La Ligue des droits de l’Homme fait annuler l’arrêté d’Estrosi contre les SDF et les Rroms

La Ligue des droits de l’Homme vient de remporter une victoire importante (quoique prévisible)  contre un des symboles des dérives extrémistes de l’UMP : l’arrêté « antibivouac » pris par le maire de Nice, M. Estrosi, a été annulé par le tribunal administratif. L’ordonnance qu’il a rendue le 14 novembre précise : «  le tribunal a estimé que l’arrêté  » porte aux libertés individuelles une atteinte disproportionnée par rapport au but de sécurité et de tranquillité publiques qu’il vise ».

C’est la Ligue des droits de l’Homme qui est à l’origine de la saisine du tribunal, avec le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), et l’association niçoise ADN (association pour la démocratie à Nice : ils doivent avoir du boulot !).

L’arrêté signé par celui que le Canard enchaîné appelait le « motodidacte » (il a été champion de moto) visait naturellement les SDF, et, bien entendu, les Rroms.

La Ligue des droits de l’Homme de Nice (elle aussi, doit avoir du boulot !) se réjouit naturellement  de cette décision qui, précise-t-elle,  »  est une victoire contre les postures de rejet de l’autre qui tendent malheureusement à devenir l’ordinaire du débat public ».

Savourons cette victoire : ça n’est pas si fréquent !

Conjurons la bêtise et le cynisme, refusons la haine et le racisme !

Conjurons la bêtise et le cynisme, refusons la haine et le racisme !

Communiqué commun de la Ligue de l’enseignement et de la Ligue des droits de l’Homme

Voici que les mots et les postures qui portent la haine de l’Autre et la violence tendent à devenir l’ordinaire du débat public, relayés et entretenus par une pratique médiatique qui confine à de l’aventurisme.

Qu’une ministre de la République soit traitée de singe ne semble plus émouvoir nombre de citoyens, pas plus qu’ils ne sont émus par les déclarations d’un ministre qui décrète l’incapacité à s’intégrer de telle catégorie de population. Que dire, dès lors, quand un élu local en vient à regretter que ces Roms n’aient pas été suffisamment anéantis pendant la guerre !

Des millions de personnes sont niées dans leur citoyenneté en raison de leurs origines, de leur situation sociale, de leur culture et de leur religion. Une partie des hommes et des femmes politiques de notre pays se taisent ou, pire, exploitent cette situation. De boucs émissaires extérieurs en ennemis de l’intérieur, des doigts se tendent pour les désigner coupables, à l’origine de nos maux, ce seraient eux qui détruiraient notre pays et ruineraient notre avenir.

Ne nous y trompons pas : ces mécanismes sont destructeurs, d’abord pour ceux et celles qui les subissent, et aussi pour la société tout entière. La haine générée grandit, nourrie par une bêtise et une ignorance infiltrant tous les rouages de la vie sociale, avec une explosion numérique nauséeuse, générant conflits et violences, rancœurs et esprit de revanche, assignations à résidence et replis communautaires. Au plus profond de ses ressorts, c’est la démocratie elle-même, avec ses deux siècles de construction, qui est atteinte. C’est la France républicaine, porteuse d’espoir d’un monde solidaire, qui est rabaissée.

Nous assumons et reconnaissons nos différences, elles sont le fondement de notre pacte social. Nous savons aussi ce qui nous réunit par notre pacte politique. Nous ne transigerons pas sur les principes fondamentaux sur lesquels nous avons bâti la République : la liberté, l’égalité, la fraternité comme la laïcité et la solidarité qui sont, à la fois, nos guides et nos objectifs. À la veille de deux échéances électorales que sont les élections municipales et européennes, nous entendons, ici, mettre en garde avec solennité.

Il est de notre responsabilité commune, acteurs dans la société, que nous soyons militants, responsables associatifs, élus locaux et nationaux, habitants, journalistes, en un mot CITOYENS, de ne pas suivre cette route mortifère. Celle-ci est aujourd’hui trop souvent balisée par des flux ininterrompus d’informations répétées en continu par les chaînes télé d’info, relayées sur le web et les réseaux, alors bien peu « sociaux ». Cette répétition absurde est comme un matraquage qui, à la fois, obsède et sidère.

Être CITOYEN, c’est bannir du débat politique tout propos, toute attitude, de nature à engendrer le racisme, l’antisémitisme et tendant à justifier les discriminations. La France, comme bien d’autres pays, doit affronter d’énormes défis économiques et sociaux, avec le chômage et les inégalités. Face à ceux et à celles qui avivent les souffrances sociales, les peurs et les colères, nous nous dressons pour affirmer avec force : la République n’a d’avenir qu’égale, solidaire et fraternelle.

C’est dans ce cadre que le débat public, comme les politiques publiques, doivent s’affirmer.

Paris, le 15 novembre 2013

 

Nouvelle agression contre Chr. Taubira : le harcèlement continue

Additif, 11h36 : communiqué de la Ligue des droits de l’Homme, à lire en fin d’article.

L’acharnement contre Christiane Taubira se poursuit. Cette fois, c’est un « journal », ou du moins une publication périodique qui se fait appeler « journal », qui s’y colle. Sa situation financière désastreuse, la déliquescence de son lectorat ont sans doute joué un rôle important dans le choix de la une de « minute » : l’effet a été immédiat, on n’a parlé que de cela dans les réseaux sociaux dès sa parution.

