Propos sur l’Algérie française : la Nupes s’indigne, le RN au secours de José Gonzalez

Publié sur Ouest-France le 29 juin 2022

Les propos du doyen de l’Assemblée nationale, le RN José Gonzalez, ce mardi 28 juin, lors de l’ouverture de la XVIe législature ont choqué une partie des députés, notamment dans les rangs de la Nupes. Du côté du RN, ce discours a, au contraire, été salué et les élus d’extrême droite tentent d’éteindre la polémique.

Mardi 28 juin, le député des Bouches-du-Rhône du Rassemblement national José Gonzalez a ouvert la première séance de la nouvelle Assemblée nationale en tant que doyen. Né en Algérie avant l’indépendance, il est revenu sur son histoire personnelle : « J’ai laissé là-bas une partie de ma France et beaucoup d’amis. Je suis un homme qui a vu son âme à jamais meurtrie », a-t-il déclaré, avant de s’interrompre, ému.

Une pause suivie d’applaudissements qui ont crispé une partie des députés, essentiellement dans les rangs de la Nupes. Après la séance, José Gonzalez a été interrogé sur son opinion concernant la guerre d’Algérie. « Franchement, je ne suis pas là pour juger si l’OAS a commis des crimes, je ne sais même pas ce qu’était l’OAS ou presque pas », a-t-il assuré.

Suivez ici notre direct du mercredi 29 juin consacré à la nouvelle législature et à l’actualité politique

Il a ensuite poursuivi ses propos devant des journalistes : « Si je vous emmène avec moi en Algérie, […] dans le Djebel, vous verrez beaucoup beaucoup beaucoup d’Algériens qui n’ont jamais connu la France, et qui nous disent : « Monsieur, quand est-ce que vous revenez. » » De quoi susciter de nombreuses réactions


Mardi 28 juin, le député des Bouches-du-Rhône du Rassemblement national José Gonzalez a ouvert la première séance de la nouvelle Assemblée nationale en tant que doyen. Né en Algérie avant l’indépendance, il est revenu sur son histoire personnelle : « J’ai laissé là-bas une partie de ma France et beaucoup d’amis. Je suis un homme qui a vu son âme à jamais meurtrie », a-t-il déclaré, avant de s’interrompre, ému.

Une pause suivie d’applaudissements qui ont crispé une partie des députés, essentiellement dans les rangs de la Nupes. Après la séance, José Gonzalez a été interrogé sur son opinion concernant la guerre d’Algérie. « Franchement, je ne suis pas là pour juger si l’OAS a commis des crimes, je ne sais même pas ce qu’était l’OAS ou presque pas », a-t-il assuré.

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Il a ensuite poursuivi ses propos devant des journalistes : « Si je vous emmène avec moi en Algérie, […] dans le Djebel, vous verrez beaucoup beaucoup beaucoup d’Algériens qui n’ont jamais connu la France, et qui nous disent : « Monsieur, quand est-ce que vous revenez. » » De quoi susciter de nombreuses réactions.

« Un effondrement du front républicain »

Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a notamment déclaré au micro de BFMTV : « C’est curieux que quelqu’un soit venu plaider sa nostalgie pour l’Algérie française et qu’il y a une partie qui l’a applaudi », y voyant un signe supplémentaire de « l’effondrement du front républicain ».

Un constat partagé par Sandrine Rousseau, élue de la Nupes, s’est fendu d’un tweet où elle estime que « la dédiabolisation vole en éclats dès la première séance ». Pour elle, les discours nostalgiques de la colonisation n’ont pas leur place à l’Assemblée nationale.

À gauche, plusieurs députés sont tombés des nues devant les applaudissements d’une partie des députés. Comme Sandra Regol, élue dans le Bas-Rhin, qui se dit « abasourdie » par les applaudissements et qui parle de « déchéance ».

« Un discours émouvant » selon le RN

Du côté du RN, les élus ont tenté d’éteindre la polémique. Jordan Bardella, président du Rassemblement national, a envoyé sur les réseaux sociaux un message de félicitations à José Gonzalez : « Discours émouvant et rassembleur, élégance de tenue et d’âme de la part de José Gonzalez, député RN et doyen de l’Assemblée. Il nous a tous rendus fiers. »

Quant au député RN du Nord, Sébastien Chenu, il a estimé qu’il n’y avait dans les propos de José Gonzalez aucune volonté de polémique : « C’est un homme de sa génération, qui est meurtri, qui est blessé par ce qu’il s’est passé là-bas ».

