Pourquoi nous ne souhaitons pas rencontrer le ministre de l’intérieur

Le ministre de l’intérieur effectue aujourd’hui un périple de Vitré à Vannes, en passant par le centre Bretagne : Merdrignac, Loudéac, Saint-Thélo.

Mardi matin 10 janvier, Michelle Paul, présidente de la section, reçoit un appel téléphonique d’un fonctionnaire de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, ex renseignements généraux), lui proposant de rencontrer le chef de cabinet du ministre. Elle réserve sa réponse, se donnant le temps de la réflexion. Quand on sait que le ministre sera à Loudéac de 15h30 à 18h, et qu’il y a trois rendez-vous, ça limite singulièrement la portée d’une telle rencontre.

Jeudi matin 12 janvier, nouvel appel, du même fonctionnaire. Mais la proposition n’est plus la même : il demande cette fois si Michelle Paul souhaite solliciter un entretien…

Non, Monsieur le ministre, nous ne sollicitons pas d’entretien, ni avec vous ni avec un membre de votre cabinet. Nous n’avons rien à dire ni à demander à un homme qui, pas plus tard que ce lundi 9 janvier, n’a pas hésité à envoyer une mère et son bébé de 3 mois en centre de rétention administrative à Rennes Saint-Jacques (ils ont été libérés mercredi, grâce à la forte mobilisation qui s’est réalisée autour d’eux).

Nous avons donc rédigé un communiqué, que nous avons transmis ce matin aux journaux, et que nous reproduisons ci-dessous (Vous pouvez le télécharger ici). Vous trouverez ici le communiqué du Collectif contre le racisme et pour la solidarité de Saint-Brieuc sur le même sujet.

Visite du ministre de l’intérieur

Mardi 10 janvier, les services de la préfecture ont proposé à la section Loudéac centre  Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme une rencontre avec le cabinet du ministre de l’intérieur, à l’occasion de sa visite dans la région, pour évoquer la situation des demandeurs d’asile.

Changement de donne jeudi 12 janvier : les mêmes services nous rappellent, mais cette fois il ne s’agit plus d’accepter ou non une rencontre, mais de solliciter une audience.

Il est étrange que M. Guéant propose à la section locale de Ligue des droits de l’Homme de solliciter une audience, alors que ces jours-ci encore, il se félicite d’avoir dépassé ses « objectifs » d’expulsions d’étrangers, renvoie les étudiants étrangers dans leurs pays (mettant des entreprises en difficulté, quitte à faire partiellement machine arrière), bafoue chaque jour le droit d’asile, enferme des bébés en centre de rétention (lundi 9 janvier, un bébé de 3 mois, au centre de rétention administrative de Rennes Saint-Jacques).

Les droits de l’Homme méritent mieux qu’un simulacre de rencontre proposé au dernier moment dans le cadre d’un déplacement ministériel qui, à trois mois de la présidentielle et à cinq mois des législatives s’apparente à une opération de propagande électorale à laquelle nous refusons catégoriquement de nous associer.

La LDH attend au contraire de pouvoir travailler dans la durée et la sérénité avec les représentants de l’État dans le département.

La section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme.

Guéant en tournée électorale dans le département : le collectif contre le racisme et pour la solidarité réagit

Le ministre de l’intérieur sera cet après-midi dans la région : à Merdrignac pour la pose de la première pierre de la future gendarmerie, à Loudéac où il rencontrera des élus, et à Saint-Thélo où il s’est invité à la cérémonie des vœux de la municipalité.

Le collectif briochin contre le racisme et pour la solidarité (qui regroupe des associations telles que la Cimade, RESF, la Ligue des droits de l’Homme, des syndicats et des partis politiques), a lutté pendant des mois pour que la préfecture applique simplement la loi, c’est à dire loge les demandeurs d’asile en errance à Saint-Brieuc et dans le département, réagit à cette visite par un communiqué qu’il a adressé aux journaux. (Télécharger le communiqué).

Monsieur le Ministre de l’Intérieur et de l’Immigration peut s’enorgueillir de battre des records : davantage d’expulsions (32.922 en 2011) et moins d’entrées sur le territoire (182.595) – voir les journaux du 11 janvier – la seule question qui vaille est la suivante : est-ce que ces résultats sont bons pour la France ?

