Maison d’arrêt de Saint-Malo : la loi du silence

L'entrée de la maison d'arrêt de Saint-Malo (photo ministère de la justice).

Jeanine Pichavant, présidente de la section de Saint-Malo, siège, en tant que représentante de la Ligue des droits de l’Homme, au comité de surveillance de la maison d’arrêt de Saint-Malo.

Elle vient d’adresser une lettre au directeur de cet établissement pénitentiaire, à la suite d’un événement tragique qui s’y est déroulé en 2007. Le comité de surveillance de la maison d’arrêt aurait dû en être informé : il n’en a jamais été question.

Nous publions ci-dessous la lettre adressée par Jeanine Pichavant au directeur de la maison d’arrêt, lorsqu’elle a appris cet événement.

Elle précise : « J’ai reçu deux réponses, dont une de très mauvaise foi ».

Jeannine Pichavant

Présidente de la section malouine de la
Ligue des Droits de l’Homme

A Monsieur le Directeur de la Maison d’Arrêt de Saint-Malo.

« Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels ou inhumains ou dégradants. »
(Article 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme)

Monsieur,

Je fais partie, au nom de la Ligue des Droits de l’Homme, du Comité de surveillance de la Maison d’arrêt de Saint-Malo ; j’assiste donc chaque année à la réunion annuelle durant laquelle il nous est présenté le bilan de la vie de ce lieu dit de « privation de liberté ».Ce bilan, je le croyais sincère mais j’ai récemment eu la preuve qu’il ne l’était pas.

J’ai en effet appris qu’en l’année 2007 un fait grave avait eu lieu dont on ne nous avait jamais parlé.

Un jeune homme écroué pour délinquance routière, à savoir annulation de son permis de conduire, est condamné par les juridictions malouines à passer un mois en prison.

Mais là, il va devoir subir une double peine. Et quelle peine ! Il se va trouver enfermé dans la même cellule que deux autres détenus dont le casier judiciaire portait mention de 18 condamnations pour l’un et de 20 pour l’autre.

Ce dernier avait commis des faits relevant des Assises.

Jugé particulièrement dangereux, il avait fait pendant une année, l’objet d’une détention particulièrement signalée (DPS).

Comment vos services pouvaient-ils ignorer une telle situation ?

Le jeune homme a dû subir une maltraitance quotidienne, jusqu’au moment où ses codétenus se sont acharnés sur lui au point de le laisser sur son lit dans un état comateux.

Transporté à l’hôpital, il attendra d’être sorti de prison pour déposer une plainte qu’il retirera par la suite par peur des représailles.

Ces faits se sont donc passés en 2007 et nous n’en avons rien su ! Le rapport d’activité de 2008 n’en fait pas mention.

Ils étaient pourtant passibles d’une plainte pour non assistance à personne en danger, sur le fondement de l’article 223-6 du Code pénal qui dispose que « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne, s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement. »

C’est donc lors du procès, en 2010, que nous avons appris cela… grâce à la presse.

Je m’interroge donc sur la confiance que nous pouvons accorder à l’administration pénitentiaire dans sa façon d’assumer ses fonctions à l’intérieur de la prison, mais également sur la sincérité qui doit exister dans nos relations mutuelles lors de ces rencontres, ainsi que dans la rédaction du rapport annuel d’activité.

Ces faits seront présentés et débattus lors de la prochaine réunion de la section malouine de la Ligue. Le dossier sera aussi l’objet d’un examen juridique précis par un avocat membre de notre section.

Dans l’attente de vous lire, veuillez croire, Monsieur, en mes salutations distinguées.

Une copie de la présente sera adressée à : M. le Préfet de Région, M. Michel Cadot, M. le Procureur général près de la Cour d’Appel, M. le Procureur de la République près du Tribunal de grande Instance de Saint-Malo et enfin, M. le Directeur régional de l’Administration pénitentiaire.