Contre les actes antisémites, contre leur instrumentalisation, pour le combat contre toutes les formes de racisme

Nous soussignés associations, partis, syndicats, indépendants, sommes toutes et tous activement impliqués dans la lutte contre le racisme sous toutes ses formes. La lutte contre l’antisémitisme fait partie à part entière de notre combat antiraciste. Nous condamnons fermement les actes antisémites, qui surgissent dans un contexte social et politique particuliers.

Malgré l’ampleur du dispositif de répression policière et judiciaire déployé contre les Gilets jaunes par l’État, le mouvement continue de bénéficier d’un fort soutien populaire. Il n’est pas homogène et révèle une effervescence sociale. Face à un gouvernement déterminé à ne pas répondre aux attentes sociales, il reflète la société française et ses contradictions et a largement évolué dans ce qu’il porte depuis le mois de novembre.

La séquence que nous vivons est par conséquent confuse. Si des éléments d’extrême-droite sont encore présents, le mouvement montre bien qu’ils sont loin d’être hégémoniques et capables d’en prendre le contrôle, en l’état actuel. Politiquement, mais aussi physiquement, les groupes d’extrême-droite sont mis à l’écart, comme cela a pu être constaté à Lyon, Paris, Toulouse ou encore Bordeaux. Plus le mouvement perdure, plus l’espace auquel l’extrême-droite pouvait prétendre durant les premières semaines semble se rétrécir. Parallèlement, les contacts et convergences avec des syndicats, des collectifs antiracistes, de sans-papiers, de soutien aux migrants se renforcent.

Les tags antisémites du week-end du 9 Février comme la dégradation du lieu de mémoire d’Ilan Halimi s’inscrivent dans le contexte de cette période de brouillage politique et informatif. Une période qui favorise la résurgence d’un racisme identitaire rappelant celui de l’entre-deux guerres. Ces actes antisémites portent bien la signature idéologique de l’extrême-droite nostalgique du nazisme (croix gammés, croix celtiques, « juden » etc.). Ils témoignent de la progression de la dialectique d’extrême droite à l’échelle nationale et planétaire dans un contexte d’aggravation des inégalités sociales. Or le gouvernement et ses alliés ont choisi d’instrumentaliser ces actes contre les Gilets jaunes, dénonçant leur supposée violence, antiparlementarisme et antisémitisme.

Pourtant, c’est bien ce gouvernement qui, récemment, entreprenait de réhabiliter le Maréchal Pétain, chef du régime collaborationniste de Vichy. C’est bien cette même classe politique qui trouvait si peu à redire des hommages rendus à Maurras ou à Céline, écrivains violemment antisémites. L’antisémitisme est une affaire bien trop grave pour la laisser à celles et ceux qui, jour après jour, s’emploient à stigmatiser et à réprimer les minorités. Le sommet du cynisme est atteint lorsque, déjà, nous pouvons percevoir le glissement dangereux consistant à attribuer la montée de l’antisémitisme au « communautarisme musulman », comme n’a pas manqué de s’y adonner un Eric Ciotti hélas pas isolé. Le racisme structurel n’est ni le fait des Gilets jaunes, ni le fait des minorités. Il est celui de l’État qui organise une société inégalitaire et violente. 

Nous n’acceptons pas la manipulation dégradante de la lutte antiraciste par tous ceux qui, le plus souvent, ont favorisé le racisme. Nous luttons contre le racisme sous toutes ses formes, nous n’oublions pas non plus tous les actes racistes et toutes les violences policières islamophobes, négrophobes, rromophobes, visant les asiatiques, les personnes LGBT. Ce que disent les chiffres depuis des années tient en une phrase : le racisme avance en France et en Europe. Nous ne manifesterons pas ni ne participerons à la grand-messe organisée par les forces et partis politiques, ceux qui se disent progressistes avec ceux qui s’inscrivent contre le mouvement social, et qui affirment ensemble : « le racisme, ce n’est pas la France. » Cet « antiracisme », vidé de sens social et politique, est celui des pompiers pyromanes. L’antiracisme que nous revendiquons reconnaît la responsabilité politique du gouvernement français et des forces politiques alliées qui défileront avec lui. Manifester contre le racisme avec ceux qui, LREM en tête, en sont responsables et l’instrumentalisent relève pour nous de la contradiction et de la faute politique. Nous affirmons que cela ne peut être que contre-productif.

Nous ne nous laisserons pas prendre en otage entre les instrumentalisations du gouvernement ou celles des officines et ambassades poursuivant un agenda n’ayant rien à voir avec le combat contre le racisme et l’antisémitisme. Notre refus de la haine antisémite comme de toutes les haines raciales nous l’exprimerons sur un terrain dégagé de tout ce qui produit et entretient ces haines. Le mouvement anti-raciste ne servira pas de caution pour salir les Gilets jaunes. La période est dangereuse nous en sommes conscients, et une sortie de crise qui se contenterait de rétablir l’ordre, serait porteuse de conversion à la haine raciale et au fascisme. Les mobilisations exigent des réponses sociales et démocratiques. La responsabilité gouvernementale est totalement engagée.

