Après avoir fiché en 2008 les homosexuels, les militants politiques, syndicaux et associatifs dans le fichier « Edvige », après avoir ajouté en 2009 dans la deuxième version de ladite Edvige, rebaptisée Edvirsp [sic], le fichage des « origines géographiques » (qui ne sont ni le lieu de naissance ni la nationalité…), après avoir organisé discrètement en 2010 l’ethnicisation des expulsions par la circulaire discriminatoire du 5 août, voici donc que les gouvernants actuels sont pris en flagrant délit d’exploitation d’un fichier ethno-racial élégamment dénommé « Minorités ethniques non sédentarisées » (Mens).
Le ministre de l’Intérieur, il est vrai déjà condamné pour injure raciale, feint d’ignorer ce qui se passe dans ses propres services. La direction de la gendarmerie prétend que ce fichier n’existe pas alors que des preuves formelles de son utilisation par un service de cette même gendarmerie ont été apportées et rendues publiques. Et l’on y trouve par exemple le stockage de données sur la « généalogie des familles tziganes », la délinquance y étant donc considérée comme héréditairement transmissible chez « ces gens-là »…
Lorsque Viviane Reding avait observé le mois dernier, s’agissant de la chasse aux Roms organisée par Nicolas Sarkozy depuis juillet 2010, qu’on aurait pu espérer ne pas revoir ce genre de choses après la Seconde Guerre mondiale, le président de la République et ses porte-voix avaient feint de voir dans ses propos un parallèle insoutenable avec la « destruction des juifs d’Europe » par les nazis. Vont-ils cette fois comprendre que les Roms ont leur propre expérience de ce que préparent historiquement le fichage ethnique, le repérage des « généalogies tziganes » et l’identification de la « non-sédentarisation » à la « délinquance itinérante » ? Ou faudra-t-il leur rappeler l’usage qui fut fait du fichier établi en application de la loi de 1912 lorsque les juifs, les tziganes et les homosexuels étaient les cibles des nazis et de leurs « collaborateurs » vichyssois ?
Expulsions ethniques, fichage ethnique… Quelle sera la prochaine étape de la « racialisation » des approches sécuritaires ? La Ligue des droits de l’Homme, fortement investie dans le regroupement de plus de cent dix organisations à la suite de la manifestation du 4 septembre contre la « politique du pilori » xénophobe et discriminatoire, appelle plus que jamais à un sursaut civique contre cette tache qui se répand sur l’honneur de la République.
Paris, le 8 octobre 2010.
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