LE CONSEIL D’ETAT CONFIRME LE CARACTÈRE FACULTATIF DU RECOURS AUX TÉLÉSERVICES ET RECONNAÎT IMPLICITEMENT L’ILLÉGALITÉ DES DÉCISIONS RENDANT OBLIGATOIRES LA PRISE DE RENDEZ-VOUS PAR INTERNET

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Dans une décision importante rendue le 27 novembre 2019, la haute juridiction rappelle que les dispositions réglementaires ne permettent pas de rendre obligatoire l’accomplissement des démarches administratives par voie électronique. Pourtant, de nombreuses préfectures obligent les personnes étrangères à prendre rendez-vous par Internet pour demander ou renouveler un titre de séjour : le Conseil d’Etat invite implicitement à attaquer ces décisions préfectorales.

La Cimade, le Gisti, la Ligue des droits de l’Homme et le Syndicat des avocats de France avaient saisi en juillet 2018 le Conseil d’Etat suite au refus du Premier ministre de modifier le décret du 27 mai 2016 autorisant la mise en œuvre des téléservices. La modification demandée visait à clarifier le caractère facultatif de l’usage des téléservices : le fait d’accomplir des démarches par voie dématérialisée doit rester une option pour les usagers et usagères du service public, et non une obligation.

Or, les organisations requérantes constataient depuis des années un recours croissant à l’obligation de prendre rendez-vous par Internet pour accomplir certaines démarches, en particulier concernant les droits des personnes étrangères, pour demander ou renouveler un titre de séjour ou encore  solliciter l’acquisition de la nationalité française. Cette obligation est à l’origine de blocages graves dans l’accès aux droits, d’une part parce que certaines personnes ne sont pas en capacité d’utiliser les téléservices, d’autre part parce qu’il est devenu de plus en plus  fréquent qu’aucun rendez-vous ne soit proposé en ligne. Des personnes attendent donc des semaines, des mois voire des années derrière leur ordinateur, renouvelant jour et nuit les demandes de rendez-vous sans possibilité d’accéder autrement au guichet de la préfecture.

La décision du 27 novembre 2019 rejette la requête des associations tout en leur donnant raison : nul besoin de modifier le décret du 27 mai 2016, qui « ne saurait avoir légalement pour effet de rendre obligatoire la saisine de l’administration par voie électronique ». Selon le Conseil d’Etat, les « difficultés rencontrées par les ressortissants étrangers pour prendre rendez-vous par voie électronique dans les préfectures » ne sont pas une conséquence de l’application du décret relatif aux téléservices mais  trouvent leur origine dans des « décisions rendant obligatoires de telles prises de rendez-vous », prises localement par les préfets.

C’est donc une nouvelle étape qui s’ouvre en matière contentieuse. Les « décisions » préfectorales ne sont, dans leur immense majorité, pas formalisées : si elles sont révélées par la mise en place des téléservices de prise de rendez-vous, elles sont généralement inexistantes. Elles n’en restent pas moins illégales, à la lumière de la décision du Conseil d’Etat.

La Cimade, le Gisti, la Ligue des droits de l’Homme et le Syndicat des avocats de France réitèrent leur demande au gouvernement : la dématérialisation des démarches administratives doit rester une possibilité offerte aux usagers et usagères du service public, sans quoi elle devient une entrave à l’accès aux droits. Et suivant la décision du Conseil d’Etat, nos organisations s’apprêtent à demander à l’ensemble des préfectures organisant la dématérialisation obligatoire des rendez-vous de leur communiquer leurs décisions et à engager des contentieux contre ces décisions expresses ou implicites.

Paris, le 3 décembre 2019

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La Cimade, le Gisti, la Ligue des droits de l’Homme et le Syndicat des avocats de France

Vaste coup de filet à Paris: 1 606 migrants évacués de deux campements de migrants porte de la Chapelle

Par ce vaste coup de filet et un déploiement policier disproportionné (600 policiers pour 1606 migrants), le gouvernement montre clairement la réponse qu’il va apporter aux migrants et réfugiés qui fuient des situations de guerre et/ou de famine…“Nous redoutons notamment des placements en détention pour une partie des exilés présents, qui n’auront plus le choix de monter ou non dans les bus”, explique à l’AFP Julie Lavayssière, d’Utopia56. « Nous dénonçons un coup de communication du gouvernement, sans prendre, comme à chaque évacuation, les personnes piégées par les accords de Dublin, qui les empêchent de faire leur demande d’asile en France. »

Publié sur afp   7-11-2019

La moitié des campements de migrants vidés dans le nord-est de Paris

Plus de 1.600 migrants ont été évacués dans le calme jeudi matin de deux importants campements du nord-est parisien, lors d’une opération d’envergure qui a vidé la moitié de ces camps insalubres de la capitale, signe selon les autorités d’un « changement de braquet » gouvernemental sur l’immigration.