Alors, quelle attitude avoir ?

Jean-Marc Ayrault a annoncé dans la soirée qu’il saisit le procureur de la République : il a cette fois réagi rapidement. Daniel Schneidermann, dans Rue 89, parle d’un piège dans lequel se serait engouffré le premier ministre ; il conclut son papier par cette phrase : « De ce piège, Ayrault était à la fois le bénéficiaire et la victime. Plus bénéficiaire que victime ? Plus victime que bénéficiaire ? À chacun de décider. »

Évidemment, qu’il y a un piège, et les fascistes, qui maîtrisent parfaitement la communication, le savent : ne pas en parler ? impossible. En parler ? on fait la promotion du torchon.

Mais comment faire de la pédagogie sans parler ? car c’est bien de cela qu’il s’agit. Il s’agit de répéter, encore et encore, que les races n’existent pas, que le racisme est une maladie qu’il convient d’éradiquer. On croyait cette bataille gagnée, on constate avec effroi qu’il faut tout reprendre depuis le début. Et c’est d’autant plus terrible que les responsables de cette dégradation morale de la société ne sont pas uniquement les fascistes et l’extrême-droite. Tous ceux qui, depuis une dizaine d’année, ont fait preuve de complaisance à leur égard, ceux qui leur ont emprunté des idées, sont aussi responsables. Et ils ne sont pas tous à droite.

Ci-dessous, nous publions le communiqué rédigé hier soir mardi 12 novembre par la section de la Ligue des droits de l’Homme de Rennes, (elle n’avait pas encore eu connaissance de la une de minute) sur l’agression d’Anger. La section rennaise insiste sur ce devoir de pédagogie.

Rennes le 12 novembre 2013

Communiqué de la Ligue des Droits de l’Homme de Rennes

Mme Taubira a récemment été la cible d’injures racistes immondes auxquelles elle a réagi avec une grande dignité. Attachés à la défense des droits de l’homme et au respect de sa dignité, nous nous élevons non seulement contre de tels actes mais aussi contre la relative indifférence avec laquelle ils sont reçus par notre société. L’ignominie de ces insultes n’a d’égale que l’indigence intellectuelle de ceux qui les profèrent ou les propagent par la bouche de leurs enfants. C’est par incapacité à élaborer des argumentaires critiques à l’encontre de leurs cibles que les racistes en sont réduits aux insultes, apanage des faibles. Si d’aventure un semblant de raisonnement apparaît, il se fonde sur un obscurantisme  niant l’unicité de l’espèce humaine et les droits fondamentaux de chacun de ses individus. C’est  cela qu’il faut dénoncer et combattre, inlassablement.

En effet, ne rien dire, ne pas réagir, laisse entendre que ce n’est pas grave, voire – pire – que l’on cautionne de tels actes. Mais le racisme et les actes qui le manifestent ne doivent pas devenir « ordinaires ». Contrairement à l’expression en vogue, il faut que le racisme retrouve ses complexes. Il est pour cela nécessaire que des voix s’élèvent pour que ceux qui désapprouvent se sentent confortés et osent manifester – même et surtout dans la vie de tous les jours – leur désaccord. Comme l’écrivait  déjà Jaurès en 1899 à propos des calomnies et des préjugés racistes, « Il faut être prêt à une rude besogne de destruction quotidienne. Il faut n’être ralenti ni par la persévérance du mensonge, ni par les calomnies abominables, ni par les préjugés persistants ».

 Communiqué de la Ligue des droits de l’Homme, publié mercredi matin 13 novembre

Contre la spéculation sur la haine

 La LDH a pris connaissance, avec stupeur, de la dernière une de l’hebdomadaire d’extrême droite Minute, qui vient ainsi se rajouter à la triste litanie raciste de ces dernières semaines.

Alors qu’elle réutilise les expressions contre lesquelles des milliers de personnes et d’élu(e)s de tous bords se sont élevés, à l’appel de la LDH, à Angers, ce lundi 11 novembre, c’est une nouvelle insulte, ouvertement et pleinement raciste, qui s’ajoute à une liste, déjà trop longue, de propos insupportables.

Une nouvelle fois, la LDH réaffirme son rejet de ceux qui spéculent sur la haine et des démagogues qui font preuve de compréhension. Il ne peut pas y avoir d’autre comportement que le combat contre ceux qui choisissent de définir des boucs émissaires pour alimenter des propos et des actes racistes.

Il s’agit de la République et de ses valeurs qui sont à chaque fois mises à mal et il appartient à chacun, citoyen(ne)s, médias et élu(e)s, de contribuer à mettre hors-jeu ces agressions répétées. Le poison du racisme qui mène à la désagrégation de notre société est à combattre sans relâche.

La LDH affirme son plein et entier soutien à madame la garde des Sceaux, Christiane Taubira.

