Pierre Tartakowsky : « Démocratie Findus ? »

Dans son dernier éditorial du bulletin mensuel de la Ligue des droits de l’Homme « ldh info », Pierre Tartakowsky, président, revient sur la « crise » alimentaire de ces dernières semaines.

Démocratie Findus ?

On qualifiera la métaphore de facile, mais comment ne pas voir dans les lasagnes à la viande de cheval une sorte de métaphore politique et sociale ? Car dans cette affaire d’agroalimentaire, on comprend bien que l’enjeu premier n’est ni le goût ni le dégoût, pas plus d’ailleurs que la préséance de la noblesse supposée du cheval sur la rusticité avérée du bœuf. Le scandale revêt comme toujours des vertus éclairantes, et c’est ce qu’elles révèlent qui nous intéresse. À titre de consommateurs, de producteurs, de citoyens ; autrement dit, à titre politique.

D’abord parce que, si l’on ose dire, la lasagne voyage en bonne compagnie : à peine avait-on détecté de la viande de cheval censée être du bœuf que l’on apprenait que l’Union européenne venait d’autoriser de nouveau l’usage des farines animales dans l’aquaculture et, à terme, dans l’élevage des porcs et des volailles. De nouveau, oui, car le précédent tragique de l’encéphalite spongiforme en avait interdit l’usage en 2001. Il faut croire que les groupes de pression de l’agrobusiness misent sur la mémoire courte des consommateurs ; ou sur leur déficit d’information, lui-même directement lié à l’opacité du système.

Pour des raisons objectivement incontournables, la viande ne se prête pas au marché à terme. Cette singularité entraîne une multiplication mécanique des intermédiaires, multiplication qui, elle, permet d’augmenter les marges bénéficiaires, quitte à donner le tournis et à rendre, de fait, les contrôles et la traçabilité plus difficiles. Cette organisation de l’opaque, comme d’ailleurs les efforts faits pour « réhabiliter » les farines animales, s’enracinent donc dans l’organisation très pensée du jeu libre des marchés et de leurs acteurs, lesquels se préoccupent comme d’une queue de cerise de la sécurité et de la santé publiques. Cette situation inquiétante a évidemment à voir avec l’état de la filière agroalimentaire, toujours plus riche en intermédiaires entre le producteur et le consommateur, toujours davantage soumise à des normes de production et de rentabilité, toujours moins contrôlée du point de vue sanitaire et douanier. Au final, cela donne un produit aux aspects chatoyants, au contenu mensonger, à la capacité alimentaire discutable, et dont l’analyse poussée relèverait sans doute davantage d’un thriller que de la gastronomie… Ainsi se trouvent concentrés dans une simple boîte de surgelés un faisceau de problèmes contemporains brûlants : la mainmise mondialisée de quelques groupes sur l’alimentation de la planète, l’hégémonie d’une pensée pseudo économique qui en garantit la pérennité, au détriment d’une agriculture durable adossée à des chaînes courtes de distribution, la capacité des États à contrôler une chaîne alimentaire livrée aux jeux de l’Organisation mondiale du commerce, le fait, enfin, que la boîte en question relève d’une marque relativement bon marché et que le « minerai » dont elle était bourrée se retrouve, fatalitas, dans les assiettes de familles populaires…

Cette situation se vérifie dans notre pays même, où le système de contrôle actuel ne permet plus d’encadrer le marché économique européen, ni de détecter les éventuelles fraudes qui en découlent. Sait-on par exemple que l’entreprise Spanghero, montrée du doigt comme responsable du faux étiquetage, se situe dans un département où la répression des fraudes ne compte qu’un seul agent pour toute l’industrie alimentaire ? On mesure une fois encore à quel point la mise en œuvre de la transparence et de la traçabilité, droit sanitaire et démocratique, reste lettre morte si les instruments d’une politique sociale ne suivent pas. L’emploi, ici comme ailleurs, s’inscrit dans un objectif. Et à force de peser sur lui en lui reprochant son coût, on en arrive à des économies très coûteuses au plan social. Et même au plan économique. Gageons en effet qu’il faudra un certain temps avant de retourner aux lasagnes « pur bœuf ».

Au-delà de nos assiettes – horizon déjà non négligeable – l’affaire devrait nourrir une réflexion sur la démocratie et sur son effectivité, sur le rôle de l’État comme garant collectif et organisateur des territoires et des productions, en amont de simples contrôles sanitaires. Peut-on réellement, à cet égard, se contenter de faire les gros yeux aux industriels concernés en exigeant… qu’ils s’autocontrôlent ?

Il va sans dire que ces questions sont posées à l’ensemble du corps politique et social, et non à la seule Ligue des droits de l’Homme ; et qu’elles valent bien au-delà de ce fait divers alimentaire. Mais une fois de plus, elles vérifient la dimension planétaire du plus petit de nos problèmes, le fait que l’Europe est le niveau auquel il faut intervenir, et que les marchés ne peuvent, en l’espèce, être des acteurs de confiance. Sauf à ramener la démocratie au rang d’une vulgaire lasagne au cheval.

La section LDH Pays de Ploërmel a son site et sa page Facebook !

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Droit de vote des étrangers : 35000 signatures, mais il faut poursuivre l’effort !

