Des dizaines de milliers de personnes marchent pour le climat dans toute la France avant l’examen de la loi au Sénat

Samedi 9 mai 2021, à Paris comme dans de nombreuses villes de province, 115 000 personnes ont manifesté pour une loi climat à la hauteur des enjeux. Le référendum pour l’inscrire dans la constitution a été refusé, Macron se défaussant de ses responsabilité sur le Sénat…

Publié sur lemonde.fr avec AFP et Reuters

Le collectif Plus jamais ça !, qui rassemble des centaines d’associations, de syndicats et d’organisations non gouvernementales, est soutenu par l’ensemble des partis de gauche.

Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté, dimanche 9 mai, pour réclamer au pouvoir plus d’ambition écologique, au moment même où la promesse présidentielle d’un référendum pour inscrire la protection du climat dans la Constitution semble avoir du plomb dans l’aile.

L’Elysée a eu beau assurer que la mesure n’était pas enterrée, écologistes, partis de gauche et syndicats y ont vu une preuve de plus des reniements de l’exécutif, alors même qu’ils manifestaient pour dénoncer comme « un rendez-vous raté pour le climat » la loi Climat et résilience adoptée, mardi, à l’Assemblée.

Selon les organisateurs, 115 000 personnes au total ont participé à 163 défilés à travers le pays, dont 56 000 à Paris, soit un peu plus que revendiqué lors du précédent mouvement à la fin du mois de mars, juste avant le début de l’examen du projet de loi. Selon la police, 46 918 personnes ont été recensées en France dont 8 500 à Paris.

« On se retrouve avec deux ou trois mesurettes »

A Paris, les manifestants, rassemblés derrière une banderole « Loi climat = échec du quinquennat », rallient la place de la République à celle de la Bastille en passant par celle du Châtelet. Plusieurs membres de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) ont manifesté, comme Patricia Samoun, à Paris, « évidemment déçue » par l’issue du processus : « On y croyait un peu, quand même. »

De nombreuses autres marches se sont élancées dans de grandes villes comme Lille, Strasbourg, Lyon, Toulouse, Nantes, Rennes, Marseille, Bordeaux… « Je ne suis pas là pour sauver la planète et trois tortues, je suis là pour sauver l’humain. Le gouvernement doit avoir le courage d’imposer la transition écologique », lançait à Bordeaux Vanessa, artiste plasticienne et membre de l’ONG de protection océanique Surfrider, venue défiler vêtue d’une robe faite de filets de pêche échoués sur le littoral aquitain.

« Les idées qui ont émergé de la Convention citoyenne sont passées à la trappe, ça devait passer sans filtre et, finalement, on se retrouve avec deux ou trois mesurettes pour gagner du temps », pestait Pascale, 61 ans, retraitée du secteur social dans le défilé de Lyon (7 000 participants selon les organisateurs, 4 500 selon la police).

Des cortèges réunissant plusieurs centaines de personnes, ont également défilé à Besançon, Chartres, Cherbourg, Lannion, Laval, Martigues, Quimper, Saint-Brieuc ou encore Valenciennes. « Il s’agit de continuer à dénoncer le manque d’ambition de la loi climat et (…) l’abandon quasi certain du référendum qui constitue une reculade de plus », a résumé Cyril Dion, garant de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), présent dans le cortège parisien parti à 14 heures de la place de la République, à Paris.

Dénonçant « un nouvel engagement sur l’écologie renié par Emmanuel Macron et LRM, et sans doute l’un des plus importants », le député écologiste Matthieu Orphelin a jugé que « le gouvernement manœuvrait pour que le processus n’aille pas au bout, refusant toutes concertations avec le Sénat ». L’annulation éventuelle du référendum « envoie un signal inquiétant sur la prise de conscience sur ces sujets chez les parlementaires », a noté Greenpeace.Lire ce que contient la loi climat adoptée à l’Assemblée nationale

Plus de 600 associations mobilisées

Ces manifestations ont été organisées à l’appel du collectif Plus jamais ça !, qui regroupe l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac), la Confédération paysanne, la Confédération générale du travail (CGT), la Fédération syndicale unitaire (FSU), Greenpeace, Les Amis de la Terre, Oxfam et Solidaires, qui bénéficie également du soutien de plus de 600 associations, alors que la loi Climat et résilience doit être examinée au Sénat à partir de lundi.

