La grève des avocats du droit d’asile se poursuit

Le mouvement de grève entamé le 14 mai dernier par les avocats qui plaident devant la cour nationale du droit d’asile (CNDA) a été reconduit, le lundi 21 mai. La Ligue des droits de l’Homme a publié à cette occasion un communiqué de soutien à ce mouvement, qui dénonce les conditions d’exercice du métier d’avocat devant cette cour, ainsi que l’attitude souvent discutable de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Lire l’article du journal La Croix.

Voici le communiqué publié par la Ligue des droits de l’Homme, puis la lettre ouverte des avocats.

Communiqué LDH

Paris, le 21 mai 2012

 Ofpra et CNDA : des institutions aux dépens des demandeurs d’asile ?

Depuis lundi 14 mai 2012, les avocats qui assurent la défense de ces demandeurs auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) sont en grève. La LDH leur apporte son soutien et exprime le souhait que s’ouvre une discussion au plus haut niveau avec les ministères concernés. Leur mouvement porte à la fois sur les conditions d’exercice de leur métier, notamment l’aide juridictionnelle mais aussi sur les puissants obstacles opposés aux demandeurs dans leur parcours. Ces manœuvres sont anciennes et les tensions qu’elles suscitent ont provoqué, il y a quelques mois déjà une grève du même type, puis l’instauration d’une permanence du Conseil de l’ordre pour tenter de régler les conflits quotidiens entre les avocats et les présidents des audiences, tels les refus de renvois, les mauvaises organisations des audiences, le recours à l’aide juridictionnelle… Mais après une rencontre qui n’a pas abouti en avril, les avocats ont jugé que la gravité de la situation exigeait la reprise de leur mouvement collectif.

La soumission des institutions compétentes au ministère de l’Intérieur chargé de faire appliquer les objectifs chiffrés de la politique de l’immigration réduit gravement les droits de la défense et donc les droits des réfugiés. C’est bien une mise en cause du droit d’asile par  la politique du chiffre à l’œuvre depuis cinq ans tant devant l’Ofpra que devant la CNDA, et dont les conséquences sont extrêmement graves pour les droits des personnes. Le réfugié est aujourd’hui réduit à un justiciable de seconde catégorie, suspect d’être un fraudeur venu en France pour détourner le droit d’asile à des fins purement économiques, alors que sa vulnérabilité commande une attention particulière. Cette politique du chiffre s’est traduite par une baisse inconsidérée du taux de reconnaissance tant à l’Office que devant la Cour et concrètement devant cette dernière par une dégradation du traitement des dossiers des réfugiés et des droits de la défense (non-respect du contradictoire, traitement en masse des dossiers, accélération de la procédure devant la Cour…).

La LDH, avec les avocats auprès de la CNDA, attend l’ouverture de discussions sur :

  • l’aide juridictionnelle, la désignation d’un interprète et d’un avocat dans un délai raisonnable, et une juste rémunération de leur mission ;
  • un double degré effectif de juridiction, pour maintenir l’Ofpra dans sa fonction administrative ;
  • la suppression des procédures prioritaires et par ordonnance, sans audition des demandeurs, hors les cas de forclusion ;
  • la suppression de la liste des pays dits « sûrs » ;
  • le rattachement de l’Ofpra et de la CNDA au ministère de la Justice.

Ci-dessous, la synthèse des avocats intervenant en matière de droit d’asile.

SYNTHÈSE

LETTRE OUVERTE DES AVOCATS INTERVENANT EN MATIÈRE D’ASILE

Ces dernières années ont été marquées par la primauté d’une vision mécanique et chiffrée au mépris d’un traitement apaisé et digne des dossiers de demande d’asile.

Le réfugié est aujourd’hui réduit à un justiciable de seconde catégorie, alors que sa vulnérabilité commande en revanche une attention particulière.

