Dans les squats de Bordeaux, « les personnes vont mourir de faim, pas du Covid-19 » (le Monde)

Article publié sur lemonde.fr  jeudi  avril 2020

Dans les squats de Bordeaux, « les personnes vont mourir de faim, pas du Covid-19 »

Dans les bidonvilles et squats de Bordeaux, les quelque 2 500 habitants, qui se retrouvent souvent sans emploi, craignent le manque de nourriture.

« Alors, deux baguettes, six bananes, une boîte d’œufs, trois tomates, un filet de patates… Reculez ! Reculez ! » La file indienne s’est transformée en un serpentin confus. Une bénévole tente de maintenir un semblant d’ordre tandis qu’une quinzaine de personnes essayent d’avancer vers elle. Certaines se cachent le bas du visage avec un bout d’écharpe ou le col d’une doudoune. Personne n’a de masque ni de gants. Les enfants gigotent dans les poussettes.

Face à eux, des stocks de pâtes, des cageots d’asperges, des boîtes de céréales… entreposés sur des grandes tables, que tente de répartir un petit groupe de personnes, dans l’agitation et la nervosité. Mercredi 1er avril, dans le plus grand bidonville de Bordeaux, une distribution de nourriture a été organisée. Une première, rendue nécessaire en cette période de confinement.

Etalés sur deux hectares d’une friche industrielle de la rive droite de la Garonne, les lieux abritent quelque 350 personnes, en majorité des familles roms de Bulgarie, installées dans des caravanes ou des cabanes de fortune. Et qui redoutent aujourd’hui une pénurie alimentaire.

Les chantiers du bâtiment sont à l’arrêt, les hôtels et restaurants sont fermés, les activités de ferraillage et de mendicité sont rendues impossibles par le confinement, de même que les points d’aide alimentaire se sont raréfiés… « On ne peut plus travailler, ni sortir », rapporte Kalinka, une jeune femme de 19 ans. Elle-même ne s’est pas aventurée en dehors du bidonville depuis trois semaines. « Pour nous, c’est difficile de manger », reconnaît-elle. Kalinka faisait la manche en attendant que la saison agricole reprenne. De mai à octobre, la jeune femme et son mari travaillent dans un domaine viticole de l’appellation Pessac-Léognan. Mais cette année, l’incertitude menace : « Pour l’instant, le patron ne veut pas nous faire signer de nouveau contrat », confie-t-elle.

Bricolage

« Les personnes nous alertent parce qu’elles vont mourir de faim, pas du Covid-19 », résume Morgan Garcia, coordinateur de la mission squat et bidonville de Médecins du monde (MDM), présent mercredi aux côtés des associations Les enfants de Coluche et Bienvenue. « Tout ce joli monde s’est regroupé au travers d’un appel de la métropole, explique un des membres des Enfants de Coluche. Le comité d’entreprise de la SNCF nous a mis ses locaux à disposition pour stocker les aliments et le Parti communiste de Bègles a loué un camion frigorifique. » Plusieurs tonnes de denrées, surtout issues des banques alimentaires, ont été distribuées. De quoi tenir quelques jours. « C’est une situation exceptionnelle », souligne Morgan Garcia. Mais elle se reproduit à de maintes reprises sur le territoire.

TRIBUNE COLLECTIVE « LA PRÉCARITÉ TUE, JUSTICE SOCIALE MAINTENANT » PUBLIÉE SUR BASTAMAG

20 NOVEMBRE 2019 – TRIBUNE COLLECTIVE « LA PRÉCARITÉ TUE, JUSTICE SOCIALE MAINTENANT » PUBLIÉE SUR BASTAMAG

Tribune collective signée par la Ligue des droits de l’Homme (LDH)

Les inégalités et la pauvreté continuent d’augmenter et se matérialisent de façon violente dans la vie de millions de personnes, en priorité les femmes. Comme le démontre le geste de désespoir d’un étudiant à Lyon, qui dénonce la précarité étudiante. Ce n’est pas un fait divers, mais une vraie question sociale.

