Vidéo : « Pourquoi entrer dans la tête des Poilus ? » par Philippe Olivera

Philippe Olivera, historien

Depuis la disparition des derniers poilus, certains historiens ont commencé à contester les récits qu’ils nous ont laissés de leur vie durant la Grande Guerre. Cette disparition des témoins permettaient à ces historiens de ne plus risquer que leurs analyses soient contestées par ceux à qui leur vécu apportait une légitimité incontestable. On a ainsi assisté à une sorte de « réécriture » de l’histoire, par ce qu’on appelle « la nouvelle histoire » : « La ‘nouvelle histoire’ de la grande guerre est une histoire sans complexe de dominants pour les dominants, dont l’essentiel du propos est de nier la domination en confisquant la parole des dominés. En cela, elle est bien de son temps, y compris, sans doute, parce qu’il n’est même pas certain qu’elle en soit consciente », écrit l’historien Philippe Olivera dans le numéro 53 intitulé « L’ordinaire de la guerre » de la revue Agone. Et il ajoute : « à l’heure du centenaire de 1914, cette capacité à refléter l’esprit « décomplexé » du temps conduit malheureusement souvent les outrances de la « nouvelle histoire » de la Grande Guerre à passer comme allant de soi ».

C’était le thème de la conférence de Philippe Olivera, intitulée « Pourquoi entrer dans la tête des Poilus », organisée lundi 31 mars à l’Université de Rennes 2 par la section rennaise de la Ligue des droits de l’Homme et l’association « Histoire deux ». Une conférence passionnante, qui a permis aux participants de mesurer les enjeux, à la fois histoiques et politiques, de cette nouvelle écriture de l’histoire.

Cliquer sur la miniature pour voir la vidéo.

httpv://youtu.be/chQ6azkVxRs

P. Tartakowsky évoque la mémoire de Victor et Ilona Basch

« Le Patriote résistant » est la publication mensuelle de la Fédération nationale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes ». Dans son édition de janvier 2014, il publie une interview de Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, à propos de l’hommage qui sera rendu à Rennes (et dans d’autres villes françaises) à Victor et Ilona Basch, vendredi 10 janvier, au lyvée V. et H. Basch de Rennes. L’occasion pour le président de la LDH de rappeler brièvement la vie de Victor Basch et de son épouse, et en quoi elles méritent non seulement l’hommage qui va leur être rendu, mais aussi la proposition faite par la LDH que leurs corps soient transférés au Panthéon. Voir ici le programme de cette journée. Un programme particulièrement riche et passionnant.

Président de la Ligue des droits de l’Homme depuis 1926, résistant en zone sud, Victor Basch est  exécuté avec sa femme le 10 janvier 1944 près de Lyon par des miliciens et des gestapistes. La Ligue des droits de l’Homme lui rendra hommage le 10 janvier à Rennes notamment, ou commença son action politique. Nous avons évoqué cette grande figure et l’universalité de ses combats avec le président de la Ligue des droits de l’Homme, Pierre Tartakowsky.

Comment l’hommage rendu à Victor Basch, 70 ans après son assassinat, s’inscrit-il dans l’histoire et l’actualité de la Ligue des droits de l’Homme ?

La Ligue a un rapport singulier à l’histoire et à la commémoration. C’est une vieille dame qui est attentive à cultiver son histoire. Comme tout un chacun elle a trébuché parfois et n`a pas toujours été exemplaire au cours de ses 120 années d’existence. Cela s’est vérifié avec les fusillés de la Première Guerre mondiale, également par rapport à la question coloniale, objet de débats importants qui ont finalement tranché en faveur de l’anticolonialisme. D’autre part, dans l’histoire de la Ligue on trouve évidemment la Résistance, parce qu`elle est un combat national et social et surtout la continuation de l’engagement du la Ligue dans le Front Populaire contre l`idéologie du nazisme et d`un régime français autoritaire et xénophobe, à la botte des nazis. On trouve aussi le programme du Conseil national de la Résistance qui est issu d’un compromis national et social au sens de démocratisation forte du champ économique et de l’intervention de l’État. Victor Basch dans cette histoire est multi-exemplaire. Il est l’image de ce que la droite autoritaire, xénophobe antirépublicaine française vomit. C’est un juif venu de l’est – il est Hongrois -, donc un pouilleux dans la représentation qu’on se fait des juifs de l’est à l’époque, qui « viennent nous envahir ». De surcroit ce juif se mêle de ce qui ne le regarde pas puisqu’il fait de la politique, et il en fait à gauche. Il est le co-fondateur avec Lucien Herr et Ludovic Trarieux, de la Ligue pour la défense des droits de l’Homme et du citoyen en 1898, dont il va prendre la présidence en 1926. La Ligue et son président joueront un rôle très important dans la naissance du Front populaire. Et c’est au siège de la Ligue qu’est signé le programme d’action du Front Populaire.

