Saint-Marin : avec 77,3% un référendum historique légalise l’IVG

Malgré la condamnation de l’avortement par le pape François comme un crime, un homicide, et donc punissable d’une peine de prison de 3 ans à St Marin et malgré sa tournée en Hongrie et en Slovaquie pays où le droit à l’avortement est très restrictif pour les femmes, les habitants de cette petite république dirigée par un gouvernement démocrate-chrétien opposé à l’IVG, ont décidé à une très large majorité de légaliser le droit à l’avortement.

Publié sur liberation.fr le 27 septembre 2021 à 8h38

par Eric Jozsef, correspondant à Rome

«La petite République de Saint-Marin envoie le message au monde que, comme tous les grands pays, les femmes y sont libres de décider de leur corps.» Urbi et orbi, Karen Pruccoli et l’Union des femmes saint-marinaises (UDS), dont elle est l’une des responsables, ont annoncé avoir remporté dimanche soir un combat historique. Dans cet Etat minuscule à forte tradition catholique, le référendum pour la légalisation de l’avortement que l’association féministe avait promu a été approuvé par 77,3% des votants. Et cela en dépit de l’opposition du Parti démocrate-chrétien au pouvoir, qui avait appelé à voter «non» pour «défendre le droit à la vie» et du clergé local qui s’était fortement mobilisé.

Saint-Marin était l’un des derniers Etats en Europe, avec Malte, Andorre et le Vatican, à interdire totalement l’interruption volontaire de grossesse, y compris en cas de viol, d’inceste, de malformation du fœtus ou même de danger pour la mère. Une interdiction qui remontait à 1865, qui avait été confirmée sous le régime fasciste et définitivement consacrée dans le code pénal de 1974, avec des peines extrêmement sévères tant pour les femmes ayant recours à l’IVG (trois ans de prison) que pour les médecins les assistant (jusqu’à six ans de réclusion).

En Italie, les anti-IVG gagnent du terrain

Enclave montagneuse de 34 000 habitants située à une vingtaine de kilomètres de Rimini, Saint-Marin a longtemps été sous l’influence des formations conservatrices. Le vote des femmes n’a été autorisé qu’en 1960. Et lorsque l’Italie approuve, en 1978, la loi 194 qui autorise l’avortement, les responsables politiques locaux repoussent les revendications de l’UDS. «Ils disaient aux femmes : “Si vous voulez avorter, allez le faire et vous le payer en Italie”», rappelle Karen Pruccoli. Aujourd’hui encore, pour les Saint-Marinaises qui décident de recourir à une interruption de grossesse, le coût de l’intervention de l’autre côté de la frontière est d’environ 2 500 euros. Même si le phénomène est aujourd’hui en diminution, on estime que, jusqu’à récemment, il y avait en moyenne chaque année une vingtaine de femmes contraintes de faire le voyage dans les hôpitaux des Marches ou d’Emilie-Romagne.

Face à cette situation et alors que les anti-avortements reprennent de la voix dans la péninsule (actuellement 70% des gynécologues du pays se déclarent objecteurs de conscience et refusent de pratiquer l’IVG), les féministes de la petite République ont décidé de réagir. A partir des années 2000, elles se sont remobilisées et ont reformé, en 2019, l’UDS, qui avait été très active au cours des années 70. «Nous avons tenté de légaliser l’IVG par la voie législative mais, au moyen des manœuvres politiques, le Parti démocrate-chrétien s’y est opposé. Alors nous avons entrepris la voie du référendum populaire», explique Karen Pruccoli. «Rapidement nous avons recueilli 3 000 signatures, soit trois fois plus que le quorum nécessaire», pour présenter un texte qui prévoit de donner aux femmes le libre choix d’avoir recours à l’IVG jusqu’à douze semaines de grossesse. Après ce délai, l’avortement ne sera autorisé qu’en cas de menace pour la vie de la mère ou lorsque des anomalies ou malformations détectées chez le fœtus «comportent un grave risque pour la santé physique ou psychique de la femme».

«Terrible campagne de désinformation»

«Nous avons fait une campagne d’information pour parler d’un sujet qui était totalement occulté à Saint-Marin, expliquent les responsables de l’UDS. Les femmes qui ont eu recours à l’avortement en Italie n’en ont jamais fait état. C’était un thème dont on ne parlait pas en famille. Face à ce travail de pédagogie, nous avons dû affronter en retour une terrible campagne de désinformation. Les mouvements pro-vie ont soutenu que nous voulions autoriser l’IVG jusqu’à neuf mois.»