Baluchon sur l’épaule ou sac à la main, parfois enveloppés dans des couvertures sous une pluie battante dès l’aube, 1.606 personnes selon les chiffres de la Préfecture de police sont montées dans des bus pour être mis à l’abri dans une quinzaine de gymnases en Ile-de-France ainsi que dans des centres d’accueil.

L’évacuation concernait deux camps en regroupés en 1km² à cheval sur Paris et la Seine-Saint-Denis, l’un Porte de la Chapelle, l’autre à Saint-Denis. Un troisième campement Porte d’Aubervilliers regroupe l’autre moitié des quelque 2.000 à 3.000 exilés dans les campements de la zone et doit être évacué dans les prochaines semaines.

Parmi les délogés, qui ont laissé derrière eux des tentes vides sous le périphérique, de nombreux Afghans et originaires d’Afrique sub-saharienne, ainsi que des familles avec enfants.

Environ 600 policiers étaient mobilisés pour cette évacuation d’une ampleur inédite depuis plus d’un an dans la capitale, qui intervient au lendemain de la présentation par le gouvernement d’un plan immigration controversé. A cette occasion, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner s’était engagé à évacuer les camps du nord-est parisien « avant la fin de l’année ».

AFP / MARTIN BUREAUOpération d’évacuation de migrants le 7 novembre 2019 dans le nord-est parisien

– « J’aurai un toit » –

Awa, Ivoirienne de 32 ans, dormait dans une tente Porte de la Chapelle depuis son arrivée en France il y a un an. « Il pleut, il fait froid. Je ne sais pas où je vais, mais ça me fait plaisir d’y aller, parce que j’aurai un toit ce soir », dit-elle à l’AFP en emportant juste un sac à dos.

« Je ne peux pas laisser une situation de danger de cette nature (…) tout ça ne peut plus durer », a expliqué sur place le préfet de police de Paris Didier Lallement, rappelant la volonté du gouvernement de « retrouver le contrôle » de l’immigration.

« C’est ce que nous faisons ce matin. Il faut changer de braquet », a-t-il ajouté. « Jusque-là, on avait des opérations de mise à l’abri de 200, 300 personnes, mais on ne vidait jamais les campements et ils revenaient. Avec cette opération, on a un objectif de zéro retour« , explique-t-on à la PP.

AFP / MARTIN BUREAUDes migrants sont évacués par la police dans le nord-est de Paris le 7 novembre 2019

C’est le préfet de police qui a pris un arrêté d’évacuation, jugeant de même source que les campements prenaient « trop d’ampleur » et qu’une « délinquance » s’y installait, dans une situation devenue « incontrôlable ».

La préfecture évoque 213 atteintes aux personnes répertoriées sur le « secteur » de la Porte de la Chapelle depuis début 2019.

– « Vidéo-patrouilles » –

AFP / MARTIN BUREAUAnne Hidalgo lors de l’évacuation des campements, le 7 novembre 2019

Alors que les files d’attente s’allongent devant les cars, Mahar, 21 ans, originaire du Pakistan et arrivé en France il y a 4 mois, montre des cicatrices après plusieurs tentatives de suicide. « Je vais être hébergé mais j’y vais surtout parce qu’on m’a dit qu’il y aurait une aide pour les formalités administratives, pour que je puisse demander l’asile », explique-t-il.

Les mises à l’abri se font sur la base du « volontariat » et sont « inconditionnelles », a insisté de son côté le préfet de la région Ile-de-France, Michel Cadot. « C’est une opération assez massive. Le but, c’est d’éviter les reconstitutions des camps », a-t-il ajouté.

« Chaque fois on nous a dit ça ne se reproduira plus », souligne la maire de Paris Anne Hidalgo, présente également, rappelant qu’il s’agit de la 59e mise à l’abri depuis l’été 2015. « Ça faisait des mois qu’on demandait cette mise à l’abri », explique-t-elle à l’AFP, « mais en évacuant ces camps et pas la Porte d’Aubervilliers, on court le risque d’une reformation ».

