SUPPRESSION DE L’ORDONNANCE DU 2 FÉVRIER 1945 EN CATIMINI

Communiqué commun  

La Justice des mineur-e-s subit encore les effets dévastateurs du virage sécuritaire des lois Perben de 2002/2003 qui sont venus déconstruire l’esprit progressiste de l’Ordonnance de 45 en mettant de nouveau en place des Centres Fermés, en créant de nouvelles prisons pour enfants (EPM) et en renforçant la dimension répressive au mépris de la primauté de l’éducatif. Le gouvernement actuel s’obstine dans cette voie autoritaire et sans issue. Il impose en catimini, par voie d’ordonnance, d’une part une réforme de l’ordonnance de 1945 et d’autre part un code de la justice pénale des mineurs.

La Garde des Sceaux réaffirme que la justice des mineur-e-s n’est ni assez rapide ni assez sévère. C’est sans prendre en compte toutes les modifications qui ont déjà eu lieu en ce sens depuis 20 ans. Nous contestons cette logique sécuritaire qui aligne dangereusement la justice des enfants sur celle des adultes.

Cette volonté de réforme est d’autant plus inquiétante qu’elle fait suite à la commande politique d’un programme de création de 20 nouveaux CEF de 2019 à 2021. Ces structures concentrent à elles seules des moyens financiers conséquents (690 euros en moyenne par jour et par jeune) tandis que leur fonctionnement est décrié par plusieurs institutions de la République telles que le Défenseur des droits, la CGLPL (Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté) et la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’Homme).

Ce durcissement de la justice des enfants ne tient aucunement compte de la hausse constante et historique de leur incarcération (plus de 800), de l’inefficacité avérée de la politique répressive d’enfermement  et de l’inadaptation des mesures probatoires à la psychologie adolescente.

Il s’agit d’un refus idéologique de prendre en compte la fragilité et la complexité de l’enfance et de l’adolescence ainsi que la dimension de précarité économico-sociale dans laquelle se trouvent nombre d’enfants sous main de justice.

Les réponses actuelles apportées favorisent les mesures de contrôle, d’enfermement et de punition au mépris d’une justice émancipatrice. La justice des mineur-e-s a besoin de temps, de moyens et de bienveillance à l’égard de ces enfants.

Si l’ordonnance de 1945 régissant le droit pénal des mineur-e-s doit être réformée, c’est pour en réaffirmer son préambule, la primauté de l’éducatif sur le répressif, et donc d’en exclure les mesures transposées du code pénal des majeurs.

Un jeune qui est poursuivi pour un acte de délinquance est avant tout un enfant en danger,  il reste un enfant et doit l’être dans toute sa complexité aux yeux de la justice. 

La création d’un code de la justice pénale des mineur-e-s viendra inévitablement remettre en question cette notion primordiale en réduisant l’adolescent.e à son seul passage à l’acte et inscrira les professionnels de la PJJ dans une dynamique strictement répressive au détriment de la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

L’ordonnance du 2 février 1945 ne doit pas être réformée sans débat, sans prise en compte des besoins réels des jeunes, sans retour à une philosophie bienveillante, protectrice et émancipatrice et sans réelle redistribution des moyens vers les services éducatifs d’insertion, de milieu ouvert et d’hébergement.


Après la manifestation du 15 janvier 2019 contre la réforme de la Justice, nous appelons à un rassemblement le samedi 2 février 2019 à 14h00 : à Paris devant le ministère de la Justice, Place Vendôme (croisement rue de la Paix/ rue Danielle Casanova) et en régions pour contester le projet prévu de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 et exiger une véritable réforme qui rappelle la primauté de l’éducatif.


Paris, le 30 janvier 2019

Signataires : Spnes PJJ, Syndicat de la magistrature, CGT, Saf, Ligue des droits de l’Homme, OIP, Union syndicale Solidaires, FNUJA, FSU, Genepi, Ares.

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Nouveau record du nombre de mineurs incarcéré-e-s : halte à l’enfermement des enfants et des adolescent-e-s !

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Durant les deux dernières décennies, la France n’a jamais enfermé autant d’enfants qu’actuellement.

