1°- Appel contre l’immigration jetable et pour une politique migratoire d’accueil
07 02 23 Appel à mobilisation et à signature, signé par Patrick Baudouin, président de la LDH
Le nouveau projet de loi asile et immigration du gouvernement conduit à une négation radicale des droits fondamentaux des personnes migrantes. Il a pour objectif de graver dans le marbre et de radicaliser les pratiques préfectorales arbitraires et répressives : systématisation des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et des interdictions de retour sur le territoire français (IRTF), dans la suite des instructions déjà prises pour augmenter les assignations à résidence et le nombre de centres et locaux de rétention administrative.
Le projet s’inscrit délibérément dans une vision utilitariste et répressive dont témoigne l’obsession des expulsions et l’inscription des sans-papiers au fichier des personnes recherchées. Les personnes migrantes sont déshumanisées et considérées uniquement comme de la main d’œuvre potentielle, qui n’a droit qu’à des propositions de régularisations précaires, limitées aux métiers dits “en tension”.
Alors que la dématérialisation prive de l’accès au séjour de nombreuses personnes étrangères, le droit du séjour et le droit d’asile vont être encore plus restreints. Le projet prévoit des moyens pour empêcher d’accéder ou de rester sur le territoire, au lieu de les utiliser pour accueillir dignement celles et ceux qui fuient la guerre, les persécutions, la misère ou les conséquences du dérèglement climatique…
Les droits sont de plus en plus bafoués
Les droits protégés par les conventions internationales sont de plus en plus bafoués (asile, droit de vivre en famille, accueil des femmes et des personnes LGBTIA+ victimes de violences…) y compris ceux des enfants (enfermement, non-respect de la présomption de minorité, séparation des parents…). Les droits des personnes étrangères sont de plus en plus précarisés.
L’attaque s’inscrit dans l’agenda global du gouvernement : chômage, retraites, logement, santé…
En 2006 déjà, nous étions uni-es contre l’immigration jetable, nous appelons donc à nous mobiliser contre cette réforme qui, si elle était adoptée, accentuerait encore le fait que les étranger-es en France sont considéré-es comme une population de seconde zone, privée de droits, précarisée et livrée à l’arbitraire du patronat, de l’administration et du pouvoir. Il est de la responsabilité de nos organisations, associations, collectifs et syndicats de réagir.
Nous appelons à la mobilisation la plus large possible sur tout le territoire dans les prochaines semaines.
18 février : (1) contre la répression, l’enfermement et les expulsions et pour dénoncer les Centres de rétention administrative (Cra), les locaux de rétention administratives et tous les lieux de rétention administrative (appel commun Bordeaux, Nantes, Lyon, Paris, Toulouse, Lille, Calais, Marseille).
4 mars : (2) mobilisations partout en France contre la loi Darmanin !
Premiers signataires : LDH (Ligue des droits de l’Homme), Association Bagagérue, Association française des juristes démocrates, Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF) Attac France, CGT, La Cimade, CNT-Solidarité Ouvrière, CTSPV (Collectif des Travailleurs Sans-Papiers de Vitry), collectif Vigilance pour les droits des étrangers Paris 12e, Coordination des sans papiers paris CSP75, FASTI, FEMMES DE LA TERRE, FSU, GISTI, Groupe Accueil et Solidarité, Marche des Solidarités, Médecins du Monde, Pantin solidaire, Paris d’Exil, Solidarités Asie France (SAF), Syndicat de la Magistrature, Syndicat des Avocats de France, Tous Migrants Briançon, Tous Migrants 73, Union syndicale Solidaires.
Paris, le 25 janvier 2023
(1) En principe la date du 18 février concentrerait les manifestations devant les centres de rétention de Lyon. Le collectif d’associations nous communiquera prochainement la marche à suivre.
(2) Il est fortement probable que la mobilisation contre la sinistre loi Darmanin soit, dans l’Ain, avancée au 25 février. Nos lecteurs, adhérents LDH et sympathisants, seront tenus au courant, ici même, trés prochainement
Cliquer ici: Pour signer cet appel
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Ci dessous, une analyse complémentaire de cette inacceptable loi
2°- Loi immigration :« … une montée des idées de la droite et de l’extrême droite »
Par Audrey Parmentier et David Torondel, membre de la Ligue des droits de l’homme (LDH).
Le projet de loi sur l’immigration, porté par Gérald Darmanin, sera présenté en Conseil des ministres en janvier. Fortement décrié par les associations, ce texte sera examiné au Parlement début 2023. Depuis plusieurs semaines, Gérald Darmanin égraine les mesures phare de cette loi, vantant un texte qui répond à « tout ce que les LR ont toujours demandé sur l’immigration ».
L’ex-socialiste Olivier Dussopt, ministre du Travail, doit servir de jambe gauche au texte, avec une mesure visant à régulariser les personnes sans-papiers exerçant dans des métiers en tension.
Mais le reste du projet de loi, qui a fuité dans la presse, ne laisse que peu de doutes sur l’objectif visé.
Gérald Darmanin veut davantage d’expulsions, avec une répression plus forte aux frontières et un durcissement d’accès aux titres de séjour. Il entend également rétablir la double-peine, c’est-à-dire sanctionner plus durement et faciliter l’expulsion des personnes en situation irrégulière qui commettraient des infractions.
Alors que le texte va être présenté en Conseil des ministres, les associations dénoncent un nouveau « recul du droit des étrangers ».
…/…
Cet énième texte dessiné par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, n’échappe pas à la règle. Si les contours précis ne sont pas encore connus, le projet auquel nous avons eu accès laisse entrevoir un net durcissement de l’accès à un titre de séjour.
