Est-ce ainsi que les humains meurent ?

Publié sur Politis le 15 juin 2023

Pire naufrage depuis 2016, la nouvelle catastrophe en Méditerranée révèle, une fois de plus, la politique macabre des dirigeants européens en matière d’accueil et de secours en mer.

Morbide hypocrisie. Alors que la Méditerranée s’alourdit de plusieurs centaines de corps morts après le terrible naufrage d’un chalutier dans la nuit de mardi à mercredi, en mer Ionienne, les autorités européennes – que ce soit les dirigeants des pays membres de l’Union européenne comme des institutions en lien avec le contrôle des frontières – se murent dans le silence coupable ou affichent d’effarantes réactions protocolaires.

Parti, selon plusieurs sources, de Tobrouk, une ville portuaire à l’Est de la Libye, le bateau embarquait 750 personnes, sans gilets de sauvetage, dans des conditions atrocement précaires. Une centaine de passagers ont pu être sauvés. Ils sont aujourd’hui pris en charge par les secouristes de la Croix-Rouge, effondrés de savoir qu’il en reste tant, inertes, au large de la Grèce. Sans que cela n’émeuve la diplomatie européenne, trop occupée à dresser des murs et des barbelés en Hongrie, en Pologne, en Lettonie, en Lituanie, en Bulgarie ou au Bélarus. Ou à financer la Turquie pour retenir les personnes exilées à sa frontière.

Car les noyés ont beau s’entasser dans les fonds marins de cette mer-cimetière, les chefs d’État et les agences européennes, comme Frontex, qui leur servent de bras armé, n’ont pas l’air de vouloir remettre en question la politique d’accueil des personnes exilées. À peine prennent-ils le temps de commenter ce naufrage – le pire depuis 2016.

Kyriákos Mitsotákis, le premier ministre grec sortant engagé dans de futures élections législatives, fin juin, se dit « attristé par la perte de tant de vies innocentes ». Le matin même du naufrage, mardi 12 juin, le conservateur se félicitait pourtant d’avoir « réduit au minimum les flux migratoires ». Il est aussi accusé par plusieurs ONG de mener une politique répressive d’ampleur contre les exilés, en les refoulant illégalement aux frontières. Si le gouvernement provisoire a décrété trois jours de deuil national, le favoris du prochain scrutin va-t-il changer son programme, alors que la barre des 20 000 morts en Méditerranée a été franchie depuis 2020 ?

Dans le silence et la complaisance avec l’extrême droite, les dirigeants européens ne peuvent feindre une quelconque émotion.

De son côté, Emmanuel Macron n’a pas réagi, tout comme Georgia Meloni qui s’offrait, dimanche 11 juin, une visite en Tunisie munie d’un chèque d’1 milliard d’euros, en partie pour financer le contrôle des frontières du pays. La première ministre italienne d’extrême droite était accompagnée d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.

Le comble du cynisme vient sûrement de Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières, qui confie sur Twitter, mercredi 14 juin, être « profondément ému(e) » par « les événements tragiques qui se déroulent au large de la Grèce ». Une agence visée par des enquêtes de presse et des rapports d’association révélant l’attitude violente de ses gardes et le refoulement illégal auquel elle recourt. La veille du naufrage, un de ses avions avait d’ailleurs repéré le bateau surchargé. Mais n’a pas daigné le secourir, prétextant, tout comme les gardes-côtes grecs, que ses passagers voulaient poursuivre leur traversée jusqu’en Italie.

Dans le silence et la complaisance avec l’extrême droite, les dirigeants européens ne peuvent feindre une quelconque émotion après ce drame lorsqu’ils dessinent, avec minutie, depuis la crise migratoire de 2015, la nouvelle image de carte postale de l’Union européenne : une forteresse bordée d’un cimetière à ciel ouvert. Les rescapés, eux, devront encore traverser l’enfer administratif et le racisme qui les attendent une fois arrivés sur le continent. Et survivre, malgré le cauchemar de la traversée.

Publié sur Ouest-France le 16 juin 2023

La Méditerranée, zone la plus dangereuse

En 2022, 3 800 personnes sont décédées sur les routes migratoires d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Les dangers guettant les migrants sont nombreux : conditions climatiques, défaut de soins, faim et soif, violences… Mais la principale cause de décès est la noyade. Les naufrages d’embarcations surchargées, ou les accidents de pneumatiques inadaptés à la traversée de la Méditerranée ou de la Manche, se succèdent à un rythme épouvantable.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) documente depuis 2014 les disparitions de candidats à l’exil sur les différentes routes migratoires mondiales, via le Missing Migrants Project. En moins de 10 ans, l’OIM a recensé plus de 56 000 morts, dont 33 700 par noyade. Les accidents de la route représentent 4 800 décès, les violences 3 500.

Les noyades sont donc la principale cause de décès sur les routes migratoires. Et la plupart surviennent en Méditerranée, qui est la zone la plus dangereuse au monde pour les migrants :

Depuis 2014, l’OIM estime que 26 912 personnes ont perdu la vie dans la zone Méditerranée. C’est près de la moitié de tous les décès répertoriés.

« Stop à l’impunité du déchaînement et des intimidations fascistes contre Sophie Djigo » !