Manifestation de soutien à Ch. Taubira à Angers : « Mettons la haine hors jeu »

Photo Huffpost, http://www.huffingtonpost.fr/2013/11/11/propos-racistes-taubira-manifestation-soutien-angers_n_4255418.html?utm_hp_ref=france

Lundi 11 novembre, à Angers, une manifestation a été organisée pour protester contre l’agresssion raciste dont a été victime Christiane Taubira, ministre de la justice, de la part d’enfants soutenus par leurs parents, le 25 octobre dernier. La manifestation a réuni près de 3000 personnes,

Conduits par la section d’Angers de la Ligue des droits de l’Homme, les manifestants se sont réunis devant le palais de justice où a eu lieu l’agression.

Nadia Doghramadjian, secrétaire générale adjointe de la Ligue des droits de l’Homme, et co-responsable du groupe de travail sur les discriminations, représentait Pierre Tartakowsky, président de la LDH, dont elle a lu l’allocution qu’il avait écrite. A lire ci-dessous.

Allocution de M. Pierre Tartakowsky, Président de la Ligue et des droits de l’Homme, lue par Madame Nadia Doghramadjian, secrétaire générale adjointe, lors du rassemblement qui s’est tenu à Angers le 11 novembre 2013 en présence de plus de 1.500 participants et de nombreux élus.

 

Mettons la haine hors jeu !

Les agressions répétées, ouvertement et pleinement racistes dont la ministre de la Justice Christiane Taubira a été la cible indiquent clairement que nous avons affaire à une offensive assumée, concertée, froidement haineuse. Elles s’inscrivent en effet dans une trop longue liste de « dérapages » détestables.

Il y a eu cette déclaration hallucinante du député-maire de Cholet, à ce jour toujours membre de l’UDI, à propos des Roms : « Hitler n’en a peut-être pas tué assez ». Il y a eu le maire de Croix, dans le Nord, affirmant qu’il serait aux côtés de l’un de ses administrés s’il « commettait l’irréparable » à l’encontre d’un Rom… Il y a eu ce sénateur confiant à la cantonade qu’il avait « vraiment envie » de tirer sur François Hollande et la répartie du maire de Marseille, lui proposant obligeamment une Kalachnikov…

Ces saillies pseudo humoristiques ou soi-disant « maladroites » alimentent une foule de propos et d’actes de violence et toutes, contribuent à la fragmentation de notre société, tout en nous inscrivant collectivement dans une logique de désignation de boucs émissaires.

Cette remontée sidérante de pratiques et de discours qu’on pensait exorcisés n’est pas sans lien avec les consultations à venir. Mais les ramener à une simple poussée de fièvre préélectorale serait s’aveugler à bon compte et sous-estimer le danger.

Au-delà des femmes, des hommes et des populations prises pour cibles, c’est le débat démocratique qu’on vise, et en plaçant ses valeurs hors-jeu c’est la République qu’on veut atteindre.

Cette tentative d’OPA sur le débat public n’est donc pas que malsaine, elle est criminelle ; le racisme est certes odieux, mais c’est surtout un délit. La panacée de l’exclusion est évidemment un mensonge, mais c’est aussi et surtout, une invitation à la violence.

C’est pourquoi nous affirmons notre solidarité militante et civique avec toutes celles et ceux qui en sont la cible. C’est pourquoi nous en appelons à une réaction ferme de la puissance publique mais aussi de la société civile. Il s’agit de mettre hors jeu tous ceux, toutes celles qui propagent la haine tout en se réclamant de la démocratie. Il revient aux citoyens, aux médias et aux élus de la République d’y contribuer, chacun à sa place, en veillant à la qualité des débats publics, en dénonçant sans complaisance ce qui relève de l’infraction à la loi, de l’incitation à la haine, en rejetant ceux qui investissent et spéculent sur le marché de la peur et de la haine.

Face aux démagogues et à ceux qui font preuve de compréhension à leur égard, la Ligue des droits de l’Homme le réaffirme solennellement : la République n’a d’avenir qu’égale, solidaire et fraternelle.

 

Refusons le choix de Leonarda pour celui de la fraternité !

L’affaire Leonarda ne fait plus la une de l’actualité, et c’est sans doute heureux. N’empêche qu’il y a une analyse à côté de laquelle les médias semblent être passés sans la relever, et c’est Pierre Tartakowsky qui la livre dans son éditorial de l’édition d’octobre de LDH info, le bulletin mensuel de la Ligue des droits de l’Homme.

Cette affaire a bousculé l’emploi du temps du ministre de l’intérieur, et provoqué les interventions du premier ministre et du président de la République lui-même. On peut par conséquent légitimement supposer que l’affaire les a préoccupés, et c’est un euphémisme.

Le premier ministre et le président ont donc décidé de vérifier, par une enquête, si la loi avait bien été respectée, et si les services de police ne l’avaient pas outrepassée.

Résultat de l’enquête : la loi a été respectée, mais, peut-être les policiers ont-ils manqué de tact…

Donc, la loi ayant été respectée, rideau.

Et tout ce beau monde de passer à autre chose (il est vrai qu’ils n’avaient que l’embarras du choix…).

Mais alors, pourquoi un tel malaise ? Uniquement parce que les policiers auraient peut-être été malpolis ?

