Fifine Le Caër, 14 ans en 1944, le Bourg

Les noirs étaient libres de circuler durant la journée. Ils parlaient assez bien français, avec un fort accent. Ils allaient dans la campagne, un peu partout. Ils étaient bien vus par les habitants. Certains finissaient par avoir leur maison. Comme ils étaient bien accueillis, ils y retournaient. Il y avait des officiers parmi les prisonniers. Ils logeaient au couvent avec leur ordonnance. Je me rappelle d’ une ordonnance qui venait chercher le lait pour Monsieur et Madame Morinville. Il avait sympathisé avec les parents. Un jour, il a demandé à Maman s’il elle avait des œufs à vendre. Maman, lui en a vendus. L’ordonnance a voulu qu’elle fasse l’omelette sur-le-champ et que je mange les œufs avec lui. Il ne voulait pas manger seul. Avait-il peur d’être empoisonné ? Il était très gentil cet homme. Il nous parlait de son pays… Il avait hâte de rentrer chez lui. Il se plaignait du froid.

Les noirs étaient habillés en soldat : un uniforme kaki, un gros manteau et des bandes molletières. Ils faisaient leur lessive au bord du Kerbiguet, le ruisseau à l’emplacement de l’étang aujourd’hui.

Les noirs aimaient bien les gamines. Ils étaient amoureux, disait-on. Ils couraient après les adolescentes… Les parents étaient sur leur garde.

Les prisonniers n’avaient pas le droit de boire d’alcool. Ça faisait partie du règlement. Les gens qui les accueillaient avaient pour consigne de ne pas leur servir d’alcool. L’alcool, nous disait-on, les rendait fous.

Les prisonniers avaient une heure pour rentrer au camp le soir.