Les partis de gauche, de La France insoumise (LFI) au Parti socialiste (PS), en passant par Europe Ecologie-Les Verts (EELV), se sont unis pour signer ensemble une tribune dans Libération, vendredi, appelant à participer à cette marche pour le climat.

« Chaque jour, chaque année, nous détériorons un peu plus notre planète, et nous en subissons les conséquences : pics de chaleur, pandémies, effondrement de la biodiversité… », écrivent ainsi Julien Bayou et Yannick Jadot (EELV), Jean-Luc Mélenchon (LFI), Anne Hidalgo et Olivier Faure (PS), Sophie Taillé-Polian (Génération·s) ou encore Fabien Roussel (Parti communiste français).

Ces responsables de l’opposition y fustigent les choix « de nos dirigeants [qui] s’entêtent dans la poursuite d’une croissance illimitée » et le manque d’ambition de la loi Climat et résilience, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, mardi. « Seules treize des 149 propositions de la convention citoyenne sont reprises à l’identique » dans la loi, déplorent-ils.

Polémique sur la tenue du référendum

Ces manifestations sont organisées alors qu’est apparue, dimanche, une polémique quant au référendum sur le climat promis par le président de la République, Emmanuel Macron. Dans un entretien accordé au Journal du dimanche (JDD), le député (La République en marche) Pieyre-Alexandre Anglade accuse la droite, majoritaire au Sénat, d’avoir bloqué la consultation visant à inscrire la lutte pour le climat dans la Constitution, en réécrivant la proposition votée par les députés. « En l’état, les conditions du référendum ne sont pas réunies, affirme le rapporteur du texte de loi. J’espère encore qu’en séance publique, à partir de lundi, les sénateurs rehausseront leur niveau d’ambition. Mais je crains que ce ne soit pas le cas. »

Le projet de loi, inspiré par la convention citoyenne pour le climat, grave dans l’article premier de la Constitution que la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ». Or, la majorité du Sénat rejette le terme « garantit », qui donnerait, selon elle, à la préservation de l’environnement une forme de priorité sur les autres principes constitutionnels.

La révision constitutionnelle n’est possible que si le texte est adopté en termes identiques par l’Assemblée et par le Sénat. La révision peut ensuite, au choix du président, être soumise soit à référendum, soit au Parlement réuni en Congrès. Celui-ci statue à la majorité des trois cinquièmes.

Alors que Le JDD affirme, citant des sources anonymes dans la majorité et à l’Elysée, que M. Macron a déjà renoncé à organiser ce référendum, l’Elysée a assuré, dimanche matin, que « la bataille n’[était] pas finie » et que « la cause écologique demeur[ait] l’une des priorités du président ».

« Ce dont je suis le garant », c’est qu’« il n’y aura pas d’abandon. Ce texte va vivre sa vie parlementaire, qui seule permet d’aller au référendum si les sénateurs et les députés s’accordent », a ensuite insisté le chef de l’Etat, en marge d’un déplacement à Strasbourg.

LOI CLIMAT, LA MARCHE D’APRÈS LE DIMANCHE 9 MAI

Appel à mobilisation, partout en France, dont la LDH est signataire

Pendant qu’ils avancent à reculons, nous marchons partout en France !

Alors que les débats sur la loi Climat et Résilience viennent de prendre fin à l’Assemblée nationale, nous constatons que le texte, déjà initialement bien en deçà de ce qu’il faudrait pour atteindre les objectifs de réductions des émissions de gaz à effet-de-serre que la France s’est fixés, a encore été raboté par les députés. Malgré l’ambition affichée de « grand texte du quinquennat » et après à peine deux semaines de débats dans l’Hémicycle, cette loi ne sera de toute évidence pas à la hauteur de l’amorce du plan de changement systémique fourni par les 150 de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), et encore moins à la hauteur de l’urgence climatique. Le gouvernement avait pourtant l’opportunité de marquer un véritable tournant dans sa politique pour que la France traduise enfin en mesures concrètes son engagement pris lors de l’Accord de Paris en 2015. Force est de reconnaître que le travail de sape des lobbies a porté ses fruits.