Il n’est venu à l’esprit de personne, apparemment, que l’origine du malaise pouvait venir de la loi elle-même ? et qu’il est tout autant scandaleux d’arrêter et d’expulser un mineur qui est scolarisé pendant le temps scolaire qu’au supermarché ? et qu’il serait sans doute opportun de la changer, cette foutue loi. Car enfin, si Hollande a été élu, c’est aussi un peu pour que cesse cette politique de chasse à l’enfant…

Avec Pierre Tartakowsky, la ligue des droits de l’Homme, quant à elle, a fait le choix de la fraternité, plutôt que d’accepter celui qu’on  avoulu donner à Leonarda

Refusons le « choix de Leonarda » pour celui de la fraternité

L’éditorial de Pierre TARTAKOWSKY, président de la LDH

Le Choix de Sophie est un émouvant roman qu’Alan J. Pakula a fort bien su porter à l’écran, avec talent et émotion. On aurait préféré s’en tenir à cela et s’épargner  « Le choix de Leonarda », mauvais remake bâcle de mauvaise grâce et sans amour, par un François Hollande qu’on a connu mieux inspiré.

Le talent n’est pas en cause ; c’est au contraire la cause qui s’avère sans talent. Comment le président de la République — liberté, égalité, fraternité — a-t-il pu penser un seul instant que proposer d’éclater une famille, encourager au reniement familial, à la lâcheté filiale, allait satisfaire l’opinion publique ? Comment a-t-il pu opposer le droit à la vie de famille et le droit à l’éducation ? Substituer un choix de mutilation à un droit d’enrichissement ? On en reste pantois pour lui, désolés pour nous, inquiets pour Leonarda et tous les autres.

Car il y en a d’autres, dont la liste serait tout à la fois fastidieuse et émouvante. Faut-il, à eux aussi, proposer ce pacte de sang qui consiste à se couper des siens pour se construire soi-même ? C’est impensable. Cela devrait être impensable. Le fait que cela ait été pensé et dit, avec sans doute la bonne conscience des inconscients, devrait faire réfléchir : comment le gouvernement en est-il arrivé là ?

La réponse est simple : en suivant la mauvaise voie tracée par le gouvernement précédent, celui-là même qu’il a critiqué, battu, remplace. La loi sur l’immigration participe d’un paradigme qui vient de loin, et qui est celui d’une méfiance globale vis-à-vis de « ces gens-là ». Le sarkozysme l’a mis en forme et, bizarrement, le gouvernement Ayrault en a accepté l’héritage. Quitte lorsque l’opinion s’émeut à offrir en pâture l’hypothèse d’une erreur possible des services de police…

Une erreur ? L’erreur fatale serait de croire qu’il y en a une. La loi a bien été appliquée. ll se trouve que cette loi bien appliquée est une mauvaise loi. Car pour qu’un fait divers réussisse, en moins de cinq jours, à émouvoir la France, à faire s’exprimer son Premier ministre, à précipiter une enquête administrative, à bousculer l’agenda du ministre de l’intérieur, à diviser la majorité gouvernementale, à déclencher un mouvement de manifestations de lycéens et d’étudiants, à faire sortir la compagne du président de la République du bois de l’humanitaire et, finalement, à contraindre le Président lui-même à prendre la parole… C’est sans doute qu’il y a un problème.

Certains intellectuels médiatiques — à vrai dire plus médiatiques qu’intellectuels — s’émeuvent  d’ailleurs de ce remue-ménage et gourmandent le peuple, dénonçant ici la « dictature » de l’émotion, là l’« hystérie » qui aurait saisi l‘opinion. Diable ! Moins délicats sous le précédent quinquennat, voudraient-ils aujourd’hui une République de glace, peuplée d’icebergs et d’aphorismes froidement calibrés du style « il faut bien qu’à un moment la loi s’applique » ?

L’émotion serait-elle à proscrire ? Nous ne l’avons jamais pensé. Ce qu’elle nous dit ici, c’est que cette loi bien ou mal appliquée — constitue un authentique facteur de désordre civique ; qu’elle heurte  la conscience et la raison, le cœur et l’intelligence, qu’elle piétine ce que nous appelons la fraternité ; et que, ce faisant, elle met en péril bien plus que Leonarda et sa famille, bien plus que le jeune Knatonik et tous leurs semblables : les valeurs républicaines de l’égalité et de la solidarité. C’est très exactement ce qu’ont voulu signifier les lycéens et étudiants qui sont descendus dans la rue après avoir, pour beaucoup d’entre eux, tracé le symbole mathématique « égal » sur leurs joues. C’est le message qu’ils ont envoyé en signifiant que si Leonarda n’était pas en cours, ils n’y étaient pas non plus. Tel est l’enjeu. Voilà pourquoi la LDH s’est immédiatement solidarisée avec leurs manifestations, en défilant à leurs côtés. Voilà pourquoi elle accompagne les efforts de toutes celles et tous ceux qui exigent le retour de Leonarda et de sa famille, pour le droit à l’éducation, pour le droit à une vie familiale, pour le droit à la dignité dans l’égalité. Voilà pourquoi elle, ils, doivent revenir chez eux. Car tant qu’ils n’y seront pas, nous ne serons pas non plus tout à fait chez nous. En République.

Fusillés pour l’exemple : à quand la réhabilitation ?