Pour éviter ce phénomène, des forces mobiles doivent « tourner 24h/24 sur place », pour effectuer des contrôles et « placer en centre de rétention s’il le faut », note de son côté la PP. Le tout accompagné d’un « dispositif de vidéo-patrouilles ».

Un dispositif policier ? Pierre Henry, directeur de l’association France Terre d’asile, qui opère les comptages sur ces camps, pense plutôt qu’il faudrait « mettre des moyens » et avoir « une capacité d’hébergement ». « Sans dispositif pensé nationalement », craint-il, « ça recommencera ».


Publié sur francetvinfo.fr   le 7-11-2019

Paris : 1 606 migrants évacués de deux campements de migrants porte de la Chapelle

Des policiers vont désormais rester sur place pour éviter « la reconstitution de ces camps », assure le préfet de région Michel Cadot.

1 606 migrants répartis dans deux campements, situés porte de la Chapelle, à cheval sur le nord-est parisien et la Seine-Saint-Denis, ont été évacués à partir de 6 heures dans la matinée du jeudi 7 novembre, a constaté l’envoyée spéciale de franceinfo sur place. Une heure plus tard, les premiers bus partaient en direction de 15 gymnases de la région parisienne, a constaté une reporter de France Bleu Paris. À 9h, l’évacuation était terminée.

600 policiers, 1 606 migrants

600 policiers ont été mobilisés pour cette opération concernant 1 606 migrants, d’après les derniers chiffres communiqués par la préfecture de police de Paris. De nombreux bénévoles de différentes associations étaient également présents.

Mercredi, lors des annonces gouvernementales sur l’immigration, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner avait pris « l’engagement d’évacuer d’ici la fin de l’année les campements du nord-est parisien ». La préfecture de police de Paris et la préfecture de la région Ile-de-France avaient annoncé dans la foulée que cette évacuation aurait lieu dans la matinée du 7 novembre.

Le préfet de région Michel Cadot, le préfet de police Didier Lallement et la maire de Paris Anne Hidalgo étaient présents. Michel Cadot a déclaré que l’évacuation permettra « de reconquérir normalement l’espace public« , « de manière stabilisée dans la durée puisqu’il y aura un maintien de présence policière permettant d’éviter la reconstitution de ces campements ».

« Nous mettons à l’abri, c’est une démarche humanitaire, pour assurer à ceux qui sont des situations extrêmement difficiles un hébergement, mais nous ne tolèrerons pas de réinstallations », a déclaré de son côté le préfet de police de Paris, Didier Lallement.

Des effectifs de police contrôleront systématiquement les gens. Ceux en situation irrégulière qui reviendront seront traités comme toutes les personnes en situation irrégulière. Ceux en situation régulière, on essaiera de leur trouver des solutions d’hébergement, mais je préfère être très clair, il n’est pas question qu’ils recampent. Didier Lallement, préfet de police de Parisà franceinfo

« Cette opération vise non seulement à prendre en charge les migrants, mais aussi à faire cesser ces installations déplorables qui sont sur des délaissés de voiries qui appartiennent à la commune de Paris ou à l’État, », a assuré le préfet de police de Paris.

Nous avons obtenu des garanties des deux préfets pour que les personnes soient acheminées vers des hébergements.  Anne Hidalgo, maire de Paris à franceinfo

« Une de nos conditions, c’était que ça ne peut pas être une évacuation pure et simple, où une partie des gens ici auraient été dirigés vers des centres de rétention. Nous n’aurions pas été présents dans ce cas-là », a indiqué Anne Hidalgo, la maire de Paris, qui dit avoir obtenu la garantie d’un « accueil inconditionnel » des personnes présentes sur les campements.

« La rue n’est pas un lieu pour vivre. C’est un lieu de danger et d’indignité », a ajouté Anne Hidalgo. « Et c’est un lieu où y compris les riverains ne peuvent pas accepter que l’espace public devienne ce qu’il était devenu ici porte de la Chapelle ».

Son adjointe chargée des solidarités et de l’accueil des réfugiés, Dominique Versini, a ensuite affirmé sur franceinfo « qu’une partie des personnes » présentes sur le campement « se sont évaporées dans Paris ».