Cette loi aurait pu être l’instrument d’une réorganisation de notre société en donnant les moyens à tous les citoyens et citoyennes de vivre dignement en préservant la planète, et donc notre avenir. Elle aurait pu être l’instrument clé de régulation pour faire payer les plus gros pollueurs et réduire la pression exercée sur les plus précaires, déjà les plus impactés par les effets du dérèglement climatique. Elle aurait pu anticiper la reconversion des emplois des secteurs les plus polluants et la création d’emplois dits « verts ». 

Cette loi devient le symbole du crash de la politique climatique d’Emmanuel Macron. 

En l’état actuel, la loi Climat et Résilience ne permettra pas de nous assurer un avenir juste et soutenable. Le gouvernement d’Emmanuel Macron continue à mener une politique à des années lumières des enjeux climatiques et de la volonté démocratique. Pourtant, l’urgence n’a jamais été aussi criante dans un monde ravagé par la Covid-19 et sous la menace du dérèglement climatique dont l’intensité s’accroît un peu plus chaque jour à mesure que le gouvernement garde le silence. 

Nous n’avons plus le temps d’attendre du Président de la République qu’il mette en adéquation ses actes avec ses paroles, comme si le dérèglement du climat n’avait pas d’impact sur le vivant ou sur le risque d’augmentation de la fréquence des pandémies. Les mesures proposées par les 150 de la CCC auraient permis que la lutte contre le dérèglement climatique soit socialement juste, sans que personne ne soit mis de côté. 

Alors le dimanche 9 mai, nous nous retrouverons une nouvelle fois dans la rue partout en France. Nous marcherons pour clamer le désaveu généralisé de cette loi Climat et Résilience et la trahison de la promesse faite par Emmanuel Macron au processus démocratique de la CCC. Nous marcherons pour dénoncer le pouvoir laissé aux lobbies qui condamnent nos vies en toute impunité. 

Nous exigeons, dès maintenant, la reconversion des emplois dans tous les secteurs polluants, l’accès aux soins, à un logement décent, à de la nourriture saine, de l’eau potable et de l’air pur pour toutes et tous, la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles. Des mesures pour modifier nos moyens de production et de consommation doivent être prises en tenant compte que ce n’est possible qu’en réduisant les inégalités pour construire une société plus juste. Nous sommes profondément convaincus que la justice climatique va de pair avec la justice sociale. 

Le dimanche 9 mai, nous marcherons car nous n’avons plus le choix face à ce gouvernement qui demeure éternellement sourd. Nous marcherons, ensemble, dans la joie et avec détermination. Car, si Emmanuel Macron avance à rebours de l’Histoire, nous sommes déjà en train de construire l’après. 

LIRE LA LISTE COMPLÈTE DES SIGNATAIRES

Projet de loi « climat »: l’écocide n’est plus un crime mais un délit!

Celà fait pourtant 30 ans que la caractérisation de crime est débattue au niveau international…Pas un crime mais un délit et encore ce dernier ne s’appliquera pas en cas de négligence et d’imprudence…

Projet de loi « climat » : l’Assemblée nationale valide la création du délit d’« écocide »

Publié sur lemonde.fr avec AFP le 17 avril 2021

Un vote global du projet de loi, loué par la majorité mais jugé très insuffisant par les écologistes, aura lieu le 4 mai.

L’Assemblée nationale a approuvé, par 44 voix contre 10, la création du délit d’« écocide ». Les députés ont bouclé, samedi 17 avril, les discussions sur le projet de loi « climat », mettant un terme à trois semaines d’échanges en première lecture. Le vote global du texte, loué par la majorité mais jugé très insuffisant par les écologistes, aura lieu le 4 mai.