La campagne pour obtenir dès 2014 le droit de vote pour les étrangers hors communauté européenne pour les élections locales se poursuit. 35000 personnes ont à ce jour signé la pétition. Des parlementaires se sont exprimés en faveur de ce projet. La crainte de l’exécutif de ne pas obtenir les 3/5èmes  des votes du congrès (ensemble des députés et sénateurs, puisqu’il s’agit d’une réforme constitutionnelle) est certes justifiée, mais elle ne doit pas empêcher qu’on essaye d’obtenir parmi les parlementaires de droite des votes positifs : il y a parmi eux des humanistes, qui pourraient voter ce texte. L’ancien président de la République s’était lui-même déclaré favorable à cette mesure, et il n’a changé d’avis que par calcul électoral quand il a cru que sa réélection ne pouvait se faire sans les voix de l’extrême-droite. Il faut donc poursuivre l’effort : 35000 signatures, c’est bien, c’est beaucoup, mais ça serait mieux et encore plus convaincant s’il en avait davantage !

35 000 signatures recueillies
pour le droit de vote des étrangers aux élections locales

 

A votre tour :

signez et faites signer la pétition sur www.droitdevote2014.org

ou par courrier en renvoyant le document ci-joint complété et signé

à l’adresse suivante : Collectif « Droit de vote 2014 », 138 rue Marcadet, 75018 Paris

ATTENTION, message important : suivez bien les indications du site www.droitdevote2014.org

Vous allez recevoir, en retour de votre signature, un mail de demande de confirmation de votre signature.

Cette deuxième confirmation est indispensable pour la validation définitive de votre signature !

Il peut arriver que le mail de confirmation aboutisse dans vos spams ou votre corbeille (c’est notamment le cas pour les adresses AOL). Il est donc utile, dans les heures qui suivent votre première signature, de vérifier vos spams.

Dans le cas de dysfonctionnement de la procédure vous pouvez écrire directement au gestionnaire du site à : contact@droitdevote2014.org pour confirmer votre signature.

Merci.

Droit de vote pour tous les résidents étrangers dès 2014

Pour une République ouverte et fraternelle

Le suffrage universel a été une longue conquête dans l’histoire de la République.

Si, en 1793, lors de la Révolution, la première République en adopta le principe, il fut réellement mis en œuvre par la IIe République, après la Révolution de 1848. Mais le suffrage resta limité aux hommes jusqu’en 1944, lorsque fut enfin instauré, à la Libération, le droit de vote pour les femmes. Trente ans plus tard, en 1974, l’âge du droit de vote fut abaissé de 21 à 18 ans.

En 1998, les étranger(e)s citoyen(ne)s des pays de l’Union européenne résidant en France ont été admis(es) au vote et à l’éligibilité pour les élections municipales et au Parlement européen.

En mai 2000, l’Assemblée nationale vote une proposition de loi accordant le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales pour les étranger(e)s extracommunautaires, qui résident légalement sur le territoire depuis cinq ans au moins. Le Sénat, à son tour, le 8 décembre 2011, adopte cette même proposition. Il reste à mettre en œuvre la révision constitutionnelle nécessaire.

De nombreux(ses) responsables politiques de gauche, et aussi du centre et de droite, se sont exprimé(e)s en faveur de ce droit.

En 2012, lors des élections présidentielles et législatives, la nouvelle majorité a inscrit cette réforme dans son programme. Conformément à ses engagements dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre, en juillet puis en septembre, a promis qu’il y aurait un projet de loi en 2013.

Près de deux millions et demi d’étranger(e)s extracommunautaires vivent et travaillent dans des communes où elles/ils participent à la vie locale et paient des impôts. Nombre d’entre elles/eux sont responsables d’associations, délégué(e)s de parents d’élèves, délégué(e)s syndicaux(cales)…

La vie locale est un lieu essentiel de la vie démocratique et il n’existe aucune raison pour que toutes cel les et tous ceux qui résident sur ces territoires n’y participent pas de façon égale. Il est temps de franchir une nouvelle étape pour l’élargissement du suffrage universel, la démocratie, la cohésion sociale et pour l’égalité des droits.

Les promesses électorales faites depuis plus de trente ans, approuvées par les électeurs(trices) à au moins quatre reprises, depuis 1981, doivent maintenant être tenues.

Nous appelons à la mobilisation citoyenne pour que cette réforme, essentielle pour une République ouverte et fraternelle, soit mise en œuvre dès les élections municipales de 2014.

Monsieur le Président de la République,

Nous vous demandons d’engager le processus de révision constitutionnelle permettant d’instaurer le droit de vote et d’éligibilité pour nos concitoyen(ne)s résident(e)s étranger(e)s aux élections locales, dès les municipales de 2014.

Cet impératif d’égalité et de démocratie est urgent !

* Signataires au 20 février 2013 :

Associations : Ligue des droits de l’Homme (LDH), Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), SOS Racisme, collectif « Votation citoyenne », Réseau éducation sans frontières (RESF), Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (Acort), Association démocratique des Tunisiens en France (ADTF), Association des Marocains de France (AMF), Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), Association pour une citoyenneté européenne de résidence (Acer), Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), Mouvement citoyen des Tunisiens en France (MCTF), Union des Tunisiens pour l’action citoyenne (Utac), Réseau Euromed France, Conseil français de la citoyenneté de résidence (Cofracir), Collectif pour l’avenir des foyers (Copaf), Ligue de l’enseignement (LE), Solidarité laïque, France terre d’asile (FTDA), La Cimade, Les Amoureux au banc public, Aseca – Lettre de la citoyenneté, Collectif national pour les droits des femmes (CNDF), Mouvement de la paix, Attac France, Cedetim, Fondation Copernic, Gisti, Banlieues actives, Les Indivisibles, Association nationale des élus communistes et républicains (Anecr), Fédération des élu(e)s verts et écologistes (Feve), A gauche autrement – Le Pré-Saint-Gervais, Agir contre le racisme (ACR) – Nice, Apeis, Association biterroise contre le racisme, Association locale des femmes algériennes (Alfa – Nantes), Association de soutien aux étrangers du Val-de-Marne (Assouevam), Horizome, Nedjma, Partage – Bezons, Atams, collectif « Avà Basta », collectif « Culture Création Citoyenneté », collectif « Diversi-T37 », Emmaüs Pointe-Rouge, Ensemble nous sommes le 10e, Fédération nationale des maisons des potes, Gauche citoyenne 94, Go citoyenneté – Grenoble, Groupe non-violent Louis Lecoin, Ipam, La Coopérative du citoyen, Le 93 au cœur de la République, Les Diffuseurs humanistes, Les Sans-étiquette, Mémorial 98, Mouvement Utopia, Pays-de-Loire-Gaza-Jérusalem, Printemps ligueur, Resfim – Mayotte, Ras l’front – Grenoble, Ras l’front du voironnais, Ruptures, Sortir du colonialisme, Tends la main, TET-LLÄ, Turbulences Marne-la-Vallée, Union juive française pour la paix (UJFP), Vérité et justice pour l’Algérie, Victimologie sans frontière, Visa.