Rien d’étonnant, dans le contexte des années trente et quarante, à ce que ce personnage dérange et devienne une cible pour l’extrême droite…

Oui, Basch est un juif qui agace : études brillantes, philologue, philosophe, professeur d’université, il est a ussi germanophone, donc potentiellement un espion. Voilà, il incarne à lui tout seul toutes les caractéristiques honnies du juif malin, étranger, infiltré, républicain, et franc-maçon qui plus est. La seule chose qu’on ne puisse pas lui reprocher est d’être communiste ! En 1940 il est victime d’une violente campagne antisémite jusque sous ses fenêtres, son appartement parisien est pillé. Il se réfugie près de Lyon avec sa femme Ilona (Hélène) qui partage tous ses combat. Début 1944, la milice de Lyon les arrête – sa femme a refusé de le laisser. Au motif du grand âge de Basch – il a 81 ans, et son épouse 79 je crois -, qui rendrait leur détention difficile, les miliciens décident de les exécuter. Ils sont abattus de plusieurs coups de feu le 10 janvier à Neyron dans l’Ain. On est dans l’ignoble à l’état pur.

Si des rues ou des établissements scolaires portent son nom, on ne peut pas dire que le souvenir de Victor Basch soit ancré dans la mémoire collective?

C‘est pourquoi les commémorations prévues le 10 janvier prochain  ne seront pas du luxe.  Mise à part la génération de la Résistance, les adhérents de la Ligue voire les francs-maçons, je ne suis pas certain que Victor Basch soit très présent dans les mémoires. Il faudra rappeler que sa carriere à la fois universitaire et militante a été tournée vers la compréhension de l’autre et de l’humanité. Basch met sa science universitaire au service d`engagements civiques, moraux et politiques, à travers ses responsabilités et dans la vie quotidienne. Pour nous il est important de montrer qu’à toutes époques de tels engagements ne sont pas consensuels mais qu`ils affrontent des forces réelles, concrètes, capables dc faire preuve d`une formidable agressivité, et d’aller jusqu’au meurtre.

Les commémorations ont d`abord une fonction mémorielle, elles entretiennent le souvenir. Mais dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui, elles servent aussi à parler de l`actualité. En tout cas in rappeler que les problèmes que nous affrontons, tels les atteintes aux droits de l’homme, le racisme, la xénophobie, se sont déjà présentés à nous. Il ne s`agit pas de tracer un parallèle: avec les années quarante, notre pays n’est pas occupé et nous ne sommes pas dans une situation fasciste ou préfasciste. Mais nous pouvons dire qu’il y a une relative similitude avec les années trente, du fait de la crise sociale et économique. Nous constatons que la situation du débat public en France se dégrade de manière considérable sans que des réponses soient toujours apportées. Le gouvernement n’est pas porteur d`un ensemble de valeurs suffisamment cohérentes pour faire barrage aux tentations de racisme, d`antisémitisme et de xénophobie. Je pense à son temps de réaction après les insultes racistes proférées contre M » » Taubira. Ou au fait que la fréquente libération de la parole d’élus républicains, notamment sur les Roms, ne soit pas sanctionnée par la justice. Il y a une sorte de laisser faire qui s’est installé au fil des ans, Il me semble aussi que l’antijudaïsme s’accroit corrélativement à une remontée du fondamentalisme chrétien lequel a pris des forces dans notre société, A preuve il a réussi à mettre beaucoup de personnes dans la rue contre le mariage pour tous. Les forces porteuses d`antijudaïsme ont rencontré d’autres courants plus contemporains, tels le racisme anti-noirs et anti-maghrébins toujours florissants. Là où il y a un racisme, il y en a toujours d`autres.