Ce délit d’« écocide » s’appliquera « aux atteintes les plus graves à l’environnement au niveau national », selon la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili. Les peines pourront aller jusqu’à dix ans de prison et 4,5 millions d’euros d’amende. Mais le projet de loi ne prévoit pas de « crime d’écocide » comme l’avait réclamé la Convention citoyenne pour le climat (CCC), dont les travaux ont inspiré le gouvernement. Ce « crime » est discuté depuis des décennies au niveau de la justice internationale.

La qualification de délit d’« écocide » s’accompagne d’un renforcement des sanctions pénales applicables en cas de pollution des eaux, de l’air et des sols, mais est caractérisée par l’intentionnalité de la pollution. Les dommages devront avoir un caractère « grave et durable », c’est-à-dire sur plus de dix ans – des amendements, y compris d’élus de la majorité, pour réduire cette durée ont été rejetés. La récidive pourra être plus facilement reconnue.

Pas « à la hauteur des enjeux »

En conclusion des débats, Barbara Pompili a salué, visiblement émue, « une loi qui va toucher la vie quotidienne de tous nos concitoyens » et a eu « une pensée » pour les membres de la CCC. Greenpeace dénonce un « leurre » et fustige dans l’ensemble un « rendez-vous manqué du quinquennat Macron ».

Vent debout contre une « écologie punitive », la droite a exprimé par la voix de Julien Aubert ses « vives inquiétudes » pour les entreprises face à « l’insécurité juridique » et « l’enfer normatif » créés par ces mesures de justice environnementale.

A l’inverse, la gauche juge l’entrée dans la loi de ce nouveau délit insuffisante, pas « à la hauteur des enjeux de ce siècle » selon Gérard Leseul (Parti socialiste, PS). Mathilde Panot (La France insoumise, LFI) a souligné qu’il ne s’appliquera pas en cas de négligence et d’imprudence : « C’est un petit pas et nous demandons que la France agisse vraiment. »

Les oppositions ont critiqué de concert le terme d’« écocide » employé par le gouvernement, un « abus de langage » aux yeux des socialistes, une « hypocrisie » pour Les Républicains (LR) pour qui il s’agit d’un simple « délit d’atteinte à l’environnement ». Le corapporteur Erwan Balanant (MoDem) a reconnu lui-même avoir été « un peu sceptique » sur l’emploi de ce terme. Mais, a-t-il ajouté, « nous sommes sur le bon chemin ». Le Conseil d’Etat a lui signalé un risque d’inconstitutionnalité de cette mesure, car confuse et mal ficelée.

Interdiction de louer des « passoires thermiques »

Le texte a été enrichi en séance. Les députés ont élargi l’interdiction de la mise en location des « passoires thermiques » (logements classés F et G en performance énergétique) en 2028 aux logements classés E en 2034, malgré les critiques des professionnels de l’immobilier.

Ils ont aussi voté un « accompagnement individualisé » des ménages à chaque étape d’une rénovation, et une garantie partielle pour des prêts aux familles modestes. Insuffisant toutefois pour convaincre les écologistes, qui réclamaient comme la CCC une obligation générale de rénovation à l’horizon 2040.

Absente initialement, la bicyclette a intégré le projet de loi, notamment grâce à l’élargissement de la prime à la conversion à l’acquisition de vélos électriques.

L’Assemblée a en outre donné son feu vert à un délit de mise en danger de l’environnement, sur le modèle de la mise en danger de la vie d’autrui, et qui sera puni de trois ans de prison et de 300 000 euros d’amende. Le montant de toute une série d’amendes prévues par des articles du Code de l’environnement pourra en outre aller jusqu’à 100 000 euros.

Les députés ont enfin adopté le principe du « référé pénal environnemental », après le vote d’amendements d’Erwan Balanant (MoDem), de Naïma Moutchou (La République en marche, LRM) et de Cécile Untermaïer (PS).

Le Monde avec AFP