Pour Louis Alliot, maire RN de Perpignan, il s’agissait uniquement d’une opinion personnelle de la part du député. « Le discours de monsieur Gonzalez faisait référence à sa vie en Algérie, qui était sa terre natale, et où il a enterré ses grands-parents », a-t-il assuré.

Interrogée ce mercredi 29 juin sur Franceinfo, Marine Le Pen, présidente des députés RN à l’Assemblée nationale, a estimé que José Gonzalez n’avait pas commis de dérapage : « Il a fait un discours très digne, très républicain. Il a tenu sa position de doyen avec beaucoup de dignité. La gauche dit tout et n’importe quoi. »

PERPIGNAN : El fraternal Centre del Món, si si

Article publié sur le Travailleur Catalan par Yvon Huet

Magnifique moment de fraternité humaine face à l’entreprise de haine orchestrée par la mairie RN de Perpignan, en ce 26 juin 2022 ! C’est ce qu’on peut retenir de cette très chaude après-midi où le Collectif pour une histoire franco-algérienne non falsifiée a fait salle pleine au centre culturel catalan de la ville, affirmant un courage politique à toute épreuve, sous la présidence de Josie Boucher, présidente de l’Asti (Association de Soutien aux Travailleurs Immigrés).

Jacques Pradel, président de l’Association des pieds noirs progressistes, notamment (ANPNP) a exprimé la douleur de tous ces citoyens d’Algérie qui ont dû quitter ce pays qu’ils considéraient comme le leur dans le cadre d’une culture multiple. Elle a été balayée par cette sale guerre imposée par les règles d’un colonialisme qui a fait perdurer les humiliations et attisé les haines. Remy Serre, fondateur de l’Association des anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre, (4ACG) a apporté le témoignage de nombre de ceux qu’on a forcé, de 1954 à 1962, à être le bras armé de la France coloniale, dans tout ce qu’il a eu de cruel est d’injuste. Ce qu’on a appelé pudiquement « les événements », ce fut une guerre sans merci qui provoqua des dizaines de milliers de victimes française et des centaines de milliers de victimes algériennes, civiles et militaires. Il a exprimé sa volonté de continuer jusqu’au bout à donner aux jeunes générations le témoignage de la vérité dans toute ses caractéristiques avec un but essentiel, favoriser la réconciliation et l’amitié entre les peuples algériens et français.

Eric Sivin, qui n’a pas fait la guerre d’Algérie, a accepté de prendre la suite de l’association des appelés (4ACG) afin d’empêcher l’oubli sur un sujet qui, en fait, concerne des dizaines de millions de Français qui sont, à un degré ou à un autre, enfants de ces générations qui ont vécu la guerre d’Algérie. La tâche est difficile mais passionnante. Elle s’inscrit dans le droit fil d’une lutte sans merci contre les idées de haine et d’exclusion qui ont envahi la majorité des comportements, particulièrement à l’extrême droite et à droite, mais bien pas seulement.

L’histoire ne doit pas être une légende

Dans le droit fil de cette constatation, Gilles Manceron, historien, membre de la LDH, a précisé les conditions historiques de cette guerre avec une finesse remarquable sur tous les sujets qui fâchent, notamment l’attitude soit guerrière, soit ambigüe soit très maladroite des directions de la gauche de l’époque, qui a contribué à désarçonner les capacités de résistance et d’alternative à une situation qui aboutira au drame du rapatriement d’un côté et à la persistance de l’esprit de revanche coloniale de l’autre dans l’opinion publique. Un large et passionnant débat a suivi avec la salle, chacun apportant soit son témoignage soit son analyse avec un esprit de respect et d’écoute remarquable.

Qu’on se le dise, le centre du monde n’était pas dans l’étalage du révisionnisme historique, de la justification des crimes de l’OAS et de l’excitation des haines voulus par le maire de Perpignan. Il était là, fier et déterminé, dans cette salle de résistance qui en a appelé à renouveler à souhait ce genre d’initiative en l’élargissant à toutes celles et ceux qui ont intérêt à faire tomber les frontières de la haine entre les êtres humains.

Glorification de la colonisation de l’Algérie et révisionnisme historique : le scandale continue… à Perpignan !