Assurément NON. L’image de « patrie des Droits de l’Homme » de notre pays en souffre beaucoup ; on se souvient de l’épisode récent des étudiants étrangers diplômés ne pouvant travailler chez nous ! Dans son histoire, la France a eu besoin des Étrangers (pendant la 2e guerre notamment) ; elle en aura besoin dans un avenir proche, c’est ce que disent tous les démographes. Nous ne pouvons pas continuer à considérer, par principe, que tous les Étrangers sont des tricheurs qui viennent chez nous bénéficier des avantages sociaux. Il y a aussi d’authentiques Réfugiés qui demandent protection. Ils ne peuvent être monnaie d’échange politicienne avec les voix du Front National.

Derrière vos chiffres, Monsieur le Ministre, il y a des détresses humaines réelles et graves. Pour s’en tenir aux Côtes d’Armor en 2011, l’État, c’est à dire vous en première ligne, a mis plus de six mois à respecter les lois de l’asile pour une bonne vingtaine de personnes (dont un 1/3 d’enfants). Les associations du Collectif ont dû vous harceler, forcer un peu la main au SDIS (syndicat départemental d’incendie et de secours) et au Conseil Général pour mettre à l’abri ces personnes pourtant en règle.

Peut-on admettre que c’est « justice » de mettre en rétention une mère sino-mongole et son bébé de 3 mois, comme à Rennes la semaine dernière ? Il n’y a pas de quoi être fier de vos chiffres, c’était la 12e famille placée au centre de rétention de Rennes depuis juillet dernier (soit 23 enfants de 3 mois à 17 ans). Et que dire de cette citation d’un policier du commissariat de Tours à propos de la traque des Sans Papiers, «  on se croirait revenu à l’époque de la seconde guerre mondiale, ça me révulse… » (Voir la Nouvelle République du 30/12/2011).

Voilà l’envers de vos chiffres, M. le Ministre, pour nous, vous trahissez l’humanité et la France que nous voulons et que nous aimons.

L’OFPRA condamné à … faire correctement son travail

Le directeur de l’office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) avait, dans une note interne, datée du 3 novembre, et dans un louable souci d’efficacité et d’économie (!), donné à ses services l’ordre de ne plus instruire les dossiers des demandeurs d’asile soupçonnés d’avoir tenté de faire disparaître leurs empreintes digitales (notamment en se limant les doigts), et de rejeter leurs demandes sans entretien avec la personne concernée.

Saisi par la Coordination française du droit d’asile (CFDA, à laquelle appartient la Ligue des droits de l’Homme) ,le conseil d’Etat vient de condamner l’OFPRA, au motif qu’il existe un  « doute sérieux sur la légalité » de l’instruction du directeur de l’Ofpra. Le conseil d’Etat ajoute : « l’intérêt public qui s’attache à la lutte contre la fraude n’est pas susceptible de justifier une atteinte aussi grave aux intérêts des demandeurs d’asile concernés » car la note « fait obstacle à l’examen individuel de chaque demande » et « méconnaît les dispositions de l’article L. 723-3 du Ceseda en écartant toute possibilité d’audition préalable des demandeurs » (Ceseda : code d’entrée et de séjour des étrangers et des demandeurs d’asile).

Voici la suite du communiqué du CFDA :

Les demandeurs d’asile concernés risquaient en effet un renvoi dans leur pays sans aucun examen de leur situation :
•    la note du directeur de l’Ofpra imposait à ses agents de rejeter leurs demandes sans examen personnalisé
•    alors que les préfectures les ont mis en procédure dite « prioritaire » qui les prive d’un recours suspensif de leur dossier devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

A l’heure où les autorités entendent accélérer l’examen des demandes d’asile et en réduire les coûts, cette décision rappelle qu’aucun de ces deux objectifs ne peut être poursuivi en sacrifiant des principes aussi fondamentaux que l’audition d’un demandeur d’asile sur les motifs de sa demande.