L’approche de la commémoration du centenaire du début de la première guerre mondiale fait revenir au premier plan de l’actualité le dossier douloureux des « fusillés pour l’exemple », ces soldats qui, jugés sommairement par des tribunaux militaires qui n’avaient de tribunal que le nom. Ce dossier est un des grands combats de la Ligue des droits de l’Homme, dès la signature de l’armistice en 1918. Et il n’a guère avancé depuis.

La fédération de la libre pensée est elle aussi fortement engagée dans ce combat, comme le sont d’autres associations. Deux tendances se côtoient : certains souhaitent une réhabilitation collective, globale, de l’ensemble de ces soldats ; d’autres préfèreraient que les réhabilitations aient lieu au cas par cas, avec toutes les difficultés que cela comporte.

François Hollande, président de la République, a fait un geste, jeudi 7, jeudi 7 novembre : il demande « qu’une place soit réservée aux fusillés au Musée de l’armée aux Invalides, choisissant un geste solennel plutôt qu’une franche réhabilitation des quelque 650 soldats concernés » (source :  Le Monde). Une décision qui ne va sans doute pas satisfaire les militants de cette cause.

Mellionnec

La commune de Mellionnec va, comme chaque année, rendre hommage à l’un de ces soldats, François Laurent, fusillé au tout début de la guerre, le 19 octobre 1914 (il avait 29 ans), et réhabilité par jugement le 9 décembre 1933. Nous avons évoqué son histoire dans cet article. La Libre pensée organisera un rassemblement autour du monument aux morts de la commune lundi 11 novembre à 15h. Une délégation de la Ligue des droits de l’Homme y participera.

La Ligue des droits de l’Homme solidaire des lycéens pour exiger le retour des élèves expulsés

Les lycéens préparent une nouvelle manifestation prévue ce mardi 5 novembre. Aujourd’hui déjà, quelques lycées parisiens étaient mobilisés, et les organisations lycéennes prévoient une semaine d’action avec distribution de tracts. L’objet de leur action est toujours le même : que les lycéens et étudiants étrangers puissent poursuivre leur scolarité et leurs études en France sans être inquiétés. C’est sans doute la première fois qu’un mouvement lycéen se construit sur une revendication qui ne concerne pas directement les intéressés : leur mécontentement concerne d’habitude des projets de réforme de la scolarité ou des programmes. Là, il s’agit de solidarité. C’est d’autant plus remarquable que les médias, depuis plusieurs mois, ne cessent d’évoquer la « dépolitisation » de la jeunesse, son manque d’engagement citoyen, son   attirance pour l’extrême droite, et autres images de ce type. Les jeunes montrent aujourd’hui qu’ils échappent à la xénophobie ambiante qui pollue depuis quelque temps la démocratie française.

La Ligue des droits de l’Homme a rejoint le mouvement initié par le Réseau éducation sans frontières et des syndicats lycéens et étudiants, lui apporte son soutien total, et appelle à participer aux manifestations qui seront organisées. Voici le texte du communiqué commun qui a été publié dans l’après-midi de ce lundi 4 novembre.

Il faut entendre la jeunesse :
retour des expulsés, régularisation !

À l’initiative du Réseau Éducation sans Frontières, des représentants de syndicats lycéens et étudiants, de syndicats de personnels de l’éducation, et d’associations des droits de l’homme ont tenu une réunion unitaire le 28 octobre pour envisager les suites à donner aux inadmissibles expulsions de jeunes scolarisés auxquelles le gouvernement a procédé ces deniers mois.

Pour nous, il est hors de question d’accepter que la scolarité d’élèves soit saccagée par des décisions injustes, arbitraires et brutales. Tout élève doit pouvoir mener sa scolarité à terme, quels que soient sa nationalité, son statut ou celui de ses parents. La disparition d’un élève, capturé dans le cadre scolaire ou ailleurs, est un événement intolérable.

Nous exigeons le retour des élèves expulsés avec leurs familles : de Khatchik, lycéen parisien expulsé en Arménie, de Léonarda avec toute sa famille, expulsées au Kosovo, mais aussi de Cheikh Kouyate, lycéen de Crest (Drome) expulsé au Mali en juin alors qu’il allait passer une épreuve de baccalauréat, de David Victor, élève malgache de BTS au lycée L. Rascol d’Albi expulsé en mai, de Dreini Kalanderi, élève kosovar du lycée d’Audincourt expulsé le 1er octobre, et de tous ceux et de toutes celles qui ont sans doute été expulsés en silence.

Un changement profond de la politique migratoire menée depuis des années par les gouvernements successifs est indispensable.

Nous exigeons un changement  de loi afin que l’expulsion des jeunes en parcours de formation (apprentis, lycéens, étudiants…) ne soit plus possible. Leur régularisation, comme celle des familles d’enfants mineurs, doit être la règle.

Pour atteindre ces objectifs, les syndicats lycéens appellent les élèves à engager l’action dès la rentrée, dans tous les établissements. Des manifestations sont notamment d’ores et déjà prévues le mardi 5 novembre et le jeudi 7 novembre. Les syndicats et les associations représentées apportent leur soutien au mouvement lycéen, et l’accompagneront avec leurs moyens spécifiques.

Nous appelons à manifester massivement avec les lycéen-ne-s.

 

 

 

Jean-François Copé, la main sur le berceau

Ignominie. Ignominieux de ne serait-ce que pouvoir imaginer qu’un enfant qui vient de naître sera apatride.