À cette vulnérabilité exceptionnelle s’ajoute une procédure dérogatoire et moins protectrice qu’en droit commun, notamment :

  • Rattachement de l’OFPRA au Ministère de l’Intérieur,
  • absence de double degré de juridiction,
  • délai de recours réduit à un mois,
  • délai de demande d’aide juridictionnelle limité à un mois,
  • désignation tardive des avocats à l’aide juridictionnelle,
  • refus du Bureau d’aide juridictionnelle de désigner un interprète,
  • indemnisations des avocats à l’aide juridictionnelle la plus basse de tous les contentieux…

Certains n’ont pas manqué de chercher à stigmatiser le réfugié qui serait un fraudeur venu en France pour détourner le droit d’asile à des fins purement économiques.

C’est dans cet esprit qu’un arsenal législatif et réglementaire a été déployé puis utilisé de façon abusive, notamment :

  • Inscriptions multiples et injustifiées de nouveaux pays dits sûrs malgré les rappels à l’ordre du Conseil d’Etat, privant les réfugiés d’un accès à la Cour et d’une procédure équitable,
  • multiplication des ordonnances de tri permettant le rejet des dossiers sans l’audition du demandeur ni de son avocat…

Cette politique du chiffre s’est traduite par une baisse inconsidérée du taux de reconnaissance tant à l’Office que devant la Cour et concrètement devant cette dernière par une dégradation du traitement des dossiers des réfugiés et des droits de la défense (non-respect du contradictoire, traitement en masse des dossiers, accélération de la procédure devant la Cour…).

C’est dans ce cadre que s’inscrit le mouvement des avocats qui, depuis le 14 mai 2012, font notamment la grève des audiences devant la Cour Nationale du Droit d’Asile et ont pris contact avec toutes les instances concernées pour que ces mauvaises pratiques cessent et pour que les textes actuellement en discussion mettent fin à ces graves atteintes aux droits de la défense.

Un certain nombre de solutions rapides peuvent être mises en œuvre sans délai par la Cour :

  • Moratoire des ordonnances dites de tri,
  • communication immédiate du dossier dès la constitution de l’avocat,
  • désignation de l’avocat à l’aide juridictionnelle avant l’audiencement et désignation concomitante d’un interprète dans la langue parlée par le requérant,
  • convocation à l’audience reçue par l’avocat et le requérant dans un délai minimum de cinq semaines,
  • contrôle par la Cour de la légalité externe des décisions de l’OFPRA en application de la décision des Sections réunies du 21 février 2012,
  • assistance du réfugié à l’entretien OFPRA par un avocat ou un tiers.

 

Christiane Taubira : priorité à l’éducation pour les mineurs

Enfin !

Enfin une bonne nouvelle pour la justice, une des cibles privilégiées du sarkozysme, qui s’est appliqué avec méthode à saborder tout ce qui pouvait ressembler à des mesures éducatives.

La nouvelle ministre de la justice, Christiane Taubira, a visité l’antenne de la permanence des mineurs du palais de justice de Paris. Elle y a rencontré Pierre Joxe, qui assurait sa permanence en tant qu’avocat « commis d’office » pour enfants. Elle y a affirmé avec force la « primauté de l’éducatif sur le répressif ». Il n’y a pas besoins d’être militant à gauche pour comprendre cette nécessité : un peu de bon sens suffit. Tous les grands spécialistes du droit et de l’enfance sont d’accord sur ce point, le répressif seul ne peut conduire qu’à, au mieux, l’inefficacité, au pire, à la récidive. Christine Taubira a annoncé également la suppression des dispositions de la loi du 10 août 2011, créant un tribunal correctionnel pour mineurs. C’était un des engagements du nouveau président de la République, qu’il avait rappelé dans un courrier adressé à la présidente de l’Association française des magistrats de le jeunesse et de la famille, Catherine Sultan. Pour Christiane Taubira, « les mineurs sont des citoyens en devenir, il est nécessaire de redonner à la justice des mineurs sa spécificité ».