Syndicats : Confédération française démocratique du travail (CFDT), Confédération générale du travail (CGT), Fédération syndicale unitaire (FSU), Union syndicale Solidaires, Syndicat des enseignants (SE-Unsa), Syndicat de la magistrature (SM), Union nationale des étudiants de France (Unef), Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL), Union nationale lycéenne (UNL), Fédération Sud Education, Snasub-FSU, Snep-FSU, Snes-FSU, SNPES-PJJ/FSU, Snuclias-FSU, CFDT Mutualité Île-de-France, CFDT Taxis parisiens, Union départementale CFDT du Rhône, CGT-Educ’Action, CGT-Radio France, Syndicat national des journalistes CGT, UL CGT – Feurs, UL CGT 20, Confédération syndicale des familles.

Partis politiques : Europe écologie les Verts (EELV), Front de gauche (Convergences et alternative – CetA, Féd

 

« On disait c’est la prison ou la récidive et nous avons eu la prison et la récidive »

La Garde des sceaux a décidé de réunir une « conférence du consensus », pour tenter de trouver une solution au problème véritablement dramatique des prisons. La surpopulation carcérale a atteint un seuil tel que les professionnels redoutent aujourd’hui des drames.

Parallèlement à ce problème de surpopulation en est posé un autre : la pertinence de l’emprisonnement, notamment pour les petits délits et les courtes peines.

L’avis daté du 21 février de la Commission nationale consultative de droits de l’Homme, et le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté rendu public le 25 février, ont presque simultanément souligné la « nécessité de rompre avec ce cercle vicieux » qui consiste à emprisonner pour prévenir la récidive, alors que toutes les études sérieuses prouvent le contraire, en France comme à l’étranger.

C’est ce qui a conduit la Ligue des droits de l’Homme à publier un communiqué dans lequel elle rappelle fermement sa position : « on disait, c’est la prison ou la récidive, et nous avons eu la prison ET la récidive ». L’échec est donc patent.

Voici donc ce communiqué, diffusé le 28 février dernier, mais qui semble avoir été superbement ignoré par les médias.

Le problème de la récidive, c’est que la prison n’est pas la solution !

Les 14 et 15 février, la Conférence de consensus sur la prévention de la récidive a permis à l’ensemble des parties prenantes – magistrats, avocats, policiers, chercheurs – de faire le constat unanime de la faillite de cette politique de l’ultra-« sécuritaire » et du tout-carcéral. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme, dans son avis rendu le 21 février, et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, notamment dans son dernier Rapport paru le 25 février, ont pleinement confirmé cette évaluation et la nécessité de rompre avec ce cercle vicieux par lequel des gouvernants ont en réalité entretenu ce qu’ils prétendaient combattre.

Depuis de trop longues années, en France, les lois « sécuritaires » s’empilent les unes sur les autres, les prisons se remplissent jusqu’à la surpopulation et aux condamnations de la France pour traitement inhumain et dégradant… et ni le sentiment d’insécurité ni la crainte devant les risques de récidive ne reculent, bien au contraire. On disait c’est la prison ou la récidive et nous avons eu la prison et la récidive.

La Ligue des droits de l’Homme considère que les constats et les propositions formulées par ces instances, appuyées sur des analyses qu’aucun observateur sérieux n’a pu contester, ouvrent la voie à une autre politique qui réduirait cette fois efficacement les risques de récidive tout en respectant les droits et la dignité de tous.

Rompre avec l’inflation pénale et pénitentiaire sans limites raisonnables ; développer les sanctions alternatives à l’emprisonnement pour les petits délits ; en finir avec des conditions de détention contraires à la dignité humaine, qui amplifient massivement les risques de récidive ; faire des prisons des lieux de respect du droit et des droits, d’accès aux services publics et aux outils de réinsertion ; dégager les moyens d’un accompagnement effectif des fins de peine en milieu ouvert et des sorties de prison : c’est agir à la fois pour le respect des droits des personnes détenues, pour l’utilité du travail des agents du service public pénitentiaire, et aussi protéger, cette fois  réellement, l’ensemble de la société contre les risques d’une récidive, dont on sait ce qui y mène si souvent aujourd’hui.

La Garde des Sceaux le disait il y a peu : « Nos prisons sont pleines, mais vides de sens ». La République ne peut continuer à tolérer cette situation indigne et dangereuse. La LDH demande que les pouvoirs publics mettent en œuvre sans tarder le changement qui s’impose et ne tergiverse pas sur les moyens budgétaires et humains pour un résultat tangible et donc rapide.