La journée d’hommage Victor Basch de Rennes le 10 janvier est placée sous le signe  de l’engagement militant hier el aujourd’hui… Pouvez-vous précariser ?

C’est à Rennes où il enseignait que débuta l’action politique de Victor Basch, qui fut l’un des premiers défenseurs de Dreyfus lors de son procès dans cette ville en 1899. Nous y rappellerons son parcours militant acharné pour la défense du droit et de la justice, sa vie engagée et courageuse jusqu’au bout — un courage également physique puisqu’il s’est fait prendre dans une rixe contre des Camelots du roi à près de 70 ans ! Notre démarche consiste toujours à analyser les situations historiques pour ce qu’elles sont sans les projeter de manière indue sur le présent et à rappeler qu’il y a des valeurs qui traversent l’histoire. Nous réfléchirons à Rennes sur la force de l’engagement citoyen, sur la nécessité d’avoir des convictions et du courage pour les défendre. Qu’est ce qui fait qu`on est un citoyen ? Quels risques prend on à se réclamer de ce statut de citoyen?

La Ligue a proposé que Victor Basch entre au Panthéon. Il est vrai que les arguments en sa faveur ne manquent pas.

Nous avons proposé Victor Basch pour toutes les raisons que j’ai dites mais la Ligue appuie également l’entrée simultanée de plusieurs femmes au Panthéon, qui marquerait une volonté de notre pays de rompre avec le sexisme laïque et républicain qui a trop longtemps marqué son histoire. Dans la maison des «  grands hommes », on compte vraiment peu de femmes. Pour en revenir à Victor Basch, sa candidature est tout à fait légitime parce qu’il est l`une des personnalités qui font rayonner la réalité de la nation française. Dans l’esprit des républicains de l’époque, la nation française n’est pas un territoire ni un héritage, c’est un concept politique. La nation, c’est la liberté, l’égalité. la fraternité, et il n’y a pas de distinction très claire entre la nation, la République et les valeurs sous-jacentes qui sont des valeurs très humanistes, très généreuses et ouvertes. Basch incarne cet étranger qui se réalise en France et devient une figure cosmopolite. pas dans le sens nazi ni stalinien, mais dans le sens de personnage du monde. Voilà pourquoi nous pensons que le rôle de Victor Basch mérite lui aussi d’être honoré par la République et que celui-ci pourrait, avec sa femme llona, assassinée comme lui par des miliciens et des nazis, être inhumé dans le haut lieu de la République que constitue le Panthéon.

Propos recueillis par Irène Michine.

L’assassinat de Victor et Ilona Basch

Le couple Basch a fui en zone sud en 1940 et s’installe dans la banlieue lyonnaise, à Caluire-sur-Cuire. Victor Basch va participer à la rédaction du journal clandestin « Le Patriote » et fera partie du comité directeur du Front national. Il est recherché par la police de Vichy et en janvier 1944 la milice de Lyon, dirigée par Paul Touvier, le repère et l’arrête. À l’assassinat des époux Basch à Neyron (Ain), participent Lécussan, chef régional de la milice, et Moritz, de la Gestapo. Sur le corps de Victor Basch, sera retrouvé un écriteau sur lequel est inscrit : « terreur contre terreur. Le juif paye toujours. Ce juif paye de sa vie l’assassinat d’un National. À bas De Gaulle – Giraud. Vive la France. Comité national anti-terroriste, région lyonnaise ».

 

 

Il faut rendre hommage à Ilona et Victor Basch, assassinés par la milice le 10 janvier 1944

Crédit photographique : © Photo RAP/ Roger Viollet.