Bon courage, Mme la Ministre : vous avez du boulot !

Rubelles : le maire contraint d’accepter la scolarisation des enfants étrangers !

Conséquence collatérale de l’élection de François Hollande à la présidence de la République ? Peut-être plutôt efficacité de la mobilisation. Toujours est-il que la maire de Rubelles, Jacques Baumann, a fini par céder, en acceptant que les 18 enfants d’origine étrangère qui étaient interdits d’école depuis la rentrée de septembre, soient enfin scolarisés.

Mobilisation ? Plusieurs associations s’y sont associées : la Ligue des droits de l’Homme, le Réseau éducation sans frontière, Amnesty International… Mais cela n’a pas suffi : il a fallu que le Préfet prenne personnellement le problème en mains, et écrive au maire, … le 7 mai, pour lui rappeler ses obligations ! Nicole Fautrel, de la Ligue des droits de l’Homme, se réjouit de cette victoire, qu’elle met sur le compte de la mobilisation, de la médiatisation de l’affaire, et de l’élection de François Hollande qui a effectivement dû peser lourd dans l’intervention du préfet.

Mais les dégâts sont là : 18 enfants ont perdu huit mois de scolarisation ! Yahia Kerbane, de RESF, le souligne : « il y a un préjudice subi par ces élèves qui ne rentrent en classe qu’au mois de mai. Comment va-t-on le réparer? »

Lire ici l’article de Rue 89.

Lire également ici.

Guéant : un maniaque des fichiers ?

Guéant laisse derrière lui un nouveau fichier : l’ARES, pour  » Automatisation du registre des entrées et sorties des recours en matière de contravention « . Entrent dans ce fichier les automobilistes (et les motards) qui contestent une contravention. Et ils y restent, quelque soit l’issue du recours, c’est à dire même s’ils sont relaxés. A moins que, dans l’esprit de l’ancien ministre, contester une contravention soit en soi un acte répréhensible… A noter que la France a été condamnée par la Convention européenne des droits de l’Homme pour la difficulté qu’il y a à contester les contraventions. Lire également ici.

L’automobile club des avocats et la Ligue des droits de l’Homme ont publié un communiqué commun dans lequel ils annoncent qu’il déposent un recours devant le Conseil d’État contre ce fichier, qui est manifestement illégal.

FICHAGE DES CONTREVENANTS AU CODE DE LA ROUTE :

LE CONSEIL D’ÉTAT SAISI

L’Automobile club des avocats (ACDA) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) demandent au Conseil d’État l’annulation du fichier Ares, acronyme de « Automatisation du registre des entrées et sorties des recours en matière de contravention », destiné à recenser les données personnelles des usagers de la route contestant leurs contraventions au code de la route.

Elles ont déposé le 16 mai 2012 un recours contre l‘arrêté du 20 février 2012 autorisant la création du fichier Ares.

« Par ce recours, l’Automobile club des avocats et la Ligue des droits de l’Homme entendent montrer que le fichier, qui porte sur les données a caractère personnel, ne respecte pas les exigences de la loi Informatique et libertés, telles que l’obligation de collecter des données pertinentes ou l’interdiction de ne pas conserver des informations au-delà de ce qui est nécessaire, alors même que le non-respect de ces exigences a été plusieurs fois sanctionné par le Conseil d’État », précise Maître Romain Perray l‘avocat des associations requérantes.

Dans un État de droit, souligne Maître Rémy Josseaume, avocat et président de l’ACDA, « il ne saurait être acceptable que des automobilistes ou des motards soient ainsi fichés alors même qu’ils seraient relaxés par un tribunal ou que l’administration abandonnerait les poursuites à leur encontre ».

Au-delà de la défense des automobilistes contre des stigmatisations outrancières, il s’agit surtout par ce recours de protéger non seulement les droits et libertés fondamentaux de tous les citoyens contre des procédés indignes mais aussi la création d’un fichier d’antécédents pré-judiciaires.