Le 25 novembre 2011, le ministre de l’Intérieur, Monsieur Claude Guéant, annonce une réforme de la procédure d’asile, en ayant recours à une rhétorique de la « fraude généralisée » ; il recommande d’allonger la liste des pays d’origine « sûrs », ce que fait le Conseil d’administration de l’Ofpra le 2 décembre en y ajoutant l’Arménie, le Bangladesh, le Monténégro et la Moldavie.
La CFDA rappelle que si l’Ofpra est un établissement public sous tutelle du ministère de l’Intérieur, les considérations relatives au contrôle des flux migratoires, propres à ce ministère, ne doivent en aucun cas avoir pour conséquence de réduire les garanties procédurales reconnues par le droit international et la législation française, aux demandeurs d’asile.

Le directeur de l’office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) avait, dans une note interne, et dans un louable souci d’efficacité et d’économie, donné à ses services l’ordre de ne plus instruire les dossiers des demandeurs d’asile soupçonnés d’avoir tenté de faire disparaître leurs empreintes digitales (notamment en se limant les doigts), et de rejeter leurs demandes sans entretien avec la personne concernée.
Saisi par la Coordination française du droit d’asile (CFDA), le conseil d’Etat vient de condamner l’OFPRA, au motif qu’il existe un  « doute sérieux sur la légalité » de l’instruction du directeur de l’Ofpra. Le conseil d’Etat ajoute : « l’intérêt public qui s’attache à la lutte contre la fraude n’est pas susceptible de justifier une atteinte aussi grave aux intérêts des demandeurs d’asile concernés » car la note « fait obstacle à l’examen individuel de chaque demande » et « méconnaît les dispositions de l’article L. 723-3 du Ceseda en écartant toute possibilité d’audition préalable des demandeurs » (Ceseda : code d’entrée et de séjour des étrangers et des demandeurs d’asile).
Voici la suite du communiqué du CFDA :
Les demandeurs d’asile concernés risquaient en effet un renvoi dans leur pays sans aucun examen de leur situation :
•    la note du directeur de l’Ofpra imposait à ses agents de rejeter leurs demandes sans examen personnalisé
•    alors que les préfectures les ont mis en procédure dite « prioritaire » qui les prive d’un recours suspensif de leur dossier devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
A l’heure où les autorités entendent accélérer l’examen des demandes d’asile et en réduire les coûts, cette décision rappelle qu’aucun de ces deux objectifs ne peut être poursuivi en sacrifiant des principes aussi fondamentaux que l’audition d’un demandeur d’asile sur les motifs de sa demande.
Le 25 novembre 2011, le ministre de l’Intérieur, Monsieur Claude Guéant, annonce une réforme de la procédure d’asile, en ayant recours à une rhétorique de la « fraude généralisée » ; il recommande d’allonger la liste des pays d’origine « sûrs », ce que fait le Conseil d’administration de l’Ofpra le 2 décembre en y ajoutant l’Arménie, le Bangladesh, le Monténégro et la Moldavie.
La CFDA rappelle que si l’Ofpra est un établissement public sous tutelle du ministère de l’Intérieur, les considérations relatives au contrôle des flux migratoires, propres à ce ministère, ne doivent en aucun cas avoir pour conséquence de réduire les garanties procédurales reconnues par le droit international et la législation française, aux demandeurs d’asile.

Mme Husvisgalt et son bébé de 3 mois libérés

Mme Husvisgalt et son bébé de 3 mois, internés depuis lundi au centre de rétention de Rennes-Saint-Jacques ont été libérés mercredi, grâce à la forte mobilisation qui s’est faite autour de cette affaire scandaleuse.

Peut-être le ministre de la chasse aux enfants, qui vient en visite électorale vendredi 13 janvier à Merdrignac, Loudéac et Saint-Thélo, a-t-il craint que sa promenade ne soit troublée… ?

Un bébé de 3 mois enfermé au centre de rétention de Rennes Saint-Jacques

Les lapins, les faisans et les perdrix d’Île et Vilaine ont de la chance : leur chasse est fermée depuis dimanche dernier, 8 janvier.

En Île et Vilaine, les enfants ont moins de chance : leur chasse est toujours ouverte.

Me Husvisgalt est enfermée depuis lundi 9 janvier au centre de rétention de Rennes avec son bébé de 3 mois.

Me Husvisgalt est sino-mongole. Elle est arrivée en France en janvier 2010 avec son conjoint pour demander l’asile. Suite à leur rejet de demande en juin 2011, la préfecture d’Ille et Vilaine leur a délivré une OQTF (Obligation à Quitter le Territoire).