Par Olivier Le Cour Grandmaison

universitaire, historien du colonialisme et militant anti-raciste

Publié sur son blog le 23 juin 2022

Louis Aliot, dirigeant bien connu du Rassemblement national et maire de Perpignan, a décidé de soutenir politiquement et financièrement la 43ème réunion hexagonale du Cercle algérianiste qui se tiendra au Palais des congrès de cette ville, du 24 au 26 juin 2022. Au menu : apologie de la colonisation, révisionnisme historique et glorification des généraux qui, pour défendre l’Algérie française, ont pris les armes contre la République, le 21 avril 1961.

Louis Aliot, dirigeant bien connu du Rassemblement national et maire de Perpignan, a décidé de soutenir politiquement et financièrement, à hauteur de 100 000 euros, la 43ème réunion hexagonale du Cercle algérianiste [1], et d’accueillir ses membres et les participants au Palais des congrès de cette ville, du 24 au 26 juin 2022. Il se confirme que la loi scélérate du 23 février 2005, jamais abrogée faut-il le rappeler, qui établit une interprétation officielle et apologétique de la colonisation française en Algérie et dans le reste de l’empire, n’était pas l’épilogue d’une entreprise de réhabilitation de ce passé mais le prologue bien plutôt. Le discours du candidat Nicolas Sarkozy affirmant, à la veille des élections présidentielles de 2007, que le « rêve de la colonisation » n’était pas un « rêve de conquête » mais « un rêve de civilisation », celui de François Fillon quelques années plus tard et, plus généralement, les positions de la direction des Républicains en témoignent. Fustigeant une prétendue « repentance » et vantant les aspects supposément « positifs » de la colonisation de l’Algérie, les responsabilités de ces derniers sont majeures, établies et accablantes [2]. De même celles de certains intellectuels, chroniqueurs et bateleurs médiatiques qui, au nom de la lutte contre « la pensée unique » hier, contre le « décolonialisme » aujourd’hui, redécouvrent les « beautés » de la colonisation aux couleurs de la France.

N’oublions pas l’un des pionniers de cette réhabilitation, A. Finkielkraut, qui déclarait doctement que l’entreprise coloniale « avait aussi pour but d’éduquer » et « d’apporter la civilisation aux sauvages. » (Haaretz, 18 novembre 2005). Indigne philosophe et vrai idéologue qui, sur ce sujet entre autres, débite des opinions rebattues en les prenant pour de fortes pensées. A l’instar des personnalités politiques précitées, il ressasse les trivialités mensongères de Malet et Isaac, ces historiens officiels qui, de l’entre-deux-guerres au début des années soixante, n’ont cessé de contribuer à l’élaboration et à la diffusion de la mythologie impériale-républicaine ; celle-là même qui, depuis plus d’une décennie, est désormais reprise par les différentes forces que l’on sait à des fins partisanes et électoralistes. En ces matières, les uns et les autres ne sont que les piteux ventriloques de discours élaborés par les élites politiques – mention spéciale à Jules Ferry, cet ardent promoteur de l’empire et du racisme élitaire de saison – et académiques de la Troisième République pour légitimer « la course à l’Afrique » et les guerres de conquête menées en Cochinchine et à Madagascar.

Sur ces sujets en particulier, il y a longtemps que le prétendu « front républicain » a disparu au profit de convergences et de compromissions toujours plus graves et toujours plus assumées avec l’extrême-droite, les partisans de l’Algérie française et les soutiens des généraux putschistes. Dans ce contexte, auquel s’ajoute la spectaculaire progression politique du Rassemblement national, sinistrement confirmée par les résultats des élections présidentielles et législatives qui viennent d’avoir lieu, la tenue du Congrès du Cercle algérianiste dans la ville de Perpignan ne saurait surprendre. Le soutien apporté par le maire à cette initiative est parfaitement conforme aux orientations défendues depuis toujours par le Front national et le Rassemblement qui lui a succédé. Apologie de la colonisation, révisionnisme historique, mensonges par omission, minorisation et dénégation des massacres, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par les armées françaises entre 1830 et le 19 mars 1962, tels sont quelques-uns des piliers idéologiques de cette extrême-droite qui demeure fidèle à ses traditions.