 

 

Guéant : un de moins. Fichiers : deux de plus !

Communiqué LDH

Paris, le 16 mai 2012

Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, n’a rien oublié en partant. Désireux de terminer sa besogne sécuritaire, avant de fermer la porte, il a fait paraître au Journal officiel les 6 et 8 mai 2012 les décrets d’application concernant la création de deux fichiers de police prévus par la Loppsi 2.

Le premier officialise la fusion des fichiers Judex (système JUdiciaire de Documentation et d’EXploitation, gendarmerie) et Stic (Système de Traitement des Infractions constatées, police). La Cnil avait pourtant, en janvier 2009, particulièrement en ce qui concerne le Stic, attiré l’attention de l’administration sur les très nombreuses erreurs que comportait ce fichier. Il y a fort à craindre que le fichier Taj (Traitement des antécédents judiciaires) comportera toujours les mêmes erreurs constatées, aucune information concernant des rectifications effectuées n’ayant été communiquée à ce jour.

Les données collectées peuvent être relatives aux origines « raciales » et « ethniques », aux opinions religieuses, politiques, philosophiques, à l’appartenance syndicale, à la santé ou à la vie sexuelle, et conservées pendant dix ans à quarante ans, selon les infractions.

L’ampleur de cette liste représente une violation, en particulier, de l’article 8 de la loi du 6 janvier 1978, et la durée de conservation des données est disproportionnée au but recherché pour un tel fichier.

Le second fichier concerne un « fichier d’analyse sérielle », destiné à croiser et à exploiter l’ensemble des données privées (réseaux sociaux, e-mail, sites web consultés, etc.) dont disposent l’Etat et ses services sur un individu, ainsi que le développement de l’utilisation des systèmes de reconnaissance faciale des caméras de vidéosurveillance.

Il s’agit bien d’un nouveau mauvais coup contre les libertés publiques. L’ex-ministre de l’Intérieur est parti, mais en tentant de parachever son œuvre de contrôleur généralisé. La LDH considère qu’il y a urgence à reconsidérer l’ensemble de la politique concernant les fichiers de police, dont plus de la moitié n’ont pas d’existence légale.


Droit d’asile : expulsions en série, avocats en grève

Centre de rétention administrative de Rennes Saint-Jacques

La radio en a fait écho lundi soir, et curieusement, peu d’infos dans la presse écrite ce matin. Dans les flux RSS, on ne trouve qu’un article du Figaro (!…) pour évoquer la grève des avocats qui plaident à la Commission nationale du droit d’asile (CNDA), qui décide du bienfondé des demandes d’asile. Les raisons du mouvement ? Une accélération des procédures telles qu’ils n’ont plus le temps de préparer correctement la défense de leurs demandeurs. Le Figaro explique : « Se plaignant de « dysfonctionnements récurrents » et « d’atteintes répétées aux droits de la défense », ces avocats dénoncent notamment le fait que ceux qui interviennent au titre de l’aide juridictionnelle (versée par l’État pour assurer la défense des plus démunis) sont souvent informés trop tard pour pouvoir « préparer le dossier dans des conditions décentes ». Ils déplorent « l’absence de désignation, concomitante à celle d’un avocat, d’un interprète ». Ils relèvent des « retards considérables » dans la remise de leurs attestations de fin de mission (AFM), dont ils ont besoin pour se faire payer. »

Autre grief des avocats : « Ils dénoncent aussi des « différences de traitement entre les requérants », indiquant que les « délais de convocation varient de six mois à deux ans, voire trois ans », et constatent une « multiplication des rejets par ordonnance sans motif légitime » ainsi que « l’audiencement d’un nombre déraisonnable » de dossiers (« 10 à 12″ par jour pour certains avocats). »