Jeudi 4 janvier, alors qu’elle allaitait son bébé dans un véhicule stationné aux abords des restos du cœur, où elle venait de s’approvionner en denrées alimentaires, Me Husvisgalt a subi un contrôle d’identité, ansi que 2 compatriotes en situation irrégulière. La police lui a alors remis une convocation pour lundi 9 javier à 10h pour « examen de votre situation administrative ». Elle s’est donc présentée à cette convocation avec son bébé sans son conjoint. La mère et l’enfant ont été placés en rétention.

Depuis le 30 juillet, c’est la 12e famille placée au CRA de Rennes (soit 23 enfants âgés de 3 mois à 17 ans) et la 7e famille arrêtée dans le 35 !

Pour demander la libération de Me Huvisgalt, séparée de son conjoint et enfermée au CRA de Rennes avec Soyld, son bébé de 3 mois, adressez un mail au Préfet du 35 :
prefecture@ille-et-vilaine.gouv.fr

Signataires : la Cimade, RESF 35, MRAP 35.

Contacts : 06 48 26 61 40 (RESF 35)
06 30 27 82 55 (Cimade CRA Rennes)

Afin que cesse définitivement tout placement en rétention d’enfants et de leur famille et que soit appliqué les textes internationaux en particulier la Convention Internationale des Droits de l’Enfant,qui prévoit que toute décision de l’administration doit être prise en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant.

RESF 35 et le MRAP 35 appellent à un rassemblement

Mercredi 11 janvier à 17h devant le CRA de Rennes/Saint Jacques

Saint-Brieuc : nouvelle projection de Gaza-strophe

La première projection du film Gaza strophe a connu un tel succès que la salle a été trop petite pour accueillir tous les spectateurs. Une nouvelle projection est donc organisée par l’Association France-Palestine Solidarité 22 Saint-Brieuc et la section briochine de la Ligue des Droits de l’Homme.
GAZA-Strophe vendredi 27 janvier à 20 h au Club 6
À Saint-Brieuc

Documentaire de Samir Abdallah et Khéridine Mabrouk, qui sont entrés dans Gaza le 20 janvier 2009 juste après l’opération de l’armée israélienne « Plomb durci » qui laissa ce territoire en ruines.
Cette projection sera également suivie d’un débat avec Claude Léostic
vice-présidente de l’AFPS et porte-parole de la campagne française « Un bateau français pour Gaza », elle était à bord du seul bateau qui a réussi à contourner le blocage imposé à la « flottille de la liberté 2 » l’été dernier par le gouvernement grec. Ce bateau « La Dignité – Al Karama » a été arraisonné par l’armée israélienne dans les eaux internationales alors qu’il s’approchait des côtes de Gaza, une interpellation « très musclée » et complètement disproportionnée face à une dizaine de pacifistes défendant simplement le droit.

Télécharger le flyer.

Une bonne naturalisation est une naturalisation empêchée

La Ligue des droits de l’Homme vient de publier ce communiqué, à la suite des déclarations du ministre de l’intérieur Guéant, qui se félicite de « l’efficacité » de sa politique d’exclusion et de xénophobie.

Le ministre de l’Intérieur plastronne en annonçant  avoir « largement atteint ses objectifs »  pour faire baisser tant l’immigration illégale que légale en France. Claude Guéant a profité de l’occasion pour faire à nouveau état de chiffres liant immigration et délinquance, chiffres une fois encore sortis dont ne sait quel chapeau. Il faut inscrire au chapitre de ce bilan la chute de trente pour cent du nombre de naturalisations. Une situation largement due au durcissement des procédures et conditions d’octroi de la nationalité, parmi lesquelles la maîtrise de la langue et le transfert de compétences aux préfectures… Rappelons que dans les débats qui se sont déroulés dans la dernière période sur le droit de vote des résidents non européens aux élections locales, la droite s’est répandue dans les médias pour opposer à cette mesure une « véritable citoyenneté », passant par… la naturalisation. Une orientation que Claude Guéant s’emploie à réduire comme une peau de chagrin. A moins évidemment qu’à ses yeux, les « bonnes naturalisations » soient justement celles qu’on empêche. Ces affichages martiaux, d’avantage destinés à l’électorat du Front national qu’à toute autre chose, ne font que souligner une double urgence démocratique. D’une part accorder, enfin et comme l’a récemment voté le Sénat, le droit de vote des résidents non européens aux élections municipales ; d’autre part, rompre avec la stratégie de stigmatisation mensongère des populations migrantes ou assimilées.

