fragmentée et inégale selon les frontières. A voir leur vie basculer en étant licenciés, poursuivis, arrêtés, menacés ou même tués.

Point de vigilance majeur pour la France : ce texte, qui devra être appliqué dans les 27 pays de l’Union Européenne une fois voté, pourrait nous faire perdre des droits acquis. En 2016, la mobilisation de la société civile avait permis de faire adopter, via la loi Sapin 2, un des 4 meilleurs régimes de protection au monde. Il serait impensable de revenir en arrière après un si long combat.

A la veille du vote du texte par le Parlement européen, à l’initiative de Transparency France, 32 associations et syndicats s’unissent d’une seule voix pour appeler les parlementaires à amender le texte (voir nos recommandations ci-dessous), puis les chefs d’État au Conseil européen à faire voter une directive digne des meilleurs standards internationaux.

NOTRE PÉTITION EN LIGNE appelle chaque citoyen à construire un mouvement d’une grande ampleur. A l’heure où l’intérêt général est plus que jamais menacé par le poids des intérêts privés, la protection des lanceurs d’alerte est un enjeu essentiel. N’attendons pas qu’il soit trop tard !

Paris, le 6 novembre 2018

Les signataires de la pétition: Action Aid, Adéquations, Amis de la Terre, Amnesty International France, Attac France, Bloom, CAC, CCFD -Terre Solidaire, CFDT, CFDT-Cadres, CRID, CRIIGEN, Eurocadres, France Nature Environnement, GRDR, Greenpeace, LDH, OCTFI, On ne se taira pas, Pacte civique, Passeurs d’alerte, ReAct, RES, Sherpa, Sciences Citoyennes, Syndicat de la Magistrature, Survie, Transparency International France, TI-EU, UGICT-CGT, WIN (Whistleblowing International Network).

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Recommandations à l’attention des parlementaires et des Chefs d’État :

  • Ne pas remettre en cause les dispositions des États membres qui protègeraient mieux les lanceurs d’alerte que la directive.

La directive ne doit pas être utilisée pour supprimer ou minorer les droits acquis : elle doit inclure une clause de non régression pour les législations ou provisions plus favorables.

  • Adopter une définition plus large du lanceur d’alerte de façon à protéger tous ceux qui signalent ou révèlent une menace ou un préjudice pour l’intérêt général

La protection prévue par le projet de directive se limite à la dénonciation des « activités illicites » et « abus de droit » : elle doit être étendue à l’instar de la France à ceux qui signalent ou révèlent une menace ou un préjudice pour l’intérêt général.

  • Ne pas contraindre le salarié à alerter en premier lieu son organisation. Il doit avoir le choix de saisir également les autorités.

Chaque citoyen français a le droit de saisir directement les autorités (ex.police/justice) notamment pour le signalement d’un crime ou délit. Ce droit est aussi reconnu par la jurisprudence européenne.

  • Prévoir la réparation intégrale des dommages subis par le lanceur d’alerte                                              

La réparation ne peut être renvoyée au droit national, variable. La directive doit garantir une réparation intégrale des dommages, y compris les années de retraite perdues (France, RU)

  • Créer un fonds de soutien européen pour l’aide aux lanceurs d’alerte

Alimenté par un pourcentage des fonds recouvrés et des amendes versées, ce fonds solidaire servira à aider les lanceurs d’alerte de tous domaines en cas de besoin.