 

Ligue des droits de l’Homme : Stéphane Hessel reste vivant

Communiqué de la Ligue des droits de l’Homme

Paris, le 27 février 2013

Stéphane Hessel reste vivant

Pourrions-nous croire à sa mort, après quatre-vingt-quinze années d’une vie plus riche qu’un roman ? Commencée dans deux patries successives, elle s’est poursuivie au milieu de la poésie, du surréalisme et d’une profonde culture humaniste et européenne. Puis ce fut la Résistance, Buchenwald, d’où il réchappe quasi miraculeusement, et la France libre. Ensuite, après le compagnonnage avec Mendès France à Londres, Stéphane Hessel est à l’ONU, avec René Cassin, pour la préparation de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. La suite, c’est son combat inlassable pour la conquête de tous les droits, pour tous et partout.

S’il fut un diplomate reconnu jusqu’à devenir ambassadeur de France, c’était aussi un homme alliant l’esprit de résistance et la volonté de construire « un monde solidaire et organisé », « une structure de l’économie mondiale plus équitable ». Donc à la fois le club Jean-Moulin, il y a cinquante ans, pour penser « une République moderne », mais aussi en 1997, le Collège des médiateurs pour la régularisation des sans-papiers ; le refus de la colonisation des territoires palestiniens, qui lui valu d’être traité d’antisémite, lui, le survivant des camps, par ceux que leur bêtise et leur haine aveuglent ; et encore, après la honte du « ministère de l’Identité nationale », la fondation de Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui, et le rendez-vous du printemps, chaque année, aux Glières.

Lui-même l’a toujours répété, le fil conducteur de ce parcours fascinant, c’est son « investissement dans les droits de l’Homme » : « l’opposé de ce qui avait failli me faire mourir », mais aussi « le fil conducteur d’une histoire qui a un sens et qui donne de plus en plus de responsabilité et de liberté aux individus ». Son autobiographie, il l’avait appelée Danse avec le siècle, parce qu’« à force de déséquilibres, l’histoire est susceptible de produire des équilibres plus riches ». Et pour construire ces nouveaux équilibres, regrettant trop souvent chez les hommes politiques « le manque de courage, le désir de flatter l’électorat plutôt que d’aller de l’avant », il appelait à « ne pas compter seulement sur les gouvernements pour poursuivre les objectifs auxquels nous tenons », à miser, comme il l’a fait si intensément, sur « la mobilisation de la société civile ». Comme nous.

Laissons-lui la parole une fois encore. Voici la conclusion du chapitre qu’il avait donné à L’état des droits en France, publié en 2012 par la Ligue des droits de l’Homme : « secouer la chape de plomb du pessimisme, du défaitisme et du déclinisme », retrouver « la capacité non seulement de s’indigner, mais encore d’espérer et d’entreprendre. Proposer, rassembler, agir pour construire d’autres rapports de forces que ceux de la domination oligarchique ; ne plus déléguer le choix de notre avenir à un « sauveur suprême » ou à des experts porteurs d’une prétendue rationalité fauteuse de crises ; dépasser les mirages de l’individuation et de la marchandisation en retrouvant le chemin de la solidarité, en « reconsidérant la richesse » pour remettre la valeur à l’endroit ; se rappeler que ce sont les Hommes qui font l’histoire, qu’aucune fatalité n’oblige à ce que l’humanité, dont les capacités augmentent sans cesse, subisse la régression de ses droits et de ses acquis au point de perdre espoir en l’avenir. Car si nous le pouvons, si nous le voulons vraiment, cet avenir est entre nos mains à tous. »

La Ligue des droits de l’Homme est fière d’avoir cheminé avec Stéphane Hessel. Elle est triste de l’entendre encore réciter Apollinaire : « J’ai cueilli ce brin de bruyère, L’automne est morte, souviens-t’en, Nous ne nous verrons plus sur terre », mais elle se rappelle qu’il chérissait aussi Hölderlin : « Là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve. »

« Ce qui sauve », il l’a porté, il nous le lègue. Faisons-le vivre.

 

Non à une collaboration policière et judiciaire avec la Turquie !

Pinar Selek

Sevil Sevimli

Sevil Sevimli, une étudiante franco turque, a été arrêtée le 10 mai 2012 pour « des liens supposés avec des groupes d’extrême gauche » : condamnée à 5 ans et 2 mois de prison pour « propagande terroriste » par un tibunal de Barsa, dans le nord-ouest de la Turquie. Elle a fait appel, et a pu quitter la Turquie en attendant le nouveau procès.

Pinar Selek, sociologue turque, a été condamnée le 24 janvier 2013 à la prison à perpétuité par un tribunal d’Istambul pour terrorisme. Elle va demander l’asile politique à la France.

C’est dans ce climat de répression aveugle que la commission des affaires étrangères de l’assemblée nationale va étudier un « projet d’accord de collaboration policière et judiciaire » entre la Turquie et la France.

Ce projet date de l’ancienne législature. Il est assez savoureux, lorsqu’on se souvient que l’ancien président de la République était farouchement opposé à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne…

Cette situation, qui va être dramatique si ce projet est adopté, a conduit Pierre Tartakowksy à adresser une lettre ouverte aux membres de  la commission des affaires étrangères, pour lui demander instamment de s’y opposer. Copie a été adressée à Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.

Voici le texte de cette lettre qui est téléchargeable ici au format PDF.

Ligue des droits de l’Homme

 

LE PRÉSIDENT

Réf : 138/13/PT/FS

Aux membres de la commission

des Affaires étrangères

Paris, le 25 février 2013

Monsieur le Président,

Votre Commission va examiner un projet d’accord de coopération policière et judiciaire entre la

Turquie et la France.

Cet accord a été préparé sous l’ancienne législature et n’est pas acceptable en l’état.

