Droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers aux élections locales : le gouvernement doit s’engager

Dans Libération datée du 20 octobre, l’éditorialiste Pierre Marcelle signe une tribune qui dénonce les « reculades » successives du gouvernement sur différents sujets de société, qui étaient autant de promesses symbolique du candidat socialiste à l’élection présidentielle. Or, trois jours plus tard, le gouvernement n’a pas réagi à cette tribune. Cela signifierait-il que Pierre Marcelle avait raison, et que ces promesses sont abandonnées ? Citons, en vrac :

  •  le droit de vote des étrangers : le ministre de l’intérieur estime que la tribune signée par 75 députés socialistes en faveur de ce droit ne représente pas « une revendication forte » ;
  • le récépissé qui, déjà expérimenté en Grande-Bretagne et en Espagne, pour limiter les contrôles d’identité abusifs, « au faciès », n’est pour le même ministre qu’une mesure lourde qui pourrait déboucher sur la création d’un fichier liberticide ( !!!) ;
  • l’interdiction du cumul des mandats : « Au nom des priorités prioritaires et des raisons «objectives», nous voici déjà craignant l’ajournement, d’abord, le renvoi, ensuite, et l’oubli définitif, enfin, de cet autre engagement de voter un terme au cumul des mandats électoraux. Ce n’est pas tant que cette mesure coûte cher; elle coûte quoi? Elle ne coûte que l’audace d’une conviction ».
  • les démantèlements de campements de Rroms qui se poursuivent, et qui vont à l’encontre de la circulaire interministérielle qui a pourtant été signée aussi par le ministre de l’intérieur…

Contentons-nous de ces mesures emblématiques. Ces renoncements sont d’autant plus graves que ces mesures ne représentaient pas de dépenses supplémentaires : l’argument de la crise ne tient pas.

C’est ce silence du gouvernement après la publication de cette tribune qui a amené la Ligue des droits de l’Homme à publier le communiqué suivant :

Droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers aux élections locales : le gouvernement doit s’engager

Alors qu’un grand quotidien national du matin titre à la une sur la reculade gouvernementale concernant le droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers aux élections locales, l’Elysée et Matignon observent un mutisme du plus mauvais aloi.

La Ligue des droits de l’Homme, qui défend depuis plus de trente ans cette importante réforme démocratique, a pris acte de la promesse du candidat François Hollande. Elle a noté qu’à plusieurs reprises le gouvernement a rappelé sa volonté de la conduire à bonne fin.

Aujourd’hui, alors que les droites se rassemblent et convergent pour assumer une xénophobie agressive et décomplexée, alors que le risque est grand de voir désigner, au sein de notre population, des boucs émissaires, le silence des autorités gouvernementales ne peut que nourrir les discriminations, les inquiétudes et les crises de confiance qui affectent déjà profondément notre qualité de vie démocratique. C’est pourquoi la Ligue des droits de l’Homme invite solennellement le président de la République et le Premier ministre à réaffirmer l’objectif du droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers aux élections locales, pour une mise en œuvre effective aux élections municipales de 2014.

Antoine Sollacaro, un homme « révolté contre toute forme d’injustice »

L’assassinat, mardi 16 octobre, d’Antoine Sollacaro, avocat et militant de la Ligue des droits de l’Homme, continue de provoquer une grande émotion. Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, et avocat lui aussi, et André Paccou, délégué régional Corse et membre du comité central de la LDH, rendent hommage à leur confrère et ami, et analyse les raisons de cette violence que rien ne semble arrêter en Corse, dans une tribune publiée par le journal Le Monde.

Quinze morts depuis le début de l’année. Plus d’un par mois. Antoine Sollacaro est le dernier de cette liste. Il fut un extraordinaire avocat, un militant de la LDH et derrière « sa véhémence » s’exprimait avant tout sa révolte contre toute forme d’injustice. N’est-ce pas lui qui, bâtonnier en exercice, provoqua l’ire d’un préfet dont les errements finirent par une pantalonnade dévastatrice pour l’autorité de l’Etat.

A la peine s’ajoute la sidération que provoque cet assassinat. Le président de l’Assemblée territoriale corse en appelle à l’action du gouvernement. Mais, l’autorité publique ne cesse, depuis des décennies, de mettre en œuvre tous les moyens d’exception à sa disposition : législation antiterroriste, Jirs, services de police spécialisés entretenant, parfois, des liens surprenants avec les personnes qu’ils sont censés surveiller, etc. La Corse vit sous un droit d’exception permanent sans que l’on sache que cela y ait changé quelque chose.