En quoi cette nouvelle loi peut-elle s’avérer dangereuse pour le droit des exilés ?
Depuis sept ans, j’accompagne les personnes étrangères dans l’accès à leurs droits fondamentaux, pour obtenir un titre de séjour ou un droit à l’asile. Certaines, après avoir été régularisées, ont fini par perdre leur titre et se retrouver sans papiers.
Ces évolutions de la loi ne semblent poursuivre qu’un seul objectif : décourager et dissuader les étrangers de venir en France. En cause : les délais ahurissants pour obtenir un rendez-vous à la préfecture, mais aussi des conditions de renouvellement de plus en plus draconiennes qui entraînent des pertes de droits. D’autres se voient refuser le droit d’asile alors que leur dossier semble clairement relever de la convention de Genève. Cela risque d’empirer, le gouvernement ajoute des freins à chaque nouvelle réforme. Ces évolutions de la loi ne semblent poursuivre qu’un seul objectif : décourager et dissuader les étrangers de venir en France. Les demandeurs d’asile devraient également voir leurs droits restreints, quelles seront les conséquences ?
Aujourd’hui, toutes les demandes d’asile sont étudiées à Fontenay-sous-Bois, dans les locaux de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). L’objectif de l’exécutif serait d’ouvrir des pôles territoriaux « France Asile » dans chaque région. Ce qui semble à première vue pragmatique est aussi potentiellement dangereux. En effet, l’OFPRA est un organisme censé avoir une totale indépendance fonctionnelle du ministère de l’Intérieur. Or, tel qu’est pour l’instant formulé le projet, ces pôles territoriaux seraient situés dans les préfectures.
On peut légitimement craindre une volonté de mise sous tutelle du ministère de l’Intérieur, et une perte d’indépendance de l’OFPRA, pourtant actuellement garantie par la loi.
Un accueil digne est uniquement une question de volonté et de choix politique
Pour résumer, le discours porté par le gouvernement est très paradoxal : il faudrait accueillir moins pour accueillir mieux. Ce n’est pas vrai. Avec l’arrivée des Ukrainiens, on a bien vu qu’il était possible d’accueillir dignement des personnes exilées, si on s’en donnait les moyens.
Cela faisait des années que les gouvernements successifs disaient ne pas pouvoir augmenter le nombre d’hébergements ouverts aux demandeurs d’asile. Avec la guerre en Ukraine, 100 000 places ont été ouvertes. On s’en félicite, mais ça démontre qu’un accueil digne est uniquement une question de volonté et de choix politique.
Gérald Darmanin a enjoint les préfets à rendre « impossible » la vie des personnes sous OQTF (obligation de quitter le territoire français)…
Un fantasme perdure autour des personnes qui reçoivent des OQTF. Dans l’imaginaire collectif, elles seraient forcément fautives et ne mériteraient pas de rester sur le sol français. Or, les profils des individus sous OQTF sont très variables. Certains ont travaillé, payé des impôts et ont parfois des enfants nés en France.
Gérald Darmanin déclare vouloir rendre la vie impossible à ces personnes, c’est totalement contre-productif et injuste.
Les contre-vérités sont nombreuses. Par exemple, le gouvernement a déclaré qu’il voulait simplifier les voies de recours contre les OQTF, affirmant qu’il y en avait plus d’une dizaine. Ça laisse croire que les étrangers peuvent ainsi multiplier les procédures et se maintenir sur le territoire pendant des mois, et engorger les tribunaux. On est assez proches de la « novlangue » de Georges Orwell, avec des éléments de langage qui déforment la réalité objective
En réalité, la dizaine de recours possibles concerne différentes situations, une seule et même personne n’a qu’une seule possibilité de recours suspensif, et une ou deux autres possibilités de recours, suivant sa situation, mais qui n’empêchent pas son expulsion. On est assez proches de la « novlangue » de Georges Orwell, avec des éléments de langage qui déforment la réalité objective.
Ce projet de loi vise également à créer un titre de séjour « métiers en tension » visant la régularisation des personnes qui travaillent dans ces secteurs. Quelle est la position de la LDH ?
Il est difficile à ce stade d’avoir une position tranchée. Le sujet est complexe, la régularisation par le travail peut être une bonne chose, mais il ne faut pas rester dans une logique utilitariste. Tel qu’est formulé le projet à ce stade, les sans-papiers pourraient être régularisés s’ils travaillent dans un métier en tension, mais les conditions d’accès à ce titre de séjour sont complexes et encore floues.
Telle que formulée, cette mesure ne concernerait en réalité qu’un très petit nombre de personnes
Il faudrait être salarié depuis au moins huit mois et résider en France depuis trois ans sans interruption. Cette régularisation ne serait pas valable si le métier en tension était exercé avec un titre de séjour étudiant, saisonnier ou demandeur d’asile. Telle que formulée, cette mesure ne concernerait en réalité qu’un très petit nombre de personnes. C’est un non-sens et j’espère que le Conseil d’État et les navettes parlementaires vont réussir à corriger le tir. Est-ce que vous vous attendiez à ce nouveau tour de vis sur le droit des exilés ?
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Nous devons prendre le temps de ramener le sujet à l’humain. , je suis persuadé que parmi les personnes opposées à l’accueil, beaucoup changeraient d’avis si elles prenaient le temps d‘aller échanger avec des immigrés, pour dépasser leurs préjugés et se confronter aux réalités humaines. Ce n’est hélas pas le cas, et plus globalement la parole n’est pas assez donnée aux personnes concernées, c’est-à-dire aux femmes et aux hommes qui nous demandent de les accueillir.
David Torondel,
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