Un collectif de plus de mille membres issus principalement de la recherche et de l’enseignement, parmi lesquels Eric Fassin ou François Héran, mais aussi des personnalités comme la romancière Annie Ernaux, prend position en défense de la philosophe Sophie Djigo, cible de menaces de l’extrême droite qui ne supporte pas son engagement en faveur des migrants.

Publié sur le monde.fr le 5 décembre 2022

Tribune de soutien signée par la LDH

Notre collègue Sophie Djigo est philosophe et chercheure, enseignante en classes préparatoires, autrice de plusieurs ouvrages de référence sur la question des migrations et fondatrice de l’association Migraction59 pleinement engagée dans le soutien aux migrants à Calais.

Elle est actuellement la cible des attaques de plusieurs mouvements d’extrême-droite, sur les réseaux sociaux desquels son nom, sa photo, les vidéos de ses interventions et son adresse professionnelle sont diffusés et exposés à la vindicte et au lynchage médiatique. Elle reçoit depuis des semaines des insultes, des harcèlements et des menaces de mort explicites, dont la montée en puissance l’a conduite hier, suite à une nouvelle escalade, à demander la protection fonctionnelle le 28 novembre.

Un communiqué de presse du Rassemblement National la désigne explicitement comme corruptrice de la jeunesse par son activité enseignante, criminalisant par là la simple action pédagogique de sensibilisation aux pratiques solidaires, qui fait pourtant partie intégrante et reconnue d’une éducation à la citoyenneté.

Des chercheurs et des enseignants sont ainsi régulièrement exposés à la violence de ces réseaux et à leurs manœuvres d’intimidation, par des collusions entretenues entre le pouvoir politique et les puissances d’extrême droite, largement représentées à l’Assemblée Nationale où elles introduisent une banalisation de la violence xénophobe et raciste.

La brutalité des insultes et des intimidations subies par notre collègue atteste d’une véritable offensive coordonnée et décomplexée, plus particulièrement dans le Nord en ce moment, où d’autres collègues universitaires subissent collectivement des attaques similaires.

Sophie est à la fois une philosophe et une militante, dont l’action solidaire, particulièrement efficace et déterminée, est liée à une profonde réflexion de chercheure et à une activité enseignante intellectuellement exigeante, reconnue et de haut niveau dans le système de l’enseignement public supérieur. Et le rectorat a du reste ici décidé de la soutenir en portant plainte pour diffamation.

Et pourtant, elle a dû renoncer à l’organisation d’une rencontre entre ses élèves et les bénévoles de l’Auberge des Migrants à Calais, par crainte d’une descente violente des associations xénophobes qui en ont divulgué la date. Et cette forme d’intimidation constitue un véritable bâillon culturel.

La violence qui atteint actuellement Sophie est une côte d’alerte des dérives qui nous atteignent tous, et dont la défense des exilés constitue un emblème. C’est en ce sens à un refus collectif des politiques xénophobes et liberticides que nous appelons, par le soutien inconditionnel qui doit lui être manifesté.

Nous n’exigeons donc pas seulement une réponse gouvernementale claire à des attaques aussi dangereuses qu’inacceptables du point de vue même du droit tel qu’il s’inscrit dans la Constitution, permettant la défense de notre collègue et de tous ceux qui les subissent. Mais nous exigeons par là aussi qu’il soit mis fin aux collusions implicites ou explicites qui font de l’idéologie fasciste un véritable facteur d’imprégnation des mentalités, et constituent par là même un danger massif à tous les niveaux de la décision étatique.

27 migrants noyés dans la Manche! Encore une fois la fermeture des frontières tue!

Nous reprenons l’excellente initiative des associations de défense des droits humains de Mont de Marsan.

Ils sont des dizaines de milliers morts en mer depuis plusieurs années dont 1146 migrants en Mer Méditerranée au cours du premier semestre 2021, d’autres sont morts de froid à la frontière Est de l’Europe. Nos associations dénoncent cette situation depuis longtemps. 

Ce nouveau drame avec 27 corps repêchés dans la Manche nous interpelle d’autant plus que les malheureuses victimes sont parties de Calais pour l’Angleterre engageant directement la responsabilité des deux pays. La Grande Bretagne qui fait gérer sa frontière par la police française et la France qui n’offre pas des conditions d’accueil à la hauteur de la misère des migrants. 

Les passeurs, ces assassins en bande comme le dit le président des sauveteurs bénévoles de Calais ont une responsabilité directe. Mais ils se nourrissent des politiques migratoires européennes désastreuses, et dans le cas présent celles des deux pays concernés. Plusieurs fois par semaine les autorités françaises détruisent les camps de fortune contribuant au désarroi des migrants et les livrant aux passeurs. 

Nos organisations en appellent à des politiques migratoires respectueuses de ceux qui frappent à nos portes ainsi qu’à la libre circulation des personnes contenue dans les articles 13 et 14 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. 

En hommage à toutes ces victimes des politiques migratoires racistes de l’Union Européenne

MARDI 30 NOVEMBRE :  À 18H MANIFESTATION DEVANT LA PRÉFECTURE – À L’APPEL DU COMITÉ DE SOUTIEN AUX SANS-PAPIERS ET DES ASSOCIATIONS DONT LE MRAP66, L’ASTI66 ET LA LDH66.