Fondateur de la section de Rennes de la Ligue des droits de l’Homme pendant l’affaire Dreyfus (André Hélard, spécialiste de l’affaire Dreyfus, évoque son rôle éminent dans une vidéo mise en ligne ici), président de la Ligue des droits de l’Homme de 1926 jusqu’à son assassinat par la milice en 1944, Victor Basch est une des grandes figures non seulement de la Ligue des droits de l’Homme, mais simplement de l’Histoire de France. En dehors de son attachement indéflectible à la Ligue, Victor Basch a joué un rôle majeur pendant le Front populaire et dans la Résistance, notamment en tant que membre du comité directeur du Front national pour la zone sud (à ne pas confondre avec le groupe d’extrême droite qui en a volé le nom).

Consultée par la mission de réflexion sur le Panthéon, chargée de proposer des noms de personnes méritant de reposer dans la nécropole nationale, la Ligue des droits de l’Homme a proposé les noms de Victor Basch et de son épouse Ilona, assassinés par la milice le 10 janvier 1944. Le 10 janvier 2014 sera l’occasion pour la section de Rennes de la LDH d’honnorer son fondateur, en collaboration avec le lycée Victor Basch et  du conseil régional de Bretagne. Plusieurs historiens et personnalités politiques interviendront pendant cette journée dont nous vous détaillerons le programme prochainement. Les sections LDH de Montrouge (92) et Villeurbanne (69) s’associeront à cet hommage, et cosignent avec la section de Rennes un appel en faveur de la proposition de la Ligue des droits de l’Homme de faire entrer au Panthéon le couple Victor et Ilona Basch. Voici, ci-dessous, l’appel commun qu’elles lancent.

Victor Basch, 70 ans après son assassinat

Ancien président de la Ligue des droits de l’Homme, Victor Basch est assassiné avec son épouse Ilona, le 10 janvier 1944 près de Lyon par la milice française et la Gestapo. Des commémorations sont d’ores et déjà programmées à Rennes (35), à Villeurbanne (69) et à Montrouge (92) en l’honneur de cet homme d’action, fervent dreyfusard, militant acharné de la défense du droit et de la justice.

La Ligue des droits de l’Homme et du citoyen, tout en appuyant récemment l’entrée simultanée de plusieurs femmes au Panthéon, estimait également « que le rôle de Victor Basch mérite lui aussi d’être honoré par la République et que celui-ci pourrait, avec sa femme Ilona, être inhumé dans le haut lieu de la République que constitue le Panthéon ».

C’est à Rennes, à l’occasion de l’affaire Dreyfus, que débute l’engagement politique de Victor Basch. Ce combat l’amène à faire partie dès juin 1898 des premiers adhérents de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen dont il assurera la présidence de 1926 jusqu’à sa mort, et à jouer un rôle essentiel dans la fondation de la section de Rennes, une des premières à voir le jour. En sa mémoire, la section de la Ligue des droits de l’Homme de Rennes organisera le vendredi 10 janvier 2014 une journée d’hommage sur le thème « Militer hier et aujourd’hui » avec la participation d’historiens et de responsables associatifs et politiques.

L’engagement militant de Victor Basch l’amène à être également un acteur important du Front populaire. C’est ainsi qu’il préside à Montrouge, le 14 juillet 1935, au vélodrome Buffalo, les « Assises de la paix et de la liberté », évènement fondateur du Front populaire et de ses avancées sociales. La section de la Ligue des droits de l’Homme de Montrouge dévoilera une plaque rappelant cet événement, le mercredi 16 avril 2014, rue Victor Basch à Montrouge.

Réfugié pendant la guerre, avec son épouse Ilona, à Caluire-et-Cuire (69), Victor Basch devient membre du comité directeur du mouvement de résistance Front national pour la zone sud. Arrêtés tous les deux le 10 janvier 1944 par la milice française et la Gestapo, ils sont assassinés à Neyron (01) et sont inhumés à la Nécropole nationale de la Doua, à Villeurbanne (69). La Fédération de la Ligue des droits de l’Homme du Rhône invitera à se recueillir sur leur tombe le vendredi 10 janvier 2014 et proposera une projection-débat autour du film documentaire « Victor Basch, dreyfusard de combat ».