Sur le terrain, les militants de droits de l’homme constatent eux aussi une dégradations importante depuis quelque temps. Un exemple ? J.R., demandeur d’asile congolais, est arrêté lors d’un contrôle de police, placé en garde à vue, puis en centre de rétention. Le juge administratif le libère : on ne lui avait pas signifié son obligation à quitter le territoire français (OQTF). Quelques jours plus tard, il reçoit cette OQTF, qui lui ordonne de quitter le territoire sans délai, tout en précisant qu’il a un délai d’un mois pour faire appel de cette décision. Une situation absurde, puisque l’administration peut l’expulser manu-militari avant l’expiration de son délai de recours… Il pourra toujours lancer une procédure quand il sera rentré au Congo. Juste une précision : J.R. est homosexuel, et la vie lui est devenue impossible au Congo.

Un autre exemple ? Une militante rennaise raconte :  « J’ai passé l’après-midi au tribunal administratif : très dur toujours … pas de répit pour les migrants. Je cherche une solution pour empêcher qu’un Tchétchène soit renvoyé en Pologne… il vient de nouer une relation avec une jeune femme au Mans.. il a subi le pire en Tchétchénie… Même les policiers et le représentant du préfet d’un autre département cherchaient une solution ! » Elle poursuit : « les avocates du cabinet XXX sont surbookées ! il faut absolument protéger le Tchétchène ! Les arrivées se sont succédé toute l’après-midi… »

Au fait : a-t-on prévenu certains fonctionnaires de police et des préfectures qu’un nouveau président de la République a été élu ? Quelqu’un pourrait-il les informer que la passation de pouvoirs a lieu aujourd’hui, mardi 15 mai ?… On a vraiment l’impression que jusqu’à la dernière minutes, certains vont vouloir continuer à faire du chiffre. Les derniers soubresauts ?

L’extrême droite ne craint pas le ridicule

Manifestation dimanche 13 mai à Paris, « procession pour la vie » à Lyon, les catholiques intégristes, qui sont les premiers à dénoncer les « prières de rues » des musulmans n’hésitent pas à envahir l’espace public en crachant leurs messages de haine. A la tête du mouvement, l’association d’extrême droite Civitas, qui intitule ainsi son appel à manifester : « Refusant une France rouge et laïciste, nous défilerons à Paris le 13 mai à 14h30 en hommage à Sainte Jeanne d’Arc ».

« François Hollande a fait une série de promesses que nous jugeons potentiellement destructrices pour la patrie française, notamment en ce qui concerne le mariagehomosexuel, l’euthanasie, l’avortement, l’Éducation nationale et le droit de vote des étrangers », a déclaré à l’AFP le secrétaire général de Civitas, Alain Escada.

Ces mouvement présentent deux caractéristiques inquiétantes.

La première, c’est que ces gens-là refusent le verdict du suffrage universel. On voit même en ce moment quelques groupes d’illuminés qui prétendent que F. Hollande n’a aucune légitimité, en faisant le calcul suivant : « Avec 51 % des suffrages exprimés, le socialiste François Hollande a donc été élu Président de la République par les « Français ». Guillemets nécessaires car avec 49 % ayant voté pour son adversaire, 7 % de vote blanc ou nul, 19% d’abstention, 15 % de non-inscrits… ce ne sont en réalité que 32 % des Français en âge de voter qui se sont portés sur sa candidature. »

C’est à peu près le discours que tient la députée maire d’Aix-en-Provence, la délicieuse Maryse Joissains-Masin, qui n’a pas hésité à saisir le Conseil constitutionnel pour qu’il annule l’élection. A noter que Mme Joissains-Massin est avocate…

Et pendant ce temps-là, M.  Hortefeux lance l’idée d’un nouveau mouvement au sein de l’UMP : la « droite forte »… on avait déjà la « droite populaire »…

Tout cela montre qu’il est toujours aussi urgent de se mobiliser, et l’opportunité de l’appel d’Elie Geffray, maire d’Eréac, à l’occasion de la commémoration du 8 mai 1945, se justifie un peu plus chaque jour.