Instituer une coopération policière et judiciaire avec la Turquie, c’est aujourd’hui s’exposer à collaborer avec un appareil judiciaire et policier qui, malgré les quelques progrès enregistrés, reste en deçà des normes du Conseil de l’Europe, ce qui vaut à la Turquie de nombreuses condamnations.

L’usage à des fins politiques de l’incrimination de terrorisme, dont la définition n’est pas la même en

France et en Turquie, conduit à ce que des centaines de personnes soient détenues sous cette incrimination, alors qu’elles n’ont fait qu’user de leurs droits constitutionnels à la liberté d’expression et de réunion. Ce sont, pêle-mêle, des enseignants, des chercheurs (dont une de nos compatriotes…), des syndicalistes, des avocats, des militants des droits de l’Homme qui sont l’objet de cette politique qui tend à annihiler toute voix dissonante.

L’existence d’une clause de sauvegarde n’est pas de nature à nous rassurer. Elle conduit, en effet, à

mettre entre les mains des gouvernements le soin de décider de l’application de cette clause, alors qu’en même temps la coopération policière, notamment, s’exercera sans contrôle.

Comme vous le savez, la LDH a toujours été partisane de l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne. Mais cette intégration ne peut se faire que dans le cadre d’un système démocratique incluant une justice et une police répondant aux critères de la Convention européenne des droits de l’Homme. À ce jour, tel n’est pas le cas.

C’est pourquoi, nous vous demandons de bien vouloir refuser la signature de cet accord.

Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

Pierre Tartakowsky

Retirer au Parquet le monopole de poursuite des crimes de guerre et contre l’humanité

La Ligue des droits de l’Homme est cosignataire d’un communiqué publié par la « Coalition française pour la Cour pénale internationale », dont elle fait partie, demandant la suppression du monopole de poursuite des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité détenu jusqu’à présent par le parquet. Cette situation fait que selon les affinités politiques du pouvoir en place, ces crimes sont poursuivis ou pas. Le sénateur Jean-Pierre Sueur a déposé une proposition de loi visant à supprimer ce monopole.

COMMUNIQUE DE PRESSE

Le Sénat doit retirer au Parquet le monopole de poursuite des crimes de guerre et contre l’humanité

Paris, le 18 février 2013 – Le 26 février prochain, le Sénat débattra d’une proposition de loi visant a retirer les quatre « verrous » qui bloquent les poursuites d’auteurs de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de génocide devant les tribunaux français. Cette proposition du Sénateur Jean-Pierre Sueur qui tente de lever les freins mis par le Parlement en août 2010, est sous pression. Le 13 février, la Commission des lois du Sénat a rétabli le plus puissant de ces verrous : le monopole des poursuites par le Parquet, privant ainsi d’accès aux juges les victimes des crimes les plus atroces.

Réserver la poursuite des crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide à la compétence seule et exclusive du Parquet, et empêcher ainsi aux victimes de ces crimes de déclencher l’action publique en se constituant parties civiles, est totalement dérogatoire au droit commun et à la tradition pénale française.

Le rétablissement du monopole du Parquet constituerait une atteinte grave au droit des victimes à l’accès au juge, a un recours effectif et enfin une anomalie au regard de l’engagement de la France pour la reconnaissance des droits des victimes lors des négociations pour l’établissement de la Cour pénale internationale (CPI).

La France a déjà été rappelée à ses obligations, ai plusieurs reprises, par divers organes des Nations unies qui ont estimé que le monopole du parquet constituait dans le cas présent une entrave au droit des victimes a un recours effectif. Ce fut notamment le cas, en 2005 et 2010, par le Comité contre la torture des Nations Unies, puis par le Conseil des droits de l’homme lors de l’e><amen périodique universel de 2008, En août 2010, la CFCPI avait vivement regretté l’adoption de la loi du 9 août 2010 « portant adaptation du droit pénal à l’institution de la CPI », qui rendait pratiquement impossible la poursuite en France des auteurs de tels crimes internationaux.

Pendant sa campagne pour l’élection présidentielle, François Hollande s’était engagé à revenir sur ce texte, déclarant : « Je n’accepte pas le mécanisme juridique existant qui défend (protège) des bourreaux en France. La Loi du 9/08/2010 ne permet pas aux victimes des crimes internationaux les plus graves d’obtenir justice dans notre pays. Les possibilités de poursuites à l’encontre des auteurs présumés de ces crimes sont restreintes (…) Je veux, bien entendu, revenir sur ces restrictions ».

Il faisait ainsi écho à une délibération du Secrétariat national du Parti socialiste qui avait dès 2010 réclamé la suppression de ce monopole du Parquet et des autres verrous alors proposés par la ministre de la justice Michèle Alliot-Marie.

La CFCPI rappelle que la loi adaptant le droit français au Statut de la CPI doit combler le « vide juridique » dans lequel se trouvent les victimes de génocide, crime contre l’humanité ou crime de guerre, qui n’ont pas accès à la justice dans leur propre pays, en leur permettant de saisir la justice du lieu où sont trouvés les auteurs suspectés de ces crimes. La Cour pénale internationale ne peut en effet juger qu’un très petit nombre de personnes et son Statut appelle les États, conformément au principe de complémentarité, à poursuivre eux-mêmes les auteurs de crimes internationaux devant leurs propres juridictions pénales.

La CFCPI ne peut se résoudre à ce que le Parlement continue de refuser l’accès des victimes des crimes les plus graves à un juge. La pratique a en effet démontré, s’agissant du crime de torture pour lequel la compétence extraterritoriale existe depuis plus de 10 ans dans la législation française, que le parquet n’ouvrait jamais d’information judiciaire de sa propre initiative.

La CFCPI appelle par conséquent les sénatrices et les sénateurs à revenir au texte initial de la proposition Sueur et à retirer au Parquet le monopole des poursuites pour les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.

