Salauds de malades

On avait eu, et on a toujours (en cette fin d’année, l’acharnement des préfectures prend des proportions scandaleuses, et la plupart du temps absurdes : il faut atteindre les objectifs chiffrés…) les salauds d’étrangers. Puis on a eu les salauds de pauvres : vous savez, ces tricheurs, ces fraudeurs, qui ne pensent qu’à contourner les règles. Les salauds de chômeurs : ils osent demander des aides au détriment des travailleurs ? Interdisons la cantine à leurs enfants, et les logements sociaux à leurs familles. Les salauds de plaideurs : ton patron te doit de l’argent ? Tu commences par payer 35€ pour engager la procédure (le Sénat vient de voter un amendement pour abroger cette mesure).

La liste est longue.

Et on en rajoute tous les jours. Derniers salauds en date : les salauds de malades. Classés en deux catégories : les salauds de fonctionnaires, qui n’avaient pas de jour de carence pour les indemnités journalières, c’est insupportable, on leur en colle un ; et les salauds de salariés du privé, qui n’avaient que 3 jours de carence : c’est immoral, on leur en colle un quatrième (curieusement, on en parle beaucoup moins).

Sauf que dans l’immense majorité des cas, ces mesures sont, dans le meilleur des cas, inefficaces, dans le pire, nuisibles. Prenons l’exemple des jours de carence. Le syndicat des médecins généralistes MG France, qui n’a pas la réputation d’être particulièrement subversif, vient de publier un communiqué dénonçant « des mesures contre-productives ». « Il ne faut pas oublier que lorsqu’on a mis en place ce système de remboursement des arrêts maladie, un des objectifs était de permettre aux gens de reprendre leur activité le plus vite possible », indique ce syndicat. Voici ci-dessous l’intégralité du communiqué du syndicat, repris par Libération et Le Monde, et consultable sur son site.

La Ligue des droits de l’Homme s’élève bien entendu contre ces attaques incessantes et tous azimuths contre les droits sociaux acquis de haute lutte par les classes populaires et qui, jusqu’à un passé récent, faisaient la fierté de la France.

Fraudes à la Sécurité Sociale et arrêts de travail : MG France refuse un amalgame inacceptable

Depuis quelques jours se développe un discours mélangeant fraudes et prescriptions d’arrêts de travail.
MG France refuse cet amalgame très mal vécu par les professionnels de santé.

Dans les faits :

En France, le taux d’absence au travail est un des plus faibles de l’Union Européenne.

La réglementation française est rigoureuse, la surveillance des médecins et des patients par l’Assurance Maladie est permanente.

Dans près de 90% des cas, le contrôle de l’Assurance Maladie approuve la prescription du médecin.

Quand la durée de l’arrêt de travail est l’objet d’un désaccord :

  • il s’agit le plus souvent d’un arrêt d’une durée supérieure à 3 mois.
  • ce désaccord ne porte que sur la date de reprise du travail, et non sur sa justification.
  • ce contrôle a posteriori, est subjectif, contestable, et souvent contesté par une expertise.

Tous les jours, des patients dont l’état de santé le justifie refusent un arrêt de travail pour des raisons financières ou par crainte de perdre leur emploi.

Lutter contre la fraude est une exigence partagée par les citoyens et par les professionnels de santé. Mais introduire un doute systématique sur les arrêts de travail risque de pénaliser en priorité les salariés les plus fragiles.

Les médecins généralistes ne revendiquent pas l’exclusivité de la prescription des arrêts de travail.

Mais qui d’autre voudrait s’en charger ?