 

Jeunesse sans papier, jeunesse volée ! La loi doit changer maintenant !

Le Réseau éducation sans frontières publie un document de quatre pages, intitulé « Jeunes sans papiers, jeunesse volée. La loi doit changer maintenant ».

Dans sa première page, ce document explique quelle est la situation de ces jeunes, dont on conteste souvent l’âge, venus en France en famille, et parfois seuls, souvent pour suivre des études. Il décrit les drames que provoquent les expulsions, les tracas administratifs qui se reproduisent chaque année, avec chaque année la peur de ne pas être régularisé, et pour finir, l’arrivée de la majorité, qui complique encore les choses.

La suite du document expose des situations individuelles, passe en revue les méthodes utilisées pour expulser ces jeunes, souvent au mépris de la loi (la plupart du temps, les tribunaux condamnent l’Etat), les politiques de l’Etat, celles des régions, qui pour beaucoup d’entre elles protègent ces jeunes (les régions ont, entre autres compétences, celle de la gestion des lycées et des universités), les réactions des établissements scolaires dans lesquels des mineurs ont été inquiétés, voire expulsés. On y trouve aussi des exemples de solidarité autour de ces jeunes.

L’élection de François Hollande soulève évidemment un immense espoir : il ne faudrait pas qu’il soit déçu !

Vous trouverez ci-dessous la première page de ce document, qui est téléchargeable ici.

« 8 ans depuis les premières mobilisations d’école autour des jeunes majeurs scolarisés, et l’appel à leur régularisation lance par RESP le 24 juin 2004. 8 ans d’avancées significatives, et un mouvement qui a permis au plus grand nombre d’entre eux de se maintenir dans un cadre scolaire relativement protecteur, et pour beaucoup d’arracher par la mobilisation un droit au séjour.

À partir de novembre 2005, (circulaire du 31 octobre qui suspend les expulsions de scolarisés et de parents d’enfants scolarisés jusqu’à la fin de l’année scolaire), les expulsions de jeunes majeurs scolarisés sont peu nombreuses, (moins d’une dizaine par an, il s’agit dans presque tous ces cas malheureux de jeunes juste sortis du système scolaire). Pour ceux qui sont arrachés à leur lycée, les réactions et mobilisations témoignent à chaque fois de l’émotion que soulèvent ces pratiques, et le retour de ces lycéens a presque toujours été gagné en quelques semaines ou quelques mois : Fatima Charbi en septembre 2007, Suzylene en octobre 2006, Mourad en 2008, comme Taoulik en avril 2009, Mohamed, Samira et Najlae au printemps 2010, Ilyes en novembre 2011.

La situation de ces jeunes est pourtant loin d’être réglée. Expulsions certes peu nombreuses, mais à chaque fois inacceptables par le saccage que l’événement brutal produit pour celui qui en est la victime : arrachement à sa famille, à ses amis, à son école, projet de vie détruit en pleine construction, dégâts profonds sur une personnalité en devenir, expulsé donc coupable, mais de quoi?

Pour l’immense majorité des jeunes majeurs sans papiers, c’est une vie de galère que la politique migratoire menée depuis tant d’années leur impose. Pas expulsé, mais PAS REGULARISE.

  • En cadeau de majorité à 18 ans : un refus de séjour, une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) assortie pour nombre d’entre eux d’une interdiction de retour sur le territoire français pour des périodes de 3 mois a 2 ans, on appelle ça un bannissement.
  • Jour après jour, la peur du contrôle, de l’arrestation, de l’enfermement en rétention, et de l’expulsion.
  • Impossibilité de choisir réellement sa formation: pas d’alternance pour le jeune sans papiers, barrage pour passer des concours.
  • Et pour ceux à qui les préfectures lâchent en guise d’os à ronger, une autorisation provisoire de séjour (sans autorisation de travail quand la plupart d’entre eux en ont besoin pour vivre), ou un titre étudiant, alors qu’ils ne sont pas étudiants, mais encore lycéens et souvent en lycée professionnel, c’est presque pire : une fois passé le répit de quelques mois (la fin de l’année scolaire en général), tout est à recommencer avec des préfectures qui évaluent les résultats scolaires, la réussite aux examens, (au nom de quoi ?), Pour les jeunes étrangers, pas de droit à l’erreur ! »