 

Drame du chômage à Nantes : la réaction de la section locale de la Ligue des droits de l’Homme

Mercredi 13 février, un homme s’est immolé par le feu devant une agence de Pôle Emploi à Nantes. Chômeur, il venait d’apprendre qu’il allait devoir remboursé une partie des indemnités qu’il avait touchées, parce qu’il avait travaillé pendant une durée très légèrement supérieure à la limite autorisée. Ce drame vient une nouvelle fois attirer l’attention sur le problème du chômage et de son indemnisation, qui mettent des personnes et des familles dans des situations de détresse telles que certains ne voient d’autre issue que la mort.

La lutte pour les droits économiques et sociaux, qui la Déclaration universelle des droits de l’Homme reconnaît dans son article 23, sont évidemment au cœur des combats de la Ligue des droits de l’Homme. C’est pourquoi la section nantaise de la Ligue a tenu à exprimer son sentiment après ce drame, en publiant un communiqué de presse.

Le droit au travail et à un revenu décent ne peut rester un droit virtuel dans notre société

Le 14 février 2013

Un homme, père de famille, âgé de quarante-deux ans, s’est immolé par le feu et est venu mourir sur le parking d’une agence de Pôle Emploi de Nantes.

Cet homme, au chômage, n’avait pas déclaré une période de travail alors qu’il percevait des allocations. Les règles de l’assurance chômage sanctionnent cette situation par deux mesures : la période de travail ne peut plus ouvrir de droits à l’assurance chômage ultérieure et les allocations versées deviennent des indus, des trop perçus qui doivent être remboursés à l’assurance-chômage. Dans une situation où il ne lui était plus versé d’assurance chômage et où il devait demander l’allocation de solidarité spécifique (ASS), cet homme a annoncé qu’il allait mettre fin à ses jours et est passé à cet acte terrible. La Ligue des droits de l’Homme est profondément émue par ce drame ; elle exprime sa compassion à l’égard des proches de cette personne.

C’est l’ensemble de notre société qui est interpellée aujourd’hui. Alors qu’en cinq ans, le nombre des hommes et des femmes sans aucun travail est passé de deux à trois millions, qu’un chômeur sur deux n’est pas indemnisé au titre de l’assurance-chômage et que l’allocation spécifique de solidarité (ASS) ou le revenu de solidarité active (RSA), dont les montants se situent en dessous du seuil de pauvreté, ne peuvent être des solutions pérennes. Par ailleurs, des questions peuvent se poser sur la suffisance des moyens donnés à Pôle Emploi, humains, financiers, institutionnels pour répondre aux difficultés. La LDH exprime sa solidarité aux salarié-es de Pôle Emploi qui sont confrontés à ce drame social.

La LDH réaffirme le contenu de l’article 23 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. […]

Dans les crises actuelles, financière, économique, sociale, les licenciements, le chômage détruisent des vies et le tissu social. La LDH réaffirme avec force que les droits économiques et sociaux, indispensables à la dignité de toute personne, sont des droits de l’Homme comme les autres droits. Toute personne doit avoir effectivement droit à un travail et à un revenu décent, à un revenu de remplacement décent quand il est privé de salaire, en cas de chômage, de maladie, d’handicap et à la retraite.

L’exigence du respect des droits sociaux ne peut se heurter à de prétendues impossibilités financières et relève de l’action nécessaire pour l’égalité et la justice sociale.

 

Appel pour que cessent les refus de scolarisation des enfants Roms

On avait cru, avec l’élection du nouveau président de la République, que la « chasse aux Rroms » allait s’arrêter… C’était sans compter sur le nouveau ministre de l’intérieur, dont on se demande ce que valaient ses déclarations humanistes lors de la passassion de pouvoir avec son prédécesseur… La « chasse » aux Rroms se poursuit, avec toujours les mêmes arguments hygiénistes, les mêmes clichés sur les mafias roumaines, dont il ne viendrait évidemment à personne l’idée de les nier, mais dont l’existence ni les méfaits ne peuvent justifier qu’on s’attaque à des enfants.

Ces temps-ci, une nouvelle étape a été franchie : on voit des municipalités (dont une dirigée par un maire PS, à Ris-Orangis) être sommées par le défenseur des droits, Dominique Baudis, ou par les autorités de scolariser ces enfants, mais de le faire dans des classes ghetto, improvisées dans des lieux non destinés à cela, comme des gymnases, de bâtiments communaux désaffectés…

C’est ce qui a conduit le collectif pour le droit à l’éducation des enfants Rroms, auquel la Ligue des droits de l’Homme participe activement, à s’adresser directement au premier ministre, ainsi qu’au ministre de l’Education nationale, et à la ministre déléguée chargée de la réussite éducatice, par une lettre ouverte reproduite ci-dessous, et qui détaille les raisons de cette indignation collective.

Espérons que cette fois, l’appel des associations sera entendu…

Action collective

Lettre ouverte au Premier ministre
Pour que cessent les refus de scolarisation

et la création de classes « roms »

Monsieur le Premier ministre
Hôtel de Matignon
57 rue de Varenne
75700 PARIS

 Copie à Monsieur Vincent Peillon
Copie à Madame George Pau-Langevin

Paris, le 11 février 2013

Monsieur le Premier Ministre,

Selon le préambule de la Constitution de 1946 « La nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ».