Non, la faute des autorités publiques n’est pas d’être inactive : c’est d’avoir confondu, depuis des décennies, le maintien de l’ordre et la paix publique, d’avoir cru que les rodomontades autoritaires pourraient pallier le sous-développement économique, le tourisme de carte postale ou les petits arrangements entre amis érigés en mode de vie. Au point où, maintenant depuis trop longtemps, les frontières deviennent floues entre l’action politique de certains, les intérêts d’autres et le souci des pouvoirs publics que tout cela reste un folklore à dominante locale, faisant de la Corse et de ses habitants, les pensionnaires d’un vaste zoo à ciel ouvert que les vacanciers viennent regarder vivre avec leurs drôles de mœurs et de coutumes.

Faire reproche à l’Etat de son inactivité, c’est se tromper de diagnostic, c’est croire que, depuis la fusillade d’Aléria à aujourd’hui, l’Etat n’a jamais fait autre chose, à une ou deux exceptions près, que gérer la situation sans jamais vouloir contribuer à sa solution. Ce n’est pas de l’inaction de l’Etat dont il faut se plaindre mais de son incompétence. S’en tenir là serait participer de la même erreur.

On ne peut, en effet, s’en prendre aux carences de l’Etat sans en même temps interpeller la société corse sur ses ressorts et ce qui fait qu’il est possible qu’une communauté de 300 000 personnes tolère que les cadavres parsèment ses rues et ses chemins. Cette espèce d’hymne à la mort qui est fredonné depuis des décennies par les milieux les plus divers n’a pas encore trouvé son frein naturel, c’est-à-dire son rejet par la communauté elle-même. Non que l’indignation ne soit pas sincère, comme elle le fut à d’autres occasions, mais plus simplement l’acceptation tacite d’une sorte de rite qui va de pair avec d’autres stigmates.

Poser ces questions, ce n’est pas montrer du doigt « les Corses », c’est rappeler à chacun que l’exercice de la citoyenneté n’est pas de la seule responsabilité de l’Etat, elle est aussi celle de la société elle-même. Beaucoup pensent déjà que l’on ne retrouvera pas les assassins et les commanditaires de l’assassinat d’Antoine Sollacaro ; les services de police et la justice feront, on veut le croire, leur devoir. A la société corse de montrer qu’elle ne reconnaît pas le droit d’abattre quiconque comme un chien. C’est bien le moins que l’on doit à la mémoire d’un homme qui aima son pays et la liberté.


 

Contrôles illégitimes : signez la pétition !

La ligue des droits de l’Homme a signé un appel pour faire cesser les contrôles d’identité abusifs dont sont victimes certaines personnes, et appelle à signer la pétition en ligne.

Communiqué commun aux huit associations (liste en fin d’article) :

Au cours de la campagne présidentielle, François Hollande s’est engagé à lutter contre les contrôles au faciès par une mesure respectueuse des citoyens. A la veille des élections législatives de juin dernier, cette mesure a été précisée par son Premier ministre Jean-Marc Ayrault : la mise en place du reçu du contrôle d’identité, défendue par de nombreuses associations de terrain et de défense des droits depuis des années.
Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a depuis déclaré son désintérêt pour la mesure, en proposant des initiatives qui certes pourraient améliorer le rapport police-citoyen, mais qui ne répondent pas à l’engagement 30 du Président Hollande et du gouvernement: la lutte contre le contrôle au faciès.
Le Premier Ministre se dit aujourd’hui convaincu par Manuel Valls de l’impossibilité d’appliquer cette mesure, pourtant simple et indéniablement efficace. Montrons-lui que les citoyens et élus de ce pays en ont compris l’intérêt et qu’ils attendent du gouvernement qu’il tienne ses engagements!
Signez la lettre ouverte de la Ligue des Droits de l’Homme et de Stop le Contrôle au Faciès, puis diffusez largement!

Monsieur le Premier Ministre,
L’année 2011 a été marquée, sur le plan de la lutte contre les discriminations, par une mobilisation sans précédent autour de la question des contrôles au faciès. Des centaines d’associations, des milliers de citoyens ont pris à cœur de mettre un terme à cette pratique abusive, discriminatoire et donc inefficace, dans la mesure où les contrôles d’identité motivés par l’apparence ne mènent que très rarement à des interpellations justifiées.
Non, de tels contrôles ne mènent à rien, si ce n’est à instaurer un climat de défiance complexifiant le travail quotidien des policiers et à miner, chaque jour un peu plus, le respect des libertés fondamentales et, ipso facto, notre pacte républicain.