Le 10 janvier 2014, cela fera 70 ans que Victor Basch fut tué, avec son épouse Ilona, pour ses engagements et du fait de ses origines. Les assassins déposèrent sur leurs corps l’inscription « Terreur contre terreur : le juif paye toujours ». Alors qu’en France les propos racistes se multiplient, les diverses commémorations qui se dérouleront autour de l’action militante et de l’assassinat de Victor Basch appuieront la volonté de la Ligue des droits de l’Homme de dénoncer sans relâche et sans complaisance les incitations actuelles à la haine et de refuser que la brutalité verbale toujours annonciatrice de passages à l’acte dramatiques envahisse l’espace démocratique.

 

L’Affaire Dreyfus et la Ligue des droits de l’Homme : quatre vidéos

André Hélard à gauche, et Emmanuel Naquet.

L’histoire de la Ligue des droits de l’Homme est indissociable de celle de l’affaire Dreyfus, puisque c’est « l’affaire » qui a suscité la création de la Ligue. C’était le thème de la journée de formation organisée par le comité régional Bretagne de la Ligue, samedi 7 décembre à Rennes.

Cette formation, animée par André Hélard, de la section rennaise de la LDH et spécialiste de l’affaire Dreyfus, et Emmanuel Naquet, historien et auteur de plusieurs ouvrages sur l’affaire Dreyfus, s’est déroulée en quatre modules, dont vous pouvez voir ci-dessous les captations vidéo.

1er volet, l’Affaire Dreyfus, par André Hélard.

httpv://youtu.be/1761peHnOho

2ème volet, la création de la Ligue des droits de l’Homme et l’affaire Dreyfus, par Emmanuel Naquet.

httpv://youtu.be/0K1LaMYOg6Q

3ème volet, la naissance de la section de Rennes de la Ligue des droits de l’Homme, par André Hélard.

httpv://youtu.be/DYE2Cs53S6Q

4ème volet, l’histoire de la Ligue des droits de l’Homme, depuis 1906, par Emmanuel Naquet.

httpv://youtu.be/lnTPEtXzEho

 

Relaxe confirmée pour un journaliste et un historien poursuivis en diffamation par un ancien ambassadeur du Rwanda

Jean-PierreChrétien

Poursuivis depuis 2010 pour diffamation par l’ancien ambassadeur du Rwanda à Paris, un historien, Jean-Pierre Chrétien, et un écrivain journaliste, Jean-François Dupaquier, viennent de voir leur relaxe prononcée en 2012 par le tribunal correctionnel de Rouen confirmée par la cour d’appel. L’ambassadeur  qui les poursuivait, Jean-Marie Vianney Ndagijimana, leur reprochait un courrier privé dans lequel ils lui reprochait sa thèse du « double génocide » : un génocide à l’encontre des Tsutsis, un autre à l’encontre des  Hutus. Le groupe de travail « Mémoire, histoire, archives » de la Ligue des droits de l’Homme avait soutenu Jean-Pierre Chrétien et Jean-François Dupaquier. Ses responsables, Gilles Manceron et Emmanuel Naquet se réjouissent de la confirmation de cette relaxe : « Cette victoire est celle de la vérité, de la justice, de la liberté », ont-ils déclaré.

Voici l’article que le site Afrikarabia.com, qui traite de l’actualité en République démocratique du Congo, consacre à ce procès en appel. On peut le trouver ici.

21 mai 2013

FRANCE-RWANDA : Ndagijimana perd une nouvelle fois son procès pour diffamation

Jean-François Dupaquier

L’historien Jean-Pierre Chrétien et l’écrivain-journaliste Jean-François Dupaquier, étaient poursuivis depuis 2010 pour diffamation et injures par l’ancien ambassadeur du Rwanda en France Jean-Marie Vianney Ndagijimana. Tous deux avaient critiqué, dans un courrier privé, ses propos et écrits sur le génocide des Tutsi en 1994, en particulier sa thèse d’un « double génocide ».  Leur relaxe devant le tribunal correctionnel de Rouen (France) le 14 février 2012 vient d’être confirmée par la Cour d’Appel le 2 mai 2013 (1).