Dans le sillage des propos traditionnels du pape François – qui, il y a dix jours, a encore répété «l’avortement, c’est plus qu’un problème, c’est un homicide» et a comparé les médecins qui pratiquent l’IVG à des «sicaires» – l’évêque de Saint-Marin a invité les fidèles à voter non à la légalisation de l’avortement dans ses homélies et le père Gabriele Mangiarotti, qui officie à la paroisse locale de San Francesco, n’a pas hésité à comparer l’IVG à la Shoah : «Si on regarde les chiffres, six millions d’enfants tués en Italie [depuis 1978] et leur condition d’innocence authentique, je pense qu’il n’est pas inopportun de rapprocher l’Holocauste et l’avortement.» Les murs de certains quartiers ont même été recouverts par des militants anti-IVG d’affiches représentant des fœtus recouverts de sang. Mais sans réussir à empêcher l’approbation, dimanche soir, par une très large majorité d’un référendum où, selon les premières indications, les femmes ont été plus nombreuses à se rendre aux urnes.

Une manifestation de femmes à Andorre pour le droit à l’avortement samedi 25 septembre 2021

Après que le pape François ait renouvelé sa condamnation de l’avortement assimilé à un crime, des femmes manifestaient partout dans le monde pour défendre ce droit de plus en plus remis en cause par des gouvernements autoritaires et interdit encore dans trois états européens. En Andorre, samedi 25 septembre, une manifestation de femmes réclamait la légalisation du droit à l’avortement.

La manifestation démarrait à 12h sur la place principale d’Andorre la Vieille, au milieu des montagnes, mais surtout des buildings et des boutiques sans fin. Il y avait une douzaine d’andorranes, nous étions 6 françaises du Collectif Droits des femmes 66 et une cinquantaine d’espagnoles venues en car de l’Association « stopviolencias ». C’était une manifestation très vivante avec slogans, chansons et pancartes. Nous avions des foulards blancs et roses estampillés « #abortarem ».
Le 29 septembre 2018 a lieu la première manifestation, qui rassemblait une quarantaine de personnes dans la capitale Andorre la Vieille. Un peu plus en 2019, et donc une soixantaine en 2021. La police a accompagné le cortège sans intervenir, et les touristes s’arrêtaient avec leurs paquets de vêtements et de parfums, interloqué.es par cette présence incongrue dans leur monde de consommation forcenée.

Longtemps isolée au milieu des Pyrénées et peu peuplée, l’Andorre a continué à entretenir des coutumes très anciennes, notamment avec son système d’administration hors d’âge, qui partage le « trône » entre le chef de la République française et l’évêque espagnol de la Seu d’Urgell, qui n’ont pas de pouvoir législatif, comme le roi en Espagne. C’est son « Conseil de la Terre », le plus vieux parlement européen, qui gère administrativement, et donc tient à conserver illégal le droit d’avorter.  C’est l’un des trois derniers états européens à interdire totalement l’avortement (avec Malte et St Marin), y compris en cas d’inceste, de viol, d’anomalie grave du fœtus ou de danger pour la vie de la mère. L’avortement y est puni de six mois de prison pour la femme, et de trois ans de prison ainsi que cinq ans d’interdiction d’exercer la médecine pour la personne qui réalise l’interruption de grossesse. Le fait de donner des informations à une patiente ou de la diriger vers l’étranger constitue également un délit.

L’archevêque espagnol et coprince d’Andorre affirmait récemment qu’il abdiquerait si l’interruption volontaire de grossesse était dépénalisée dans le pays. il faut interpréter ainsi une des pancartes des féministes réclamant la séparation de  l’Eglise et de l’Etat (pièce jointe)

Environ 150 femmes d’Andorre partent chaque année avorter à l’étranger, ce qui pose d’énormes problèmes financiers aux femmes pauvres, parfois migrantes et sans papiers, car elles sont employées dans les commerces andorrans sans aucune reconnaissance sociale, et donc elles ne disposent d’aucune couverture sociale sur place, ni en France ni en Espagne. Seules des associations comme  le Planning Familial et d’autres associations espagnoles peuvent effectuer gratuitement des avortements sécurisés, dans le respect des délais légaux.