Forts de cette certitude, nous nous associons aujourd’hui à la demande de mise en place de la politique de reçu du contrôle d’identité adaptée au contexte français, telle que portée par de nombreux collectifs et associations de terrain. Les objectifs sont simples : permettre, d’une part, aux autorités d’obtenir des données quantitatives et qualitatives sur les contrôles d’identité à l’échelle nationale (leur nombre, leurs motifs, leurs résultats et leur impact) et, ainsi, de permettre aux commissariats d’évaluer leurs pratiques et de mieux cibler les contrôles ; d’autre part, permettre à chaque citoyen de garder une trace des contrôles d’identité dont il fait l’objet, élément objectif qu’il pourrait présenter au Défenseur des Droits en cas dʼabus.
Contrairement aux affirmations de certains, ce PV, remis à l’issue de chaque contrôle, ne saurait constituer un passe-droit en cas de nouvelles vérifications
policières et respecte la protection des données personnelles. Et, comme vous lʼavez vous- même signalé, Monsieur le Premier Ministre, le 1er juin dernier, elle ne saurait constituer un frein à l’activité policière. Les expériences étrangères nous rassurent, au contraire, sur la capacité de cette politique à conjuguer efficacité, sécurité et justice.
Notre pays peut-il se permettre de passer à côté d’une politique visiblement opérante sans tenter de se l’approprier ? Peut-on se dire « convaincu » des difficultés liées à la mise en place d’un dispositif sans l’avoir testé et ce, alors même que d’éminents responsables politiques et une cinquantaine de parlementaires soutiennent une expérimentation dans leur circonscription ?Mais surtout, peut-on encore se permettre de refuser de connaître le nombre de contrôles effectués en France, et dʼainsi pouvoir en mesurer l’efficacité ?
La lutte contre les contrôles au faciès fut placée au cœur du programme présidentiel, justement afin de redonner toute leur consistance aux principes d’égalité et de justice, principes fondateurs du socle national. C’est, et vous l’aviez bien compris Monsieur le Premier Ministre qu’il est primordial d’apporter des réponses concrètes à un problème de société persistant.
En 1993 déjà, le Conseil Constitutionnel saisi par de nombreux responsables politiques – dont vous encore, Monsieur le Premier Ministre prenait la mesure de cette discrimination majeure portant atteinte aux libertés constitutionnelles, et recommandait une motivation individualisée et objective de chaque contrôle dʼidentité. Près de vingt ans après cette décision restée lettre morte, alors qu’émeutes, blessés, décès et procès se sont se multipliés, il y a urgence.
 Jusqu’ici, aucune proposition, aucune des pistes avancées par le Ministre de l’Intérieur – vouvoiement, matricule – ne saurait répondre à la problématique du contrôle au faciès, et de la traçabilité des contrôles d’identité. Elles ne sauraient non plus garantir le respect des droits et des libertés reconnus, notamment, par la Convention européenne des Droits de l’homme dont notre pays est signataire.
La lutte contre le contrôle au faciès impose des décisions courageuses animées par la volonté de changer le quotidien de millions de citoyens victimes de procédures abusives.
Monsieur le Premier Ministre, cette décision vous revient. Nous vous prions de bien vouloir reconsidérer la position exprimée par une partie du gouvernement et de permettre l’instauration d’un débat clair et serein sur la base des observations rendues par le Défenseur des droits; à tout le moins une expérimentation de la politique du reçu du contrôle d’identité dans une ou plusieurs zones test, dès cette année.

POUR SIGNEZ ET DIFFUSER C’EST ICI: https://www.change.org/stopcontroleaufacies
ASSOCIATIONS SIGNATAIRES:
Ligue des Droits de l’Homme ; Collectif Contre le Contrôle au Faciès ; Les Indivisibles ; Cité en Mouvement ; Collectif Antinégrophobie ; Brigade Antinégrophobie ; La Balle au Centre Bobigny ; HIA < Network France ; Nordside ; Agir Pour Réussir ; Collectif ACLEFEU ; Collectif contre l’Islamophobie en France ; Collectif Nous ne Marcherons Plus ; Collectif Vies Volées ; CRAN ; Espace Projets Associatifs de Vaulx en Velin ; FoulExpress ; RTT Prod ; C’Noues ; République et Diversité ; An Nou Allé ; Comité IDAHO France ; Fédération de la mixité de France ; BANLIEUES’ART : Parti Communiste Français ; Front de Gauche ; EELV ; Mouvement des Jeunes Socialistes…

 

Assassinat d’Antoine Sollacaro, militant de la Ligue des droits de l’Homme

La Ligue des droits de l’Homme exprime son émotion à la suite de l’assassinat d’un de ses militants, Antoine Sollacaro, ce matin 16 octobre en Corse :