La précarité est la situation vécue par de très nombreux étudiants et étudiantes : les petits boulots qui freinent leurs études, les logements trop chers, la suppression des bourses, les allocations dérisoires, les difficultés d’accès à la santé, les fins de mois qui commencent dès la première quinzaine.

La précarité étudiante est loin d’être la seule, elle touche une partie grandissante de la population participant de l’augmentation de la pauvreté.

Aujourd’hui, faire des études, avoir un travail ne protègent en rien de la précarité. D’ailleurs la réforme de l’assurance chômage voulue par le gouvernement va aggraver cette précarité pour 1,2 millions de personnes, principalement les moins de 25 ans.

« Nous affirmons notre volonté de faire progresser la justice sociale »

Nous pensons que notre société a les moyens de faire en sorte que chacune et chacun puisse vivre dignement, et non survivre. Cela passe notamment par un accès gratuit pour toutes et tous à des services publics de qualité (éducation, santé, transports, culture…)

De façon immédiate, nous revendiquons pour les étudiantes et les étudiants la hausse du nombre et du montant des bourses, à la mise en place effective de la trêve hivernale dans les logements universitaires ainsi qu’un accès à un logement décent et abordable en Cité Universitaire.

Il est urgent de mettre en place une rémunération permettant de se consacrer pleinement aux études.

Nous contestons le développement et la mise en place de mesures, comme les stages qui remplace des emplois, le service civique, et le tri social organisé par la plate-forme Parcoursup qui condamnent à la précarité et à l’inégalité des droits. Dans ce contexte la « clause du grand-père » qui acterait la dégradation des droits à la retraite pour les personnes entrant aujourd’hui sur le marché du travail, est inacceptable.

Nos organisations affirment leur soutien aux revendications étudiantes et à leurs mobilisations en cours et à venir. Elles appellent à rejoindre toutes les initiatives contre la précarité, le chômage et la défense des services publics.

Elles invitent à construire et faire converger les mobilisations pour la justice sociale dans les semaines qui viennent avec un moment particulier le 5 décembre.

Signataires : Alternative ESR, APEIS, Attac, CGT, Collectif national pour les droits des femmes, DAL, FIDL, FSE, FSU, Jeudi noir, LDH, Solidaires Etudiant-e-s, Unef, UNL, Union syndicale Solidaires.

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Notre-Dame de Paris et le droit au logement … une affaire de construction.

COMMUNIQUE  du  Comité régional LDH – PACA

Notre-Dame de Paris et le droit au logement … une affaire de construction.

Notre président de la République n’a pas tardé à saisir l’importance politique que prenait l’incendie de Notre-Dame de Paris. S’inspirant de l’Histoire, de l’appel universel des populations étrangères à consoler notre pays, de l’oeuvre de Victor Hugo, cet authentique monument de notre littérature, il a tout simplement annoncé, Jupitérien comme jamais et prenant apparemment peu conseil auprès de personnes qualifiées, vouloir reconstruire, restaurer la cathédrale à l’identique dans les 5 ans à venir.

Parlons donc d’abord de ce monument porté au sommet de l’art gothique pendant ces derniers jours. N’oublions pas pour cela que Notre-Dame, élevée presque comme toutes ses soeurs en un siècle qui inventa l’analogie de la Lumière et de la Raison, malgré le pot-pourri de ses restaurations, est, selon Louise Lefrançois-Pillion (1871-1953) historienne d’art, spécialiste de la sculpture médiévale, y compris avec Viollet-le Duc au XIXème siècle, une « poursuite toujours déçue de la clarté, et malgré tout elle demeure désespérément sombre ». Evitons donc toute précipitation dans la remise en état de cette construction après son incendie.

L’histoire ensuite : certes au lendemain de la libération de Paris, solennellement reçus dans la
cathédrale avec les chefs de la Résistance, le général De Gaulle et le général Leclerc entonnèrent un « Magnificat » repris par la foule, mais 4 mois plus tôt c’était Pétain, accompagné de « personnalités allemandes », qu’elle recevait, pompeusement servie par la hiérarchie catholique en majesté.