Une des féministes andorranes a réussi à se faire inviter par le Commission sur le statut de LA femme à l’ONU, et a dénoncé tous ces faits. A son retour à Andorre, elle a été mise en examen pour atteinte à la réputation (!) et aux institutions de la principauté. Elle n’est toujours pas jugée, mais elle risque 4 ans de prison et 30.000€ d’amende.

SOYONS SOLIDAIRES AVEC NOS AMIES FEMINISTES ANDORRANES, DENONÇONS CES DENIS DE DROIT AUPRÈS DU PRÉSIDENT MACRON !

LDH-66

Saint-Marin. Un vote historique sur la légalisation de l’avortement

St Marin avec Malte et Andorre (dont le président Macron est le co-prince) sont des trois derniers états d’Europe ou l’avortement est interdit et puni. Dix jours avant le référendum de St Marin le pape François a condamné publiquement l’IVG comme un crime et donc punissable comme tel. Il venait de faire une tournée en Hongrie et en Slovaquie pays où le droit à l’avortement est très restrictif pour les femmes. La LDH se bat pour le droit effectif à l’avortement pour toutes.

Publié sur ouest-france.fr le 26 septembre 2021

Quarante-trois ans après l’Italie voisine, la petite république de Saint-Marin se prononce ce dimanche 26 septembre 2021, sur la légalisation de l’avortement. Un référendum très controversé dans ce micro-État à forte tradition catholique.

Cette minuscule enclave montagneuse dans le centre de l’Italie est l’un des derniers États d’Europe (avec Malte, l’Andorre et le Vatican) à interdire entièrement l’avortement, même en cas de viol, inceste, maladie du fœtus ou danger pour la mère. Ce dimanche, la situation pourrait changer avec l’organisation d’un référendum historique. Au total, 35 411 électeurs sont appelés à voter, dont un tiers à l’étranger. Les bureaux de vote ont ouvert à 8 h et fermeront à 20 h.

À l’initiative de l’Union des femmes saint-marinaises (UDS), association féministe des années 70-80 ressuscitée en 2019, les habitants de ce petit pays doivent décider si oui ou non ils veulent donner aux femmes le libre choix d’avoir recours à l’IVG jusqu’à douze semaines de grossesse. Après ce délai, l’avortement ne serait autorisé qu’en cas de menace pour la vie de la mère ou lorsque des anomalies ou malformations détectées chez le fœtus « comportent un grave risque pour la santé physique ou psychique de la femme ».

Issue incertaine

À Saint-Marin, en l’absence de sondages, personne ne se hasarde à un pronostic sur ce référendum, dont l’issue est jugée très incertaine. « Nous espérons bien gagner. La grande majorité des jeunes est de notre côté, car c’est une question qui touche directement à leur vie. Il est intolérable de traiter de criminelles les femmes qui se voient contraintes d’avorter », estime Francesca Nicolini, 60 ans, médecin et membre de l’UDS.

Passible d’une peine de prison

Jusqu’à présent, l’avortement est un crime passible d’une peine de prison allant jusqu’à trois ans pour la femme et six ans pour le médecin qui le pratique. Mais dans les faits, il n’y a jamais eu de condamnations car les Saint-Marinaises se rendent en Italie pour avorter, contournant ainsi la loi.

Les résistances à la légalisation de l’avortement sont fortes, à commencer par le Parti démocrate-chrétien (PDCS) au pouvoir, qui a appelé à voter « non » pour « défendre le droit à la vie ».

Population divisée

Les anti-IVG ont été confortés dans leur refus par le pape François qui a exprimé à dix jours du référendum une nouvelle fois son horreur de l’avortement, qu’il a assimilé à « un meurtre ». Si la consigne de vote du PDCS, qui dispose d’un peu plus d’un tiers des députés au Parlement, est claire, le sujet de l’avortement transcende les traditionnels clivages politiques.

« La population est très divisée sur la question. Et même au sein du Parlement, il y a des membres des partis progressistes qui sont contre l’avortement et des députés de la droite qui sont pour, notamment en cas de viol ou malformation du fœtus », constate Manuel Ciavatta, vice-secrétaire du PDCS. « Je dirais qu’environ 50 % des 60 députés sont pour et 50 % contre », a-t-il déclaré à l’AFP. Quel que soit le résultat, son parti » respectera la voix des électeurs », a-t-il assuré.

En cas de victoire du « oui », ce serait un changement radical pour Saint-Marin, car l’interdiction de l’IVG date de 1865 et a été confirmée sous le régime fasciste (1923 à 1943) et par le Code pénal de 1974.