Appel interassociatif du 14 septembre : investir sur la solidarité

Le 14 septembre 2010, une cinquantaine d’organisations associatives du champ sanitaire et social tiraient la sonnette d’alarme et lançaient un appel citoyen : « Investir sur la solidarité ».

A l’origine de l’appel, un constat préoccupant : les conséquences sociales et humaines de la crise économique, les politiques sociales centrées sur des objectifs d’efficacité financière et une montée du repli sur soi fragilisent encore plus les publics déjà précaires mais aussi les associations qui les accompagnent.

Aujourd’hui, face à l’urgence et parce que tous les secteurs de la société sont de plus en plus touchés par cette perte de solidarité, ce recueil interassociatif apporte des éclairages sur la nécessité de construire une société basée sur la solidarité. A l’approche de la campagne électorale, il a pour vocation d’informer le grand public et d’interpeller les candidats sur l’urgence d’investie sur la solidarité.

Le site de l’Appel se trouve à cette adresse, et l’appel peut être signé ici. Vous pouvez télécharger le livret ici.

La Ligue des droits de l’Homme a contribué à ce livret avec un article intitulé « Contre les inégalités, une solidarité de droits », dont voici le texte.

Dans la trilogie républicaine, la fraternité est souvent perdue de vue. Un peu comme si, bon an mal an, liberté et égalité devaient suffire à assurer une citoyenneté épanouie. Supplément d’âme en quelque sorte. On peut s’interroger sur les causes de cette myopie récurrente, mais on doit surtout la dépasser en interrogeant le sens profond de cette invitation à nous montrer fraternels.

Faire société

Dépassons d’emblée l’idée qu’il s’agirait là de s’adresser aux « autres » peuples ; c’est bien au fronton de nos édifices publics que la devise républicaine est gravée. Le message est bien à destination locale, à consommer sur place pourrait-on dire. Risquons une hypothèse : il s’agit tout simplement de nous rappeler que nous vivons tous dans cet endroit complexe et remuant où l’on ne choisit pas ceux avec qui l’on fait société. Car par définition, on ne choisit pas son frère. L’histoire de Caïn et d’Abel nous enseigne que la consanguinité fraternelle n’a pas que des côtés souriants et qu’elle peut, abandonnée à elle-même, déboucher sur le meurtre. À moins que la fraternité ne devienne, métaphoriquement et au-delà des liens du sang, un ensemble d’éléments qui créent du lien et de l’échange social mutuellement avantageux.

Ce qu’on pourrait alors fort bien qualifier de solidarité, est une fraternité en actes. La solidarité n’est plus une concession à la présence de l’autre, elle se déploie comme condition d’une société dont chacun – soi-même et les autres – devient un actif constituant. Elle s’inscrit comme l’un des éléments majeurs ayant permis à l’espèce humaine de lutter contre les menaces de la précarité, de faire progrès en même temps que société. Pour en rester à l’époque moderne, on constate que la solidarité se constitue toujours en socle de progrès. C’est sur la base des premières lois paternalistes sur la limitation du temps de travail dans l’industrie pour les plus jeunes que se construit une réglementation plus étendue et, avec elle, une économie du temps libéré et des usages sociaux de ce temps. Il en va de même avec les politiques sociales qui permettent de substituer à un contrat familial avec le troisième âge une solidarité intergénérationnelle basée sur un système de retraites par répartition. On pourrait à l’envie multiplier les exemples de cette économie de mutualisation : dans les territoires, pour les villes et les quartiers ; dans les domaines de la santé, avec la sécurité sociale ; dans les entreprises de réseau, avec l’enjeu d’une péréquation tarifaire permettant d’assurer un accès égal à tous.