Nous appelons à manifester contre les actes antisémites, contre leur instrumentalistion, contre le racisme sous toutes ses formes :

Mardi 19 février à 19h

Place Ménilmontant Paris 75020

(M° Ménilmontant)

Premiers signataires d’organisations = UJFP, PIR, Collectif Rosa Parks, ATMF, FTCR, Femmes plurielles, Fondation Frantz Fanon, AFPS 63, Action Antifasciste Paris-Banlieue…

Sigatures individuelles : Ivar Ekland (mathématicien), Ahmed Abbes (mathématicien), Sonia Dayan-Herzbrun (sociologue), Stathis Kouvelakis (philosophe), Julien Thery (historien), Maryse Tripier (sociologue), Véronique Bontemps (anthropologue), Gustave Massiah (économiste), Catherine Samary (économiste), Judith Bernard (metteure en scène), Dominique Grange (artiste chanteuse), Alain Gresh (journaliste), François Gèze (ingénieur civile des Mines), Barbara Glowczewsky (anthropologue), Geneviève Sellier (professeur emerite), Patrick Simon (démographe), Nicolas Frize (compositeur), Yves Chilliard (biologiste), Michel Harris (mathématicien)…

Face aux provocations de Génération identitaire, lettre du président de la LDH au ministre de l’intérieur

Monsieur le Ministre,
Vous n’êtes pas sans savoir que l’organisation d’extrême droite Génération identitaire s’est livrée le samedi 21 avril à une opération provocatrice d’une extrême gravité à l’encontre de migrants. En effet, une centaine de ses militants ont pris d’assaut un col des Hautes-Alpes, le col de l’Echelle, réputé pour être souvent utilisé par des migrants cherchant à passer d’Italie en France. Cette opération, menée à six kilomètres de la frontière italienne, a pris des allures de manœuvres militaires. Les activistes ont en effet matérialisé une frontière en déployant du grillage de chantier et une banderole, dont le message valait sommation à destination d’éventuels migrants.
Dans un communiqué à l’AFP, l’un des porte-parole de Génération identitaire s’est appuyé sur cette démonstration de force pour dénoncer le « manque de courage des pouvoirs publics » au regard du contrôle des frontières.
Nous avons bien pris note de la réaction de la ministre Jacqueline Gourault, assurant que « les services de l’Etat [étaient] pleinement mobilisés pour assurer l’ordre public au col de l’Echelle ».
Mais il ne semble pas que ces propos se soient traduits par une présence effective de force de l’ordre sur place.
Indépendamment de sa dimension symbolique scandaleuse, la provocation de Génération identitaire aurait pu tourner au drame. Rappelons qu’elle fait suite à une autre initiative, tout aussi scandaleuse, avec l’affrètement d’un navire en charge de « défendre l’Europe » face aux migrants naufragés…Cette récurrence témoigne donc d’une véritable stratégie de communication au contenu haineux et au risque de la mise en péril de vies humaines. Il est déplorable que tout en dénonçant la faiblesse des politiques publiques, ces initiatives puissent surfer sur leur orientation générale de rejet des migrants.
C’est pourquoi nous vous demandons, Monsieur le Ministre, ce que vous-mêmes et vos services entendez faire afin de mettre fin aux activités provocatrices et dangereuses de Génération identitaire. Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique compte tenu de l’actualité.
Dans l’attente, je vous prie d’agréer, monsieur le Ministre, mes salutations les plus distinguées.

Malik Salemkour, président de la LDH-Francecontre l'extreme droite

Génération identitaire doit être dissous, réclame le directeur de France Terre d’Asile

Publié dans Le HuffPost 21 avril 2018

« POLITIQUE – C’est une question qui revient régulièrement dans l’actualité. En 2012 déjà, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls disait réfléchir à la dissolution de Génération identitaire, un groupuscule d’extrême droite coutumier des coups médiatiques pour défendre des positions anti-islam ou anti-immigrés. À l’époque, plusieurs membres avaient occupé le chantier de la Grande mosquée en construction à Poitiers.

Ce samedi 21 avril, c’est le directeur général de l’association France Terre d’Asile qui souhaite la fin de cette association. En cause, une action commise dans la matinée au col de l’Echelle, dans les Hautes-Alpes.

Une centaine de militants ont fait une ascension en raquettes dans la neige avant de dérouler du grillage de chantier en plastique pour matérialiser une frontière symbolique entre la France et l’Italie. Culminant à 1762 mètres, le col de l’Echelle est situé à six kilomètres de la frontière italienne. Depuis un an, les Hautes-Alpes connaissent une augmentation exponentielle de migrants, essentiellement d’Afrique de l’Ouest. Selon la préfecture, 315 personnes en situation irrégulière ont été refoulées vers l’Italie en 2016 et 1900 en 2017.

Plusieurs responsables politiques de gauche ont fait part de leur colère après cette action, certains demandant une réaction du ministère de l’Intérieur. Ce sujet s’est même invité à l’Assemblée où Jean-Luc Mélenchon a demandé au ministre de l’Intérieur (en l’occurrence la ministre Jacqueline Gourault) ce qu’il comptait faire face à cette action. »

LDH-extreme-droite-combat