Malgré la clarté de ce principe à valeur constitutionnelle, nous continuons de constater des refus de scolarisation opposés à des enfants d’origine rom, sous des prétextes divers : manque de pièces au dossier d’inscription, preuve insuffisante de leur résidence sur la commune concernée, ou encore en invoquant des raisons financières (la scolarisation de ces enfants constituerait une charge trop lourde pour la commune). Dans les quelques cas où l’inscription à l’école a finalement été obtenue, c’est toujours à l’issue d’un long parcours du combattant juridique et militant : interpellations des autorités, recours auprès des administrations compétentes (DASEN, Préfecture), saisine du Défenseur des droits…. Cela a été le cas à Champs-sur-Marne et c’est encore le cas actuellement pour la scolarisation de sept enfants roms de Noisy-le-Grand dont, en dépit du refus du maire justifié par « l’absence de domiciliation », le personnel enseignant et le Directeur académique ont décidé qu’ils devaient être accueillis dans une école de la ville. C’est aussi le cas dans quelques villes de l’Essonne comme Evry, Courcouronnes, Villebon-sur-Yvette. Sur cette question, le Défenseur des droits considère qu’« une telle différence de traitement fondée sur l’origine est susceptible de caractériser une discrimination prohibée notamment par l’article 2 de la loi du 27 mai 2008 » (Décision n° MLD/2012-33).

Plus récemment, nous avons eu connaissance d’une nouvelle pratique qui, si elle semble pour l’instant marginale, n’en est pas moins extrêmement préoccupante. Il s’agit de la création de classes composées uniquement d’enfants roms et fonctionnant en dehors de tout établissement scolaire. C’est le cas de la ville de Saint-Fons où la maire a décidé d’affecter des locaux – qui sont ceux d’une ancienne école mais qui abritent également les services de la police municipale – à l’« accueil » de 25 enfants, tous d’origine rom. Il s’agit là de l’instauration d’une véritable séparation ethnique, mais l’idée n’a pas manqué de faire des adeptes : le 21 janvier dernier, le maire de Ris-Orangis, en réponse aux demandes d’inscription scolaire déposées pour certaines depuis septembre 2012, a créé une classe ad hoc dans une salle attenante au complexe sportif « Émile Gagneux ». Aux yeux du maire, la classe qui « accueille » 12 enfants âgés de 5 à 10 ans, présente « l’avantage » de se trouver à 100 mètres seulement du terrain que les familles occupent. A 100 mètres aussi de l’école qui aurait dû les accueillir, si la loi était respectée…

L’article L. 131-1-1 du code de l’éducation rappelle en effet que « Le droit de l’enfant à l’instruction a pour objet de lui garantir, d’une part, l’acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique et, d’autre part, l’éducation lui permettant de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle et d’exercer sa citoyenneté. Cette instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les établissements d’enseignement. ».

Comment considérer que des classes créées à l’écart des établissements scolaires, où les enfants, maintenu.e.s dans un « entre-eux » par ailleurs dénoncé de toutes parts, offriraient ce cadre permettant « de s’insérer dans la vie sociale » et « d’exercer [leur] citoyenneté » ? Comment accepter qu’ils et elles se trouvent, en raison de leur origine, privé·e·s des relations avec les autres enfants, les autres enseignant·e·s, éducateurs et éducatrices, les services d’une véritable école ?

Le 2 octobre 2012, la ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation, chargée de la réussite éducative, avait adressé trois circulaires concernant la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés [1]. Dans celles-ci, est réaffirmé le principe selon lequel « L’obligation d’accueil dans les écoles et établissements s’applique de la même façon pour les élèves allophones arrivants que pour les autres élèves ». Il a d’ailleurs été repris dans votre plan contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, le 22 janvier dernier. La réaffirmation de ces principes ne suffit pas ; elle doit être suivie d’effet, ce qui n’est pas le cas des classes « roms » de Saint Fons et Ris-Orangis ou plus généralement dans les communes qui, encore aujourd’hui, refusent aux enfants roms l’accès à un droit fondamental.

À ce propos, vous n’ignorez pas que la France vient, une fois de plus, d’être condamnée par le Comité européen des droits sociaux pour le traitement que notre pays réserve à la population rom, qu’il s’agisse d’évictions forcées des lieux d’habitation, du non accès aux droits fondamentaux comme le logement, la santé ou encore la scolarisation. Sur cette dernière question, le Comité a estimé que « le Gouvernement ne prend pas des mesures particulières, alors qu’il le devrait à l’égard des membres d‘un groupe vulnérable, pour assurer aux enfants roms d’origine roumaine ou bulgare une égalité d’accès à l’éducation » (point 132 de la décision du CEDS, 11 septembre 2012, réclamation MDMI n° 67/2011). Il y a par conséquent violation de l’article E combiné avec l’article 17§2 de la charte sociale européenne. Les « mesures particulières » que la France doit prendre selon le CEDS ne sauraient passer par la création de classes « roms » qui vont naturellement dans le sens de la ghettoïsation dénoncée et condamnée régulièrement par le CEDS, le Comité des Ministres, comme par le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe.

Au vu de tous ces éléments, nous souhaiterions être informés des mesures que vous comptez prendre d’urgence afin que cessent les refus de scolarisation et la création de classes « roms » et pour que le droit fondamental à l’instruction et à l’école soit pleinement reconnu à toutes et à tous sur le territoire de la République.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’assurance de toute notre considération,

Pour les signataires :

Michel FEVRE
Président du Collectif pour le droit
des enfants roms à l’éducation


Organisations signataires :

Le Collectif pour le droit des enfants roms à l’éducation
AFEV (Association de la Fondation Etudiante pour la Ville) – CGT Educ’Action – CLIVE (Centre de Liaison et d’Information Voyage Ecole) – DEI-France (Défense des Enfants – International) – FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves) – FERC-CGT (Fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture) – ICEM-Pédagogie Freinet (Institut Coopératif d’Ecole Moderne) –Intermèdes –RESF (Réseau Education Sans Frontière) – Sud Education – SNUipp-FSU – Solidarité Laïque.