Ce mardi 16 octobre 2012 est un jour de deuil pour la Ligue des droits de l’Homme. Antoine Sollacaro, formidable avocat et militant de la LDH, a été brutalement assassiné en Corse. Il complète ainsi la triste liste des morts sur cette île, qui n’en peut plus. Quinze morts depuis le début de l’année. La LDH s’honorait de compter, dans ses rangs, un homme dont la véhémence exprimait avant tout sa révolte contre toute forme d’injustice. Cet assassinat démontre à l’évidence que la Corse vit sous un droit d’exception permanent, sans que cela ait changé quelque chose à ce qui y défigure la République. Ce n’est certes pas de l’inaction de l’État dont il faut se plaindre, en l’occurrence, mais de son incompétence. Il revient, en ces heures douloureuses, de se tourner vers la société corse, et de rappeler que l’exercice de la citoyenneté n’est pas de la seule responsabilité de l’Etat, mais de celle de la société elle-même.

La Ligue des droits de l’Homme, dans son ensemble, est profondément meurtrie par la mort d’Antoine Sollacaro. Elle perd un militant chevronné et emblématique, et les droits perdent un de ses acteurs défenseurs essentiels. Elle attend et espère que toute la diligence sera de mise pour retrouver les assassins.

 

Pierre Tartakowsky : « l’immense conjuration des imbéciles »

Dans son éditorial paru dans le numéro de septembre de LDH Info, le bulletin mensuel de la Ligue des droits de l’Homme, Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, revient sur l’affaire du film sur l’Islam et les caricatures parue par la suite dans le journal Charlie Hebdo. Il en livre une analyse intéressante.

Nous essuyons d’étranges tempêtes. Des récits pleins de bruit, de fureur, qu’un idiot raconte. Et qui n’ont pas de sens, pour reprendre les mots désabusés de Macbeth. Modernes Prospero, nos médias prennent plaisir et avantage à agiter des rideaux de brumes et d’angoissantes figures, plaçant le Nord au Sud et l’endroit à l’envers. Mais contrairement au drame de Shakespeare, l’épilogue, bien qu’encore non écrit, pourrait être tragique.

Revenons un peu en arrière. Un crétin islamophobe met en ligne un film dont l’indigence le dispute à la vulgarité ; d’autres crétins sautent sur l’occasion pour tenter de rameuter les foules ; un ambassadeur américain est tué dans des conditions qui évoquent davantage la préméditation et l’organisation d’un commando que le débordement d’une foule en colère. Dans le monde, quelques milliers de gens défilent, ici on hurle, là on brûle un drapeau… Quelques centaines de millions de musulmans se sentent agressés, d’ailleurs à juste titre, mais se gardent bien de suivre les crétins qui menacent le crétin. Sur ces entrefaites, d’autres boutefeux, dont le métier est la satire, publient des dessins dont le seul résultat objectif est de faire la course entre crétins. On pourrait croire que la presse non satirique calmerait le jeu, eh bien non. Un grand journal du soir appâte le chaland à coups de titres racoleurs, « Le monde de l’Islam s’embrase », et le gouvernement, Président et Premier ministre en tête, se sent obligé de voler au secours de la liberté d’expression, qu’on ne savait pas tant menacée…

Et chacun de se voir sommé de prendre position sur ce qui n’aurait jamais dû cesser d’être un mauvais fait divers. Pour l’heure, la seule valeur menacée dans cette affaire, c’est l’intelligence. Charlie Hebdo a certes « le droit » de critiquer l’islam, les fondamentalistes, les musulmans et les garçons coiffeurs. Les partisans de la liberté d’expression ont tout à fait le droit de souligner que l’islam est très loin de se résumer aux fondamentalismes et que les musulmans sont dans notre société – mais pas seulement – plus facilement pris pour cibles que les garçons coiffeurs. De même peut-on souligner que la provocation – même de droit – n’est pas vertu, et qu’elle peut finir par faire d’étranges compagnons de lit. Nos caricaturistes auront beau jeu de protester de leur distance avec la proposition de Marine Le Pen d’expulser tous les fondamentalistes ; mais force est de constater que le leader du Front national se contente – trop facile, vraiment ! – de ramasser le pot auquel ils ont largement donné.

Le gouvernement, dans ce contexte agité de coupables confusions, a décidé d’interdire les manifestations de protestation au motif d’éviter l’expression publique de la haine. Mais le message que porte cette décision risque d’être compris ainsi : les musulmans de notre pays sont « à part », et doivent être traités comme tels. La déclaration du Premier ministre demandant à ce qu’on « n’importe pas » dans notre pays des « conflits étrangers » donne une fois encore la mesure du déni opposé, volontairement ou non, aux millions de Français qui se reconnaissent peu ou prou dans la foi islamique. Souhaite-t-on réellement les interdire d’espaces publics, les renvoyer à des sphères obscures et qui – trop souvent – se révèlent obscurantistes ?