Incompétence. M. Copé est avocat de profession. On suppose qu’il maîtrise quelques éléments de droit. M. Copé est parlementaire. On suppose qu’il a entendu parler des accords internationaux. Alors que signifie se dernière proposition de supprimer le droit du sol pour les enfants nés en France de parents en situation irrégulière, dont il sait parfaitement qu’elle va à l’encontre des lois françaises, et des conventions internationales signées par la France, et dont la violation mettrait immédiatement la France hors de la communauté internationale.

Mais M. Copé ne va pas jusqu’au bout de son raisonnement. Il n’envisage pas le cas des enfants nés d’un parent étranger en situation irrégulière et d’un parent français : on fait quoi, là ? Il sera à moitié Français ? Les jours pairs ? les jours impairs ?

La Ligue des droits de l’Homme ne pouvait évidemment pas laisser passer ce nouvel appel du pied même pas dissimulé du président de l’UMP au front national. Elle a donc publié le communiqué suivant.

Jean-François Copé, la main sur le berceau

Après l’enrôlement sauvage des petits pains au chocolat, Jean-François Copé lance une OPA sur les berceaux. La Ligue des droits de l’Homme s’oppose avec force à ce retour particulièrement détestable du débat sur l’identité nationale. Lancé par Nicolas Sarkozy pour ne pas laisser au Front national le « monopole » de la nation, rejeté par une opinion publique inquiète de voir ouvrir une boîte de Pandore, ce dont l’extrême droite avait immédiatement fait son miel, le débat ressurgit sous la forme d’une nouvelle provocation qui bénéficie de l’approbation des hiérarques de l’UMP, dont François Fillon, décidément de moins en moins « sectaire ».

Cette sortie a le mérite de clarifier les enjeux : alors que la France se démène dans des difficultés d’ampleur, dans les domaines de l’emploi, de la santé, du logement, alors que l’actualité fait la démonstration de l’inhumanité des lois sarkozystes sur les étrangers et de la stupidité qu’il y a, pour un gouvernement de gauche, à vouloir « bien appliquer » ces mauvaises lois, le premier parti de l’opposition affiche sa priorité : « purifier » le processus de naturalisation, en le débarrassant des enfants nés sur le sol français de parents étrangers en situation illégale. Pour la plus grande joie du Front national, auquel il l’a emprunté.

En inscrivant d’emblée une génération d’enfants dans une situation précaire, en signifiant qu’elles et ils sont aussi indésirables que leurs parents, les propos de Jean-François Copé fabriqueront de futurs apatrides dès le berceau. La LDH rappelle qu’il s’agit d’un extraordinaire mépris de la situation juridique actuelle, et d’une ignorance des conventions internationales ratifiées par la France. Enfin, on ne peut que s’interroger sur l’opportunité de propos qui sont très éloignés des besoins exprimés par les Françaises et les Français, pour peu qu’elles et ils soient interrogés de façon comparative.

L’objectif revendiqué de la « lutte contre le communautarisme » est destiné à engager un processus dont nul ne peut dire à la porte de qui il s’arrêtera. Il vise surtout, encore et toujours, à s’approprier les thématiques de l’extrême droite pour tenter d’en capter l’électorat. Une stratégie dont le Front national n’a eu jusqu’à présent qu’à se féliciter, puisqu’elle n’aboutit qu’à renforcer et ses thèmes, et son enracinement.

La LDH attend de l’opposition parlementaire qu’elle s’honore en désavouant les propos du secrétaire général de l’UMP, tant ils sont éloignés et des valeurs de la République, et des urgences auxquelles se confrontent la plupart de celles et ceux qui vivent et travaillent dans notre pays.

 

Nice, I like not, par Pierre Tartakowsky

Le dernier numéro de la revue de la Ligue des droits de l’Homme, « Hommes et Libertés », contient un remarquable dossier intitulé « le handicap : regards croisés », composé de plusieurs articles, parmi lesquels « Handicap : droit(s) devant ! », « pour le respect des droits cuturels », « handicap psychique : de l’enfermement à l’autonomie », « pour une société inclusive »…

Ce dernier numéro s’ouvre sur un éditorial du président de la LDH, Pierre Tartakowsky, qui revient sur ce fait divers qui a défrayé la chronique et donné l’occasion à la droite de distiller ses clichés désormais bien connus ; mais aussi, et c’est grave, à une certaine gauche, de les reprendre à son compte. Une certaine « gauche » incarnée bien entendu par le ministre de l’intérieur, qui a décidément davantage de points communs avec ses derniers prédécesseurs du dernier septennat qu’avec de grands ministres tels que Pierre Joxe.

Rappelons, avant de reproduire l’éditorial de Pierre Tartakowsky, que Hommes et Libertés est une revue trimestrielle, dont l’abonnement coûte 25€ (un an, quatre numéros), et qu’elle est une véritable mine d’informations pour les défenseurs des droits. Son existence est précaire : son équilibre financier est très fragile, et elle a besoin de nouveaux abonnés (s’adresser au siège de la LDH, 138 rue Marcadé, 75018 Paris).