Elie Geffray, maire d’Eréac (22) : « Nous avons été complaisants avec les thèses de l’extrême droite »

Elie Geffray (photo Le Télégramme)

Elie Geffray a été élu maire d’Ereac, une commune des Côtes d’Armor située entre Broons et Saint-Vran) en 2008. Ce prêtre, ancien militant du mouvement rural des jeunesses chrétiennes (MRJC), a été particulièrement choqué par les arguments utilisés par certains partis politiques durant la campagne pour l’élection présidentielle. Et il a aussi été choqué par le score qu’a réalisé le front national dans sa commune. Il n’a pas hésité à exprimer son indignation dans la déclaration qu’il a faite devant le monument aux morts, à l’occasion des cérémonies commémoratives du 8 mai 1945.

Voici, avec son accord, sa déclaration :

DECLARATION DE Elie Geffray, maire d’Eréac, devant le monument aux morts
lors de la cérémonie du 8 Mai.

Il y a quatorze noms de victimes de la guerre 39-45 sur notre Monuments aux Morts. Avant d’observer la minute de silence traditionnelle , je voudrais que l’on pense à eux d’une manière particulière, en raison des circonstances que je vais expliciter ici.

Il y a 79 ans, en 1933, en Allemagne, un sinistre personnage entamait son accession au pouvoir, tranquillement, par les urnes, au cours d’un scrutin démocratique. Ce personnage, c’était Adolph Hitler. Son langage était simple. Il exaltait la nation allemande bien au-delà du patriotisme. Avec fanatisme. Son nationalisme s’accompagnait de la haine des étrangers et se focalisait sur les juifs. La doctrine du nazisme a eu les résultats que l’on sait et les 14 noms gravés sur ce monument  nous la rappellent concrètement.

A l’instant, dans la déclaration de Marc Laffineur, secrétaire d’Etat auprès du Ministre de la Défense Nationale, on nous disait qu’après plus de cinq années de luttes acharnées, le nazisme avait été anéanti. Est-ce si sûr ? On vient d’apprendre qu’en Grèce, un parti néo-nazi a fait un score de 8% aux élections législatives. Profitant de la crise, l’extrême-droite remporte des succès dans de nombreux pays européens. Chez nous, pendant la campagne électorale qui vient de s’achever, on a entendu ces deux thèmes refleurir : le nationalisme et la haine des autres. Les autres désormais, ce ne sont plus les juifs, mais les immigrés, les arabes, les noirs. Nous avons été particulièrement complaisants à l’égard de ces thèses. J’ai ressenti comme une humiliation et comme un déshonneur qu’Eréac leur ait accordé 20% de ses suffrages le 22 avril. Si nos quatorze héros de la guerre pouvaient parler, ils nous auraient certainement rafraîchi la mémoire. Mais ils ne peuvent plus parler. Alors, c’est à nous de le faire et en particulier aux Anciens Combattants qui sont chargés de la vigilance et à qui je vais écrire. Mais aussi à nous tous qui sommes conscients des dangers qui nous menacent.

Et c’est en ce sens que je vous convoque à cette minute de silence qui sera à la fois celle de la mémoire et de la réparation ».

