Le non remplacement de personnels de surveillance rend la situation très difficile à la prison des femmes de Rennes, où la direction vient de supprimer des « parloirs ». L’Observatoire international de prisons ((OIP) s’inquiète de cette situation, et publie un communiqué pour alerter l’opinion publique et l’administration. Cet établissement avait été épinglé en décembre 2011, parce qu’on y pratiquait des fouilles à nu systématiques (lire ici et là).
Paris, le 30 mai 2012
Communiqué OIP
Centre pénitentiaire pour femmes de Rennes : moins de parloirs faute de personnel
À compter du l » juin 2012, les familles, proches et visiteurs des femmes détenues du centre pénitentiaire de Rennes n’auront plus accès aux parloirs de l’établissement les jeudi et vendredi de chaque semaine. Prise sans concertation avec les associations partenaires et pour une durée indéterminée, cette décision inclut à la fois la fermeture des parloirs et celle du service de réservation des parloirs. Selon la direction du centre pénitentiaire, elle est rendue nécessaire par des « difficultés importantes liée au manque global d’effectifs » de surveillants. Elle entraine une restriction des visites pour nombre de femmes détenues dans cet établissement et constitue une entrave au maintien des liens avec l’extérieur.
Alors que les parloirs étaient jusqu‘a présent accessibles tous les jours de la semaine pour les familles, proches et visiteurs des femmes détenues au centre pénitentiaire de Rennes, la direction de l’établissement a décidé de leur fermeture les jeudi et vendredi à compter du 1e’ juin 2012.
Dans un courrier adresse au directeur du service pénitentiaire d‘insertion et de probation (SPIP) d’Ile et Vilaine le 2 mai 2012, la direction invoque « des difficultés importantes liées au manque global d’effectif » pour justifier sa décision. En cause, selon elle, le non remplacement de la moitié des agents rattachés au fonctionnement des parloirs (5 sur 10), en arrêt maladie ou en congés maternité.
La décision de supprimer ces deux jours de parloirs a été prise à titre « temporaire » et « n’a pas vocation d persister dans le temps » a souligné la direction. Mais elle n’a toutefois pas donne de précision sur la durée exacte de la fermeture, qui devrait a minima durer tout l’été. Un manque de garanties qui laisse craindre une pérennisation de cette situation.
Cette fermeture va affecter le maintien des liens entre les femmes détenues et leurs proches, en particulier pour ceux venant de très loin et donc plus rarement. Ce qui est loin d‘être résiduel car l‘établissement ayant une compétence nationale pour les femmes condamnées à de longues peines, les proches de nombre d’entre elles résident en des lieux très éloignes du lieu de détention (plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de kilomètres). Jusqu’à maintenant, ces proches ne pouvant que rarement se déplacer jusqu’à la prison avaient la possibilité de réserver des parloirs durant plusieurs jours consécutifs, en semaine comme en week-end. Ils pouvaient ainsi passer une semaine à Rennes et bénéficier de parloirs quotidiens avec leur proche incarcéré. Cette possibilité est dorénavant compromise. Dans un courrier adressé le 15 mai dernier à la direction de l’établissement, plusieurs femmes du centre pénitentiaire, dont les familles effectuent des voyages de 1400 ou 1900 km en bus pour se rendre au parloir, ont tenté d’alerter la direction sur les conséquences d’une telle décision : dorénavant « nos proches se verront limités d’une seule visite pour plus de trois jours de voyage ».
Cette initiative affectera également les femmes d’ores et déjà isolées qui n’ont pour visites que celles de l’un des 18 visiteurs de prison qui interviennent dans cet établissement pénitentiaire. En raison de la suppression du créneau du jeudi, ces derniers ne pourront désormais accéder à l’établissement qu’une demi-journée par semaine : le lundi après-midi. Cette restriction va les placer dans l’impossibilité matérielle de répondre à toutes les demandes : une trentaine actuellement.
Pour la direction de l’établissement, interrogée par l’OIP, « cette décision difficile à prendre n’aura qu’un impact très limité pour les personnes détenues et leurs familles, lesquelles bénéficient déjà de créneaux importants et d’une relative souplesse dans la prise de rendez-vous ».
L’OIP rappelle:
- les règles pénitentiaires européennes n°24-4 et 24-5 : « Les modalités des visites doivent permettre aux détenus de maintenir et de développer des relations familiales de façon aussi normale que possible » ; « les autorités pénitentiaires doivent aider les détenus à maintenir un contact adéquat avec le monde extérieur et leur fournir l’assistance sociale appropriée pour ce faire »
- que la Cour Européenne des droits de l’Homme estime qu’ « il est (…) essentiel au respect de la vie familiale que l’administration pénitentiaire aide le détenu à maintenir un contact avec sa famille proche » (Schemkamper c/France, 18 octobre 2005, Messina c. Italie, 28 septembre 2000, Kalashnikov c. Russie, 18 septembre 2001, Aliev c. Ukraine, 29 avril 2003) ;
- la recommandation n°l9 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), dans son « Étude sur les droits de l’homme dans la prison » en mars 2004 : « S’agissant du régime des visites, la CNCDH est d’avis que le système de parloir en vigueur dans les établissements pour peines – permettant des rencontres de plusieurs heures voire de deux demi-journées successives en semaine comme en week-end – soit étendu à toutes les prisons », après qu’elle ait constaté que « les horaires des parloirs peuvent contraindre les familles à restreindre leurs visites ».
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