Nice, I like not, par Pierre Tartakowsky

Le fait divers a ses lettres de noblesse. Comme production sociale, il nous renseigne sur le contexte dont il participe, sur les « seuils de tolérance » de la cité comme lieu politique, sur les hiérarchies subtiles et implicites dont le bon sens populaire est porteur. Ce pourquoi il est tenant d’en faire un exemple, un épitomé des problématiques collectives, et, partant, d’imposer des solutions valables pour le fait divers en question, et plus largement pour la société. C’est particulièrement vrai lorsque la société en question a le sentiment exaspérant de se heurter a d’insupportables injustices, de tourner en rond et d’étouffer à petit feu sans que l’État, les pouvoirs publics, la représentation politique soient d’une aide quelconque.

C’est dans ces moments que les démagogues et les esprits simples, adeptes de la loi de Lynch et de la vengeance, se déchainent  pour imposer une autre conception de la justice, plus expéditive, légitimant des méthodes plus efficaces, plus individuelles, faisant l’économie de l’analyse des causes et des situations au bénéfice d’une escalade sécuritaire sans fin… La responsabilité des élus de la République est de le savoir, et de s’y opposer. On sait que l’ex-président Nicolas Sarkozy avait au contraire, dans la lignée d’un Bush et d’une Thatcher, fait le choix stratégique de flatter ces pulsions malsaines et, tout en flétrissant la magistrature, d’exacerber les pulsions sécuritaires les plus régressives au sein de l’opinion publique.

Il faut ranger l’affaire de Nice au rang des dividendes de ce choix. Elle indique, hélas, que ces pulsions n’ont plus besoin aujourd’hui de maitre à penser présidentiel pour s’épanouir et se revendiquer légitimes.

On connait les faits ; un bijoutier cambriole, deux malfrats à la petite semaine, un tir soigneusement ajuste, dans le dos de deux fuyards motorises, et un mort. Jusque-là, rien qui ne déborde du cercle de travail banal de la justice.

Mais voilà que, de façon plus ou moins spontanée, des soutiens au commerçant se mettent en place, singulièrement sur Internet, ou se déchaine un festival de propos nauséeux, haineux, racistes, apologétiques de l’autodéfense, et incitatifs au meurtre. Et que d’un peu partout, des voix s’élèvent – au mépris des faits eux-mêmes – pour plaider la légitime défense.

Curieuse «  légitime défense »…

On aurait pu s’attendre à ce que les responsables gouvernementaux et les élus locaux se mobilisent pour rappeler les termes de la loi, qui n’est pas la vengeance, disent la gravité d’un homicide et soulignent que nul n’est autorisé à l’appliquer lui-même.

Qu’a-t-on vu? Le contraire: des élus locaux, président du conseil général en tête, s’honorer d’être partie prenante de cette surenchère haineuse, justifier leur engagement par une « solidarité naturelle » avec un « Niçois », ignorant superbement que la victime était, elle aussi, « niçoise » dénoncer une criminalité galopante, qu’ils prétendaient jusque-là avoir endiguée grâce à un quadrillage méthodique de vidéosurveillance, stigmatiser, enfin. Une justice complice des voyous, puisque refusant de caractériser un coup de feu dans le dos d’un fuyard comme de la légitime défense…

Légitime défense? On imagine la scène, ce dos qui s’enfuit, menaçant, sur une moto, qui est déjà à quinze, vingt mètre; et ce revolver opportunément à portée de main, et ce commerçant battu, humilié, qui considère que cela ne doit pas se passer comme ça, que cela ne va pas se passer comme ça, ah, mais non, et qui ajuste, tir ; touché !

Oh, on peut comprendre. C’est même tout le travail de la justice que s’y atteler et de prononcer la sanction qu’appelle tout homicide. Légitime colère, sans doute ; légitime défense, certainement pas. L’homme ne risquait plus rien. Il s’est vengé, tuant un homme que son statut de voleur ne soustrayait pas à l’humanité.

Pour un strict respect de l’Ordre public

Il faut grandement s’inquiéter de cette affaire, où l’on voit des élus courir après un peuple en furie pour rivaliser en propos incendiaires ; ou la voix Internet révèle et nourrit une justice ramenée à une sorte de jeu vidéo, moderne jeu du cirque.

La fabrication médiatique, dont la base répétitive et sensationnelle exclut beaucoup le recul, la réflexion et le débat, alimente de fait l’établissement d’une norme qui semble autoriser tout un chacun à introduire de plus en plus de violence dans le droit, la loi, les rapports sociaux. Il est d’autant plus incompréhensible, dans ce contexte préoccupant, que le ministre de l’Intérieur ait choisi, avant même de se rendre sur place, d’affirmer sa compréhension vis-à-vis des « petits commerçants excédés ».

Faute grave. Car il ne s’agit pas ici-sauf à entrer dans des considérations politiques électorales aussi peu honorables que dangereuses – de comprendre qui que ce soit, mais de combattre et les cambriolages, et les exécutions sommaires. Autrement dit, de refuser de traiter les enjeux de sécurité au prisme des prochaines consultations électorales, en faisant strictement respecter ordre public. C’est d’autant plus important que cet ordre public est de plus en plus souvent malmené par une série de déclarations et d’attitudes extrêmement préoccupantes, sans que cela semble émouvoir les pouvoirs publics.