La France a plus que jamais besoin de débattre avec elle-même de la place, du rôle, des droits de celles et ceux qu’elle considère encore et à tort comme des étrangers alors qu’ils sont, au plus profond de la réalité républicaine, une part d’elle-même. Sauf à accepter de s’inscrire dans sa transformation en caricature.

Mobilisation pour la relaxe des « cinq de Roanne »

Le journal en ligne Mediapart vient de publier une tribune signée par plusieurs associations (dont la Ligue des droits de l’Homme, par son président Pierre Tartakowsky), organisations syndicales et politiques (liste en fin d’article), pour demander la relaxe des « cinq de Roanne ». Il s’agit de cinq militants syndicaux, qui ont été condamnés en première instance à 2000€ d’amende pour « dégradation ou détérioration légère d’un bien ». Ils vont être jugés en appel, malgré le retrait des plaintes du sous-préfet de la Loire et du député UMP. Il s’agit encore une fois de judiciariser le combat syndical, puisque les faits reprochés se sont déroulés pendant les manifestations contre le projet de réforme des retraites du précédent gouvernement. Lire ici.

Cette tribune, reproduite ci-dessous, est également lisible à l’adresse http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/041012/relaxe-pour-les-cinq-de-roanne

 

 

Relaxe pour les Cinq de Roanne

 Médiapart – 4 octobre 2012

« Les Français ont aussi voulu le changement pour la justice », rappellent treize élus et responsables d’organisations syndicales et politiques (Annick Coupé, Pierre Laurent, Pierre Tartakowsky…) qui demandent « la relaxe pure et simple des “ Cinq de Roanne ”», jugés en appel le 15 octobre prochain, suite à leurs actions pendant le mouvement contre la réforme des retraites en 2010.


Cinq syndicalistes de la CGT, engagés dans le mouvement contre la réforme des retraites de 2010, sont aujourd’hui poursuivis par le procureur de la République, malgré le retrait des plaintes initiales déposées par le sous-préfet de la Loire et le député UMP.

Condamnés en première instance à 2 000 euros d’amende pour « dégradation ou détérioration légère d’un bien » et à l’inscription au casier judiciaire de leur condamnation, ils passent en appel le 15 octobre prochain à 13h30 au tribunal de Lyon. Un appel introduit par le parquet jugeant la condamnation insuffisante.

Le ministère public n’a cure de l’abandon de plaintes et cherche manifestement à faire des « Cinq de Roanne » un exemple, conformément aux conceptions du précédent pouvoir, qui, sous prétexte de remettre en cause le rôle et la place des « corps intermédiaires » dans notre pays, s’efforçait de limiter l’action, l’expression et les libertés syndicales.

Les cinq syndicalistes risquent de payer très cher leur engagement; si la condamnation était inscrite au casier judiciaire, ils encourraient la radiation de la Fonction publique dont tous les cinq sont membres, ce qui constituerait une double peine.

Les Français ont aussi voulu le changement pour la justice. La relaxe des « Cinq de Roanne » est un signal attendu pour en finir avec les attaques répétées contre les militants syndicaux, les poursuites en justice et la tentative de criminalisation des libertés syndicales qui sont les marques du précédent quinquennat.

Les salariés qui ont voulu le changement doivent retrouver la pleine liberté d’agir pour leurs droits.

Cela doit commencer par la relaxe pure et simple des « Cinq de Roanne » !

Signataires :

Gérard Aschieri, président de l’Institut de recherches de la FSU,
Jean Auroux, maire honoraire de Roanne, ancien député de la Loire et président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, ancien ministre du Travail
Annick Coupé, porte-parole nationale de l’Union syndicale Solidaires
Cécile Cukierman, sénatrice communiste de la Loire,
Laure Déroche, maire de Roanne
Jean-Louis Gagnaire, député socialiste de la Loire
Pierre Héritier, vice-président du Forum syndical européen,
Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français (PCF) et sénateur de Paris,
Didier Le Reste, syndicaliste, animateur du Front des luttes,
Joël Lecoq, ancien secrétaire général de la Fédération générale des transports et de l’équipement (FGTE-CFDT),
Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH),
Marie-Christine Vergiat, députée européeenne GUE-NGL,
Louis Viannet, ancien secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT).

Fichage des élèves : danger !