 Elie Geffray, 8 mai 2012

 


Rubelles (Seine et Marne) : 18 enfants interdits d’école

Il va avoir du boulot, François Hollande ! Ne serait-ce que pour obliger des élus à respecter la loi. Le maire de Rubelles, dans la Seine-et-Marne par exemple. Jacques Baumann, est un homme tout à fait charmant. N’a-t-il pas inauguré il y a quelque temps une fresque réalisée par les élèves d’une école en hommage aux droits de l’enfant (voir photo ci-contre) ? C’est sans doute au nom de ces droits qu’il interdit à 18 enfants d’être scolarisés, malgré la loi qui fait obligation à l’Etat de scolariser tous les enfants qui se trouvent sur son territoire.  « On n’a pas de place », se justifie le premier adjoint. « Il y a de la place : on a ouvert deux CLIN » (classes d’initiation destinées aux enfants non francophones), rétorque l’inspection académique.

Résultat : un forte mobilisation, des parents d’élèves (bien que certains voient d’un mauvais œil l’arrivée de ces enfants qui feraient « baisser le niveau »…), d’associations, parmi lesquelles la Ligue des droits de l’Homme. Le réseau Éducation sans frontière a mis une pétition en ligne, et on peut avoir des informations plus précises dans ces articles : l’Humanité, Rue 89. Ci-dessous le communiqué de RESF.

DEPUIS PLUSIEURS MOIS LA MAIRIE REFUSE D’INSCRIRE A L’ECOLE LES ENFANTS DES FAMILLES ETRANGERES LOGEES EN HEBERGEMENT D’URGENCE DANS LES HOTELS DE LA COMMUNE.

Ils sont une vingtaine, âgés de 3 à 11 ans, à tourner en rond dans les chambres exiguës des hôtels, privés d’école. Cette situation dure depuis plusieurs mois et même, pour certains d’entre eux, depuis la rentrée de septembre 2011.

Les familles, d’origine tchétchène, sri-lankaise, ingouche…, ont pourtant multiplié les démarches pour scolariser leurs enfants. On les a renvoyées comme des balles de ping-pong de la mairie de Rubelles à l’inspection académique de Seine-et-Marne, en passant par la mairie de Melun, pour revenir à la mairie de Rubelles.

C’est que la scolarisation est un droit, inscrit dans la loi : que les enfants soient français ou étrangers il incombe au maire de la commune ou ils vivent de procéder à leur inscription à l’école. Mais ce droit-là n’est pas respecté à Rubelles.

Pourtant le Préfet de Seine-et-Marne a été alerté à plusieurs reprises sur cette situation par les syndicats d’enseignants, par les organisations de défense des Droits de l’Homme.

Pourtant l’inspection Académique de Seine-et-Marne affirme qu‘il reste de la place dans les écoles maternelle et primaire de Rubelles. Elle a en outre mis à la disposition de la commune des moyens pour prendre en charge les enfants non-francophones (intervention d’enseignants CLIN) à l’école primaire. Elle a enfin invité les directeurs d’école à remplir leur devoir d’enseignant : admettre les enfants des familles qui en faisaient la demande.

Mais le Maire de Rubelles les en a empêchés par arrêté municipal et en donnant l’ordre au gardien d’interdire l’entrée de l’école aux familles inconnues.

Comment le Préfet de Seine-et-Marne, garant du respect de la loi dans le département, peut-il laisser perdurer une telle situation de non-droit ?

Après toutes ces démarches, un huissier de justice a été diligenté, le 13 avril dernier, pour sommer Monsieur le Maire de Rubelles de réaliser les inscriptions demandées. Et pourtant, encore aujourd’hui les enfants ne sont toujours pas autorisés à faire la rentrée du lundi 30 avril, comme tous les autres enfants.

Dans la cour de l’école primaire de Rubelles, une fresque, conçue et réalisée par les élèves a été inaugurée par Monsieur le Maire de Rubelles, le 6 septembre 2010. Son thème ? Les Droits de l’Enfant.

Les habitants de la commune sont-ils bien au courant de la politique qui est menée en leur nom : célébrer officiellement les Droits de l‘Enfant mais les bafouer dans la réalité le plus tranquillement du monde ?