Depuis plus d’un an maintenant, nos différentes organisations ne cessent d’alerter sur l’augmentation particulièrement inquiétante et constante du nombre d’adolescent-e-s incarcéré-e-s. Suite à nos interpellations, la Garde des Sceaux a fini par saisir la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) sur ce sujet. Le 27 mars dernier, cette dernière a rendu un avis, préconisant un ensemble de mesures pour lutter concrètement contre ce fléau. Pour autant, loin de diminuer, ce nombre vient de dépasser au 1er juin un pic jamais atteint ces dernières années avec 893 mineur-e-s incarcéré-e-s dont plus de 77% dans le cadre de la détention provisoire, c’est-à-dire avant d’être condamné-e-s. Parmi ces jeunes, les mineur-e-s isolé-e-s étranger-ère-s continuent de faire l’objet d’un traitement judiciaire discriminatoire et représentent actuellement plus de 15% de l’ensemble des enfants incarcéré-e-s. A cela, il faut ajouter « le chiffre gris » des jeunes majeur-e-s incarcéré-e-s suite à des condamnations pour des faits commis du temps de leur minorité, les adolescent-e-s placé-e-s dans les 52 centres fermés existants, ainsi que les enfants placé-e-s en centre de rétention administrative, en constante augmentation depuis 2013.

Le part des contrôles judiciaires dans les mesures confiées à la Protection judiciaire de la jeunesse a doublé de 2005 à 2015, et entre 2014 et 2016, ils ont accru de 53%, participant à l’accélération de la spirale coercitive. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et la CNCDH ont encore récemment mis en lumière cette situation inquiétante.

Malgré ces nombreuses dénonciations et l’échec criant des politiques d’enfermement qui n’enrayent pas la récidive, le gouvernement s’obstine à attribuer des moyens exponentiels aux structures fermées au détriment des services de milieu ouvert, d’insertion et d’hébergement. Il envisage notamment l’augmentation de places en prison et la création de 20 nouveaux centres fermés pour mineur-e-s. Or, cela est désormais établi : plus on construit, plus on remplit !

L’urgence est ailleurs : il est plus que nécessaire de revenir à la primauté de l’éducatif sur le répressif, la spécialisation des acteurs et des actrices et à une temporalité spécifique telles que définies dans l’ordonnance du 2 février 1945.

Il y a un véritable enjeu de société à redéfinir une justice protectrice et émancipatrice pour tou-te-s les jeunes, et en particulier pour celles et ceux les plus en difficulté, plutôt que de maintenir une politique s’attachant davantage à l’acte qu’à la personnalité et à la stigmatisation plutôt qu’à l’accompagnement éducatif de ces adolescent-e-s, renforçant par ailleurs l’inégalité de traitement entre classes sociales.

Ce projet nécessite des moyens et du temps, non des barreaux et de la vidéo-surveillance.

 

Paris, le 3 juillet 2018

Signataires : Ligue des droits de l’Homme, SNPES-PJJ, FSU, Syndicat de la Magistrature, Syndicat des avocats de France, Défense des enfants international, Observatoire international des prisons, CFDT Interco Justice, CGT Justice PJJ,

 

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Les mineurs placés en rétention le sont en famille, la France ne séparant pas parents et enfants.
Dépêche AFP
 La rétention des mineurs a augmenté de 70% l’an dernier pour un niveau record de 304 enfants enfermés, avec 147 familles. En 2016, 179 enfants avaient été enfermés avec 88 familles

Un « traumatisme »

« La rétention des enfants accompagnants dans certains CRA atteint encore cette année un chiffre record, alors que cet enfermement pourrait être facilement évité », soulignent dans leur rapport annuel les associations autorisées à intervenir en centres de rétention administrative (CRA).

Cependant, les CRA sont « des lieux inadaptés et très traumatisants pour les enfants », estiment-elles, en rappelant « les nombreuses décisions condamnant cette pratique ».

Au total, plus de 46 800 personnes ont été placées en rétention l’an dernier (dont 26 500 en métropole), contre 45 900 en 2016. Les enfants sont placés en rétention avec leur famille.