Les section de Clermont-Ferrant et de Toulon de la Ligue des droits de l’Homme ont réalisé un dossier sur le fichage des élèves, depuis la maternelle jusqu’à l’université. Elle a analysé scrupuleusement la méthode de fichage utilisé, en ayant à l’esprit un fait essentiel : contrairement aux fichiers de police, tels que le Stic (système de traitement des infraction constatées), dont la fiabilité est mise en cause par de nombreux spécialistes, y compris dans la police, le fichage des élèves concerne des enfants, et leur familles.

« Cela change bien des choses », insistent les auteurs de l’étude dans son introduction : l’enfance, « c’est l’âge des essais et des erreurs et, alors que tout change ou peut changer d’un moment à l’autre, catégoriser et coder des informations pour les enregistrer dans des machines pour des années ou des décennies entraine des risques d’interprétation qui peuvent être tout à fait contraires à « l’intérêt supérieur de l’enfant » comme le dit la Convention Internationale des Droits de l’enfants que la France a ratifiée ».

De nombreuses personnes ont dénoncé les risques liés à ce fichage, à commencer par des enseignants, dont certains ont été sanctionnés pour leur refus d’obéir aux consignes de leur hiérarchie.

Cette étude est donc la bienvenue, au moment où un nouveau ministre vient d’arriver : puisse-t-il la lire, et en tirer les conséquences qui s’imposent.

L’étude est résumée dans un document de 4 pages téléchargeable, tandis que l’étude complète est accessible à cette adresse :

http://www.cahiers-pedagogiques.com/blog/lesdechiffreurs/?p=293.

La situation s’aggrave à Calais !

Le 28 septembre 2012

Dix ans après la fermeture du camp de Sangatte

Plus de répression que jamais à Calais

À Calais, la police a mis à sac, le 25 septembre 2012,+9 le lieu de distribution des repas qui avait jusqu’alors bénéficié d’une relative immunité. Des organisations humanitaires pouvaient ainsi y assurer un minimum d’assistance aux exilés et demandeurs d’asile abandonnés à la rue. Près d’une vingtaine de personnes ont été interpellées et placées en rétention.

En décembre, il y aura dix ans que Nicolas Sarkozy détruisait le tristement célèbre camp de Sangatte, annonçant urbi et orbi que cette fermeture entraînerait l’arrêt de toute nouvelle arrivée d’étrangers sur les rivages de la Manche et de la Mer du Nord. Comme la prophétie ne s’est évidemment pas réalisée, il a ensuite chargé MM. Hortefeux, Besson et Guéant de rendre invisibles celles et ceux qui mettaient à mal ses prévisions à coup d’opérations policières. Sous la présidence de François Hollande, rien ne change. Au lieu de tirer des conclusions réalistes de l’échec des prédécesseurs, on poursuit leur stratégie en la durcissant. On s’attaque même au dernier espace humanitaire où les exilés pouvaient espérer un peu de paix et de réconfort.

Chasse aux Roms, poursuite des expulsions, persécution aggravée des exilés du Calaisis… On pouvait pourtant s’attendre à un peu plus d’intelligence et à moins de répression et de violence de la part du nouveau gouvernement.

Parmi les victimes de la dernière opération policière en date – Afghans, Erythréens, Somaliens ou Soudanais -, se trouvaient aussi des Syriens. D’un côté, la France plaide à juste raison pour le respect des droits fondamentaux à l’extérieur de son territoire. De l’autre, elle s’en prend à celles et à ceux qui recherchent sa protection à l’intérieur de ses frontières. Quelle cohérence ?

Les organisations signataires expriment leur consternation et leur indignation à l’égard de cette lamentable politique. Ils appellent solennellement les autorités de l’Etat à renoncer à la violence.

PREMIERS SIGNATAIRES

Association des Marocains en France (AMF) – Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF) – Attac – Auberge des migrants (Calais) – Calais Migrant Solidarity – Collectif de soutien des exilés (Paris) – Associations de solidarité avec les

travailleur-euse-s immigré-e-s (Fasti) – Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR) – Fraternité Migrants Bassin Minier 62 – Groupe d’information et de soutien des immigré·es (Gisti) – Groupe non violent Louis Lecoin (Dunkerque) – Ligue des droits de l’homme –la Marmite aux Idées (Calais) – Migreurop – Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) – No Border – Solidaires (Union syndicale) – Sortir du Colonialisme – SUD Education – Syndicat de la magistrature – Terre d’errance Flandre Littorale – Terre d’errance Norrent-Fontes (62) – Terre d’Errance Steenvoorde (59) – T’OP! Théâtre de l’Opprimé (Lille) – Union Démocratique Bretonne

avec le soutien de : Alternative libertaire, Fédération pour une Alternative sociale et écologique (FASE), Gauche anticapitaliste, Les Alternatifs, Nouveau Parti anticapitaliste, Parti de Gauche

 

Droit de vote des étrangers : l’éditorial de Pierre Tartakowsky

Editorial de Pierre Tartakowsky, paru dans la « lettre d’information de la Ligue des droits de l’Homme » datée du 1er octobre. Lire également ici l’intégralité du bulletin.