Rappelons, pour mémoire, les propos du député-maire de Cholet, Gilles Bourdouleix- à ce jour toujours membre de UDI -, à propos des Roms : « Hitler n’en q peut-être pas tué assez,» Rappelons également la toute récente déclaration de Régis Cauche, maire de Croix, dans le Nord, affirmant que si l’un de ses administrés « commettait l’irréparable», il le soutiendrait. L’édile s’est empresse de corriger par le tir, par un convenu « je ne défendrai que des gens en légitime défense ». Mais l’alerte niçoise nous montre que d’ores et déjà, certains interprètent cette notion de façon plus qu’extensive.

Rappelons, enfin, la tentative de Nathalie Kosciusko-Morizet, députée UMP candidate à la mairie de Paris, de gagner des parts de marché sur la dénonciation d’un «  harcélement» des Parisiens par les « Roms »…

Éloigner peurs et haines

Ne laissons pas Nice devenir une sorte de « répétition générale » des campagnes électorales à venir, en privilégiant les peurs, les haines et leur corollaire sécuritaire, sur les enjeux d’égalité et de justice.

Ne laissons pas la haine devenir un programme électoral, et la stigmatisation un outil d’0pposition des uns contre les autres et de tous contre tous. La Ligue des droits de l’Homme met en garde contre cette multiplication de propos irresponsables, qui, chacun à leur façon, contribuent à précipiter le pire. Elle invite les citoyens, les médias et les élus de la République à les prendre au sérieux, et à les dénoncer sans complaisance. Elle appelle les forces démocratiques, les organisations syndicales et le mouvement associatif, les femmes et les hommes de notre pays, à relever les défis de iustice, d’égalité et de démocratie, exacerbes par la crise financière et les politiques d’austérité, en inscrivant leurs investissements sociaux et politiques dans l’affirmation d’une société de droit, solidaire et fraternelle.

 

 

La France condamnée par la CEDH pour des expulsions de familles du voyage

La cour européenne des droits de l’Homme vient de condamner une nouvelle fois la France, dans un arrêt qu’elle a rendu le 17 octobre dernier, et dans une affaire d’expulsions de familles du voyage : « L’expulsion de gens du voyage des terrains sur lesquels ils étaient établis de longue date a violé leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile » titre la cour dans la présentation de son arrêt. Elle rappelle les faits : Les requérants sont d’une part vingt-cinq ressortissants français, en leur nom et au nom de leurs enfants mineurs et d’autre part le Mouvement ATD Quart Monde. Pour la plupart issus du monde du voyage, les requérants résident sur la commune d’Herblay (Val d’Oise). Les 95 personnes concernées logeaient sur des terrains appartenant à la commune depuis de nombreuses années, ou y étaient nées. En 2003 et 2005 le maire prit deux arrêtés, interdisant le stationnement de caravanes sur la commune. En 2004, le maire assigna les personnes en référé, mais le juge rejeta la demande, du fait que ces familles habitaient là bien avant le plan d’occupation des sols le leur interdisant. Après de nombreuses péripéties judiciaires, le dossier a enfin été examiné par la cour européenne des droits de l’Homme, dont l’arrêt conclut :

« La Cour conclut qu’il y a eu, pour l’ensemble des requérants, violation de l’article 8 dans la mesure où ils n’ont pas bénéficié dans le cadre de la procédure d’expulsion d’un examen convenable de la proportionnalité de l’ingérence dans leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile conforme aux exigences de cet article. Il y a eu également violation de l’article 8 pour ceux des requérants qui avaient demandé un relogement sur des terrains familiaux, leurs besoins n’ayant pas été suffisamment pris en compte ». (l’arrêt peut être téléchargé ici).

La Ligue des droits de l’Homme se réjouit bien évidemment de cet arrêt, et l’explique dans une communiqué qu’elle vient de publier :

« Dans un arrêt du 17 octobre 2013, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France pour violation de l’article 8 (droit à la vie privée et familiale, et droit à un domicile) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, à propos d’expulsions de familles du voyage. La Ligue des droits de l’Homme se réjouit de pouvoir disposer, dans son action, d’une telle jurisprudence.

Au-delà des faits de l’espèce, la Cour rappelle que la perte d’un logement est une des atteintes les plus graves au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile, droit fondamental pour garantir à l’individu la jouissance effective des autres droits fondamentaux qui lui sont reconnus. Son importance cruciale pour l’identité de la personne, l’autodétermination de celle-ci, son intégrité physique et morale, le maintien de ses relations sociales ainsi que la stabilité et la sécurité de sa position au sein de la société oblige l’Etat à des actions positives de relogement, lorsque l’expulsion s’avère absolument nécessaire.

Comme le souligne la Cour, des textes internationaux ou adoptés dans le cadre du Conseil de l’Europe insistent sur la nécessité, en cas d’expulsions forcées de Roms et Gens du voyage, de leur fournir un relogement. Leur vulnérabilité implique d’accorder une attention spéciale à leurs besoins et à leur mode de vie propre.

Cet arrêt porte condamnation des pratiques passées et actuelles de l’Etat en la matière. Celles-ci, faites au mépris des engagements internationaux et européens de la France, doivent immédiatement cesser. La LDH saura utiliser, autant que de besoin, un arrêt dont elle espère que le gouvernement français prendra toute la mesure. »