Les dérives glacées du calcul égoïste

À l’inverse, le début des années 80 a imposé une inversion de la philosophie politique. Ronald Reagan, nouvellement élu proclamait que l’État n’était pas la solution, mais le problème. Margaret Thatcher quant à elle, y ajoutait son refus de toute politique sociale, puisqu’il n’y a pas, selon elle, de société mais juste des individus. Les conséquences de ce choix
de l’individualisme méthodologique comme explication du monde sont lourdes. À la redistribution qui a longtemps accompagné une croissance génératrice d’inclusion sociale se substitue le couple concurrence et compassion. Ce choix philosophique inspire alors les politiques publiques et fonde le « détricotage » des outils de solidarité sociale, générationnelle, fiscale. La mise en concurrence de tous avec tous, présentée comme un facteur d’efficacité et de bien-être partagé s’est, dans les faits, accompagnée d’une explosion des inégalités telle qu’elle en a profondément modifié la nature même de la société. On est ainsi passé d’une société d’inégalités supportables à une société dans laquelle les écarts sont tels qu’ils percutent l’idée même d’un vivre ensemble.

À quoi fait écho – à un niveau anthropologique – la série de crises financière, économique, sociale et écologique qui secouent l’avenir même de l’espèce. Dans ce contexte, la question de la finalité de l’économie et du rôle de ses acteurs devient plus que jamais centrale, et essentielle la finalité de la production : que produire ? Pour qui et comment ? Considérant que l’on ne peut plus consommer plus que ce que la planète ne peut supporter, les droits de l’homme, à garantir à chacun et à chacune et partout, deviennent un axe stratégique. On en arrive au point exact où la proximité entre l’économie sociale et les droits de l’homme prend de la force : la question de l’heure est de faire des droits un axe stratégique et non plus une possibilité, et ce, dans tous les domaines.

Ce n’est qu’ainsi qu’il devient possible de penser une nouvelle conception du monde, structurée autour de l’enjeu majeur – et complexe – de l’égalité, ainsi que des débats politiques qu’il ouvre et recouvre. De la solidarité…

De la solidarité…

Solidarité et égalité sont en effet inséparables des grandes tensions sociales, également politiques, qui caractérisent la période ; et leurs définitions deviennent des enjeux en fonction des conceptions qu’on se fera du monde. Ainsi pourra-t-on professer qu’il s’agit d’être solidaire de telle ou telle catégorie de population. Par exemple, des « plus pauvres », ou des « exclus » ou encore des handicapés, de la grande vieillesse… Le risque étant évidemment d’entrer, à partir de préoccupations parfaitement légitimes dans un jeu de mise en concurrence, voire en opposition, de telle catégorie avec une autre. Dans un registre caricatural, cela pourra donner l’opposition des bons chômeurs aux mauvais… D’un autre côté, on pourra poser comme principe qu’il s’agit moins d’être « solidaire avec » que de construire une société solidaire, en général. La tentation est grande, en période d’urgence sociale et alors que les marges financières de l’intervention publique se réduisent, d’opposer les deux approches. Nous pensons au contraire qu’elles sont toutes deux profondément légitimes à condition justement de ne pas les opposer. Elles permettent de combiner des droits spécifiques à un principe général, de faire reposer sur un socle de principes une arborescence de droits singuliers. Ce faisant, de décliner du droit en fonction de populations, de situations, de territoires particuliers, tout en restant dans un cadre qui ne soit pas compassionnel mais assure un progrès général.

L’investissement sur la solidarité cesse alors d’être considéré comme à fonds perdus, une sorte de « faute de mieux », lot un peu honteux réservé aux malchanceux et autres bras cassés de la vie. Il (re)devient un principe et un outil majeur d’un vivre ensemble sur un pied d’égalité en droits. Voilà les nouvelles solidarités dont nous avons besoin face aux crises financières et du travail ; des solidarités qui, à la fois soulagent, soignent, permettent de repartir de l’avant.