Jean-Pierre Chrétien et Jean-François Dupaquier avaient été mis en examen à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile pour diffamation et injure déposée par  Jean-Marie Vianney Ndagijimana, ancien ambassadeur du Rwanda à Paris (ayant acquis par la suite la nationalité française). Rappelons que l’ambassadeur avait été démis de ses fonctions le 27 avril 1994 pour des motifs qui n’ont jamais été éclaircis. Il avait quelques jours plus tard dénoncé le génocide en cours.

En cause dans sa plainte : une lettre adressée par l’historien et le journaliste au pasteur adventiste Jean-Guy Presles, président d’un Collectif organisateur de conférences qui s’étaient tenues en septembre 2009 à Rouen sur « le dialogue et la réconciliation entre Rwandais » où le mot « génocide » était significativement absent de l’intitulé des quatre conférences.

Dans ce courrier, ils estimaient que les organisateurs avait été trompés et que les quatre orateurs, dont l’ancien ambassadeur Jean-Marie Vianney Ndagijimana, défendaient tous la même thèse, celle du « double génocide » dont auraient été victimes simultanément les Hutus et les Tutsis. Ils soutenaient que les orateurs avaient rejoint ainsi « les réseaux européens des négationnistes du génocide des Tutsis« .

Débouté devant le tribunal correctionnel, Jean-Marie Vianney Ndagijimana ayant fait appel, la Cour d’Appel de Rouen vient de confirmer le premier jugement « en toutes ses dispositions ».

Lors de l’audience en appel le 9  janvier 2013, Jean-Pierre Chrétien et Jean-François Dupaquier avec leurs avocats, Me Antoine Comte et Me Gilles Paruelle, avaient  une nouvelle fois souligné la légitimité du courrier qu’ils avaient adressé à l’époque aux organisateurs de la série de conférences, dont ils estimaient que leur bonne foi avait été abusée.

Lors de l’audience, l’ancien diplomate avait rejeté avec force l’accusation de négationnisme. « Je refuse cette équation diffamatoire », avait-il dit en affirmant « qu’il appartenait aux deux communautés, étant tutsi par sa mère et hutu par son père. »

Dans l’intervention que la Cour lui demanda à la fin du procès,  l’historien Jean-Pierre Chrétien rappela fortement que le génocide de 1994 n’a pas été une guerre interethnique avec des victimes réparties également entre deux camps « naturellement » antagonistes, mais la perpétration d’un projet d’extermination raciste qui a littéralement déchiré la société rwandaise, jusqu’au niveau le plus intime, à tel point que des familles peuvent compter en leur sein à la fois des victimes et des bourreaux.

De son côté Jean-François Dupaquier a demandé au Tribunal de rappeler le droit à la liberté d’expression. Aucune « loi mémorielle » ne sanctionnant la négation du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994, qualifier de « négationnistes » des propos provocateurs s’inscrivant dans la phraséologie par laquelle  des responsables du génocide cherchent à minimiser leur responsabilité, n’est ni une injure ni une diffamation, mais bien au contraire un devoir de vérité et une incitation à la réflexion critique.. Il a noté que Jean-Marie Vianney Ndagijimana refuse de dire par quel moyen il s’est procuré un courrier confidentiel et que ce refus pose la question d’une violation de correspondance.

Interrogé, Jean-Pierre Chrétien « observe que la Cour d’appel, avec la même sagesse que le tribunal de première instance, a refusé de s’engager dans la réécriture de l’Histoire qui lui était demandée, mais qu’elle a fait respecter la liberté d’expression et de recherche dans notre pays ». Il rappelle à nouveau que « la réconciliation nationale nécessaire au Rwanda ne sera possible que sur la base d’une reconnaissance claire de la réalité du génocide des Tutsi et de la responsabilité de la politique raciste qui y a conduit. »

Lui-même et Jean-François Dupaquier remercient les soutiens qu’ils ont trouvés dans une épreuve qui leur a été ainsi indûment infligée. Notamment auprès de la Ligue des Droits de l’Homme, du Comité de vigilance sur les usages publics de l’histoire (CVUH), de l’Association des chercheurs de Politique africaine (ACPA) et auprès de centaines de chercheurs, d’intellectuels et de défenseurs de la liberté de pensée et d’expression.