Par ailleurs quelle outrage facile, pour émouvoir les foules et séduire les riches que de ne voir en Victor Hugo que l’écrivain de « Notre-Dame de Paris » publié en 1831 sans jamais, d’ordinaire, évoquer le « Discours sur la misère», prononcé en tant que député à l’Assemblée Nationale le 9 juillet 1849 par notre grand homme … et dramatiquement toujours d’actualité 170 ans après.

Alors parce que nous vivons en PACA dans une région dont l’image se veut celle des vacances, de l’art de vivre, bref celle du bonheur et bien la LDH veut ici rappeler certains points où le bâti n’est pas au service de l’Homme et en tout cas n’en respecte pas les droits. Qu’il est des quartiers dans nos villes, Marseille en étant le plus récent et le plus tragique exemple, où les constructions bien moins vieilles que Notre Dame de Paris, peuvent tuer en s’écroulant sur leurs habitants. Qu’il est des travailleurs provençaux que le seuil de pauvreté réduit à dormir dans leur voiture quand ils en ont une. Que les étrangers, tels les Roms par exemple, qui aspirent à s’intégrer chez nous du fond de leur bidonville ne le peuvent faute de logement d’urgence. Que dans le Var le mouvement associatif réuni à la veille de la fin de la trêve hivernale, réclamait encore pour les plus démunis, les moyens d’éviter les expulsions. Que le comité national de suivi de la loi Dalo (droit au logement opposable) en date de 2007, qui s’est réuni chez nos voisins à Grenoble rappelait que le droit au logement est un droit constitutionnel tel qu’imposé par le préambule de la Constitution de 1946 et s’insurgeait contre les pratiques illégales des pouvoirs publics pour ne pas répondre aux demandes de logement et pour réduire à néant ce droit au logement pour les sans-abri mais aussi en premier lieu, ruiner la fraternité.

Et puisque Emmanuel Macron est si sensible à l’opinion internationale, la plus haute, la plus
authentique expression de celle-ci ne s’exprime-t-elle pas de la tribune des Nations-Unis. Alors
rappelons qu’il y a peu Mme Leilani Farha, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur le
logement convenable, après un long séjour en France, affirmait : « Je ne vois pas beaucoup de
consultation entre le gouvernement et les groupes concernés, qu’il s’agisse des migrants, des
femmes victimes de violences, des Roms, des communautés d’origine immigrée, des demandeurs d’asile » et que « de nombreuses personnes n’ont même pas accès aux services d’hébergement d’urgence les plus basiques. » La rapporteuse spéciale de l’ONU a ainsi reconnu, cite un communiqué de la LDH en partenariat avec plusieurs ONG et associations que « les pratiques signalées par les résidents des camps dans les alentours de Calais constituent une violation systématique et flagrante du droit à un logement convenable en vertu du droit international des droits de l’Homme. Elles constituent aussi des violations des droits à la santé, à l’alimentation et à l’intégrité physique ».

Tout ce qui précède pour dire, qu’un peu moins d’emphase dans cette affaire permettra peut-être à Emmanuel Macron de ne pas oublier d’autres priorités qui concernent la vie, parfois jusqu’à la mort, de beaucoup de nos concitoyens et d’immigrés… et peut-être concèdera-t-il qu’un pourcentage du fonds destiné à Notre-Dame de Paris pourrait parfaitement s’inscrire dans ce que notre histoire a de plus honorable, pourrait faire écho à l’oeuvre de Victor Hugo dans ce qu’elle a de plus généreux et répondre enfin à l’injonction des Nations-Unis concernant un des droits les plus universels depuis l’âge des cavernes, le droit au logement.

Le 20 avril 2019
P/ le Comité régional LDH PACA
Henri ROSSI Délégué régional
comiteregionalpaca@ldh-france.org