Il faut y ajouter la glorification des généraux qui, pour défendre l’Algérie française, ont pris les armes contre la République, le 21 avril 1961. En élevant « au rang de citoyens d’honneur de la ville des représentants des familles d’Hélie Denoix de Saint-Marc, des généraux Edmond Jouhaux et André Zeller… [3] », Louis Aliot persévère dans cette voie, ce qui jette une lumière pour le moins singulière sur la conversion des dirigeants du RN aux « valeurs républicaines ». Commandant par intérim du 1er régiment étranger de parachutistes, Denoix de Saint-Marc a joué un rôle de premier plan lors de la tentative de coup d’Etat à Alger, ce qui lui a valu d’être condamné à dix ans de réclusion criminelle par le Haut tribunal militaire. Ayant réussi à s’échapper, Jouhaud a poursuivi son combat au sein de l’organisation terroriste, OAS, laquelle est responsable de l’assassinat de 2360 personnes, auxquelles s’ajoutent 5419 blessés, majoritairement algériens [4]. Arrêté le 24 mars 1962, Jouhaud est condamné à mort puis gracié par le général de Gaulle, et sa peine commuée en détention à perpétuité. Zeller, qui a rejoint le « quarteron de généraux » putschistes, écope lui de quinze ans d’emprisonnement. Signalons enfin que le programme officiel des journées perpignanaises du Cercle algérianiste prévoit que l’ancien membre d’un commando de l’OAS à Oran, Gérard Rosenzweig, impliqué dans plusieurs attentats, remette le « Prix universitaire algérianiste » en tant que président du jury. Tels sont quelques-uns des multiples honneurs qui seront rendus à des hommes, anciens criminels lourdement condamnés par la justice, décédés ou vivants, dont le point commun est d’avoir défendu l’Algérie française, par tous les moyens, y compris les pires.

Un scandale, assurément. Nonobstant l’initiative locale et courageuse du « Collectif 66 pour une histoire franco-algérienne non falsifiée », ce scandale ne semble pas, à l’heure où ces lignes sont écrites, susciter l’indignation et la mobilisation nationales que l’on serait en droit d’attendre des gauches partisanes, syndicales et associatives pour s’opposer à cette nouvelle offensive de l’extrême-droite. Non seulement, cette dernière ne désarme pas mais, plus grave encore, elle se sent pousser des ailes en raison de la conjoncture politique que l’on sait. Une telle situation devrait obliger celles et ceux qui ne se résignent pas à cette progression, jusqu’à présent irrésistible, et à ses conséquences depuis longtemps désastreuses sur tous les plans. Eu égard à l’importance politique et stratégique que le RN accorde à ce 43ème Congrès du Cercle algérianiste, une riposte d’ampleur s’impose. Organisons-là lors des prochaines commémorations des massacres du 17 octobre 1961 en en faisant une initiative unitaire, anticoloniale et antiraciste, pour la vérité historique, la justice et la reconnaissance des crimes de guerres et des crimes contre l’humanité commis par la France en Algérie et dans les autres territoires de l’empire.

Le Cour Grandmaison, universitaire. Derniers ouvrages parus : « Ennemis mortels ». Représentations de l’islam et politiques musulmanes en France à l’époque coloniale, La Découverte, 2019 et avec O. Slaouti (dirs), Racismes de France, La Découverte, 2020.

[1]. Créé le 1er novembre 1973 pour réhabiliter les combats des partisans de l’Algérie française et la colonisation de ce territoire, ce Cercle, qui se présente comme une « association culturelle des Français d’Afrique du Nord », n’a cessé de rendre hommage aux anciens terroristes de l’OAS et aux généraux putschistes, entre autres.

[2] Avec la finesse qui le caractérise, L. Wauquiez livre aux Français ébahis cette analyse dont la profondeur et la rigueur laissent pantois : « Ajoutez (…) une repentance systématique et vous comprendrez pourquoi des jeunes issus de [ l’] école en viennent à prendre les armes contre leur propre pays. » Le Figaro, 14 février 2016. 

[3]. Cf., le programme : 43ÈME CONGRES NATIONAL DU CERCLE …

[4]. Y. Benot, « La décolonisation de l’Afrique française (1943-1962) », in Le Livre noir du colonialisme, XVIe-XXIsiècle. De l’extermination à la repentance, sous la dir. de L Ferro, Paris, R. Laffont, 2003, pp. 517-556.Recommandé (74)Partager sur Facebook