La cour européenne des droits de l’Homme vient de condamner une nouvelle fois la France, dans un arrêt qu’elle a rendu le 17 octobre dernier, et dans une affaire d’expulsions de familles du voyage : « L’expulsion de gens du voyage des terrains sur lesquels ils étaient établis de longue date a violé leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile » titre la cour dans la présentation de son arrêt. Elle rappelle les faits : Les requérants sont d’une part vingt-cinq ressortissants français, en leur nom et au nom de leurs enfants mineurs et d’autre part le Mouvement ATD Quart Monde. Pour la plupart issus du monde du voyage, les requérants résident sur la commune d’Herblay (Val d’Oise). Les 95 personnes concernées logeaient sur des terrains appartenant à la commune depuis de nombreuses années, ou y étaient nées. En 2003 et 2005 le maire prit deux arrêtés, interdisant le stationnement de caravanes sur la commune. En 2004, le maire assigna les personnes en référé, mais le juge rejeta la demande, du fait que ces familles habitaient là bien avant le plan d’occupation des sols le leur interdisant. Après de nombreuses péripéties judiciaires, le dossier a enfin été examiné par la cour européenne des droits de l’Homme, dont l’arrêt conclut :
« La Cour conclut qu’il y a eu, pour l’ensemble des requérants, violation de l’article 8 dans la mesure où ils n’ont pas bénéficié dans le cadre de la procédure d’expulsion d’un examen convenable de la proportionnalité de l’ingérence dans leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile conforme aux exigences de cet article. Il y a eu également violation de l’article 8 pour ceux des requérants qui avaient demandé un relogement sur des terrains familiaux, leurs besoins n’ayant pas été suffisamment pris en compte ». (l’arrêt peut être téléchargé ici).
La Ligue des droits de l’Homme se réjouit bien évidemment de cet arrêt, et l’explique dans une communiqué qu’elle vient de publier :
« Dans un arrêt du 17 octobre 2013, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France pour violation de l’article 8 (droit à la vie privée et familiale, et droit à un domicile) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, à propos d’expulsions de familles du voyage. La Ligue des droits de l’Homme se réjouit de pouvoir disposer, dans son action, d’une telle jurisprudence.
Au-delà des faits de l’espèce, la Cour rappelle que la perte d’un logement est une des atteintes les plus graves au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile, droit fondamental pour garantir à l’individu la jouissance effective des autres droits fondamentaux qui lui sont reconnus. Son importance cruciale pour l’identité de la personne, l’autodétermination de celle-ci, son intégrité physique et morale, le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabilité et la sécurité de sa position au sein de la société oblige l’Etat à des actions positives de relogement, lorsque l’expulsion s’avère absolument nécessaire.
Comme le souligne la Cour, des textes internationaux ou adoptés dans le cadre du Conseil de l’Europe insistent sur la nécessité, en cas d’expulsions forcées de Roms et Gens du voyage, de leur fournir un relogement. Leur vulnérabilité implique d’accorder une attention spéciale à leurs besoins et à leur mode de vie propre.
Cet arrêt porte condamnation des pratiques passées et actuelles de l’Etat en la matière. Celles-ci, faites au mépris des engagements internationaux et européens de la France, doivent immédiatement cesser. La LDH saura utiliser, autant que de besoin, un arrêt dont elle espère que le gouvernement français prendra toute la mesure. »
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