Le Collectif National Droits de l’Homme Romeurope est composé des organisations suivantes :
ABCR (Association Biterroise Contre le Racisme) – ALPIL (Action pour l’insertion sociale par le logement) – AMPIL (Action Méditerranéenne Pour l’Insertion sociale par le Logement) – ASAV (Association pour l’accueil des voyageurs) – ASEFRR(Association de Solidarité en Essonne avec les familles roumaines et rroms) – Association Solidarité Roms de Saint-Etienne – CCFD-Terre Solidaire (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement) – LA CIMADE (Comité intermouvements auprès des évacués) – CLASSES (Collectif Lyonnais pour l’Accès à la Scolarisation et le Soutien des Enfants des Squat) – FNASAT-Gens du voyage – Habitat-Cité – LDH (Ligue des Droits de l’Homme) – Mouvement catholique des gens du voyage – MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) – PU-AMI (Première Urgence- Aide Médicale Internationale) – ROMAQUITAINE – Rencontres tsiganes – RomActions – Romeurope 94 – Secours catholique (Caritas France) – SICHEM (Service de Coopération Humanitaire pour les Etrangers et les Migrants) – Une famille un toit 44 – URAVIF (Union régionale des associations pour la promotion et la reconnaissance des droits des Tsiganes et des Gens du voyage d’Ile-de-France)

Le Comité de soutien de Montreuil, le Comité de soutien 92 Sud, le Collectif nantais Romeurope, le Collectif de soutien aux familles rroms de Roumanie, le Collectif Rroms des associations de l’agglomération lyonnaise, le Collectif Romyvelines, le Collectif de soutien aux familles roms de l’agglomération orléanaise, le Collectif des sans-papiers de Melun, Collectif solidarité Roms Lille Métropole, le Collectif Solidarité Roms Toulouse, Collectif de soutien aux familles Rroms de Noisy le Grand.

Et les organisations suivantes : Amnesty International France, ATD Quart Monde, CGT Educ’Action 91, Collectif « Ceux de Roubelles », Collectif Local des Citoyens Solidaires, GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigré⋅e⋅s), FASTI (Fédération des Associations de Solidarité avec les Travailleur-euse-s Immigré-e-s), FSU 91, FCPE 91, Plateforme 93 de soutien aux Rroms vivant aux bidonvilles, SNUipp-FSU 91, Syndicat des correcteurs CGT de Paris

Contre le licenciement et les poursuites judiciaires à l’encontre des salariés en lutte à PSA Aulnay-sous-Bois

Depuis le 16 janvier, les salariés du l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois sont en grève pour protester contre la fermeture annoncée de leur usine. Un nouvelle fois, le patronat tente de « criminalier » l’action syndicale. Le syndicat CGT de l’usine explique que la direction « se lance maintenant dans la criminalisation de l’action revendicative : Najib Azahriou, Onay Bunul, Salah Keltoumi, Samir Lasri, Agathe Martin et Julien Méléard ont été convoqués pour entretien préalable au licenciement, avec mise à pied conservatoire, et donc sans salaire. Quatre d’entre eux, ainsi qu’Ahmed Berrazzel, Abelghani Gueram et Youcef Zanoune, ont été convoqués à la Sûreté territoriale sur plainte d’huissiers payés par PSA. Tous sont ouvriers à PSA Aulnay depuis des années. Tous sont des militants actifs de la grève : en les visant, c’est la résistance ouvrière que cible la direction ».

Le syndicat lance donc une pétition pour soutenir ces salariés et exiger l’abandon des poursuites engagées contre eux, et Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme en a été un des premiers signataires. Elle peut être signée ici.

Voici le texte de cette pétition :

Depuis le 16 janvier, des centaines de salariés de PSA Aulnay-sous-Bois sont en grève contre la fermeture de leur usine et pour qu’aucun d’entre eux ne se retrouve au chômage. S’inscrivant dans un vaste plan de 11 200 suppressions d’emplois, cette fermeture aurait des conséquences désastreuses pour les 3 000 salariés de l’usine d’Aulnay, pour leurs familles et, au-delà, pour la Seine-Saint-Denis, un département sinistré. Après avoir longtemps menti en niant ce plan de licenciements, la direction de PSA veut aller vite en besogne. Cette grève constitue pour elle un obstacle, qu’elle veut briser au plus vite. PSA s’est engagée dans une stratégie de la tension, renouant avec des méthodes dont Citroën et Peugeot sont coutumières depuis toujours : lock-out, vigiles aux portes de l’usine, mobilisation de cadres et agents de maîtrise d’autres sites pour intimider les grévistes, campagne de presse, etc.

Elle se lance maintenant dans la criminalisation de l’action revendicative : Najib Azahriou, Onay Bunul, Salah Keltoumi, Samir Lasri, Agathe Martin et Julien Méléard ont été convoqués pour entretien préalable au licenciement, avec mise à pied conservatoire, et donc sans salaire. Quatre d’entre eux, ainsi qu’Ahmed Berrazzel, Abelghani Gueram et Youcef Zanoune, ont été convoqués à la Sûreté territoriale sur plainte d’huissiers payés par PSA. Tous sont ouvriers à PSA Aulnay depuis des années. Tous sont des militants actifs de la grève : en les visant, c’est la résistance ouvrière que cible la direction.

Nous ne pouvons rester indifférents ! En criminalisant, en licenciant ces militants, c’est la liberté syndicale qu’on met en cause. Le combat des salariés de PSA Aulnay est juste. Nous exigeons l’annulation des poursuites et des procédures de licenciement contre les militants syndicaux de PSA Aulnay.