Si c’est bon… Faisons le vivre !

Il n’y a rien à redire sur la tribune publiée dans le monde sous la signature de 75 députés socialistes en faveur du droit de vote des résidents étrangers aux élections locales. Tout y est !

La volonté de tenir parole, de concrétiser la 50e proposition du candidat François Hollande, le rappel d’une attente profonde au sein de l’opinion publique française, la portée d’une mesure élargissant le corps électoral et, avec lui, l’exercice de la démocratie. Politique, ce texte pointe aussi la nécessité de faire pièce aux ardeurs nationalistes et souvent xénophobes des droites en mal de revanche et insiste sur le fait que le temps n’est pas forcément le meilleur allié des réformes audacieuses.

Cette initiative est importante ; ce n’est pas tous les jours que tant de députés décident de parler d’une même voix et de taper du même poing sur la table. Elle vaut aussi alerte ; car nombre de députés – socialistes ou d’autres obédiences – ont d’évidence, oublié de signer ce texte. Peut-être n’en ont-ils pas été saisis ? Si c’est le cas – et comment le savoir sans le leur demander ?- il faut, toutes affaires cessantes, leur poser la question. Et leur demander d’y répondre, sous une forme ou une autre…

Car cette tribune exceptionnelle signe une inquiétude, celle du renoncement, enrobé d’un silence honteux. Ce n’est pas insulter l’avenir, ni ceux qui l’ont en charge, que de tirer cette sonnette d’alarme. On aimerait que le gouvernement témoigne dans cette affaire d’un niveau de mobilisation et de pugnacité équivalent à celui dont les droites font preuve. Veut-on arrondir les angles ? On risque au mieux d’arrondir les échines alors même qu’il faudrait les redresser, et les têtes avec elles. Faire dos rond n’est ni une perspective ni une stratégie là où il faut courage et esprit de décision. Il suffit pour s’en convaincre de lire la charge violente du Monde qui, après avoir en titre éditorial, qualifié la tribune par lui publié de « chiffon rouge », dresse un acte d’accusation d’une rare violence contre les députés coupables d’exercer leur droit d’expression et ramenés, excusez du peu, au rang de galopins irresponsables offrant « un parfait cheval de bataille à la droite ».

Le Monde a évidemment parfaitement le droit de choisir son camp en cette affaire ; mais cette façon de ramener d’éminents enjeux démocratiques à de calculs de simple opportunité n’honore pas la démocratie. Elle tente de faire passer l’immobilisme pour une stratégie de mouvement et le refus de l’affrontement pour le pinacle du courage politique. Ce faisant elle nous offre, comme en concentré, la formule chimiquement parfaite de la défaite de la pensée, celle là même qui prépare toutes les autres.

Il faut, à un moment, affirmer que l’on n’a pas tort d’avoir raison. Si le vote des résidents étrangers est bon pour la démocratie, s’il est bon pour nos villes et nos territoires, s’il est bon pour le vivre ensemble, il faut le faire vivre. Et si c’est là agiter un chiffon rouge, ma foi… Agitons le sans relâche.

 

Contrôle au faciès : huit associations en appellent au Président et au 1er ministre

Huit organisations appellent le Président de la République et le Premier ministre à respecter leurs engagements pour en finir avec les contrôles « au faciès »

Elles déplorent la posture exprimée sur France 2 par le Premier ministre. Une réforme en profondeur est nécessaire, urgente et réaliste. Liste en fin d’article.

(Paris, le 28 septembre 2012) Lors de son interview sur France 2 jeudi 27 septembre, le Premier ministre, M. Ayrault, a indiqué, au sujet du projet de récépissés de contrôle que « ce n’était pas la bonne réponse » et qu’il « faisait toute confiance » à son ministre de l’Intérieur, abandonnant ainsi l’idée de réformer en profondeur la politique en matière de contrôles d’identité. Ce faisant, M. Ayrault fait une marche arrière très regrettable alors qu’il s’était personnellement engagé, au moment des élections législatives, à faire respecter l’engagement du président de la République. Les huit organisations signataires appellent le Président de la République et le Premier ministre à respecter leurs engagements.