… et de ses instruments

C’est bien dans ce cadre qu’il faut situer les débats et les conflits qui se développent autour des services publics. Ils ont été des outils de solidarité extraordinaires et restent aujourd’hui garants d’un large pan de l’égalité sociale, territoriale, de santé, devant l’éducation et la culture. Ils appellent aujourd’hui des mesures de refonte, de modernisation, pour une efficacité nouvelle aux services des usagers. Il en va de même pour les outils de redistribution – et donc de solidarité – que sont les choix de politique fiscale, de couverture santé, de politique familiale, d’insertion…

On nous dit jusqu’à la nausée, que « nous » n’en avons pas ou plus les moyens. Et d’entonner le couplet devenu une scie économique grinçante, le taux de prélèvements obligatoires. Depuis de nombreuses années, tous les gouvernements ont repris ce refrain. Pourtant, ce taux n’a aucune signification en dehors d’une analyse de sa composition et de sa fonction. Au-delà des batailles de chiffres, il s’agit de refuser la socialisation des risques et de faire la place à toutes les formes l’individualisation du sort de chacun. Ce qui est mis en cause, ce sont ces transferts sociaux qui limitent les effets les plus criants des inégalités sociales. Cela ne signifie pas, bien sûr, que les impôts soient bien partagés et que les transferts sociaux sont les meilleurs possibles. Une réforme fiscale d’envergure est indispensable : diminution considérable des impôts indirects, qui, puisqu’ils sont payés en pourcentage à la source sur des produits et des services, pèsent relativement plus lourds pour les couches sociales les moins riches ; augmentation de la progressivité de l’impôt sur le revenu, du rendement de l’ISF, taxation des bénéfices et des plus-values spéculatives. Mais ce n’est pas le taux de prélèvement obligatoire qui ouvre la voie de la justice sociale.

Face aux périls : réaffirmer un projet politique solidaire

Aujourd’hui, l’inégalité insupportable entre ceux qui possèdent droits et richesses et ceux qui n’ont rien déchire le monde. Des milliards d’êtres humains sont sacrifiés alors que les hommes et les femmes ont droit à un travail dans la dignité, à une véritable sécurité et santé au travail, à un travail et à un revenu décent, à un revenu de remplacement décent quand ils sont privés de salaire, en cas de chômage, de maladie, de handicap, et à la retraite. En même temps, le droit du travail, le droit de grève, le droit syndical et la négociation collective doivent être protégés et défendus. Au-delà des choix budgétaires qui peuvent être conjoncturels, il s’agit aussi de savoir si l’on veut jouer le succès de ces outils économiques que sont l’économie sociale et solidaire, le secteur coopératif, l’épargne solidaire, qui se situent en dehors de la sphère marchande, ou s’inscrivent en contradiction avec ses credo dominants. Les politiques publiques doivent être mises au service de ces objectifs.

C’est dire que les choix de solidarité sont au coeur même du projet politique proposé à la cité, au coeur de la fraternité qu’on entend construire. Dans le contexte de globalisation de l’économie, c’est la logique de tous les droits qu’il faut promouvoir pour qu’ils deviennent vraiment universels. Car les crises que nous affrontons, la montée des particularismes égoïstes, leurs conséquences en matière de coupes budgétaires, les finances publiques mises au service de quelques-uns – dont chacune dit le peu de cas qu’on fait des hommes et des femmes concernés – nous le rappellent à leur manière : il n’existe pas d’alternative humaniste à l’investissement dans la solidarité. Sauf évidemment à considérer l’accumulation de richesses à un pôle de la société comme une variété anodine d’humanisme.
Mais gare…


Les temps nouveaux en délibéré

Pierre Tartakowsky à la tribune du congrès de la LDH à Reims en juin 2011.

Voici l’éditorial de Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, paru dans le dernier numéro du bulletin mensuel de la Ligue, « LDH info ».

Les temps nouveaux en délibéré

Le pessimisme de la raison ne doit pas nous empêcher, optimisme militant aidant, de nous souhaiter collectivement de bonnes fêtes, et une année réellement nouvelle. Bien évidemment, les vœux ne sauront suffire, et il faudra les soutenir d’actions collectives et de choix électoraux. 2012, de ce point de vue, ne s’annonce pas comme une année banale. Les Français sont appelés à se choisir un nouveau président et une nouvelle majorité. Il faut évidemment souhaiter que ce « nouveau » soit effectif et bien au rendez-vous. Il faut surtout, et sans attendre, tout faire pour que les libertés, les droits y trouvent leur compte.

Or, pour l’heure, comme disent les commentateurs hippiques, le terrain est lourd.