(1) L’arrêt de la Cour d’appel de Rouen est consultable ici

Vers la réhabilitation d’un résistant victime d’une rumeur dramatique

René Huguen (photo Ouest-France)

Une des grandes luttes de la Ligue des droits de l’Homme, lutte qui n’est d’ailleurs pas terminée, est la réhabilitation des soldats « fusillés par l’exemple » pendant la 1ère guerre mondiale.

La section LDH de Saint-Brieuc s’est engagée dans un combat un peu similaire, mais qui concerne la seconde guerre mondiale. Il s’agit d’un résistant, qui a été fusillé par ses camarades, à la Libération, victime d’une rumeur qui le désignait comme coupable d’une trahison qui avait abouti à l’arrestation des « lycéens martyrs », ces jeunes briochins exécutés pour certains, déportés pour d’autres.

Ces jeunes gens avaient été arrêtés par la Gestapo à partir d’une liste qui lui avait été fournie. Bien entendu, à la Libération, on s’est demandé qui avait fourni cette liste. Et la rumeur désigna Georges Fischer. Très vite le jugement tombe : Georges Fischer doit être exécuté. (Lire aussi l’article d’Ouest-France).

On sait aujourd’hui, non seulement que Georges Fischer n’avait pas trahi, mais qui l’avait fait : il s’agissait, comme c’est presque la règle dans ces histoires en Bretagne, d’un militant du parti national breton, tristement célèbre pour sa collaboration avec les Allemands.

Voici le récit que donne de ce drame René Huguen, lui-même ancien résistant, et doyen du Conseil des anciens élèves du Lycée Anatole Le Bras.

Au soir de ce 14 juillet 1944, trois résistants désignés pour accomplir l’exécution se présentent chez Hélène Le Cor, née Fischer, qui héberge son frère Georges, à La Ville Ginglin. Georges les voit, révolver au poing. Il comprend : « Je n’ai pas trahi, je vous le jure », clame-t-il, alors qu’une première décharge vient de l’atteindre, suivie de quatre autres tirées à bout portant par chacun des trois hommes. La scène se passe devant la sœur et ses enfants, dont Marilou Le Cor, alors âgée de 9 ans, Marilou, qui gardera toute une vie la vision d’un drame atroce.

La Libération est là. Des procès sont conduits par la justice républicaine. On découvre alors le véritable dénonciateur des lycéens : Michel Plessix, un jeune du PNB (Parti national breton) qui s’est mis au service de la Gestapo. Il a obtenu une liste d’un malheureux lycéen, Paul Cadran, sous prétexte de constituer un groupe de jeunes susceptibles d’être armés contre l’occupant. Le procès public devant la Cour de Justice le 4 mai 1945 se traduit par une peine de travaux forcés à perpétuité. De mise de peine en remise de peine, Plessix s’en tirera avec 10 ans de prison l

Quelle clémence ! Cadran, victime d’une fatale illusion, sera soumis à 6 mois de prison. Il nous a confié par la suite que ce fut pour lui un soulagement que de voir enfin «  l’abcès se vider » .

Louis Le Faucheur, rentre de déportation, juste après le procès, déclare ; « Cette double trahison a pris la dimension d’une tragédie pour le lycée ».

Oui, double trahison. Mais alors on avait accuse un innocent. On avait exécuté Georges Fischer comme étant le coupable. Terrible erreur ! Peut-on l‘oublier ? Peut-on faire qu’il soit toujours considéré comme ayant trahi ? Sa nièce, Marilou, Madame Le Cor, ne baisse pas les bras. Elle veut, elle exige ce qu’il faut bien appeler une réhabilitation. Avec nous, elle s’appuie sur la Ligue des Droits de l‘Homme. Les représentants de la Ligue participent à cette cérémonie avec le président, Monsieur Xavier Palson. Nous les assurons de notre soutien pour obtenir gain de cause, et faire que le dossier ne reste pas fermé pendant 100 ans après les faits comme le prescrit pourtant la loi. Les pièces essentielles sont en nos mains quoi qu’il en soit ».

Il va maintenant falloir que cette erreur dramatique soit officiellement reconnue.