La posture du Premier ministre est incompréhensible alors qu’une réforme des contrôles d’identité, dans le but d’en finir avec les contrôles au faciès, est attendue par une grande partie de la population : celles et ceux qui sont victimes au quotidien de contrôles d’identité abusifs et plus généralement tous ceux qui veulent que l’Etat s’engage réellement contre toutes les formes de discriminations dans notre société.

La réforme en matière de contrôles d’identité est urgente et nécessaire et, contrairement aux affirmations du ministère de l’intérieur, est parfaitement réaliste, et même de nature à améliorer l’efficacité des forces de l’ordre.

Dans sa proposition n°30, François Hollande s’est engagé à “lutter contre le délit de faciès” dans les contrôles d’identité, grâce à « une procédure respectueuse des citoyens ».

Cet engagement essentiel, à haute portée symbolique, doit nécessairement être mis en œuvre pour faire face au problème des contrôles au faciès. En effet, l’engagement du Président est intervenu après des années, durant lesquelles des organisations nationales et internationales ont publié de nombreux rapports mettant en lumière les dérives des contrôles d’identité en France, y compris le contrôle au faciès.

Ces dérives endommagent la relation entre la police et la population, et provoquent le sentiment pour les victimes de ces contrôles d’être considérés comme des citoyens de seconde zone. En outre, dans de nombreux cas, ils sont attentatoires à plusieurs libertés et droits fondamentaux : liberté d’aller et venir, droit à la sûreté, droit à la protection de la vie privée et à la non-discrimination.

La proposition n° 30 du Président représente un engagement de faire respecter l’état de droit et de rétablir un juste équilibre entre la capacité pour les agents de remplir leurs missions tout en assurant la protection des libertés fondamentales. Il représente aussi un engagement de restaurer la sérénité entre police et population et d’améliorer la sécurité de tous.

La position exprimée par M. Ayrault, dans la ligne de celle exprimée par Manuel Valls dans un discours le 19 septembre, est particulièrement regrettable et inquiétante. Ces prises de position interviennent après un débat public réducteur, focalisant principalement sur les récépissés de contrôle et véhiculant de fausses idées sur ceux-ci.

Les expériences réalisées dans d’autres pays ont clairement démontré la possibilité à la fois de réduire la prévalence des pratiques discriminatoires et d’améliorer l’efficacité des contrôles de police. Pour réussir, un fort engagement politique ainsi qu’un ensemble de mesures sont nécessaires.

La délivrance d’un récépissé après un contrôle constitue en effet un élément important d’un dispositif visant à réduire les contrôles au faciès, mais elle ne sera pas suffisante. Une réforme plus globale est nécessaire : réforme de la loi encadrant les contrôles d’identité (article 78-2 du Code de procédure pénale), suivi des contrôles par les superviseurs et cadres policiers, rencontres régulières entre les citoyens/habitants, la police et les élus pour discuter de la pratique des contrôles, formation amenant les agents à réfléchir sur les objectifs des contrôles d’identité et à en user avec discernement.

Au sein d’un tel dispositif, la mise en place des récépissés de contrôle rendra plus transparente la façon dont les contrôles sont effectués, de même qu’elle permettra d’en finir avec la situation anormale qui perdure à ce jour, à savoir l’absence de toute trace matérielle, de tout enregistrement physique des contrôles d’identité. Avec ces documents, conçus pour éviter tout fichage, l’institution policière aura un appui objectif pour démontrer l’absence de discrimination ou de harcèlement dans l’exercice de ses pratiques dans la mesure où lesdits documents pourront confirmer les raisons objectives de chaque contrôle.

Il est anormal que le gouvernement n’ait pas attendu le rapport du Défenseur des droits, et n’ait pas tenu compte de l’avis exprimé par la Commission nationale consultative pour les droits de l’Homme dans son rapport 2011 portant sur « La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie ».

Afin de développer un dispositif approprié, il est essentiel que les divers acteurs — associations, experts, élus locaux, magistrats et avocats, ainsi que le ministère de la Justice — tous concernés, soient consultés et impliqués.

Nos organisations demandent au Président de la République de s’engager à nouveau sur le sujet, et au Premier ministre de reconsidérer d’urgence sa position. Elles appellent le gouvernement à respecter l’engagement n°30 du Président.

Il faut mettre en œuvre immédiatement une véritable consultation et tirer les leçons des expériences menées à l’étranger afin de développer un dispositif susceptible de faire reculer les contrôles au faciès.

Organisations signataires :

Gisti
Graines de France
Human Rights Watch
Ligue des droits de l’Homme
Maison pour un Développement Solidaire
Open Society Justice Initiative
Syndicat des Avocats de France
Syndicat de la Magistrature