La droite a décidé de chevaucher la crise européenne pour en faire l’alibi majeur d’une politique d’austérité qu’elle souhaite constitutionnaliser, rien de moins. Tout aussi inquiétant, elle brandit avec hargne l’étendard national comme une menace sur tout ce qui n’est pas au diapason de ses préférences. Ainsi s’esquisse, l’air de rien, un paysage politique qui s’organise entre la France et l’anti-France, « eux » et « nous ». Sur cette toile de fond, le passage à la toise des droits et libertés continue, ainsi qu’en témoigne la campagne contre le droit de vote des résidents étrangers aux élections municipales, le cadeau de Noël fait aux BAC sous forme de cent cinquante fusils à pompe, le lancement de la nouvelle carte d’identité informatique… Ces rengaines nationalistes, ces décisions autoritaires témoignent d’une panne de l’esprit et n’augurent rien de bon pour la démocratie. Au vu des difficultés présentes et à venir, c’est d’une autre hauteur de vue dont nous aurions besoin.

Pour l’heure, le débat se traine et l’esprit de rupture ne souffle pas. Avons-nous besoin, réellement d’une austérité, d’une sécurité « plus efficaces »? Faut-il combattre, en matière de retraite « les injustices les plus criantes », ou repenser leur système de financement en dégageant des ressources nouvelles ?  La démocratie passe-t-elle par un retour au « normal », ou par des mesures fortes, concernant les résidents étrangers, la représentation paritaire, le rapprochement des décideurs avec leurs électrices, leurs électeurs?

Ces questions sont portées de longue date par la société civile, par des organisations politiques, des élus. Elles sont au cœur du Pacte pour les droits et la citoyenneté que la LDH a passé avec une cinquantaine de partenaires associatifs et syndicaux, pour enrichir le débat, dessiner les changements nécessaires pour, enfin, gagner. Car la gauche ne peut remporter de victoire que lorsqu’elle s’assume pleinement, sur ses valeurs propres. Il faut le rappeler, car le temps presse et l’urgence sociale est là. Elle chemine plus que jamais de pair avec l’urgence démocratique.

À cet égard, la décision du tribunal correctionnel de Paris, condamnant Jacques Chirac à deux années de prison avec sursis, est une bonne nouvelle, et elle met un point final à douze années d’impunité pénale, soit l’un des épisodes les plus avilissants de la Ve République.

Certes, la décision vient tard. Mais l’âge, même grand, ne saurait faire amnistie. Ce retard résulte d’une stratégie d’évitement délibéré et d’un statut présidentiel délétère. Il faut se féliciter qu’elle sanctionne un trafic mené au détriment des contribuables et exalte l’idée de probité mise au service d’intérêt général. Au-delà, le tribunal, qui a fait preuve d’indépendance, effectue une mise au point de la justice avec elle-même. Le parquet, en effet, se voit cruellement démenti. Voilà qui vient à point au moment des affaires Karachi, Bettencourt et autres ; il peut contribuer à affaiblir l’impact du « Tous pourris » brandi ici et là. Enfin, il met de fait, en délibéré l’avenir de l’article 67 de la Constitution. Né d’une bonne intention – protéger la personne du président de la République – il est devenu facteur de confusion des rôles, des charges, des responsabilités. A l’image de la situation politique et sociale de la France, il appelle des ruptures. En 2012 ?

L’augmentation de la pauvreté comme moyen de lutter contre l’insécurité routière

L’augmentation de la pauvreté pourrait-elle faire baisser le nombre de morts sur les routes ? C’est ce qu’on pourrait penser, en lisant l’article paru le 6 décembre dans rue 89.

Une automobiliste reçoit une contravention pour stationnement gênant. Elle conteste le caractère gênant du stationnement, et écrit une lettre au ministère public, le 10 octobre, pour solliciter un peu de mansuétude, et dans laquelle elle met en avant ses difficultés financières, et donc fiscales. La réponse ? Lisez plutôt :

« je ne répondrai pas que votre situation fiscale ne justifie pas le retrait de votre contravention, mais plutôt que votre situation fiscale devrait vous inciter à faire preuve de plus de vigilance quant au strict respect du code de la route… »

L’article de rue 89 est lisible ici, vous y trouvez la réponse complète du représentant du ministère public.